Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 15/10/2019 Décision n° 1900202 Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1900202 du 15 octobre 2019 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, M. Lenols T. demande au tribunal d’annuler la décision en date du 6 mai 2019 par laquelle le directeur de la sécurité publique en Polynésie française lui a infligé la sanction du blâme. Il soutient que : - sa demande est recevable ; - les faits reprochés sont matériellement inexacts ; il n’a jamais commis de geste obscène et n’a jamais reconnu les faits décrits par l’administration ; - les faits reprochés, commis en dehors du service, ne peuvent être regardés comme une faute professionnelle de nature à justifier une sanction disciplinaire ; - il n’est pas établi que son comportement aurait porté atteinte au crédit et au renom de la police nationale, en application de l’article R.434-12 du code de la sécurité intérieure; - la sanction est disproportionnée. Par un mémoire enregistré le 30 août 2019, le haut-commissaire de la République en Polynésie française conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le requérant a reconnu les faits reprochés; - les faits justifient une sanction ; - le comportement de M. T. a provoqué un trouble; - la sanction n’est pas disproportionnée. Vu : - la décision attaquée ; - les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Tallec, président, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - les observations de M. Chang, représentant le haut-commissaire de la République en Polynésie française. Considérant ce qui suit : 1. Le 28 avril 2017 à 17h00, une altercation a opposé M. D., brigadier-chef de police au sein de la direction de la sécurité publique en Polynésie française, et son collègue M. T., gardien de la paix, à M. Teiki I., gérant du restaurant « Lou Pescadou », à Papeete. Ce dernier s’est présenté le même jour à 18h45 à la DSP pour déposer plainte à l’encontre des intéressés pour des faits de violence. Cette plainte a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Papeete. Dans le même temps, l’administration a décidé d’ouvrir une enquête administrative sur les faits en cause. Les documents afférents à cette enquête ayant disparu, le directeur de la sécurité publique a demandé le 16 janvier 2018 à son adjoint de diligenter « une nouvelle enquête administrative à l’encontre de ces fonctionnaires de police afin d’établir un éventuel manquement au code de déontologie ». Par décision du 2 mars 2018, le directeur de la sécurité publique en Polynésie française a prononcé un blâme à l’encontre de M. T., qui a formé le 4 mai 2018 un recours gracieux auquel aucune suite n’a été donnée. Par jugement n°1800295 du 12 février 2019, le tribunal a annulé la sanction en cause, au motif qu’elle était intervenue à la suite d’une procédure irrégulière. Par décision du 6 mai 2019, notifiée à l’intéressé le même jour, le directeur de la sécurité publique en Polynésie française a une nouvelle fois infligé la sanction du blâme à M. T.. 2. En premier lieu, M. T. fait valoir que « l’administration a dénaturé les faits dans l’énoncé qu’elle a établi dans la fiche sanction », et précise qu’il « n’a jamais effectué de geste obscène » et « n’a jamais reconnu les faits tels que décrits par l’administration ». Toutefois, il a signé sans réserve le procès-verbal d’audition dressé le 2 février 2018, qui mentionne expressément l’ « altercation » litigieuse, et dans lequel il précise avoir « saisi au niveau de la mâchoire » M. I., « afin de l’éloigner de Yann » et s’étant senti insulté par des paroles prononcées, y a « répondu par une danse rituelle marquisienne ». En outre, les témoignages de deux personnes présentes sur les lieux précisent qu’il a mimé un geste obscène en réponse à une remarque formulée par la gérante de l’établissement. Par suite, le moyen tiré de l’inexactitude matérielle des faits doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l’article R.434-12 du code de la sécurité intérieure : « Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s’abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. » Il résulte de ces dispositions que le comportement d’un fonctionnaire de police en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction. Par suite, le moyen tiré de ce que les faits reprochés à M. T. se sont produits en dehors du service, et qu’il ne portait aucune tenue ou aucun signe permettant de l’identifier en tant que policier, ne peut qu’être écarté. 4. En troisième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que le comportement de M. T., résultant certes de l’attitude du gérant de l’établissement, a provoqué un trouble au sein de celui-ci. Il traduit de la part du fonctionnaire de police, dont la mission est de veiller à la préservation de l’ordre public, un manque de discernement et un défaut de maîtrise personnelle. Alors même que l’incident en cause n’aurait pas été médiatisé, il a été de nature à nuire à la considération portée au service, compte tenu notamment des spécificités locales, marquées par une forte proximité entre les forces de l’ordre et la population. Dans ces conditions, les faits en cause doivent être regardés comme justifiant une sanction. 5. En quatrième lieu, aux termes de l’article 66 de la loi n° n°84-16 du 11 janvier 1984 : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l’avertissement ; - le blâme ; - l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours …Parmi les sanctions du premier groupe, le blâme et l’exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période.» M. T. fait valoir que « le blâme infligé aux agents a une répercussion sur leur carrière pour l’avancement, ainsi que sur le bénéfice de certaines primes », que l’administration « réprime un comportement du fonctionnaire survenu alors qu’il n’était pas en service » et qu’elle « s’immisce ainsi dans le cadre de sa vie privée en apportant une appréciation discrétionnaire sur son comportement en dehors de son service s’assimilant à un jugement moral » . Il ne ressort toutefois pas des pièces versées au dossier, qu’au regard du manquement commis par l’intéressé et des effets limités du blâme, la sanction litigieuse aurait en l’espèce un caractère disproportionné. DECIDE : Article 1er : La requête de M. Lenols T. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. T. et au haut-commissaire de la République en la Polynésie française. Fait à Papeete, le 15 octobre 2019. Le président, La greffière, J.-Y. Tallec D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |