Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 23/12/2019 Décision n° 1900454 Type de recours : Plein contentieux Solution : Satisfaction partielle | Ordonnance du Tribunal administratif n° 1900454 du 23 décembre 2019 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019, la SARL Saga Polynésie, représentée par Me Fidèle, demande au juge des référés : 1°) d’annuler la procédure de passation des lots n°1, 2, 3 et 4 du marché d’acquisition d’équipements de protection individuelle, de vêtements et d’accessoires de travail pour les agents de la commune de Mahina ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Mahina une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucune annexe détaillant le jugement des offres ne figure en annexe du règlement de la consultation, en méconnaissance des dispositions de ce dernier ; - le jugement des offres a notamment été fait sur la base de deux sous-critères non portés à la connaissance des candidats. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, la commune de Mahina conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la SARL Saga Polynésie une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le référé est irrecevable, faute pour la SARL Saga Polynésie de justifier d’un intérêt lésé ; - le renvoi à une annexe détaillant le jugement des offres constitue une simple erreur matérielle ; - l’exigence de délai de livraison figure à l’article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières et la mention des délais de livraison devait figurer dans l’acte d’engagement, de sorte que la SARL Saga Polynésie avait nécessairement connaissance de ce critère ; le critère « correspondance des produits » se confond avec la valeur technique de l’offre ; - l’annulation de la procédure aurait des conséquences préjudiciables à l’intérêt public, dans la mesure où il s’agit de commander des équipements de protection nécessaires à la sécurité des agents. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, la société HHST conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les délais de livraison étaient bien demandés dans les actes d’engagement. Par ordonnance du 10 décembre 2019, le juge des référés a enjoint à la commune de Mahina de différer la signature du marché litigieux au plus tard jusqu’au 27 décembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code polynésien des marchés publics ; - le code de justice administrative. Ont été entendus au cours de l’audience publique, à laquelle les parties ont été régulièrement convoquées : - Mme Theulier de Saint-Germain, premier conseiller, en son rapport ; - Me Fidèle, représentant la SARL Saga Polynésie, M. Charbonnier, représentant la commune de Mahina et M. Vappereau, représentant la société HHST, qui ont repris les moyens et arguments sus analysés. La SARL Saga Polynésie soutient en outre qu’elle justifie d’un intérêt lésé dès lors qu’elle a obtenu, pour 3 lots, la note maximale s’agissant du critère prix et une note très inférieure s’agissant du critère « délai de livraison », qu’elle aurait été amenée à modifier son offre si elle avait su que le délai de livraison constituait un critère de sélection des offres et que les agents de la commune bénéficient déjà d’équipements. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l’article L.551-24 du code de justice administrative : « (…) en Polynésie française (…), le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés et contrats publics en vertu de dispositions applicables localement. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le haut- commissaire de la République dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. » 2. La commune de Mahina a lancé une procédure en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande, décomposé en quatre lots, portant sur des équipements de protection individuelle, de vêtements et d’accessoires de travail pour les agents de la commune. Le 21 novembre 2019, la commune de Mahina a informé la SARL Saga Polynésie du rejet de l’offre qu’elle a présentée pour chacun des quatre lots. Par la présente requête, cette dernière demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 551-24 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de publicité et de mise en concurrence ayant conduit à l’attribution des lots 1, 2 et 4 à la société HHST et du lot n°3 à la SARL Défense Consulting Pacific. 3. D’une part, la société SARL Saga Polynésie n’est pas fondée à invoquer l’absence d’annexe au règlement de consultation détaillant le jugement des offres, une telle mention relevant d’une simple erreur matérielle. 4. D’autre part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre. 5. Le règlement de consultation du marché litigieux précisait, en son article 8, que l’offre économiquement la plus avantageuse serait déterminée en fonction du prix des prestations pour 70 % et de la valeur technique de l’offre, sans autre précision, pour 30 %. 6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du courriel du directeur de la régie de l’eau du 28 novembre 2019 et du courriel du directeur des services techniques de la commune de Mahina en date du 3 décembre 2019, que l’analyse technique des offres a été faite sur la base d’un critère « correspondance des produits » et d’un critère « délais de livraison ». Ce faisant, la commune de Mahina a fait usage de sous-critères susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection, devant en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection et faire l’objet d’une information appropriée des candidats dès l’engagement de la procédure. Si, ainsi que le fait valoir la commune de Mahina, l’article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières mentionnait un délai plafond de 60 ou 75 jours calendaires selon les prestations et que le délai d’exécution proposé par le candidat devait figurer à l’acte d’engagement, ces indications ne pouvaient toutefois se substituer à la mention du délai de livraison parmi les critères de sélection des offres. 7. En se fondant sur des critères non portés à la connaissance des candidats, la commune de Mahina a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Le manquement en cause, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible d’avoir lésé la SARL Saga Polynésie s’agissant des lots 1, 2 et 4, dès lors qu’elle a obtenu pour ces lots la note maximale s’agissant du critère « prix des prestations » et que son éviction est la conséquence directe de la note qui lui a été attribuée en ce qui concerne les caractéristiques techniques de son offre. 8. En revanche, ne constitue pas un manquement susceptible d'avoir lésé l'entreprise ayant saisi le juge du référé précontractuel l'erreur commise par le pouvoir adjudicateur au titre d'un critère pour lequel l'entreprise requérante a obtenu la note maximale. S’agissant du lot n°3, il ressort du courrier du 21 novembre 2019 par lequel la commune de Mahina a rejeté l’offre de la SARL Saga Polynésie que cette dernière a obtenu la note maximale de 30 points sur 30 s’agissant des caractéristiques techniques de son offre, de sorte que le défaut d’information précédemment relevé n’est pas susceptible de l’avoir lésée en ce qui concerne la passation de ce lot. Sur la mise en œuvre des pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels : 9. Le juge des référés précontractuels s'est vu conférer par les dispositions précitées de l'article L. 551-24 du code de justice administrative le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration, de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, d'annuler ces décisions et de supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Dès lors qu'il est régulièrement saisi, il dispose de l'intégralité des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés pour mettre fin, s'il en constate l'existence, aux manquements de l'administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, la commune de Mahina ne pouvant, en tout état de cause, utilement demander l’application des dispositions de l’article L.551-2 du code de justice administrative, non applicables en Polynésie française. 10. Le manquement tenant à l’absence d’information sur les critères de sélection des offres implique de prononcer l’annulation intégrale du marché. Il y a ainsi lieu d’annuler l’ensemble de la procédure de passation des lots n°1, 2 et 4 du marché d’acquisition d’équipements de protection individuelle, de vêtements et d’accessoires de travail pour les agents de la commune de Mahina. Sur les conclusions au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative: 11. Les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la SARL Saga Polynésie. 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Mahina le versement à la SARL Saga Polynésie d’une somme de 150 000 F CFP en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE Article 1er : La procédure de passation des lots n°1, 2 et 4 du marché d’acquisition d’équipements de protection individuelle, de vêtements et d’accessoires de travail pour les agents de la commune de Mahina est annulée. Article 2 : La commune de Mahina versera à la SARL Saga Polynésie une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Saga Polynésie, à la société HHST, à la SARL Défense Consulting Pacific et à la commune de Mahina. Fait à Papeete, le 23 décembre 2019. Le juge des référés, La greffière, E. Theulier de Saint-Germain D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |