Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 18/03/2021 Décision n° 2100085 Solution : Rejet | Ordonnance du Tribunal administratif n° 2100085 du 18 mars 2021 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, Mme Myriam X., représentée par Me Millet, demande au juge des référés de : - prononcer la suspension de l’arrêté n°1245 PR du 29 décembre 2020, publié au JOPF le 5 janvier 2021, portant refus de sa demande de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora ; - d’enjoindre à l’administration de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans un délai d’un mois, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 50 000 FCFP par jour de retard. Elle soutient que : - sur la recevabilité : une requête en annulation a été déposée ; - sur l’urgence : compte tenu des quotas et du nombre de pharmacies en Polynésie française, elle n’a aucune autre possibilité de créer une pharmacie sur le territoire, de sorte que ce refus d’autorisation s’analyse en une entrave insurmontable à sa liberté d’entreprendre ; une nouvelle fenêtre de dépôt des demandes s’est ouverte en février 2021 et pourrait donner lieu à une autorisation courant juin 2021, qui exclurait définitivement pour elle toute perspective de création d’une nouvelle officine ; elle subit d’ores et déjà, depuis le début de l’année 2021, une perte de chance d’exploiter une officine de pharmacie dans le secteur de Nunue 2 à Bora Bora, et elle subit également un préjudice financier direct et concret au titre du paiement du loyer commercial dont elle s’acquitte chaque mois pour conserver le local dans lequel elle envisage d’installer son officine. Elle est ainsi placée dans une situation financière difficile au regard de son salaire. - sur le doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué : - le pouvoir réglementaire ne pouvait pas, dans le même arrêté, fixer le secteur d’implantation de la future officine et à la fois rejeter sa demande au motif qu’elle ne portait pas sur ce secteur ; - cette décision a été prise par une autorité incompétente, en l’occurrence le Président, alors qu’elle relevait de la compétence du conseil des ministres ; - cette décision procède d’une erreur d’appréciation de la notion de « desserte optimale de la population », dès lors que le secteur de Anau est insuffisamment peuplé (2044 habitants sur 6,58 km, soit une densité de 310 habitants par km), qu’il est totalement dépourvu d’une quelconque offre médicale (il ne compte notamment pas le moindre médecin prescripteur), et qu’il n’offre enfin aucune activité économique, administrative, sociale, ou culturelle, significative ; au contraire, le secteur de Nunue 2 où elle projette de s’installer dispose de la densité de population de très loin la plus élevée de l’île de Bora Bora (2261 habitants sur 1,24 km, soit 1810 habitants par kilomètre), et elle se situe dans la zone qui concentre la totalité de l’offre médicale de Bora Bora (29 professionnels de santé, dont 8 médecins généralistes) et de l’activité économique, administrative, sociale et culturelle de l’île ; - le refus d’autorisation est fondé sur des critères qui ne sont pas ceux que prévoit la loi en matière de création : le critère de « besoin réel de la population », invoqué par l’arrêté contesté, ne doit être pris en compte que dans le cadre d’un transfert d’officine ; la notion d’« impératif de santé publique » invoqué par l’arrêté n’est pas prévue par les textes ; l’appréciation de la desserte de la population en médicaments ne s’apprécie pas au niveau de la commune comme l’indique l’arrêté contesté, mais au niveau des « quartiers d’accueil » comme le prévoit l’article 25 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ; - l’arrêté est entaché d’erreur d’appréciation quant aux besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil (Nunue 2) : la densité de la population dans le secteur de Nunue 2 est la plus importante de Bora Bora ; Nunue 2 concentre une importante offre médicale et une seconde pharmacie est nécessaire dans ce secteur. Par un mémoire enregistré le 16 mars 2021, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la condition d’urgence n’est pas satisfaite : l’intéressée a attendu l'extrême limite du délai de recours contentieux pour introduire ses actions ; il lui est loisible de s’installer ailleurs en Polynésie française notamment à Hitia'a O Te Ra, ainsi que dans toutes les communes ne disposant d'aucune officine, telles que Maupiti ; au demeurant elle a déposé une nouvelle demande en cours d’instruction et qui donnera lieu à une réponse avant celle que le juge des référés serait amené à enjoindre de prononcer ; si elle fait état de ses difficultés financières liées aux frais de location du local dans lequel elle envisage d'installer son officine et de son appartement, rien au dossier n’établit que son salaire serait son unique source de revenu ou que l’état de son patrimoine justifierait la précarité de sa situation ; - la condition de doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée n’est pas remplie. L'arrêté n’a absolument pas pour objet de fixer un secteur d'implantation, cette indication n’apparaissant dans les considérants qu'à titre d'information, et en préambule aux considérants suivants. Le secteur d'Anau n’est pas dépourvu d'activités et est fréquenté par une importante population, notamment scolaire et de travailleurs ou clients d’hôtels, actuellement dépourvue de pharmacie. Le critère du besoin réel de la population doit être pris en compte dans le cadre d'un transfert d'officine mais également dans le cadre d'une création d'officine. Il n’est nullement besoin que l’impératif de santé publique soit inscrit dans les textes pour que l’autorité sanitaire en tienne compte. La requérante n'a nullement démontré qu'il y aurait un besoin à Nunue 2 alors qu’une pharmacie est déjà installée à 1250 mètres et elle ne démontre en rien que l'officine existante ne pourvoit pas déjà aux besoins de la population de ce secteur de l'île. La légalité d’un refus d'autorisation de création d'officine au même emplacement et dans le même local a été confirmée récemment par la juridiction administrative. Si la création d'une deuxième officine est possible et même nécessaire à Bora Bora, il convient de privilégier le secteur d'Anau qui à défaut serait voué à ne jamais bénéficier d'offre pharmaceutique car compte tenu de la réglementation et des quotas de population, il faudrait attendre que la population de l'île atteigne 17 001 habitants pour y ouvrir une troisième pharmacie. Vu la décision attaquée, la requête enregistrée sous le n°2100084 tendant notamment à son annulation et les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 modifiée relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique, Me Millet pour Mme X. et M. Lebon représentant la Polynésie française, qui ont repris les moyens et arguments sus analysés. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ». 2. En l’état de l’instruction, aucun des moyens susvisés de la requête de Mme X. ne paraît propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. Ses conclusions à fins de suspension et d’injonction doivent donc être rejetées. ORDONNE : Article 1er : La requête de Mme Myriam X. est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Myriam X. et à la Polynésie française. Fait à Papeete, le 18 mars 2021 Le président, Le greffier, P. Devillers M. Estall La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |