Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 08/02/2022 Décision n° 2100374 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet Domaine : Prévoyance sociale - Santé | Décision du Tribunal administratif n° 2100374 du 08 février 2022 Tribunal administratif de Polynésie française Vu les procédures suivantes : I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 2100084 les 4 mars et 10 août 2021, Mme Myriam X., représentée par Me Millet, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n°1245 PR du 29 décembre 2020, publié au JOPF le 5 janvier 2021, portant refus de sa demande de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora ; 2°) d’enjoindre à l’administration de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans un délai d’un mois, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, en l’occurrence le président de la Polynésie française, alors qu’elle relevait de la compétence du conseil des ministres ; - le pouvoir réglementaire ne pouvait pas, dans le même arrêté, fixer le secteur d’implantation de la future officine et, à la fois, rejeter sa demande au motif qu’elle ne portait pas sur ce secteur ; de ce point de vue, l’arrêté litigieux méconnaît l’article 25 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ainsi que la circulaire n° 2004-440 du 13 septembre 2004 ; - en lui imposant implicitement une implantation à Anau et en autorisant finalement un autre candidat à s’implanter à Nunue, l’autorité administrative susvisée a entaché l’acte en cause de fraude ; - cette décision procède d’une erreur d’appréciation de la notion de « desserte optimale de la population », dès lors que le secteur de Anau est insuffisamment peuplé (2044 habitants sur 6,58 km, soit une densité de 310 habitants par km), qu’il est totalement dépourvu d’une quelconque offre médicale (il ne compte notamment pas le moindre médecin prescripteur), et qu’il n’offre enfin aucune activité économique, administrative, sociale, ou culturelle, significative ; au contraire, le secteur de Nunue 2 où elle projette de s’installer dispose de la densité de population de très loin la plus élevée de l’île de Bora Bora (2261 habitants sur 1,24 km, soit 1823 habitants par kilomètre), et elle se situe dans la zone qui concentre la totalité de l’offre médicale de Bora Bora (29 professionnels de santé, dont 8 médecins généralistes) ; elle a proposé de mettre en place un service gratuit de livraison à domicile pour la population de Bora Bora et notamment pour le district de Anau qui, au demeurant, ne figure pas au nombre des quartiers prioritaires ; - le refus d’autorisation litigieux est entaché d’une erreur de droit en ce qu’il est fondé sur des critères qui ne sont pas ceux que prévoit la loi en matière de création : le critère de « besoin réel de la population », invoqué par l’arrêté contesté, ne doit être pris en compte que dans le cadre d’un transfert d’officine ; la notion d’« impératif de santé publique » invoqué par l’arrêté n’est pas prévue par les textes ; l’appréciation de la desserte de la population en médicaments ne s’apprécie pas au niveau de la commune comme l’indique l’arrêté contesté, mais au niveau des « quartiers d’accueil » comme le prévoit l’article 25 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ; - l’arrêté contesté est entaché d’erreur d’appréciation quant aux besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil (Nunue 2) : la densité de la population dans le secteur de Nunue 2 est la plus importante de Bora Bora ; Nunue 2 concentre une importante offre médicale et une seconde pharmacie sur l’île, dont une première officine dans le secteur de Nunue 2, est nécessaire. - la loi impose une distance minimum d’un kilomètre entre la future pharmacie et la pharmacie préexistante, de sorte que la distance prévue en l’espèce de 1 250 mètres est parfaitement conforme ; - la demande d’un autre pharmacien a été acceptée, par arrêté du 1er juin 2021, précisément dans le secteur de Nunue pour lequel l’administration soutenait qu’il n’y avait pas besoin de pharmacie et sa seconde demande a été également refusée par un arrêté du 2 juin 2021. Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mai et 26 août 2021, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que l’arrêté n’a absolument pas pour objet de fixer un secteur d'implantation, cette indication n’apparaissant dans les considérants qu'à titre d'information, et en préambule aux considérants suivants. Le secteur d'Anau n’est pas dépourvu d'activités et est fréquenté par une importante population, notamment scolaire et de travailleurs ou clients d’hôtels, actuellement dépourvue de pharmacie. Le critère du besoin réel de la population doit être pris en compte dans le cadre d'un transfert d'officine mais également dans le cadre d'une création d'officine. Il n’est nullement besoin que l’impératif de santé publique soit inscrit dans les textes pour que l’autorité sanitaire en tienne compte. La requérante n'a nullement démontré qu'il y aurait un besoin à Nunue 2 alors qu’une pharmacie est déjà installée à 1250 mètres et elle ne démontre en rien que l'officine existante ne pourvoit pas déjà aux besoins de la population de ce secteur de l'île. La légalité d’un refus d'autorisation de création d'officine au même emplacement et dans le même local a été confirmée récemment par la juridiction administrative. Si la création d'une deuxième officine est possible et même nécessaire à Bora Bora, il convient de privilégier le secteur d'Anau qui, à défaut, serait voué à ne jamais bénéficier d'offre pharmaceutique car compte tenu de la réglementation et des quotas de population, il faudrait attendre que la population de l'île atteigne 17 001 habitants pour y ouvrir une troisième pharmacie. II - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 2100374 les 31 juillet et 22 novembre 2021, Mme Myriam X., représentée par Me Millet, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n° 323 PR du 2 juin 2021, publié au JOPF le 8 juin 2021, portant refus de sa demande de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora ; 2°) d’annuler l’arrêté n° 322 PR du 1er juin 2021, publié au JOPF le 8 juin 2021, portant autorisation de la demande de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue, à M. Teano Y. ; 3°) d’enjoindre à l’administration de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans un délai d’un mois, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne l’arrêté n° 323 PR du 2 juin 2021 : - la décision attaquée, en fixant implicitement une distance minimale entre la pharmacie existante et la future officine de Bora Bora, a été prise par une autorité incompétente, en l’occurrence le président de la Polynésie française, alors qu’elle relevait de la compétence du conseil des ministres ; - le pouvoir réglementaire ne pouvait pas, dès lors que son projet est situé à 1 250 mètres de l’officine existante, invoquer dans l’arrêté litigieux cette même distance, qui est supérieure au minimum légal de 1 000 mètres, comme motif de refus de sa demande ; l’administration a fixé arbitrairement et implicitement une distance minimale non précisée ; l’administration ne peut imposer une distance minimale et rejeter, dans le même temps, une demande d’implantation ; de ce point de vue, l’arrêté litigieux méconnaît l’article 25 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ainsi que la circulaire n° 2004-440 du 13 septembre 2004 ; - le secteur de Nunue 2 où elle projette de s’installer dispose de la densité de population de très loin la plus élevée de l’île de Bora Bora (2261 habitants sur 1,24 km, soit 1823 habitants par kilomètre), et elle se situe dans la zone qui concentre la totalité de l’offre médicale de Bora Bora (29 professionnels de santé, dont 8 médecins généralistes) ; - le refus d’autorisation litigieux est entaché d’une erreur de droit en ce qu’il est fondé sur des critères qui ne sont pas ceux que prévoit la loi en matière de création : le critère de « réel besoin de la population », invoqué par l’arrêté contesté, ne doit être pris en compte que dans le cadre d’un transfert d’officine ; la notion d’« impératif de santé publique » invoqué par l’arrêté n’est pas prévue par les textes ; l’appréciation de la desserte de la population en médicaments ne s’apprécie pas au niveau de la commune comme l’indique l’arrêté contesté, mais au niveau des « quartiers d’accueil » comme le prévoit l’article 25 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ; - l’arrêté contesté est entaché d’erreur d’appréciation quant aux besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil (Nunue 2) : la densité de la population dans le secteur de Nunue 2 est la plus importante de Bora Bora ; Nunue 2 concentre une importante offre médicale et une seconde pharmacie sur l’île, dont une première officine dans le secteur de Nunue 2, est nécessaire. - la demande d’un autre pharmacien a été acceptée, par