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SÉANCE DE QUESTIONS ORALES

Paru in extenso au JOPF n° 12 NA du 01/11/2024 à la page 867

SÉANCE DE QUESTIONS ORALES


Le président : Nous passons au second point de notre ordre du jour « Séance de questions orales ».

Nous avons reçu cinq questions orales : deux du Tavini, deux du Tapura et une question des non-inscrits.

« L’auteur de la question ou le représentant à qui il a donné procuration en séance plénière dispose de trois minutes […] pour exposer sa question. Il ne peut reprendre la parole après la réponse du gouvernement. Le ministre dispose de cinq minutes […] pour apporter sa réponse. »

Il peut compléter celle-ci par un commentaire écrit distribué à chaque représentant. » La séance de questions orales dure une heure. Il est 10 h 45.

Je demande à Madame Tepuaraurii Teriitahi de poser sa question.

Question orale de Madame Tepuaraurii Teriitahi relative au FRPH - prix de l'électricité

(Lettre nº 4290 SG du 14/05/2024)

Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le premier vice-président.

Monsieur le premier vice-président, Monsieur le Président de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs dans le public qui nous regardent et ceux qui nous regardent par les moyens d’internet, la presse, bonjour à l’occasion de notre rencontre en cette nouvelle matinée.

Lors d’une interview accordée à une chaîne locale le 28 avril dernier, Monsieur le Président, le ministre des finances a révélé que le Fonds de régulation du prix des hydrocarbures (FRPH) avait été intégralement utilisé. Il a également annoncé que ce fonds sera réabondé et nous apprenons que cet abondement d’un montant de 2 milliards de F CFP sera examiné dans un prochain collectif budgétaire, donc cet après-midi. Cette décision est en totale contradiction avec les termes tenus ici même en juin 2022 par une représentante Tavini, je cite : « Je compléterai mes propos en réaffirmant ici notre volonté de réfléchir à la suppression de ce fonds pour une raison principale : est-il aujourd’hui raisonnable de faire supporter à l’ensemble de la population […] le poids que représente le FRPH ? » Autre temps, autres mœurs ou simplement le principe de réalité, Monsieur le Président. Pour rappel, notre assemblée a approuvé lors de sa session du 15 décembre 2023 pour le FRPH un budget primitif 2024 de 3,9 milliards de F CFP.

Par ailleurs, depuis le début de l’année 2024, jusqu’au 13 mai, le prix du baril de WITI a enregistré une hausse significative de 11,84 %, atteignant 79,17 $ contre 70,76 $ au 1er janvier 2024 ; tandis que sur la même période, le dollar US s’est apprécié de 2,35 % par rapport au franc pacifique, passant de 107,71 à 110,24 F CFP. Cette augmentation mathématique du prix CAF, même en tenant compte du coût du fret, est indicatif d’une inflation toujours aussi présente, n’en déplaise à votre gouvernement.

En reprenant les propos accusateurs de cette même représentante Tavini en séance le 28 juin 2022 lors de l’examen du collectif nº 4 des comptes spéciaux, elle avertissait déjà : « Votre décision de reporter l’augmentation du prix du litre d’essence et de gasoil nous coûte aujourd’hui plusieurs milliards. Ces fonds auraient pu stimuler la transition écologique, notamment en favorisant l’acquisition de véhicules hybrides en vue du passage au tout électrique en Europe pour 2035. » Mais, dans un revirement flagrant, suite à la suppression de la TVA sociale, votre majorité a décidé de rendre l’achat de ces véhicules plus contraignant en remettant en question leur exonération. Une telle incohérence politique non seulement compromet notre avenir environnemental, mais révèle aussi un mépris total pour la gestion prudente et visionnaire des ressources publiques.

De plus, en rupture complète avec l’intégrité de l’administration précédente qui avait mis en place une vérité des prix dans le tarif de l’électricité avec un ajustement progressif sur trois ans en protégeant les petits consommateurs, le ministre a brutalement exposé dans cette même intervention que cette politique a été impitoyablement écartée. Cette décision, qui masque délibérément la véritable hausse du prix du kWh en laissant croire à une stabilisation, est une tromperie manifeste. La nouvelle directive a non seulement éliminé cette protection mais a également déplacé, pour ne pas dire déguisé, la charge financière de cet ajustement sur le dos du FRPH, plutôt que de l’éradiquer. En détournant les fonds du FRPH pour subventionner artificiellement le prix du gasoil des centrales électriques de Tahiti, argument repris en son temps à maintes reprises par vos militants experts du domaine, votre gouvernement a non seulement trahi la confiance publique mais impose injustement un fardeau financier accru à tous les citoyens, frappant avec une sévérité particulière les plus démunis. C’est une manœuvre scandaleuse qui démontre une insensibilité flagrante aux souffrances des familles qui luttent déjà pour joindre les deux bouts dans un contexte économique tendu et en totale opposition des déclarations de la représentante de votre parti en 2022 : « est-il aujourd’hui raisonnable de faire supporter à l’ensemble de la population […] le poids que représente le FRPH ? »

Il semble que l’ironie du sort ait voulu que son propre parti, une fois au pouvoir, exacerbe cette injustice. Voilà une volte-face cynique qui trahit les principes fondamentaux d’équité et de responsabilité. C’est un poids économique conséquent que vous avez non seulement adopté mais intensifié, trahissant ainsi les promesses éclatantes formulées lors de votre campagne électorale : « Lutter contre la vie chère ».

Enfin, reprenant sans détour le principe impitoyable de Lavoisier, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », il devient manifeste que votre gouvernement n’a fait que travestir la charge financière plutôt que de l’éliminer. C’est un fardeau économique massif que vous avez non seulement accepté mais exacerbé. Il est scandaleux de constater que ce même fardeau, autrefois vigoureusement dénoncé par vos représentants dans cet hémicycle en 2022, continue de s’alourdir dans un contexte d’inflation persistante et accrue (+2,7 % en glissement annuel à fin mars).

Monsieur le Président, pourriez-vous nous éclairer sur le solde actuel du FRPH au 30 avril 2024 et détailler les obligations financières du Pays envers EDT pour l’année 2024, en tenant compte d’un prix CAF au moins équivalent à celui observé au mois d’avril ?

Je vous remercie.

Le président : Merci pour la question posée.

Je demande au gouvernement de répondre à la question posée.

M. Tevaiti-Ariipaea Pomare : Monsieur le vice-président de l’assemblée, Monsieur le Président de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants de l’assemblée, chers collaborateurs, à tous ceux ici présents, tous ceux qui nous écoutent et nous regardent, chers amis, bonjour.

Madame la représentante, vous souhaitez être éclairée d’une part sur le solde du FRPH, le Fonds de régulation et de péréquation des hydrocarbures et, d’autre part, sur les obligations financières du Pays envers l’opérateur EDT pour cette année 2024.

Concernant le solde du FRPH en réponse à votre première interrogation, je propose de rappeler la constitution des recettes du fonds de régulation du prix des hydrocarbures. Ainsi, pour l’exercice 2024, sur les 3,9 milliards de F CFP que l’assemblée de la Polynésie française a approuvé lors du budget primitif, 1,5 milliard de F CFP provenait du budget général. Le reste des recettes prévisionnelles du fonds adopté au BP était constitué du report partiel de résultats de l’exercice 2023, du fonds lui-même pour un montant de 1 milliard de F CFP, des recettes de la taxe sur les équipements électriques importés affectées à ce fonds pour un montant de 200 millions de F CFP, de l’inscription de recettes prévisionnelles de régulation du fonds à hauteur d’1,2 milliard de F CFP.

Pour votre information et malgré les baisses de prix opérées par le précédent gouvernement en mars et avril 2023 puis celles accordées par notre gouvernement en juin et en août 2023, le fonds a généré pour la totalité de l’année 2023 plus d’1,3 milliard de F CFP de recettes de fonctionnement qui a permis de financer une partie des dépenses du fonds, comme cela est la vocation normale de ces recettes.

Le maintien du prix des hydrocarbures en 2023 a généré une dépense de 3,461 milliards de F CFP financés par des subventions du budget général à hauteur d’1,9 milliard de F CFP et d’un report du résultat de 2022 à hauteur d’1,756 milliard de F CFP.

Bien que les comptes définitifs n’aient pas encore été adoptés, je peux d’ores et déjà vous dire que le fonds finira avec un résultat positif de plus d’1,9 milliard de F CFP du fait des recettes générées, mais également car une partie des dépenses de 2023, celles de fin d’année et comme cela se fait habituellement, n’ont pas pu être liquidées sur l’exercice en raison de la clôture comptable de fin d’année.

Par ailleurs, il est important de mettre en perspective la contribution du budget général au fonds et les recettes fiscales engrangées par l’importation d’hydrocarbure qui s’élèvent à plus de 7 milliards de F CFP par an. Le maintien des prix des hydrocarbures s’exerce ainsi au travers d’une réallocation adaptée des ressources fiscales. En cela, il permet, au contraire de ce que vous annoncez, d’amoindrir la charge ou encore le fardeau de tous les citoyens.

Pour répondre à votre question sur la situation du FRPH au 30 avril 2024, sur les 3,9 milliards de F CFP adoptés, les dépenses de fonds s’élèvent à 2,37 milliards de F CFP de fonds dont 1,5 milliard de F CFP de dépenses imputables en réalité à l’exercice 2023. Les recettes de fonctionnement du fonds s’élèvent à 114 millions de F CFP pour les deux premiers mois de l’année auxquels s’ajoutent la contribution initiale du budget général à hauteur d’1,5 milliard de F CFP et le report partiel du résultat d’1 milliard de F CFP. Le reliquat du résultat de 2023, qui devait s’élever à plus de 900 millions de F CFP, fera l’objet d’une inscription au troisième collectif budgétaire après l’adoption du compte administratif de l’exercice 2023.

Une subvention du budget général à hauteur de 2 milliards de F CFP, inscrite au premier collectif budgétaire de l’année, va venir compléter les moyens du fonds pour permettre le maintien des prix et conforter le pouvoir d’achat de la population car, comme vous l’indiquez, notre pays a subi depuis plusieurs mois une forte inflation qui a avoisiné en fin d’année 2022 un taux de 8,5 %. Ce dernier s’est fortement infléchi pour être en dessous d’1,2 % en glissement annuel tel que rapporté par les derniers chiffres de l’ISPF, à savoir que ces chiffres sont deux fois moins importants que ceux de la France et trois fois moins importants que ceux des États-Unis. Or, il n’y a que deux façons d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages polynésiens : diminuer leur charge et/ou augmenter leur revenu.

À ce titre, le soutien que le FRPH apporte directement aux ménages par le prix des carburants à la pompe et par le prix de l’électricité est indispensable dans le contexte actuel. Le soutien qu’il offre à l’activité économique — et c’est là son premier objet — est également primordial et a des répercussions indirectes sur les ménages. Or, malgré les efforts déployés par mon gouvernement en faveur de la transition énergétique, il faudra plusieurs années pour en ressentir les effets, nous en sommes tous conscients.

Dans l’intervalle, les hydrocarbures restent la principale ressource énergétique du pays et leur prix a une influence majeure sur l’économie polynésienne dans la mesure où les hydrocarbures permettent la production électrique à Tahiti et dans les îles, alimentent les navires de fret interinsulaire ainsi que les navires de fret et de passagers assurant la liaison quotidienne entre Tahiti et Moorea et contribuent donc à la continuité territoriale. Ils contribuent au fonctionnement des transports en commun publics et scolaires à Tahiti ; servent à alimenter les engins et installations agricoles, soit directement soit via la production électrique ; servent à alimenter pour certaines industries les machines industrielles, soit directement comme les fours des boulangers, soit indirectement via la production électrique ; servent à alimenter les véhicules utilisés tant par les professionnels (tourisme, logistique terrestre) que par les ménages polynésiens qui se rendent au travail.

Le FRPH a ainsi démontré sa capacité à soutenir des pans entiers de l’économie polynésienne par un processus administrativement simple, rapide à mettre en œuvre et flexible. Nos ménages et notre économie ont besoin de ce soutien, ce qui ne nous empêche pas de réfléchir pour l’avenir à une réforme de ce fonds afin de le rendre encore plus efficace et mieux cibler, notamment au regard des enjeux de la transition énergétique.

Concernant les obligations envers l’opérateur EDT. S’agissant de votre seconde question relative aux obligations financières du pays envers EDT pour l’année 2024, il me paraît important de revenir sur vos propos relatifs à la mise en place d’une vérité des prix dans le tarif de l’électricité avec un ajustement sur trois années, prôné par l’ancien gouvernement.

Dans les faits, la vérité des prix que l’ancien gouvernement revendique s’est appuyée sur une sollicitation importante du FRPH et sur la création d’une dette auprès du concessionnaire. En effet, sur les périodes 2021 à mi-2022, le FRPH a été mis à contribution pour soutenir le prix du gasoil d’EDT.

L’ancien gouvernement a augmenté le prix du gasoil d’EDT de 55 F CFP à 95 F CFP le litre en juillet 2022. Néanmoins, sur la période de juillet 2022 à avril 2023, cette hausse du prix du gasoil EDT n’a pas été suffisante et le soutien au carburant pour la production d’électricité via le FRPH a perduré. Cette hausse du prix du carburant n’a nullement été répercutée dans le prix de l’électricité. Il y a eu absolument aucune transparence sur cette fameuse vérité des prix. Une seule hausse du prix de l’électricité a été réalisée en octobre 2022 d’environ 7 %. Toutes les autres hausses suivantes ont été soigneusement repoussées à juin 2023 après les élections territoriales, à raison d’une hausse de 7 % tous les semestres entre le 1er juin 2023 et le 1er décembre 2025. Ce mécanisme d’étalement aurait conduit à six hausses supplémentaires de 7 %, soit une hausse de près de 50 % du prix de l’électricité pour les Polynésiens.

En synthèse, cette fameuse vérité des prix a mis à contribution très fortement le FRPH et a, de surcroît, engendré une dette que le concessionnaire estime à 2,14 milliards de F CFP tout en repoussant les efforts à réaliser au-delà des élections territoriales. Un bel héritage pour le pouvoir d’achat de notre population.

En réponse à vos interrogations sur l’exercice 2024, la grille tarifaire permet un équilibre économique du service public de l’électricité. Quant à la dette vis-à-vis du concessionnaire mise au bilan du gouvernement précédent, le Pays dispose d’une enveloppe d’environ 2,7 milliards de F CFP au titre des droits du concédant qui pourra, le cas échéant, être sollicitée pour régler les créances des années antérieures.

Je vous prie d’agréer, Madame la représentante, l’expression de mes respectueux hommages. Merci.

Le président : Merci. Merci, Monsieur le ministre d’avoir répondu à la question posée.

Je demande maintenant à Madame Cathy Puchon de poser sa question.

Question orale de Madame Cathy Puchon relative à l'ice en Polynésie française

(Lettre nº 4291 SG du 14/05/2024)

Mme Cathy Puchon : Merci.

Monsieur le Président de la Polynésie française, Monsieur le vice-président de l’assemblée de la Polynésie française, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants à l’assemblée de la Polynésie française, mes chers collègues, bonjour.

La Polynésie française est confrontée depuis plusieurs années à une grave crise de santé publique qui menace le bien-être de notre collectivité et le fragile équilibre de notre société. La propagation alarmante de l’ice, drogue scélérate et destructrice, continue de ravager nos communautés, entraînant non seulement des pertes humaines mais aussi un bouleversement social profond.

Un exemple particulièrement tragique a été rapporté dans un reportage poignant et émouvant de la Polynésie Première le 22 avril dernier. Il s’agit de l’histoire bouleversante de Teremu, un jeune homme de 29 ans, dont la vie a été fauchée par le suicide après des années de lutte contre son addiction à l’ice. Ce drame humain et familial souligne l’urgence d’agir pour offrir un soutien réel à ceux qui sont emprisonnés entre les griffes de cette dépendance et pour mettre en place des mesures préventives efficaces.

Cette crise ne se limite pas à un problème de santé publique ; elle pose également un grave problème de sécurité pour notre collectivité. L’importation d’ice, source de revenus faciles pour des réseaux criminels organisés, menace notre sécurité et notre stabilité. Ces réseaux exploitent nos frontières et corrompent nos structures sociales, créant un cercle vicieux de dépendance et de criminalité.

Le gouvernement précédent avait pris des engagements initiaux en planifiant l’ouverture d’un pôle de santé mentale, censé notamment assurer la prise en charge des patients souffrant de toxicomanie. Ce projet vital pour notre communauté semble, à ce jour, avoir été relégué au second plan, comme d’ailleurs de nombreux autres projets portés par l’équipe précédente.

Monsieur le ministre, les familles de notre pays, meurtries et souvent impuissantes, comme celle de Teremu, attendent de nous, au-delà de notre compassion, des actions concrètes et immédiates. Elles attendent que nous prenions toutes les mesures nécessaires pour soutenir ceux qui sont déjà touchés par ce fléau et pour empêcher que d’autres ne tombent dans ce piège mortel.

Monsieur le Président de l’assemblée, au vu de la gravité du sujet, vous m’accorderez, j’en suis certaine, une légère entorse à notre règlement intérieur en me laissant poser à notre ministre de la santé une double question

Monsieur le ministre, quand le gouvernement prendra-t-il les mesures nécessaires pour finaliser et activer enfin le pôle de santé mentale promis et indispensable à la prise en charge des toxicomanes polynésiens ? Vous m’aviez indiqué à deux reprises en séance plénière que ce pôle de santé mentale verrait le jour sous peu. Force est de constater qu’il n’en est rien aujourd’hui

Par ailleurs, au vu des relations étroites entretenues par votre gouvernement avec l’État, quelles stratégies précises allez-vous implémenter, en partenariat avec les services de l’État, pour renforcer la lutte contre l’importation d’ice et démanteler les réseaux criminels qui en profitent, afin de protéger notre jeunesse et préserver nos familles ?

Je vous remercie de votre attention. Que l’amour règne.

Le président : Merci Madame Cathy Puchon de poser la question.

Je demande au gouvernement de répondre à la question posée.

M. Cédric Mercadal : Merci, Monsieur le vice-président.

Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les représentants, les membres du gouvernement, ma chère Cathy.

Je te remercie pour ta question parce que la crise de l’ice, c’est un vrai problème dans notre société. C’est un fléau, c’est un fléau qui a des effets dévastateurs sur toutes les familles, sur les écoles et sur l’augmentation de la délinquance. C’est surtout, à mon niveau, un problème de santé publique aussi parce que cela inclut dans le temps des vrais problèmes de troubles mentaux, d’addictions, des dépressions, des atteintes aux organes vitaux. C’est un vrai fléau, je le répète encore.

L’impact, il est sociétal. Il est tout aussi et toutes les conséquences sont toutes aussi alarmantes parce que les familles explosent et que ça augmente la violence. Les renseignements pris auprès du Centre de prévention et de soins d’addiction (CPSA) sur la consommation d’ice démontrent une augmentation, avec en début de consommation des âges de plus en plus précoces, ce sont nos enfants qui sont touchés. Les réseaux de distribution quant à eux sont les mêmes que ceux du cannabis, et les dealers qui, dès qu’ils sont en pénurie de cannabis, proposent des doses gratuites d’ice à nos enfants et ce phénomène est de plus en plus inquiétant.

Pour y faire face, il est essentiel que les services du Pays et de l’État agissent en étroite collaboration pour lutter contre ce fléau. Il se trouve que le ministère de la santé, de la jeunesse, de l’éducation et de la solidarité mène actuellement les travaux visant à la mise en place de mesures de prévention, d’information sur les dangers et sur la consommation de drogues. Un travail de fond est mené par une équipe qui recueille l’ensemble des données et qui propose aujourd’hui et il va nous proposer rapidement des mesures pour notre jeunesse. Ce travail de fond est nécessaire et nécessite la collaboration de tous, les maires et de tous ceux qui sont associatifs et religieux.

Pour ma part, il est essentiel d’améliorer la capacité de prise en charge de ces patients, de prise en charge de leur traitement, et l’ouverture du pôle de santé mentale est une priorité. Je sais ô combien il était important aussi pour l’ancien gouvernement, mais cela fait 14 ans qu’on attend ce pôle de santé mentale qui, déjà, en sa première programmation, prévoyait la lutte contre la toxicomanie en son sein avec des cellules, des traitements adaptés et un meilleur suivi de nos patients. Cela fait 14 ans !

En tant que ministre de la santé, sur le pôle de santé mentale, cela a été une action prioritaire. D’ailleurs, c’est pour cela, dès le budget du collectif de 2023, on a mis 1,4 milliard de F CFP d’allocation pour finaliser ce pôle. Les travaux sont en cours. Vous savez, le temps de raccordement, le temps de finaliser les travaux, moi je suis passé sur les réseaux, je suis passé déjà trois fois sur le site pour voir l’état d’avancement et je pousse au jour le jour ce projet. Ce projet est essentiel non seulement pour améliorer l’accès aux soins des personnes souvent de troubles mentaux, mais pour intégrer le service de lutte contre l’addictologie en son sein et faire un suivi de long cours avec des chambres en son sein. Mais force est de constater que quand on a repris les affaires, le projet était à l’arrêt. Le pôle de santé mentale était fini (2022) et il fallait redémarrer le projet en remettant tous les acteurs autour de la table, ce que l’on a fait. On a fait des ateliers avec les chefs de service de chaque entité, on les a réunis, on a décidé des nouvelles implantations de locaux, de comment on allait travailler ensemble.

Et après cet état des lieux et une fois qu’on a bien avancé les chantiers et qu’on a redémarré le plan de financement, maintenant il nous reste à déterminer la gouvernance. Moi, je peux vous indiquer une chose : c’est que la fin des travaux fixée par G2P sera au mois de novembre, terminé ; après, il y aura l’inspection de la commission de sécurité qui passera avec le maire en décembre 2024, et l’intégration des équipes est programmée pour début 2025. C’est ce qui est prévu et le plan suit son cours, on a un chef de projet, on avance dessus.

Je te remercie parce que je sais que c’est un point important pour tout le monde dans cette assemblée de parler de cela. Donc je compte sur vous, le dialogue et la collaboration avec l’assemblée est nécessaire avec l’ensemble des élus pour faire avancer la lutte contre ce fléau.

Merci.

Le président : Merci, Monsieur le ministre, d’avoir répondu à la question posée.

Je demande à Madame Nicole Sanquer de poser sa question.

Question orale de Madame Nicole Sanquer relative à la délivrance et le renouvellement des carnets rouges

(Lettre nº 4307 SG du 14/05/2024)

Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président.

Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs de la presse, cher public, chers internautes.

Ma question s’adressera à Monsieur le ministre de la santé en charge de la prévention et de la protection sociale généralisée.

Monsieur le ministre, les carnets rouges autorisent une prise en charge à 100 % — presque 100 % — des prestations de santé des personnes atteintes par une longue maladie et engendrent des coûts très conséquents pour la protection sociale généralisée. Près de 48 000 personnes seraient concernées et près de 13 000 à 14 000 nouvelles demandes ou renouvellement sont en moyenne sollicitées chaque année.

Plus d’une trentaine de pathologies sont identifiées et portent essentiellement sur des maladies chroniques telles que le diabète, les affections pulmonaires ou encore le cancer.

Récemment, la presse s'est faite écho des difficultés récentes des demandes de renouvellement des carnets rouges soulevées par le représentant des médecins généralistes pour près de la moitié des patients à raison de la révision des critères retenus par la CPS. Le médecin conseil de la Caisse déclarant, et je le cite : « c’est vrai qu’avant, on était moins uniformes sur les demandes que l’on faisait an niveau des protocoles de soins, notamment pour ce qui concerne les comptes rendus médicaux, les résultats d’examen. Depuis un an, on a demandé à les avoir dans les dossiers. Il ne faut pas mélanger critères médicaux et critères sociaux ».

Pour autant, ces patients sont bien atteints d’une pathologie chronique qui engendre des coûts de prise en charge récurrents pour les familles. La CPS ferait donc preuve de plus de rigueur dans la délivrance de ces carnets rouges sur la base de critères qui ne résultent ni d’une décision de l’assemblée, ni de son conseil d’administration au motif que le principe du carnet rouge ne doit pas être perçu comme une aide sociale.

Je tiens à préciser que ces nouveaux critères doivent faire l’objet d’une décision votée par notre assemblée et du CA de la CPS, ils ne peuvent résulter de la seule décision discrétionnaire des médecins conseils en charge du contrôle médical. Ces méthodes sont inadmissibles.

Depuis un an, le changement des directives de la CPS apparaît, remettre en cause la prise en charge à 100 % des diabétiques dès le début de leur diagnostic et conduit à une aggravation de la pathologie pour de nombreux patients qui n’ont pas les moyens de se soigner, mais conduit également à moyen terme à une augmentation des dépenses de santé et, par voie de conséquence, une surcharge d’hospitalisation pour le CHPF.

En d’autres termes, beaucoup de patients ont un traitement à vie, parfois onéreux, et sous prétexte qu’ils sont en rémission, leurs droits au carnet rouge leur sont supprimés. Cette situation de fait pousse de nombreux malades à arrêter leur traitement ou encore à faire crédit à la pharmacie.

Nous le savons tous, la PSG rencontre des déséquilibres financiers qui s’aggravent chaque année faute d’avancée suffisante dans sa réforme. La prévention sanitaire ne parvient pas à juguler l’augmentation croissante des longues maladies traduisant l’état de mauvaise santé de notre population, puisque près de 17 % de la population en est atteinte.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer clairement comment sont délivrés et renouvelés les carnets rouges aux patients atteints d’une maladie chronique et quelles solutions pouvez-vous apporter à nos familles polynésiennes, victimes de leurs maladies, du changement des directives de la CPS et privées de recours contre ces nouvelles décisions ?

Je vous remercie.

Le président : Merci pour la question posée. Je demande au gouvernement de répondre à la question.

M. Cédric Mercadal : Madame la représentante, chère Nicole, je te remercie pour ta question portant sur les carnets rouges et la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques.

La santé de notre population est au cœur de nos préoccupations. En Polynésie, les maladies chroniques telles que le diabète, les affections pulmonaires et les cancers touchent de manière significative notre population. Cette situation engendre des défis majeurs de prévention, de traitement et de financement de notre système de santé.

Les carnets rouges, qui permettent une prise en charge à 100 % — ou à 95 %, ça dépend des situations — des prestations de santé pour les personnes atteintes de longues maladies, sont essentiels pour la politique de santé. Ils assurent à tous nos concitoyens les plus vulnérables de recevoir les soins nécessaires sans être accablés du coût prohibitif des traitements. Cependant, la gestion des carnets et leur renouvellement doivent être aussi adaptés à la réalité économique, médicale actuelle tout en respectant les normes en vigueur, parce que ça a un coût.

La délivrance des carnets rouges fait suite à la détection, par un médecin, d’une pathologie figurant dans une longue maladie fixée par arrêté en conseil des ministres. Le processus est le suivant :

– un médecin identifie une pathologie entrant dans la liste des longues maladies lors de l’examen médical ;

– le médecin référent désigné par le patient envoie le protocole de soin et une demande longue maladie au contrôle médical de la caisse dans le cadre d’une entente préalable.

Ce carnet est octroyé pour une période déterminée afin de permettre une révision régulière de la situation du patient et de sa situation médicale. Après, la personne peut sortir à l’issue d’un contrôle, à l’issue de la fin de la période ou parce qu’elle est rétablie, ça peut arriver.

Le contrôle médical dans ce cadre-là dispose d’un pouvoir de contrôle très large, qui a été établi par une délibération, la 2019-39, qui a été votée par cette assemblée, qui a adopté le statut du contrôle médical. La CPS se base sur l’arrêté nº 1400 CM du 30 décembre 1994 pour définir la liste des pathologies ouvrant droit aux prestations de longue maladie pour les ressortissants.

Et conformément à cet arrêté, les critères d’attribution s’appuient sur les recommandations de la Haute autorité, du Haut comité médical de santé de la Sécurité sociale, la HAS, qui déterminent les nombres dans lesquels ces pathologies peuvent ou doivent être prises en compte, ainsi que leur traitement. Les recommandations évoluent en fonction de la connaissance scientifique : on est obligé de reprendre chaque année l’état de l’art et ce qui permet de déterminer des critères d’attribution qui s’adaptent au fur et à mesure du temps.

Les décisions prises par les médecins conseils ne sont donc pas discrétionnaires, mais bien en application de la réglementation, en leur laissant cette large analyse des faits.

Depuis 2018, par contre, plusieurs rencontres ont eu lieu avec l’ARASS, les professionnels de santé et la CPS pour proposer des critères communs, justement pour que ce soit mieux compris par tous et que ce soit mieux accepté de tous, et ils s’adapteront aux spécificités de notre pays. Ces discussions ont permis de présenter, lors du dernier conseil d’administration de la CPS le mois dernier, un projet d’arrêté fixant une liste de longues maladies commune à toutes les pathologies pour les trois régimes, incluant des critères médicaux à prendre en compte et en considération des prestations. Donc, on va définir dans la réglementation des critères plus précis.

Un projet d’arrêté vous sera transmis en même temps que la modification de la loi du pays sur l’harmonisation de ces longues maladies.

En conclusion, je te remercie, Nicole parce que je sais qu’on pourra travailler ensemble dans la commission, avec tous les membres de la commission, mais aussi tous ceux qui sont impliqués là-dedans, afin de mieux prendre en charge nos patients et d’assurer aussi la viabilité financière des régimes.

Merci.

Le président : Merci, Monsieur le ministre, de la réponse.

Je demande à Madame Rachelle Flores de poser sa question.

Question orale de Madame Rachelle Flores relative à la précision des actions à venir pour régler le problème de santé publique à Bora Bora

(Lettre nº 4311 SG du 14/05/2024)

Mme Rachelle Flores : Merci, Monsieur le président.

À toutes et à tous, mes salutations dans les grâces de Dieu.

Il s’agit d’une question adressée à Monsieur Cédric Mercadal, ministre de la santé, en charge de la prévention et de la protection sociale généralisée. Il s’agit d’une demande de précisions des actions à venir pour régler le problème de santé publique à Bora Bora.

Monsieur le ministre, bonjour.

La situation médicale de Bora Bora inquiète la population — je partage évidemment cette inquiétude en tant qu’une des 13 000 administrés de l’île.

Nous avons bien noté vos interventions au travers des différents médias qui vous ont sollicité. Nous comprenons l’orientation générale que vous avez présentée, ces éléments de réponse participent à lever le doute sur la problématique. Néanmoins, nous serions encore plus rassurés si vous pouviez nous présenter un planning précis des actions que vous comptez entreprendre pour résoudre la situation, à court et à long terme.

Ainsi, pour le moment, certaines échéances se précisent : vous avez annoncé un déploiement de deux nouveaux médecins pour les mois de juin-juillet afin de répondre à l’urgence médicale. Cependant, nous manquons de précisions sur les 15 jours à venir, dont vous avez rappelé qu’ils seront « compliqués ». Pouvez-vous nous détailler la forme que va prendre le partenariat entre le Pays et les médecins du privé pour résoudre la situation ? Quel est votre plan d’actions afin de garantir la stabilité du personnel médical à long terme ?

Vous avez informé vouloir trouver une solution pour le problème d’hébergement, qui est un facteur de contre-motivation du personnel médical. Vous avez indiqué comme solution la construction de logements « administratifs » pour répondre au problème de logement du personnel itinérant tels que les professionnels de santé et de l’éducation. Quels sont les contours précis du projet et quel est le planning d’action ?

Enfin, nous comprenons l’intérêt qu’aurait la population de Bora Bora d’avoir un nouvel établissement, plus ambitieux en offre de soins que le dispensaire de santé actuel, que vous entendez appeler un hôpital rural, à l’instar de celui de Moorea. Cette ambition serait de nature à rassurer la population. Toutefois, vu les difficultés actuelles, il est difficile d’adhérer à un projet plus ambitieux alors que la situation actuelle est toujours floue. Nombre de nos administrés s’interrogent sur la capacité du Pays à proposer un projet plus ambitieux alors que la situation actuelle n’est pas résolue.

Bien sûr, les problématiques d’aujourd’hui résultent d’une organisation dépassée qui aurait nécessité une réforme depuis longtemps. C’est pourquoi vous avez proposé un travail de fond afin de pérenniser la situation à long terme. Nous le comprenons, mais nous apprécierons d’avoir plus de visibilité dans le but d’être rassurés et de pouvoir informer notre population.

Pouvez-vous nous préciser le projet d’hôpital rural, les moyens accordés à celui-ci ainsi que les résultats attendus pour la population de Bora Bora ?

Monsieur le ministre, je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à la population de Bora Bora et pour les précisions que vous nous apporterez.

Que l’amour règne. Merci.

Le président : Merci, Madame Flores, pour la question posée.

Je demande au gouvernement de répondre à la question.

M. Cédric Mercadal : Bonjour, Madame la présidente de la commission de la santé et de la solidarité.

Chère Rachelle, je sais que Bora Bora te tient à cœur, on s’est eu au téléphone sur la situation.

Je te remercie pour ta question parce que ça a été une vraie préoccupation, ça a été très soudain ce qui s’est passé. La démission récente de deux médecins sur trois présents au centre médical en période d’essai, c’est-à-dire sans préavis, nous a conduits dans une situation assez rocambolesque, on va dire ça comme ça. C’était inédit, ça n’est jamais arrivé. Surtout, qu’il y a une spécialité à Bora, c’est qu’on a des médecins urgentistes et que la démission de deux médecins urgentistes pendant une période d’essai ne s’était jamais arrivée. Cette situation vient de se compliquer parce qu’il y a une fin de contrat du dernier médecin en cours.

J’avoue qu’il a fallu prendre des mesures d’urgence, vraiment, et tout le monde s’est mobilisé : le ministère de la santé, la direction de la santé, l’ARASS, la CPS, les médecins de l’île, pour garantir la continuité des soins afin de garantir la population de Bora Bora à un accès aux filières d’urgence et aux soins médicaux courants. Ce dispositif d’urgence est appliqué depuis le 15 mai 2024 et comprend :

– depuis le 15 mai, une organisation dégradée du centre, concentrée sur la gestion des urgences vitales par un médecin urgentiste et une équipe paramédicale en place, en collaboration directe avec le SAMU et le Centre 15 ;

– il est passé aussi par l’adoption hier d’un arrêté permettant la prise en charge du tiers payant pour les consultations des médecins (5 médecins libéraux), c’est-à-dire que demain, les gens n’auront pas à débourser 4 000 F CFP que lorsqu’ils feront leur consultation à Bora Bora. Ce qui permettra un accès aux soins plus rapide auprès des libéraux qui ont accepté dans le cadre de l’urgence de recevoir toute la population dans ces conditions pour faciliter les choses et de récupérer la patientèle en LM du centre, soit 200 personnes qui seront prises en charge par ces médecins. C’est la mesure ultra urgente que nous avons prise ;

– à partir du 21 mai : il y aura un renforcement de l’équipe via un médecin urgentiste externe qui viendra en complément de l’équipe ;

– nous allons faciliter au mieux les systèmes en lançant un appel d’offres rapide, ou une consultation si le montant est inférieur à 8 millions de F CFP, pour permettre une équipe sur place qui sera là pour soutenir le centre pendant au moins deux mois le temps des recrutements.

Un nouveau médecin est attendu début de mois, un autre médecin arrivera. Le médecin actuel, lui, va continuer son contrat et il l’a proposé puisqu’il reste sur le territoire jusqu’à la fin du mois, et donc il continuera à exercer au sein du centre via un avenant.

À moyen terme, on va parler des logements, mais c’est ce que nous ont dit les médecins qui ont démissionné. En fait, ils nous ont dit : « à Bora Bora, c’est difficile de se loger, on n’y arrive pas », donc ils sont repartis cherchant dans d’autres endroits où on leur propose… Ce sont des médecins urgentistes dont on parle, une spécialité qui est quand même difficile à faire venir.

Et donc, nous, on avait prévu déjà au budget 2024 un programme visant à construire trois logements. On a trouvé le terrain avec la DEQ qui nous a aidés à construire le projet, et nous allons lancer l’appel d’offres pour construire les trois logements — c’était en cours. Et une fois que l’appel d’offres sera fini, on construira ces trois logements de passage pour nos médecins et nos professionnels de santé.

Enfin, le projet d’hôpital rural, c’est vraiment une vision à long terme, c’est l’équivalent de l’ancien hôpital de Afareaitu, avant son agrandissement pour 17 000 personnes, qui permettra d’inclure un service d’accueil et d’orientation des urgences pour stabiliser les situations au sein même du dispensaire, d’avoir des lits d’hospitalisation et de permettre le développement des consultations spécialistes sur Bora Bora.

Nous sommes déterminés à maintenir le dialogue en collaboration avec l’Assemblée pour garantir une meilleure prise en charge de la santé des habitants de Bora Bora.

Nous restons ouverts à cette collaboration avec la mairie que je sais impliquée aussi parce que la santé des concitoyens de Bora Bora est préoccupante et on fera tout pour qu’ils s’en sortent au mieux.

Merci.

Le président : Merci bien, Monsieur le ministre, pour les réponses données. En tous les cas ce matin, vous avez été beaucoup sollicité. Merci pour toutes les réponses.

Je demande à Madame Thilda Garbutt-Harehoe de poser sa question.

Question orale de Madame Thilda Garbutt Herehoe relative à l'avenir de l'hippodrome de Pirae

(Lettre nº 4329 SG du 14/05/2024)

Mme Thilda Garbutt-Harehoe : À vous qui êtes devant, à nous qui sommes en bas, bonjour. Mes salutations, Madame la ministre Éliane.

Alors je vais commencer peut-être par m’excuser, mon texte sera un peu long, il est pris avec passion et précipitation, mais j’accueillerai humblement toutes les corrections.

Qui mieux qu’une native de Pirae pour vous parler des sites qu’elle a foulés depuis son enfance ? Aussi, ma question va concerner un site unique en Polynésie française, unique dans tout notre pays de Māʹohi Nui (NDT, la Polynésie française), je veux parler de l’hippodrome de Pirae.

Pourriez-vous nous exposer ce que vous comptez faire après la sommation de quitter les lieux signifiée le 4 avril 2024, que vous avez envoyée à l’Association AHEEPF (Association hippique et d’encouragement de l’élevage, dits des éleveurs équestres de Polynésie française), leur donnant un délai d’expulsion de 15 jours, suite au rendu du jugement en appel du 25 août 2022 ? Et comme nous pouvons le constater, est échu de son terme à ce jour, et donc où en est-on au niveau du compteur des pénalités, des astreintes d’occupation illégale ? Quels sont les enjeux du Pays de récupérer cet hippodrome de Pirae, qui, paraît-il, serait si pollué qu’on attraperait le tétanos dès qu’on y foule le sol ?

Lorsque j’ai été interpelée par des membres de l’Association AHEEPF, ce sont des gens paniqués qui découvraient un ultimatum de « dégager environ 200 chevaux et poneys en 15 jours » ! Avait-on seulement mesuré ce que cela représentait ? Ce n’était pas un déménagement de mobiliers d’une maison à une autre, comme dans la plupart des expulsions ! Ce n’était pas non plus changer des animaux pour les mettre dans un autre parc, ni même dans son jardin, lorsqu’on en a un ! Un cheval n’a pas la même vie qu’un chien de compagnie.

À ces interrogations, il m’a été opposé que ces membres d’association avaient saisi le tribunal, et en appel puis en Cassation, et qu’ils avaient perdu, donc qu’ils devaient être prêts pour l’application du jugement. C’est un raccourci un peu trop simpliste si l’on n’a pas pris la mesure de l’humain et de la cause animale, et de tous les liens qu’ils nourrissent entre eux depuis des années.

Cet ancrage, cet attachement à l’hippodrome est une transmission d’amour et de passion pour les chevaux et pour tout ce monde qui gravite autour, et ce, depuis deux à trois générations. Cet hippodrome a été créé en 1951 par Monsieur Charles Van Den Broeic d’Obrenan décédé en 1957, ancien président du syndicat d’initiative et du tourisme, et qui fut le premier président de l’Association hippique, auquel lui succéda Monsieur Rudolph, dit Rudy, Tenahe Bambridge. Ce terrain dépendant du Domaine de Joseph Labbe, décédé sans postérité, était tombé dans le patrimoine du Domaine. Assurée par un bail emphytéotique de 99 ans — croyance populaire, mais seulement de 30 ans sur papier —, l’Association a entrepris plusieurs travaux, et sur plusieurs années, sur ce terrain marécageux, effectués par les membres de l’Association et leurs jockeys. D’ailleurs, c’est au cours de ces travaux de terrassement que décéda accidentellement Monsieur Louis Ariiaue Pomare en 1965. Ainsi, c’est en son hommage que cet hippodrome porte le nom de « Louis Pomare ».

Les nombreuses courses hippiques relatées par plusieurs auteurs et immortalisées par de nombreux photographes révèlent tout le panel des courses de chevaux — et j’ai encore souvenir des courses en pareo, des sulkys pour les courses de trotteurs, etc. Ainsi, l’emplacement de l’hippodrome en ce lieu de la basse vallée de la Nahoata a été aussi l’opportunité de diverses embauches de résidents de cette vallée. Une partie des membres de cette association s’est sédentarisée sur cet hippodrome pour une surveillance des chevaux principalement. On peut y compter une cinquantaine de box de chevaux, fabriqués en bois et tôles, où tous y sont en sécurité, à l’abri du climat et plus faciles à surveiller médicalement.

Malheureusement, le bail emphytéotique qui donnait un droit réel à l’emphytéote qui était l’Association AHEE fut écourté en octobre 2015 par l’ancien gouvernement. S’ensuivit alors un épisode judiciaire qui s’est soldé par un échec pour l’Association AHEE, tellement assurée de gagner sous le couvert d’un bail emphytéotique qu’elle n’avait pas prévu de plan B. Et d’ailleurs, où aller avec des contraintes d’éleveurs de chevaux ? Il leur avait été proposé un terrain dans la commune de Teva i uta, mais tout aurait été à reprendre, des travaux d’aménagement de terrain et de construction des box, sans compter le voyage, et les finances de l’association ne le permettaient pas.

Madame la vice-présidente, lorsque l’on soulève le problème sanitaire de ce terrain, c’est un autre raccourci aussi simpliste ! Comment toutes les autorités politiques ont pu alors laisser passer autant d’événements et d’autorisations, aucune contestation, ni refus ni réserve ? Lorsque, dans les années 1990, je réalisais mon premier cross scolaire dans cet hippodrome, en tant que présidente de l’ASSEP (Association du sport scolaire de l’enseignement privé), les journalistes de l’époque s’étaient indignés par le risque de tétanos que je faisais courir aux milliers d’élèves ! Nous en avons tous survécu, ou peut-être avons-nous obtenu une immunité collective.

Aujourd’hui, tous les cross scolaires s’y déroulent avec des milliers d’élèves qui l’ont foulé jusqu’ici, malgré la connaissance des risques sanitaires et du tétanos… Et pourtant, ils y ont été autorisés ! Aucune signalétique, aucune indignation ! Les adeptes des parcours de santé l’empruntent tous les jours, car s’y sentant plus en sécurité.

Je n’occulte pas la partie environnementale qui nécessiterait des améliorations, mais cela peut s’arranger.

Je me fais ainsi l’avocate du diable en portant la voix des inaudibles, mais nous sommes nombreux, de Pirae et d’ailleurs, à vouloir connaître la suite de ce courrier, des délais supplémentaires si nécessaire, de l’avenir de cet hippodrome, afin que l’Association puisse revenir vers vous pour d’autres demandes et alternatives. Et invitée ou pas, je m’engage à les accompagner dans leurs démarches.

Héritage, mais aussi continuité de service oblige.

Je vous remercie, Madame la vice-présidente.

Le président : Merci pour la question posée.

Je demande au gouvernement de répondre à la question.

Mme Éliane Tevahitua : Monsieur le vice-président de l’assemblée, Mesdames et Messieurs les représentants, chers auditeurs et téléspectateurs, chers amis de la presse, Madame la représentante, chère Thilda, bonjour à vous.

Je tenais à vous remercier pour cette évocation « belle époque » et bucolique de votre enfance à Pirae, du lien charnel qui vous unit au site de l’hippodrome et de la relation passionnée — devrais-je dire passionnelle — que vous nourrissez à l’endroit de ces lieux, ce fond de la vallée de la Naho'ata, aujourd’hui connue sous le nom de Nahoata, et de nos amis à quatre pattes, chevaux comme poneys.

Vos questionnements légitimes sur le devenir de l’hippodrome m’amènent dans un premier temps à vous rappeler la chronologie des faits et cela tombe bien, puisque nous avons parmi nous l’ancien Président de la Polynésie française à l’initiative de ce dossier. Je parlerai donc sous votre contrôle bienveillant, mon cher Tereori, cher Édouard, car c’est aussi de votre héritage dont nous allons parler.

Je vais donc m’en tenir aux faits, à tous les faits, et rien qu’aux faits.

En 1952, la Polynésie devient propriétaire d’un ensemble foncier de 23 hectares, plus connu sous le nom de « Domaine Labbé », dont une parcelle d’une superficie de 13 ha faisant partie de ce vaste ensemble.

Le 11 octobre 1955, 6 hectares provenant de cette parcelle sont donnés à bail pour 30 années et non pas 99 ans, et pour 1 franc symbolique, au profit de l’Association hippique et d’encouragement à l’élevage, que je désignerai par son acronyme AHEE.

En 1970, 1,5 ha est rajouté aux 6 autres hectares pour les 15 ans restant à courir.

À l’échéance du bail conclu le 11 octobre 1955, l’Association hippique était maintenue sur site pour une nouvelle période de 30 ans, soit jusqu’au 11 octobre 2015.

Le conseil des ministres présidé par Monsieur Fritch a décidé, le 11 juin 2014, de ne pas renouveler le bail. C’est en ce sens que la Polynésie française a notifié à l’AHEE, un an avant son échéance, le non-renouvellement du bail.

Le 4 décembre 2015, le Conseil des ministres présidé par Monsieur Fritch a décidé d’affecter ces 13 hectares au profit de la commune de Pirae, dont il était également — et cela tombe bien ! — le maire, avec pour projet d’y aménager des espaces de loisirs sécurisés et de qualité et d’y implanter des équipements publics de proximité, de gestion et d’entretien du site.

Nous sommes en 2015, et c’est son droit, l’association hippique a tenté de faire annuler cette décision devant les tribunaux, non pas une fois, non pas deux fois, mais six fois, jusqu’à ultimement ce pourvoi en cassation. Pour chacune d’elles, la Justice de la République française a dit le droit et a tranché : la résiliation du bail est régulière.

Dans le même temps, c’est-à-dire depuis 2015, l’association a pourtant continué à poursuivre ses activités habituelles comme si de rien n’était, en l’occurrence, l’organisation des lucratives courses de chevaux, qui sont également une institution de l’hippodrome, et il faut le dire aussi, une source de revenus non négligeable pour remplir les caisses de cette association. Ce sont les fameux paris hippiques.

Je voulais également rappeler que, dans le même temps, l’association hippique a continué à percevoir des autres clubs et fédérations hippiques qui gravitent autour de cet hippodrome un droit d’usage d’un hippodrome que l’AHEE occupait gratuitement et illégalement. Certains membres de l’AHEE y ont même édifié leurs maisons d’habitation sans titre, sans autorisation, sur une emprise foncière à vocation hippique. C’est ce que vous appelez pudiquement « sédentarisation », mais sachez que la justice a déjà eu l’occasion par le passé de qualifier cette situation d’occupation illégale et d’ordonner une mesure d’expulsion sur ce site.

Depuis 2015, l’association s’est exonérée du paiement de tout loyer auprès du Pays. Imaginez, Madame la représentante, si vos locataires avec lesquels vous seriez en procès décidaient du jour au lendemain de ne plus payer leur loyer, qu’auriez-vous fait ? Comment auriez-vous réagi ?

Mais de tout cela, celles et ceux qui vous ont inspiré cette question l’ont-ils également murmurée à vos oreilles ?...

C’est ce lourd héritage, et quel héritage, que nous portons et qu’il me fallait régler, et c’est ce que j’ai fait.

Alors, Madame Harehoe, peut-être me diriez-vous : « mais Éliane, il vous suffisait de laisser en suspens cette décision de justice et de laisser la situation en l’état. À force, les gens auraient fini par oublier, peut-être… »

Voyez-vous, Madame la représentante, je sais qu’en tant qu’enseignante et désormais représentante à l’assemblée, vous qui votez les lois qui gouvernent notre Cité, vous êtes, tout comme moi, attachée au respect de la loi, par tous et pour tous. Chère Thilda, nul n’est au-dessus des lois et nul ne peut s’en exonérer. C’est cela, le fa'atura (NDT, respect) qui figure dans notre programme, le respect de la loi, même lorsqu’elle n’abonde pas dans notre sens.

C’est ce que j’ai fait, Madame la représentante, en tant que femme politique, responsable et respectueuse de la loi, en appliquant cette décision de justice, fut-elle vécue comme inique par ceux qui estimaient être dans leur bon droit et qui ont perdu leurs procès.

Alors, et j’en viens à la deuxième partie de mon propos qui concerne l’après, et les projets du Pays pour cette emprise foncière de 13 hectares. Ma première démarche a consisté à mettre de l’ordre dans tout cela.

Nous avons convenu avec le Président de la Polynésie française et son cabinet de rationaliser l’occupation de ce site en concertation avec les entités concernées en accordant une autorisation d’occupation temporaire non seulement à l’AHEE, mais surtout à la fédération et aux clubs privés. Ainsi, les choses sont claires et limpides pour chaque occupant.

Durant cette période transitoire, le Pays pourra ainsi réaliser les études environnementales et sanitaires qui sont nécessaires à tout projet d’aménagement. C’est ce qui aurait dû être fait par le précédent gouvernement et c’est ce que nous ferons, cette fois-ci, dans les règles. Des travaux d’aménagement, de mise en œuvre, supposent de creuser, de remblayer, de charrier de la terre, et vous n’êtes pas sans ignorer que l’hippodrome a servi pendant 70 ans de charnier à plus de 10 000 chevaux connus pour être potentiellement vecteur du tétanos. Être responsable, et c’est le programme de ma vie, c’est s’assurer par des études scientifiques et rationnelles de l’innocuité des lieux.

Notre objectif est de pérenniser les activités hippiques, mais dans un cadre légal cohérent et sécurisé :

– en redessinant la piste hippique en conformité avec les standards qui prévalent aujourd’hui et en isolant cette piste au sein d’une parcelle cadastrale autonome afin d’ériger cette piste en un équipement sportif à part entière ; elle profitera ainsi à notre population ;

– en reconsidérant l’aménagement de l’ensemble des structures autour de cette piste hippique afin de rationaliser les occupations de chaque entité en fonction de ses besoins et de les conformer aux règles sanitaires et d’hygiène ;

– en dégageant de l’espace pour permettre le déploiement d’activités culturelles, à destination notamment des bassins de population scolaire depuis Mahina jusqu’au centre-ville. Je pense notamment à la possibilité d’extension du Conservatoire artistique de la Polynésie qui manque cruellement de place.

Madame la représentante, Mesdames et Messieurs les représentants, j’espère avoir répondu à vos interrogations sur le sort de l’hippodrome et de ses chevaux, et apaisé vos inquiétudes.

Je voulais, pour clore mon propos, soumettre à votre réflexion ce proverbe du philosophe Xénophon qui disait à juste titre : « Seule une main gentille peut calmer un cheval énervé ».

Je vous remercie. Merci. (Applaudissements sur certains bancs du groupe Tavini huiraatira.)



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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