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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 15/05/2018
Décision n° 1700321

Solution : Rejet

Décision du Tribunal administratif n° 1700321 du 15 mai 2018

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 septembre 2017 et 25 avril 2018, la SA Air Tahiti, représentée par Me Quinquis, avocat, demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 28 juillet 2017 par laquelle l’inspecteur du travail de la Polynésie française a refusé l’autorisation de licencier M. Frédéric J. ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les 3 griefs qui sont reprochés à M. J., à savoir la publication sur Facebook d’une photo d’une mallette contenant une arme à feu dans le cockpit ainsi que le non respect de la procédure de transport des armes à feu, l’incident d’atterrissage le 8 août 2016 à l’aéroport de Faa’a et le décollage de Nuku Hiva alors que la documentation de l’appareil indiquait une interdiction de voler compte tenu de la nature de la panne signalée, sont fondés ;
- la décision est illégale en ce qu’elle indique que le licenciement est en lien avec les mandats syndicaux de M. J. ;
- les faits reprochés à M. J. sont d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
Vu la décision attaquée.
Par mémoires en défense enregistrés les 30 novembre 2017 et 27 avril 2018, M. J., représenté par Me Chicheportiche, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 339 000 F CFP soit mise à la charge de la SA Air Tahiti au titre des frais liés au litige.
Il fait valoir qu’aucun des moyens n’est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2017, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu’aucun des moyens n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code du travail de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 mai 2018 :
- le rapport de Mme Zuccarello, première conseillère ;
- les conclusions de M. Retterer, rapporteur public ;
- et les observations de Me Quinquis, représentant la SA Air Tahiti, celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française, et celles de Me Chicheportiche, représentant M. J..
Une note en délibéré présentée pour la Polynésie française a été enregistrée le 5 mai 2018.
Considérant ce qui suit :
1. M. Frédéric J. a été recruté par la SA Air Tahiti en 1998 en qualité de copilote, puis a été promu commandant de bord en 2004. Il a été désigné en tant que délégué syndical par le Syndicat Autonome du Personnel Navigant Technique d’Air Tahiti le 27 octobre 2015, et a été élu délégué du personnel suppléant le 28 juillet 2016. Le 16 juin 2017, la SA Air Tahiti a déposé une demande tendant à obtenir l’autorisation de licencier M. J. pour fautes graves mais par une décision du 28 juillet 2017, l’inspecteur du travail a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée. La SA Air Tahiti demande l’annulation de cette décision. Sur la légalité de la décision du 28 juillet 2017 :
2. En vertu des dispositions du code du travail de la Polynésie française, le licenciement d’un salarié protégé, qui bénéficie, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’il représente, d’une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement. Lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi.
3. La société Air Tahiti fait valoir que la décision refusant de lui accorder le licenciement de M. J. est illégale en ce que chacun des griefs invoqués est fondé et qu’il n’existe pas de lien entre ce licenciement et les mandats détenus par l’intéressé.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de l’absence de faute d’une gravité suffisante :
4. La SA Air Tahiti fait valoir que M. J. a commis trois fautes qui sont d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement, contrairement à ce qu’a décidé l’inspecteur du travail.
5. S’agissant du premier grief, il est reproché à M. J. d’avoir publié sur son compte Facebook le 30 mars 2017, une photographie d’une mallette de conditionnement d’une arme à feu prise dans son poste de pilotage et sur laquelle était apposée l’étiquette « Ministère de l’intérieur – Police Nationale », ainsi que l’identité de son détenteur. Il lui est également reproché de ne pas avoir respecté la procédure de transport d’arme à feu selon laquelle les armes devaient être détenues en cabine, et de ne pas avoir rédigé de compte rendu de vol afin de signaler cet incident. Cependant, il ne peut pas être reproché à M. J. d’avoir accepté, à la demande des gardes du corps du garde des sceaux, de conserver leurs armes dans le poste de pilotage pour des raisons de sécurité, alors que les réglementations du transport d’arme d’Air Tahiti et européenne semblent contradictoires, ni davantage de ne pas avoir rédigé de compte rendu de vol, étant dans l’ignorance d’avoir enfreint une règle. En revanche la publication sur un réseau social d’une photographie indiquant qu’une arme à feu est présente à bord de l’appareil, est de nature à mettre en danger l’équipage et les passagers. Si M. J. fait valoir que la photographie n’était accessible qu’à ses amis en nombre très restreint, il ne le démontre pas alors que la preuve lui incombe. En conséquence, ce grief qui ne peut être qualifié de « comportement potache » comme le soutient la Polynésie française, est établi, et il constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. S’agissant du deuxième grief, il est reproché à M. J. d’être à l’origine d’un incident ayant conduit à une remise des gaz à une faible altitude de 106 pieds, en raison de la présence de travaux sur la piste de l’aéroport de Faa’a dont il n’avait pas pris connaissance du fait de son retard de présentation au centre de contrôle des opérations au départ de Bora Bora, le 8 août 2016. Toutefois, l’article LP 1323-1 du code du travail de la Polynésie française dispose que : «Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ». La SA Air Tahiti, à laquelle il appartient d’apporter la preuve qu’elle n’a pas eu connaissance exacte des fais dans les deux mois précédant les poursuites disciplinaires, indique, sans plus de précision, qu’elle n’a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés que le 24 avril 2017. Mais il ressort des pièces du dossier que le compte rendu de vol permettant à la société requérante d’être informée de l’incident a été adressé dès le 8 août 2016, et les raisons de l’analyse tardive en avril 2017 du service SGS, qui au demeurant ne contiennent pas d’éléments nouveaux par rapport à août 2016, ne sont pas fournies par la SA Air Tahiti. En conséquence, ces faits doivent être regardés comme étant prescrits. En outre, si un employeur peut fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits mais qui procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits, en l’espèce le grief opposé à M. J. à la suite de l’incident du 8 août 2016 relèverait de l’insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire. En conséquence, les faits reprochés à M. J. et datant du 8 août 2016 sont prescrits et, ne relevant pas de la récidive disciplinaire, ne pouvaient pas fonder la demande de licenciement pour faute.
7. S’agissant du troisième grief, il est reproché à M. J. d’avoir décollé de l’aéroport de Nuku Hiva alors que le système de gestion des communications était en panne et que cette panne aurait dû le conduire à immobiliser l’appareil dans l’attente d’un dépannage. Cependant, outre que ces faits relèveraient de l’insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire s’ils étaient fondés, il ressort des pièces du dossier que la documentation technique n’était pas suffisamment claire pour indiquer que le vol ne devait pas être poursuivi, ainsi d’ailleurs que l’a reconnu le constructeur de l’appareil dans un courriel du 19 juin 2017. En outre, M. J. a signalé la panne et demandé un dépannage lors de l’atterrissage à l’aéroport d’Atuona, et il a rédigé un compte rendu matériel a posteriori. En conséquence, les faits invoqués ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme étant fautifs.
8. Il résulte de ce qui précède que les seuls faits fautifs qui peuvent être reprochés à M. J. sont relatifs à la publication sur Facebook d’une photographie d’une arme à feu dans son poste de pilotage. Cependant, ils ne sauraient à eux seuls justifier la sanction du licenciement. Et il résulte de l’instruction, que compte tenu de la gravité relative de la faute, l’inspecteur du travail aurait pris la même décision s’il avait retenu ces faits.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de l’existence d’un lien avec le mandat : 9. Pour refuser de délivrer à la SA Air Tahiti l’autorisation de licencier M. J., au motif tiré de ce que le lien avec le mandat n’était pas à exclure, l’inspecteur du travail s’est notamment fondé sur la circonstance qu’il existait une concomitance entre la date à laquelle M. J. a été investi de mandats de représentation et les faits reprochés. Toutefois, il est constant que M. J. a bien commis un fait fautif et que des légèretés dans son comportement professionnel peuvent lui être reprochés sans qu’ils puissent conduire à un licenciement. Dès lors, l’existence d’un lien entre le licenciement et le mandat n’est pas démontrée et le motif est erroné. 10. Cependant, ainsi qu’il a été dit au point 8, et même si la procédure disciplinaire est sans lien avec les mandats de M. J., et qu’un fait fautif peut lui être reproché, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que l’inspecteur du travail a refusé l’autorisation de licencier M. J.. Par suite, la requête de la SA Air Tahiti doit être rejetée. Sur les frais liés à l’instance : 11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Polynésie française, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SA Air Tahiti une somme sur ce fondement. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SA Air Tahiti une somme de 150 000 F CFP qu’elle versera à M. J. au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA Air Tahiti est rejetée.
Article 2 : La SA Air Tahiti versera à M. J. la somme de 150 000 F CFP au titre des frais liés au litige.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. J. est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SA Air Tahiti, à la Polynésie française et à M. J..
Délibéré après l'audience du 2 mai 2018, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère.
Lu en audience publique le 15 mai 2018.
La rapporteure, Le président,
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition Un greffier,
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