arrêté du 1er juin 2021, précisément dans le secteur de Nunue pour lequel l’administration soutenait qu’il n’y avait pas besoin de pharmacie et sa seconde demande a été également refusée par un arrêté du 2 juin 2021. En ce qui concerne l’arrêté n° 322 PR du 1er juin 2021 : - l’administration a commis une erreur d’appréciation de la notion de « desserte optimale de la population » en accordant à M. Y. une autorisation d’ouverture ; le secteur de Nunue 3 où se situe le projet de M. Y. est le secteur le moins densément peuplé de l’île avec 193 habitants par kilomètre et, où l’offre médicale y est inexistante ; le lieu d’implantation de la pharmacie de M. Y., qui demeure également éloigné des zones isolées situées de l’autre côté de l’île, ne correspond donc pas à un emplacement optimal pour répondre aux besoins de la population en médicaments ; le projet de M. Y. ne semble pas impliquer l’ouverture d’une annexe dans le secteur éloigné de Anau, ni de service de livraison de médicament à domicile, contrairement à ce que propose Mme X. ; - elle devrait bénéficier d’un droit d’antériorité par rapport au dossier de M. Y., au titre de sa première demande ; - M. Y. a bénéficié d’une situation de « passe-droit » dès lors que son père, médecin inspecteur de santé publique au sein de l’ARASS, est impliqué au plus haut niveau dans le processus décisionnel en matière de création d’officine de pharmacie ; il n’a que très peu d’expérience en officine pharmaceutique contrairement à elle ; le dossier de demande de M. Y. comporte curieusement des passages « copiés/collés » de son propre projet. Par des mémoires enregistrés les 23 septembre et 20 décembre 2021, M. Teano Y., représenté par la Selarl Jurispol, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 200 000 F CFP soit mise à la charge de Mme X. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens exposés par la requérante ne sont pas fondés, que son projet de création d’officine de pharmacie présente des qualités supérieures à celui de Mme X. et que celle-ci fait par ailleurs état d’allégations mensongères et diffamantes à son égard. Par des mémoires en défense enregistrés les 28 octobre et 18 décembre 2021, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens présentés dans la requête, tenant notamment à l’erreur d’appréciation que l’administration aurait commise à l’occasion du second refus opposé à Mme X., ne sont pas fondés et qu’il en est ainsi également des critiques, parfois excessives, formulées par la requérante à l’encontre du projet autorisé de M. Y.. Une note en délibéré, enregistrée le 28 janvier 2022, a été produite par la Polynésie française. Une note en délibéré, enregistrée le 31 janvier 2022, a été produite pour M. Y.. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Graboy-Grobesco, - les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteure publique, - les observations de Me Millet pour Mme X., celles Mme Ahutoru représentant la Polynésie française et celles de Me Quinquis pour M. Y.. Considérant ce qui suit : 1. Mme X., pharmacienne, a sollicité à deux reprises, le 31 août 2020 et à l’occasion de la fenêtre d’ouverture du mois de février 2021, la délivrance d’une licence pour la création et l’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, dans l’enceinte du centre commercial « Résidence Alana », PK 4,4 sur le territoire de la commune associée de Nunue (district de Nune 2) qui compte entre 5 614 et 5 809 habitants. Par des arrêtés des 29 décembre 2020 et 2 juin 2021, le président de la Polynésie française a rejeté ces demandes. Par un arrêté du 1er juin 2021, la même autorité administrative a autorisé M. Y. à créer et exploiter une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue. Par les requêtes susvisées, qui présentent à juger des questions semblables, qui ont fait l’objet d’une instruction commune et qu’il y a lieu de joindre pour statuer par un seul jugement, Mme X. demande au tribunal l’annulation des arrêtés précités. Sur les conclusions à fin d’annulation : En ce qui concerne les arrêtés des 29 décembre 2020 et 2 juin 2021 : 2. D’une part, si Mme X. soutient que l’arrêté du 29 décembre 2020 a été adopté par une autorité incompétente, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté a été pris par le président de la Polynésie française lequel, en vertu de l’article 64 de la loi statutaire susvisée, est compétent pour prendre « les actes à caractère non réglementaire nécessaires à l’application des actes prévus à l’article 140 dénommés « lois du pays », des délibérations de l’assemblée de la Polynésie française et des règlements ». D’autre part, il ressort des pièces du dossier que le président de la Polynésie française s’est prononcé sur le second dossier de demande de Mme X. de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora dans sa globalité. L’arrêté également en litige du 2 juin 2021 n’ayant pas eu pour objet de fixer implicitement une distance minimale à respecter entre la pharmacie existante et la future officine de Bora Bora, le moyen tiré de l’incompétence du président de la Polynésie française pour se prononcer sur cette question doit dès lors être écarté. 3. Aux termes de l’article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 modifiée, relative à certaines dispositions concernant l’exercice de la pharmacie : « Les créations et les transferts d’officines de pharmacie ouvertes au public doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d’accueil de ces officines./ Les créations et les transferts d’officines de pharmacie ouvertes au public ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d’assurer un service de garde et d’urgence satisfaisant. Toute création d’une nouvelle officine et tout transfert d’une officine d’un lieu dans un autre sont subordonnés à l’octroi d’une licence délivrée par l’autorité compétente ». (…) / Lorsqu’il est saisi d’une demande de création ou de transfert, l’autorité compétente peut imposer une distance minimum entre l’emplacement prévu pour la future officine et l’officine existante la plus proche. Cette distance minimum doit être supérieure à celles prévues « au dernier alinéa » de l’article 26. / L’autorité compétente peut, en outre, en vue d’assurer une desserte optimale de la population résidant à proximité de l’emplacement de la future officine, déterminer le ou les secteurs de la commune dans lesquels l’officine devra être située. (…) ». Aux termes de l’article 26 de cette délibération : « (…) Dans les communes d’une population inférieure à 5 000 habitants, il ne peut être délivré plus d’une licence d’officine de pharmacie. / L’ouverture d’une nouvelle officine dans une commune de plus de 5 000 habitants où une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de création à raison d’une autorisation par tranche entière supplémentaire de 5 000 habitants recensés dans la commune pour la deuxième officine et à raison d’une autorisation par tranche entière supplémentaire de 7 000 habitants pour les suivantes, à l’exception de la commune de Papeete. (…). La distance à respecter entre une officine existante et une officine à créer est fixée à 300 mètres dans la commune de Papeete, à 650 mètres dans les communes de Mahina, Arue, Pirae, Faa’a, Punaauia et à 1 000 mètres dans les autres communes. Cette distance est à respecter vis-à-vis d’une officine déjà implantée sur le territoire de la commune limitrophe. Les distances entre chaque officine sont calculées en suivant les voies les plus courtes ouvertes à la circulation publique entre et à l’aplomb des portes d’entrée permettant l’accès au public. ». Quant aux motifs de l’arrêté du 29 décembre 2020 : 4. Pour refuser la première demande formée par Mme X., le président de la Polynésie française s’est notamment fondé sur le fait qu’aucune pharmacie n’était implantée sur le secteur d’Anau. Toutefois, dès lors que l’autorité compétente pour autoriser la création d’une officine de pharmacie peut déterminer le ou les secteurs de la commune dans lesquels l’officine devra être située ainsi que les dispositions mentionnées au point précédent le prévoient, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté attaqué méconnait l’article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 précitée. Par ailleurs, si l’intéressée se fonde également sur le contenu de la circulaire n° 2004-440 du 13 septembre 2004, elle reconnaît toutefois elle-même que ce texte, au demeurant dépourvu de valeur réglementaire, n’est cité qu’à titre informatif sans que sa méconnaissance ne puisse en l’espèce être utilement invoquée. 5. La circonstance que le président de la Polynésie française ait autorisé ultérieurement un autre candidat à exploiter une officine de pharmacie à Nunue, et non dans le secteur d’Anau, n’est pas de nature à révéler une fraude entachant la légalité de l’arrêté contesté. 6. L’arrêté litigieux s’est également fondé sur le fait que la zone d’implantation projetée du projet d’officine de Mme X. se situe à 1 250 mètres de l’officine existante, qu’aucun réel besoin de la population ni aucun impératif de santé publique ne nécessite l’ouverture d’une deuxième officine à l’emplacement proposé, qu’il n’est pas démontré que la pharmacie existante située à Vaitape ne pourvoit pas déjà aux besoins de la population de cette zone de chalandise et que, si le projet se situe à plus de 1 000 mètres de la pharmacie existante, il ne permet pas une desserte optimale de l’ensemble de la population de la commune de Bora Bora et n’améliore pas l’offre pharmaceutique. 7. D’une part, à supposer tout d’abord que le motif tiré de ce qu’aucune officine n’est implantée sur le secteur d’Anau soit un motif prépondérant de l’acte contesté, il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qu’énonce la requérante, que ce secteur n’est pas dépourvu d’activités ni d’équipements. Ce secteur est en effet le point de départ par bateau de bon nombre de salariés d’hôtels réputés situés à l’Est de l’île de Bora Bora. Ce motif ne peut dès lors être regardé comme erroné et entachant, à lui seul, l’arrêté litigieux d’illégalité. D’autre part, il n’est pas démontré que la pharmacie existante, située dans le centre de Vaitape (district de Nunue), distante de 1 250 mètres du projet d’implantation litigieux, ne pourvoit pas déjà suffisamment aux besoins en médicaments de la population de la zone de chalandise à laquelle cette officine répond quand bien même ce secteur, en partie urbanisé, est assez densément peuplé et dispose d’une offre et de structures médicales conséquentes. Dans ces conditions, alors qu’il n’est pas contesté que la population municipale de Bora Bora a augmenté de 9,77 % entre 2012 et 2017, et que cette évolution conséquente de la population concerne également d’autres communes associées que celle de Nunue, le président de la Polynésie française n’a pas davantage, en refusant l’implantation et l’exploitation de la pharmacie envisagée par Mme X. laquelle, comme indiqué, n’est située qu’à une distance de 1 250 mètres de l’officine existante, au motif que le projet litigieux ne permet pas une desserte optimale de l’ensemble de la population de la commune de Bora Bora et n’améliore pas l’offre pharmaceutique, entaché l’arrêté contesté d’une erreur d’appréciation. 8. Si l’arrêté attaqué se fonde, comme indiqué précédemment, sur le fait qu’aucun « réel besoin de la population » ne nécessite l’ouverture d’une deuxième officine à l’emplacement proposé, le recours à un tel critère, expressément prévu pour les transferts d’officine, n’est toutefois pas de nature à entacher d’illégalité l’arrêté litigieux répondant à une demande de création et d’autorisation d’une officine de pharmacie dès lors que la référence au besoin réel de la population doit s’entendre en l’espèce comme un élément parmi d’autres ayant permis à l’autorité compétente d’apprécier la pertinence de la demande d’ouverture de l’officine de pharmacie formée par Mme X.. Pour le même motif, il en est également ainsi lorsque l’autorité compétente mentionne dans sa décision de refus qu’« aucun impératif de santé publique » n’est susceptible de justifier l’implantation d’une autre pharmacie, alors même que l’article 25 précité de la délibération du 20 octobre 1988 ne se réfère pas expressément à ce critère d’appréciation. En conséquence, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté litigieux est, sur ce point, entaché d’une erreur de droit. 9. Par ailleurs, la circonstance que le président de la Polynésie française ait également fondé son refus sur le fait que le projet litigieux ne permet pas une desserte optimale de l’ensemble de la population de la commune de Bora Bora, et non de la population du seul quartier d’accueil de la pharmacie, n’est pas de nature à elle-seule, au regard de l’ensemble des motifs que l’arrêté critiqué comporte et de leur formulation, à révéler une erreur de droit supplémentaire. 10. S’il est constant que l’implantation du projet de pharmacie de Mme X. se situe à plus de 1 000 mètres de l’officine de pharmacie existante, cette circonstance n’est pas de nature, à elle seule, à rendre légal le projet litigieux dès lors qu’il n’est pas établi, ainsi qu’il a été dit, qu’en application des dispositions de l’article 25 de la délibération précitée du 20 octobre 1988, l’officine existante à Vaitape ne réponde pas déjà de façon optimale aux besoins en médicaments de la zone de chalandise concernée. 11. Enfin, le fait qu’un autre pharmacien ait été autorisé à créer et exploiter une seconde officine pharmaceutique à Bora Bora, par un arrêté du 1er juin 2021 pris par le président de la Polynésie française, également critiqué par la requérante, et qu’un second refus ait été opposé à celle-ci pour le même projet, le 2 juin 2021, n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la légalité de l’arrêté litigieux. Quant aux motifs de l’arrêté du 2 juin 2021 : 12. Ce second arrêté litigieux portant refus d’octroi de licence de création et d’autorisation d’exploitation d’une officine de pharmacie à Nunue s’est fondé sur le fait que la zone d’implantation projetée du projet d’officine de Mme X. se situait à 1 250 mètres de l’officine existante, qu’aucun réel besoin de la population ni aucun impératif de santé publique ne nécessitait l’ouverture d’une deuxième officine à l’emplacement proposé, qu’il n’était pas démontré que la pharmacie existante située à Vaitape ne répondait pas déjà aux besoins de la population de cette zone de chalandise, que, si le projet se situait à plus de 1 000 mètres de la pharmacie existante, il ne permettait pas une desserte optimale de l’ensemble de la population de la commune de Bora Bora et n’améliorait pas l’offre pharmaceutique et que la zone d’implantation ne permettait pas de garantir une répartition équilibrée de l’offre pharmaceutique sur l’ensemble de l’île de Bora Bora. 13. L’autorité compétente pour autoriser la création d’une officine de pharmacie peut, ainsi que les dispositions mentionnées au point 3 le prévoient, déterminer le ou les secteurs de la commune dans lesquels l’officine devra être située. Si l’arrêté contesté précise que « la zone d’implantation projetée du projet d’officine se situe à 1 250 mètres de l’officine existante », cette mention informative ne peut toutefois être regardée comme constitutive d’un motif de refus ayant conduit, en réalité, l’administration à fixer arbitrairement et implicitement, comme le soutient Mme X. et comme déjà relevé au point 2, une distance minimale non précisée. La requérante n’est ainsi pas fondée à soutenir que l’administration ne peut imposer une distance minimale et rejeter, dans le même temps, une demande d’implantation, comme indiqué s’agissant de l’arrêté du 29 décembre 2020, ni à faire valoir que l’arrêté litigieux méconnaît l’article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 précitée ou encore la circulaire n° 2004-440 du 13 septembre 2004, et ce pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés. 14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7, 8, 9 et 11, le président de la Polynésie française n’a pas entaché l’arrêté contesté d’une erreur d’appréciation ou d’une erreur de droit. 15. Il résulte de ce qui précède que Mme X. n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêtés des 29 décembre 2020 et 2 juin 2021 qu’elle conteste. En ce qui concerne l’arrêté du 1er juin 2021 : 16. La « population résidant dans les quartiers d’accueil des officines », au sens et pour l’application des dispositions de l’article 25 de la délibération du 20 octobre 1988, mentionné au point 3, doit s’entendre, outre éventuellement la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. 17. En premier lieu, l’avis favorable de la commission de régulation du 22 avril 2021 qui est visé par l’arrêté en litige a retenu que le projet de M. Y. permettait une répartition équilibrée de l’offre pharmaceutique, qu’il était situé à proximité d’établissements scolaires « permettant de développer la prévention auprès du jeune public », que ce projet permettait de desservir le Sud de Bora Bora, notamment le secteur touristique de la pointe Matira, et qu’il améliorait l’accessibilité aux prestations pharmaceutiques par un service de livraison de médicaments à domicile. Toutefois, les éléments d’appréciation tenant à la proximité du collège-lycée de Bora Bora susceptible de générer un passage important et à la mise en œuvre d’un dispositif de livraison de médicaments ne sont pas au nombre des critères qui peuvent être valablement pris en compte pour apprécier le caractère optimal de la réponse du projet aux besoins en médicaments de la population au sens des dispositions mentionnées au point 3. Il n’est au demeurant pas justifié du nombre d’élèves fréquentant l’établissement scolaire précité résidant dans le quartier d’accueil du projet. 18. En second lieu, il est constant que le projet d’implantation et d’exploitation d’une officine de pharmacie présenté par M. Y. est situé à proximité de la pointe Matira de l’île de Bora Bora, au sein du district de Nunue 3, à 4,4 km de l’officine existante à Vaitape. L’île de Bora-Bora, Ile haute, est desservie par une route circulaire de 32 km. Il ressort des pièces du dossier qu’au regard des données relatives à la répartition de la population par section de commune relevée en 2019 à Bora Bora, exprimée en termes de population globale, le secteur de Nunue 1 compte 1 865 habitants, le secteur de Nunue 2 compte 2 261 habitants, et le secteur de Nunue 3 concerné, 1683 habitants alors que les secteurs de Anau et de Faanui comptent respectivement 2 044 et 3 046 habitants. Il s’en déduit ainsi que le secteur d’implantation du projet en litige compte moins de résidents que dans les autres secteurs de l’île de Bora Bora. La seule circonstance que le projet de pharmacie se situe dans une zone relativement éloignée du centre urbain de l’île et de la pharmacie existante ne suffit pas à caractériser l’existence d’une desserte optimale de la population. Il en est ainsi également alors que la Polynésie française fait valoir, sans le quantifier, que la localisation du projet d’officine en litige constituerait un lieu de passage des habitants d’Anau. Il ressort également des pièces du dossier que l’offre médicale de l’île est concentrée dans la zone de Nunue 2 à proximité du centre commercial « Résidence Alana », alors que le secteur d’implantation prévu par M. Y. en est dépourvu. Sur ce point, il ne peut être utilement invoqué par M. Y. ainsi que par la Polynésie française le fait hypothétique que l’implantation du projet en cause va permettre la couverture des zones moins médicalisées de l’île et que le projet prévoit un local juxtaposé à la pharmacie ainsi que deux locaux à l’étage susceptibles d’accueillir de nouveaux professionnels de santé et ainsi améliorer l’offre de soins dans cette zone. Par ailleurs, s’il est soutenu que la zone d’implantation du projet est fréquentée par de nombreux touristes se rendant dans des hôtels situés à proximité, d’une part, la majorité des hôtels en question se trouve sur des motus situés en face des communes associés d’Anau et de Faanui et, d’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de création d’officine s’accompagne d’éléments justificatifs permettant de quantifier ou d’évaluer la population saisonnière moyenne en lien avec ces équipements hôteliers. Dans ces conditions, au regard particulièrement du faible volume de la population domiciliée dans le quartier d’accueil du projet contesté ou qui y réside de manière stable, le projet de création d’officine pharmaceutique en litige ne peut être regardé comme répondant de façon optimale aux besoins en médicaments de la population de Bora Bora au sens et pour l’application des dispositions mentionnées au point 3. L’arrêté attaqué est ainsi entaché d’une erreur d’appréciation et doit être annulé. 19. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête n° 2100374, Mme X. est fondée à demander l’annulation de l’arrêté précité du 1er juin 2021. Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte : 20. L’exécution du présent jugement n’implique aucune mesure d’exécution. Dès lors, les conclusions des requêtes aux fins d’injonction et d’astreinte doivent être rejetées. Sur les frais liés aux litiges : 21. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n’est pas la partie perdante dans l’instance n° n° 2100084. Dans le cadre de l’instance n° 2100374, il y a lieu de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 F CFP à verser à Mme X. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans cette dernière instance, les conclusions présentées par M. Y. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête n° 2100084 de Mme X. est rejetée. Article 2 : L’arrêté du 1er juin 2021 contesté dans l’instance n° 2100374 est annulé. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 2100374 est rejeté. Article 4 : La Polynésie française versera à Mme X. la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions présentées par M. Y. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme Myriam X., à la Polynésie française et à M. Teano Y.. Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, M. Retterer, premier conseiller, M. Graboy-Grobesco, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |