Rapport nº 11-2024 sur le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d'accès et travaux d'aménagement des assises foncières privées destinées à l'activité agricole Paru in extenso au JOPF n° 12 NA du 01/11/2024 à la page 895
| Rapport nº 11-2024 sur le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d’accès et travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole Présenté par M. Félix, Hoa Tetua Le président : Troisième rapport : rapport no 11-2024 sur le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d ’accès et travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole. Je demande au gouvernement d’exposer l’économie générale du projet. M. Taivini Teai : Merci beaucoup, Monsieur le vice-président. Bonjour à vous tous, Monsieur le vice-président. Bonjour à vous, Mesdames et Messieurs les élus de l’assemblée. Bonjour à — je ne sais pas s’il y a encore des personnes qui sont connectées — ceux qui nous suivent au niveau de la presse et des médias. Pour moi, c’est une petite émotion, là, dans la mesure où ça va être la première loi du pays que j’ai l’honneur de soumettre à votre examen. Cette loi du pays, comme l’a informé et présenté le vice-président, est relative à la réalisation de pistes d’accès et de travaux d’aménagement des assises foncières privées, avec une finalité de développement agricole. Pourquoi cette loi ? Cette loi part de constats : d’abord, que suite à la pandémie de la Covid, nous avons beaucoup de personnes qui souhaitent développer des activités agricoles, avoir des poules pondeuses, avoir leur champ, avoir de l’élevage. Également, on constate que nous avons des domaines agricoles qui sont limités au niveau du foncier et que force est de constater qu’on a beaucoup de personnes — en tout cas au niveau du ministère, mais je suis persuadé que les maires également — qui viennent demander du foncier pour faire de l’agriculture, pour faire de l’élevage. Les dispositifs actuels qui sont dans nos lois du pays ne permettent pas justement d’accéder à ce foncier privé et c’est l’objectif de cette loi : d’abord, c’est de passer en deux phases. Une première phase qui va être une phase d’étude de projet et, si elle est concluante, la deuxième phase qui conduira à cet aménagement du foncier avec une obligation de la part des dépositaires de ces demandes qui est celle de protéger ensuite ce foncier en zone agricole protégée. La volonté du gouvernement, c’est de ne pas que l’on ait des pistes agricoles pour ensuite avoir des immeubles, des locations de terrains, mais véritablement qu’on ait un développement agricole. Et également, comme vous le savez tous, les domaines agricoles du Pays, les personnes n’ont pas le droit de construire un logement dessus. Ils ont le droit au minimum d’avoir un petit atelier pour ranger leur matériel agricole. Mais à juste titre, étant donné que c’est du foncier privé, ces personnes-là auront la possibilité de construire leur propre ferme pour protéger — parce que c’est un constat également — leur production agricole et d’élevage. Et enfin, pourquoi cette loi ? C’est parce que nous souhaitons tous avoir cette souveraineté alimentaire. L’épidémie, la pandémie qu’a été la Covid nous a tous montré qu’il était nécessaire qu’on aille vers cette souveraineté alimentaire, diminuer les importations, notamment vivrières, et j’espère bien que cette loi y parviendra. Et encore une dernière petite chose, on le sait tous, le foncier privé est malheureusement en indivis. Je compte sur vous en fait, vous les élus qui rencontrez la population qui vient vous demander en fait des terres, pour que nos familles se mettent autour d’une table. Nos familles qui sont dans l’indivis se mettent autour d’une table et discutent entre elles pour se dire : O.K. On a de la terre, on ne va pas la vendre, on va la valoriser. On va utiliser cette loi pour valoriser notre fenua, planter et faire de l’élevage. Merci Le président : Merci, Monsieur le ministre, pour votre exposé. Monsieur Félix, Hoa Tetua, rapporteur, est-ce que vous souhaitez faire une présentation du rapport ? M. Félix, Hoa Tetua : Oui, président. Monsieur le Président, cher gouvernement, chers ministres, chers élus, et chers amis de la presse recevez mes salutations en cette occasion qui nous est donnée d’être réunie en cet après-midi. Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les représentants, le présent projet de loi du pays a été transmis par lettre nº 2056/PR du 4 avril 2024, aux fins d’examen par l’assemblée de la Polynésie française. Il a pour objet de compléter les outils déployés par la Polynésie française existants qui sont dédiés à la stratégie de développement d’aménagement de zones agricoles, que sont notamment la politique d’acquisition d’emprises foncières destinées à accueillir des lotissements agricoles et le dispositif d’aides financières prévu par la loi du pays nº 2017-26 du 9 octobre 2017 relative aux aides à la filière agricole. Le dispositif proposé par le présent projet de loi du pays permet de réaliser des travaux d’ouverture de pistes agricoles et de défrichage sur les grands domaines fonciers privés à vocation agricole. L’objectif est de libérer de nouveaux domaines fonciers, plus rapidement, dédiés à l’agriculture, à l’élevage et, la production forestière afin notamment d’atteindre la pleine souveraineté alimentaire, mais aussi pour augmenter la création d’emplois dans le secteur primaire. Au-delà de l’aspect de politique agricole, ce projet vise également à aider les familles polynésiennes à financer les accès à leurs terres et concourt à proposer des solutions à l’indivision foncière. Le nouveau dispositif concernera uniquement la réalisation de projets d’aménagement de fonciers privés classés en zones agricoles protégées en vue de leur mise en valeur agricole. Deux types d’aides financières, plafonnées à 150 millions de francs CFP par projet et pouvant représenter jusqu’à 100 % du montant des dépenses éligibles, seront proposés : une aide à la réalisation de tous types d’études préalables à la réalisation des travaux d’aménagement et une aide à la réalisation des travaux et aux études liées au suivi des travaux dont le montant total a été évalué par les études préalables. Les aides pourront être accordées, dans la limite des crédits disponibles, en considération des critères suivants : le montant total du projet et l'adéquation de son coût par rapport à la valeur ajoutée créée ; la pertinence du projet par rapport aux objectifs des politiques publiques. L’instruction et le contrôle du dispositif seront effectués par la Direction de l’agriculture qui sera également chargée de vérifier la bonne utilisation de l’aide octroyée. L’examen du présent projet de loi du pays en commission le 17 avril 2024 a permis à la commission d’avoir une présentation globale du dispositif proposé, ses objectifs et les modalités pratiques de mise en œuvre relatives notamment à l’instruction des demandes d’aides ainsi que les critères d’attribution. À noter également qu’il est prévu de communiquer sur ce dispositif très prochainement, que ce soit dans le cadre des foires agricoles ou dans les antennes de la DAG. À l’issue des débats, le présent projet de loi du pays a recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission. En conséquence, il est proposé à l’assemblée de la Polynésie française d’adopter le projet de loi du pays ci-joint. Merci bien Le président : Merci, Monsieur le rapporteur, pour la présentation du rapport. Je vous informe qu’en application de l’article 151 de la loi statutaire, le CÉSEC a désigné Monsieur Marotea Vitrac pour exposer devant vous son avis sur le projet de loi du pays. J’invite Monsieur Vitrac à exposer l’avis du CÉSEC, vous disposez de 10 minutes. M. Marotea Vitrac : Synthèse de l’avis no 14/2024 du 24 janvier 2024 sur le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d’accès et travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole. Monsieur le président de l’assemblée de la Polynésie française, Monsieur le Président de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Monsieur le ministre du secteur primaire, Monsieur le président de la commission de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de l’élevage et du développement des archipels, Mesdames et Messieurs les représentants à l’assemblée de la Polynésie française, cher public, bonjour C’est dans le cadre d’une saisine du Président de la Polynésie française datant du 22 décembre 2023 que le Conseil économique, social, environnemental et culturel a eu à examiner le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d’accès et travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole. En ma qualité de rapporteur, j'ai l’honneur de vous exposer une synthèse de l’avis nº 14/2024 du CÉSEC, rendu en assemblée plénière le 24 janvier 2024. Les observations et recommandations du CÉSEC sont les suivantes : 1°) S’agissant du soutien confirmé au secteur de l’agriculture Ce projet réglementaire constitue une aide nouvelle au développement de l’agriculture. Il s’inscrit dans le cadre du développement du Schéma directeur 2021-2030 de l’agriculture en Polynésie française (SDA 2021-2030) qui prévoit « l’aménagement de 800 nouveaux hectares de terres agricoles sur les lots domaniaux et les terrains privés ». La société civile organisée adhère pleinement au besoin de mesures de développement des terres agricoles. Elle rappelle ici le caractère prioritaire et exemplaire que constitue la valorisation des terres du Pays pour 530 hectares, ce qui représente les 2/3 de l’objectif global. Les nouvelles surfaces agricoles à aménager sur terrains privés représentent, elles, 270 hectares, soit 1/3 de cet objectif. Le dispositif envisagé devrait répondre à une partie de ce but. Le CÉSEC reste cependant vigilant quant au fait que ce levier d’action soit réellement complémentaire à d’autres mesures d’aides aux filières agricoles. Le dispositif reste perfectible compte tenu d’un engagement public conséquent. Les rédacteurs du texte indiquent que le dispositif de la loi du pays de 2017 manque d’efficacité du fait de l’impossibilité pour les porteurs de projet de financer le reste à charge (30 % à 50 % du coût global). Le dispositif projeté prévoit donc que le financement public puisse atteindre les 100 %. Le CÉSEC s’interroge sur les effets potentiels de l’absence de financement par le porteur de projet et notamment sur le risque d’effet d’aubaine sans retombées réelles pour l’agriculture. Aussi, le CÉSEC considère que les contreparties du dispositif semblent pouvoir être améliorées et complétées sur les points ci- après. 2°) S’agissant d’un cadre incitatif à mieux cerner Le nouveau dispositif doit être plus lisible au sein des aides sectorielles agricoles. La loi du pays nº 2017-26 du 9 octobre 2017 modifiée, relative aux aides à la filière agricole a pour mérite le regroupement des dispositifs d’aides au sein d’un même texte en assurant ainsi une transparence et une meilleure visibilité des soutiens publics à l’agriculture. Le CÉSEC reconnaît l’intérêt de maintenir cette cohérence. Aussi, il recommande l’insertion des dispositions de la nouvelle aide dans la loi du pays nº 2017-26 du 9 octobre 2017 modifiée, relative aux aides à la filière agricole. Les acteurs réellement ciblés doivent être mieux déterminés. Le CÉSEC s’interroge sur la nature du public destinataire de l’aide. Le CÉSEC relève par exemple l’absence de conditions de revenus à l’éligibilité du dispositif ou qu’un seul projet pourrait absorber 75 % de l’aide mise à disposition par le Pays. En raison du risque de saupoudrage de l’aide publique, il convient que le gouvernement assume une identification plus claire du type des parties prenantes visées in fine en conformité avec les orientations du schéma directeur agricole 2021-20230. Le CÉSEC recommande un meilleur ciblage des agriculteurs, exploitants et propriétaires soutenus. Par ailleurs, les auteurs ont indiqué que le facteur financier conditionnait la résolution de nombreuses situations d’indivision et qu'ils estimaient qu’une aide publique à hauteur de 100 % permettrait de lever cette contrainte. Le CÉSEC s’interroge sur la valeur juridique d’un « document attestant de la pérennité de leurs droits sur la parcelle où l’aménagement est envisagé. » Ainsi, compte tenu des causes profondes des situations d’indivision, il apparaît à l’institution que ce dispositif d’aide ne devrait concerner que les terres divises ou en indivision simple. Les voies ainsi subventionnées doivent être mieux qualifiées. D’après les auteurs du projet de texte, les dispositions actuelles qui prévoient que la voie financée soit ouverte au public sont rédhibitoires pour la majorité des propriétaires qui ne veulent pas rétrocéder une partie de leur terre. Pour la société civile organisée, cette contrepartie est pourtant d’un intérêt général avéré. Aussi, le CÉSEC recommande l’ouverture à la circulation publique des voieries améliorées ou créées avec un cadre réglementaire adapté concernant la sécurité. Une obligation de durée d’utilisation agricole de la terre doit être fixée. Le classement en Zone agricole protégée (ZAP) se fait au sein des plans généraux d’aménagement à l’issue d’une procédure complexe, contradictoire et continue. Le gouvernement souhaite en parallèle de ce processus mettre en œuvre d’autres dispositions du code de l’aménagement pour permettre ce même classement, mais de manière simplifiée et par arrêté pris en conseil des ministres. Il y aurait ainsi deux façons différentes de classer une parcelle en ZAP. Afin de garantir la vocation agricole de ces zones, de la même manière, le CÉSEC recommande l’obligation d’exploitation à des fins agricoles pendant une durée minimum définie (ex. 10 ou 20 ans) quel que soit le procédé de classement en ZAP. La quotité de surface réservée aux habitations doit être déterminée. L’habitation de l’exploitant est permise par les réglementations ainsi que celle des propriétaires terriens sur les terrains classés en ZAP. La société civile organisée considère que l’enjeu agricole doit être privilégié compte tenu notamment de l’aide publique qui peut s’élever à 100 %. Aussi, la part de terres consacrée aux logements doit être encadrée et ne doit pas prévaloir sur la destination agricole du foncier. Le CÉSEC recommande donc l’encadrement et le contrôle précis de la surface des terres destinée à l’habitation. Les critères d’attribution doivent être inscrits dans la loi du pays. Les conditions d’attribution de l’aide sont énoncées dans leur principe général et leur détermination est renvoyée à des arrêtés d’application pris en Conseil des ministres. Le CÉSEC souligne l’absence du contenu de ces projets d’arrêtés au dossier et que les éléments présents au projet de loi du pays ne permettent pas d’appréhender l’équilibre « gagnant-gagnant » entre les montants publics alloués et les retombées minimales attendues. Le CÉSEC recommande la définition précise des critères d’attribution dans la loi du pays. Le contrôle du nouveau dispositif d’aide doit être effectif. Le CÉSEC relève que les dispositions et modalités de mise en œuvre du contrôle de l’aide par les agents de la Direction de l’agriculture ne figurent pas au projet de loi du pays. Aussi, le CÉSEC recommande la production a posteriori par les services du Pays de rapports techniques et financiers annuels justifiant du respect des conditions d’octroi de l’aide et garantissant sa bonne réalisation et sa destination. L’information et l’accompagnement des porteurs de projet doivent être assurés. Les rédacteurs indiquent que « Dans un souci d’efficacité et pour éviter tout retard en matière opérationnelle, il est prévu que le bénéficiaire désigne un maître d’ouvrage délégué afin de garantir la mise en œuvre de son projet. » (Cf. article LP. 5). Cette condition peut être considérée comme une mesure d’accompagnement des porteurs de projets par le Pays dès lors que la prise en charge publique est de 100 %. Cette disposition rejoint deux précédentes recommandations de l’institution : – « Le CESC préconise par ailleurs que soient prises, parallèlement à ce dispositif d’aides, des mesures d’accompagnements des agriculteurs pour le montage et le suivi de leur dossier. » ; – « Le CESC attire donc l’attention du Pays afin que ce secteur comme celui de la pêche bénéficie, outre les aides au développement, d’un accompagnement technique et financier adapté. » Dans la continuité et en complémentarité des dispositions figurant dans le projet de texte, le CÉSEC recommande ici la tenue d’une campagne d’information et d’explication relative au projet de texte. Une synergie avec le dispositif de l’aide au désenclavement doit être trouvée en faveur de l’agriculture. Le projet de loi du pays prévoit une aide à l’aménagement de terres privées destinées à l’agriculture et des voies d’accès à ces terres. Cependant, en présence d’une terre enclavée, l’accessibilité du terrain depuis une voie publique reste une problématique sauf à détenir un « document attestant de la pérennité de leurs droits sur la parcelle ou l’aménagement est envisagé » sur l’ensemble du chemin d’accès. La loi du pays nº 2018-23 du 6 juin 2018 portant diverses mesures en faveur de l’accessibilité foncière définit les mesures en faveur du désenclavement qui sont dans certaines conditions à la charge du Pays. Aussi, le CÉSEC recommande la concertation entre les différents ministères afin de trouver une meilleure complémentarité entre les différentes lois du pays sur la gestion de l’indivision, du désenclavement et le présent projet de loi du pays. 3°) S’agissant d’une nécessaire mise en cohérence des différentes politiques publiques sectorielles concernées par l’aménagement D’une part, le traitement du foncier est indissociable de la problématique de l’indivision. La souveraineté alimentaire ne pourra être atteinte sans règlement de l’indivision puisqu'environ 80 % des terrains en Polynésie française sont privés et environ 60 % sont en situation d’indivision. Le CÉSEC invite donc le gouvernement à continuer de traiter le sujet primordial et transversal de l’indivision en priorité. D’autre part, le traitement de l’aménagement du territoire est indissociable de la problématique du désenclavement. Ainsi que l’ont confirmé les auteurs du texte, les voies ainsi créées ou améliorées par le nouveau dispositif doivent permettre une réflexion sur un aménagement global de la zone concernée. Le CÉSEC appelle de ses vœux une approche plus structurée et respectueuse des différents schémas adoptés par les communes et par le Pays. Le CÉSEC rappelle que le développement de l’agriculture, comme d’autres secteurs, nécessite un désenclavement par des routes de pénétration tracées par la puissance publique et qu’une concertation plus élargie doit être menée comme l’indiquait notre institution en 2017 : « Comme il l’avait déjà préconisé lors de la mise en place du SAGE [Avis CESC nº 113/2011 du 27 octobre 2011], le CESC considère que ces dispositions doivent être accompagnées d’un rapprochement et d’une concertation renforcée entre les collectivités (Pays, communes, organismes intercommunaux) afin que les PGA et les orientations prises au travers du SAGE soient mis en cohérence. » En conclusion, l’agriculture est une activité noble qui doit être soutenue notamment en faveur de l’objectif de souveraineté alimentaire. Les principaux facteurs de réussite de la politique agricole résident dans l’amélioration de la filière depuis l’accès au foncier, en passant par la formation, l’organisation des filières agricoles, jusqu’à la création de débouchés pour les produits de l'agriculture locale. Malgré la dureté du métier et sa perte d’attractivité, la demande de terres agricoles est toujours vive et ne peut être satisfaite par l’offre publique. Le projet d’aide financière présentée par le Pays vise donc à compléter les facilités actuelles de mise en exploitation agricole de terres privées. Sur le principe, le CÉSEC comprend la finalité louable de ce nouvel outil, mais émet de nombreuses recommandations. Enfin, et en marge du projet réglementaire, le CÉSEC invite le Pays à poursuivre la résolution de la problématique de l’indivision dans une perspective de politique d’aménagement du territoire et notamment de désenclavement pour les projets futurs. Tel est l’avis du Conseil économique, social, environnemental et culturel sur le projet de loi du pays relatif à la réalisation des pistes d’accès et travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole. Je vous remercie de votre attention à toutes et à tous. Merci (Applaudissements dans la salle.) Le président : Merci, Monsieur Marotea Vitrac, pour votre exposé sur l’avis du CÉSEC. Pour la discussion générale, la conférence des présidents a prévu un temps de parole de 60 minutes réparties comme suit : le groupe Tavini huiraatira dispose de 36 minutes, le groupe Tapura huiraatira de 15 minutes et les non-inscrits de 9 minutes. J’invite l’intervenant du groupe Tapura huiraatira à prendre la parole. Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le premier vice-président. Bonjour encore à tous pour ce début d’après-midi et bonjour à notre ministre de l’agriculture en particulier qui porte ce dossier. À la lecture du texte qui nous est présenté, la première chose que l’on puisse relever, c’est que notre ministre de l’agriculture applique à la lettre la feuille de route du Tavini huiraatira. Donc, comme cela a déjà été évoqué, on commence à connaître par cœur le programme du Tavini huiraatira. Et effectivement, au chapitre Fa'atupu, Bâtir (p.34), on cite ce projet. Et donc, pour une fois, j’ai envie de dire sans ironiser, voilà, c’est fait. Ainsi donc, le gouvernement porte à notre examen un dispositif qu’il qualifie de nouveau. Alors je dis « qu’il qualifie de nouveau » parce qu’on le sait bien, ce n’est pas un nouveau dispositif. Il s’agit effectivement, on va dire, d’une simple évolution puisque, ce qui change par rapport au précédent dispositif, c’est la prise en charge puisqu’avant on s’arrêtait effectivement à un certain pourcentage pour que les personnes bénéficiaires apportent leur part. Aujourd’hui, on peut aller jusqu’à 100 %. On reviendra là-dessus. C’est une noble tâche, une vaste ambition, un gros chantier en perspective… même si nous pouvons regretter l’absence d’éléments chiffrés et d’indicateurs sur le nombre de friches potentielles à exploiter à Tahiti comme dans les archipels éloignés. Si j’ai bien écouté l’intervention du CÉSEC, ils ont évoqué une certaine superficie donc j’entends qu’ils ont réussi à… Mais dans le dossier, effectivement, on n’a pas trouvé cette superficie. Quoiqu’il en soit, partant du principe que ce qui a été réalisé jusqu’ici n’aurait pas été couronné de succès, en référence aux « aides de type 4 » — et ce, même si le constat de cette inefficacité n’est pas clairement démontré — une nouvelle offre mirifique est présentée avec le même objectif que nous partageons tous puisque l’objectif de ce texte est louable : celui d’atteindre un jour la pleine souveraineté alimentaire. Une offre donc, comme je disais, pas si nouvelle que cela, puisqu’en fin de compte, au-delà même du texte qui existait précédemment, il apparaît, selon l’aveu même des techniciens qui étaient présents en commission législative, que ce texte s’inspire de ce qui se faisait il y a déjà une quinzaine d’années. Sauf qu’effectivement, à l’époque, il n’y avait pas de cadre juridique et aujourd’hui on vient poser un cadre juridique. Dans l’exposé des motifs du projet de loi du pays, vous priorisez donc l’ouverture de pistes agricoles ainsi que le défrichage des domaines privés encore inutilisés. Je me posais la question justement de savoir aussi — j’en profite du coup — : est-ce que cela va jusqu’à l’aménagement, c’est-à-dire le terrassement ? Si on a un terrain effectivement qui n’est pas plat, et donc qui ne peut pas être planté en l’état, les terrassements sont-ils inclus dedans ? Je pense que c’est une question importante parce que, quand on y arrivera effectivement, j’appuierai dessus, sur le montant alloué au programme. En fonction des travaux à effectuer, cet argent en fait ne représente finalement pas une si grosse enveloppe que ça, mais bon. Pour ce qui est des travaux d’aménagement qui seraient donc éligibles — vous allez certainement me le confirmer — comme, par exemple, l’adduction en eau sans laquelle tout développement agricole est vain, il nous faudra attendre la publication d’un arrêté pris en conseil des ministres pour découvrir les conditions d’éligibilité. Et j’entends bien l’intervention du CÉSEC qui demande effectivement à ce que ces conditions soient inscrites dans la loi et non pas dans un arrêté de conseil des ministres. Seule certitude, pour l’heure, les « fameuses » voies d’accès seront, je cite : « plus des sentiers agricoles pour le cheval ou le tracteur, que des routes bitumées ». C’est-ce que vous avez indiqué Monsieur le ministre dans le but certainement de réaffirmer la stricte vocation agricole des projets. Alors j’ai envie de vous dire que là où j’habite à la servitude Cadousteau à Paea, ce n’est pas loin d’un sentier agricole pour les chevaux et pour les tracteurs, mais cela n’empêche pas que dans mon quartier, on est presque 3 000 personnes à habiter ! Donc voilà, on peut espérer que cela dissuade, mais j’insiste là-dessus parce qu’effectivement, comme cela a été dit par le représentant du CÉSEC, l’idée dans ce projet qui, effectivement, est de développer les domaines agricoles, ce ne serait pas justement de dévoyer l’objectif puisqu’aujourd’hui on autorise que des personnes puissent s’installer finalement à côté de leur plantation. Et ça, c’est une question aussi que je voudrais vous poser : quelle est la superficie minimum de plantation qu’on demande pour pouvoir justement s’installer ? Est-ce qu’il suffira que quelqu’un plante deux lignes de choux et finalement prétendre que : « eh bien ça y est, j’ai planté, je vais produire quelques choux et du coup je peux m’installer » ? Et finalement, on verra que c’est certainement une façon de dévoyer et plus d’utiliser son terrain pour s’y loger que pour produire suffisamment de produits ou planter pour l’agriculture quoi ! D’où l’interrogation aussi qui a été posée et qui était de savoir : quelle est la réelle incidence sur justement la production agricole, c'est-à-dire les retombées réelles pour l’agriculture ? Ensuite, par rapport à ce que je disais, tout en ajoutant, et cela peut paraître contradictoire, que les propriétaires terriens auront la possibilité de s’installer à demeure. Et donc, c’est ce que je disais à l’instant, c’est ce qui vient aussi changer par rapport peut-être au dispositif précédent, c’est que là, on tolère qu’ils s’y installent. Et j’ai envie quand même de citer, on voit déjà aujourd’hui les dérives possibles, en particulier à Papara. On voit bien qu’il y a plusieurs zones agricoles qui étaient censées être destinées à planter et à élever et, finalement, il y a plusieurs maisons aujourd’hui qui pullulent et des gens qui s’y sont installés de façon pérenne. Alors pour renforcer cette vocation agricole, le dispositif sera réservé aux seules zones agricoles protégées, c'est-à-dire les ZAP. Durant nos travaux préliminaires, les élus ont rappelé que seules 13 communes sur 48 disposent actuellement d’un Plan général d’aménagement. Ce qui signifie que pour les autres, ce classement devra être à l’initiative du pays, mais évidemment j’imagine que cela sera fait en concertation avec chaque commune. Je ne peux pas imaginer qu’il puisse en être autrement. Quant à prétendre que ce dispositif sera moins coûteux pour la collectivité que par le passé, là, j’aurais tendance à vous dire oui et non parce qu’effectivement, avec une enveloppe de 200 millions de F CFP qui est donc pour l’instant inscrite en section d’investissement du budget primitif 2024, on ne risque pas d’aller bien loin ! C’est pour cela que je posais la question tout à l’heure de l’aménagement des terrassements puisqu’on a évalué à 5, à 10 projets qui pourraient bénéficier de cette aide, mais comme cela a été dit tout à l’heure, n’importe qui peut venir demander l’aide. Est-ce qu’il y a des critères justement de revenus ? Quelqu’un effectivement qui a une très grande surface sur laquelle il veut planter, à lui tout seul peut capter — comme cela a été dit — 75 % de l’enveloppe. Quid des autres alors ? Cela a toujours été un problème que l’on a évoqué. Dès lors qu’on donne des aides, bien souvent, ce sont ceux qui font le plus rapidement les dossiers, et bien souvent c’est ceux qui ont de grandes superficies qui captent toutes les subventions au détriment des autres. Et donc là-dessus, est-ce qu’il y a des verrous ? Est-ce qu’il y a des moyens de contrôle ? Parce que, cela aussi, c’est la première chose qui m’était venue à l’esprit puisque, comment va-t-on faire pour éviter justement cette dérive-là ? Comme je le disais, cela dépendra bien sûr de la superficie de la terre exploitable et le volume d’argent public qui vient avec puisque ce sera fonction effectivement de cette superficie et surtout de la complexité du chemin. Enfin, je pense qu’il y a plusieurs paramètres. C’est pour cela que j’étais mitigée quand je disais en introduction là, quand on dit 5 à 10 projets, limite un seul projet peut capter les 200 millions de F CFP. Par rapport aux critères, j’ai posé la question : est-ce qu’il y a justement les revenus ? Cela a été dit. Est-ce que ce sera un des critères d’attribution ? Il y a une réponse qui a été donnée en commission où il y aurait quelque chose qui serait jugé sur pièce en CCBF au moment de la validation des dossiers par notre assemblée. Et donc, est-ce qu’effectivement dans la boucle, vous pensez tenir compte de ce contrôle de la CCBF ? On peut dire aussi qu’à travers cette mesure que vous proposez effectivement, le Pays peut sembler très généreux parce que, quand on voit effectivement qu’on peut donner jusqu’à 100 %. Alors évidemment, il y a des effets d’aubaine, comme cela vient d’être dit, parce qu’il y a des gens à qui cela n’échappera pas, alors qu’il y a effectivement une forme de responsabilisation quand les personnes bénéficiaires reçoivent ces aides-là. C’est sûr que c’est séduisant et quand j’entends effectivement que les gens disent qu’ils n’arrivent même pas à combler la part qui leur est demandée, quelque part, on aurait peut-être quand même pu réduire le montant de contribution, mais conserver quand même un montant justement pour qu’il y ait, comme je dis, cette forme de responsabilisation. En résumé, mes chers collègues, permettez-moi d’afficher mon scepticisme, alors pas dans le fait de chercher des moyens de développer les terres agricoles. On est tous sur la même longueur d’ondes, il n’y a pas de souci, mais c’est par rapport à l’efficacité de cette mesure. À partir du moment où effectivement l’on n’établit pas des critères de priorisation, que l’on ne fait pas en sorte que finalement ce soit ceux qui ont le plus besoin qui en bénéficient, il y a beaucoup de risques à ce que cette idée, qui est à l’origine est vertueuse, soit dévoyée de sa finalité originelle et du coup, comme cela a été dit, un grand risque de saupoudrage avec des retombées sur l’agriculture. Ce que notre intervenant a qualifié de retombées réelles pour l’agriculture qui sont finalement très minimes et on sera loin de l’indépendance alimentaire et — comment dirais-je ? — même de l’autoconsommation, puisqu’à un moment donné, ce n’est pas cela qui va changer la surface du monde au niveau consommation agricole et élevage. Et donc voilà les remarques que je souhaitais vous soumettre. Je vous remercie pour votre attention. Le président : Merci pour l’intervenant du Tapura huiraatira. J’invite l’intervenant des non-inscrits à prendre la parole. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Monsieur le ministre, Monsieur le Président, Madame la ministre. Chers collègues, initié sous la précédente mandature, ce projet de loi du pays répond à l’objectif d’accroître notre autonomie alimentaire par le développement des ressources primaires et plus spécifiquement l’agriculture en favorisant la réalisation de travaux d’aménagement sur des propriétés foncières, privées si elles sont destinées à l’activité agricole. Il est vrai que le dernier rapport établi par la délégation aux outre-mer sur l’autonomie alimentaire fait état de difficultés de sécurisation de notre alimentation à raison d’une trop forte dépendance aux importations. Notre pays dispose pourtant d’un fort potentiel, mais également de nombreux freins à l’essor de notre agriculture, l’accessibilité aux surfaces agricoles étant trop restreinte et trop onéreuse pour les agriculteurs qui ne peuvent, en situation d’indivision, bénéficier d’aides financières suffisantes pour leur exploitation familiale ou encore pour les grands domaines fonciers dont les coûts s’envolent : 450 millions de F CFP pour le domaine Puunui à Tahiti d’une surface agricole de 26 hectares ; 357 millions de F CFP pour le domaine Boubé à Raiatea d’une surface agricole de 50 hectares selon le rapport de présentation du gouvernement précédent. Ce projet de texte repris par l’actuel gouvernement s’inscrit dans la volonté politique d’apporter un soutien public plus adapté au développement de surfaces agricoles en valorisant les propriétés foncières, nécessitant des aménagements trop onéreux pour les familles souvent en situation d’indivision. L’insuccès des autres aides instituées par la loi du pays nº 2017-26 liée à la part restant à charge des agriculteurs n’a pas permis de répondre aux besoins d’aménagement ou encore de financer des projets nécessitant des investissements supérieurs à 25 millions de F CFP. Ainsi, à la différence des autres aides financières existantes, ce nouveau dispositif vise donc à faciliter la mise en exploitation agricole des terres privées en autorisant une prise en charge totale par le pays du montant des frais d’opération d’aménagement : études, travaux, matériaux, infrastructures, fournitures et prestations liées à l’amélioration des voies d’accès sous condition de l’affectation agricole des fonciers aménagés. Pour garantir la pérennité du dispositif et éviter tout effet d’aubaine d’usage des fonds publics, l’article LP. 1 conditionne les modalités d’attribution aux projets d’aménagement foncier classés en zone agricole protégée définis, créés par décision du conseil des ministres tel que prévu par le code de l’aménagement ou au sein des PGA communaux. Sur le fond, A here ia Porinetia ne peut qu’approuver l’objectif de développer des terres agricoles et encourage le gouvernement dans le soutien au développement de terres agricoles. Toutefois, Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur les conséquences du classement en zone agricole protégée pour les familles qui, en situation d’indivision, solliciteraient un tel classement en l’absence de durée fixée ni minimum ni maximum. En effet, les dispositions du code de l’aménagement auxquelles il est fait référence interdisent au titre des mesures de protection à l’intérieur du périmètre de la zone agricole protégée toute construction de lotissements ou de groupes d’habitation, autrement dit de se loger. Aussi, Monsieur le ministre, qu’adviendra-t-il d’un membre de la famille qui obtient a posteriori une sortie d’indivision ou par succession sa terre classée s’il ne peut plus prétendre à s’y loger ? Quelles sont les solutions que vous envisagez ? Pour ce qui concerne les modalités d’attribution, nous relevons que le projet de texte retient que le montant du projet d’aménagement à réaliser doit être en adéquation avec son coût par rapport à la valeur ajoutée créée, lesquelles pourront être précisées en conseil des ministres. Monsieur le ministre, selon les débats tenus en commission, vous avez indiqué que cette exigence de proportion vise à garantir la bonne utilité des fonds publics compte tenu du soutien public à hauteur de 100 % du projet. Pourriez-vous toutefois nous expliciter davantage les conditions d’appréciation de cette adéquation qui ne nous apparaissent pas suffisamment précisées dans le projet de loi du pays ? Outre la surface agricole, les conditions d’adéquation porteront elles sur la capacité financière des agriculteurs à développer une production agricole alors que le dispositif retient un soutien public total ou sur les rendements attendus des productions. Les agriculteurs pourront-ils prétendre à être accompagnés en termes de formations pour accroître cette plus-value ? Cette adéquation sera-t-elle compatible avec le soutien au développement d’une agriculture biologique moins rentable ? S’agissant des voies d’accès, cette adéquation retiendra-t-elle la capacité des agriculteurs à entretenir ces nouvelles voies ? À défaut, est-il envisagé de les soutenir dans l’acquisition d’engins permettant d’entretenir les aménagements réalisés ? Pourront-ils les faire évoluer dans le temps ? S’agissant du montant de l’aide plafonnée à un projet de 150 millions de F CFP et une enveloppe de 200 millions de F CFP inscrite au budget, A here ia Porinetia s’interroge de la capacité du pays à répondre aux demandeurs puisqu’un seul projet pourrait consommer les trois quarts de l’enveloppe inscrite. Dans quelle mesure pourriez-vous refuser alors d’octroyer ce soutien public ? N’envisagez-vous pas de retenir deux régimes ? Un pour les gros porteurs de projet et un autre pour les plus modérés. Vous l’aurez compris, Monsieur le ministre, l’objectif de A here ia Porinetia est de soutenir le développement de l’agriculture, mais nous aurions espéré obtenir davantage de précisions sur le programme politique agricole qui doit nécessairement accompagner ce dispositif d’aménagement qui ne s’inscrit que comme un préalable si l’on souhaite porter haut et fort la transition alimentaire. Je vous remercie. Le président : Merci pour l’intervention des non-inscrits. J’invite l’intervenant du groupe Tavini huiraatira à prendre la parole. Mme Marielle Kohumoetini : Merci beaucoup. Mes salutations à toutes et à tous. Juste pour un petit rappel. Nous sommes trois du Tavini huiraatira à intervenir pour ce projet de loi et mes deux autres collègues en langue polynésienne. Aujourd’hui, nous sommes réunis pour aborder un projet de loi concernant la réalisation de pistes d’accès et les travaux d’aménagement des assises foncières privées destinées à l’activité agricole. Ce texte tire les conséquences de l’échec des aides de type 4 « Aides à la réalisation d’aménagements fonciers » instituées par l’article 19 de la LP du 9 octobre 2017. Ce sujet est au cœur de nos efforts pour atteindre une souveraineté alimentaire durable et pour la conservation de notre patrimoine foncier. C’est une réelle avancée pour le secteur agricole en pleine expansion, qui mérite un soutien financier substantiel. Comme vous le savez, Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française) est confronté(e) à un défi majeur en termes d’accès au foncier agricole. Près de 60 % de nos terres sont en indivision, souvent sous-utilisées à cause de complications juridiques et administratives. Cette situation représente non seulement un obstacle à notre développement agricole, mais aussi une menace pour la conservation de ces terres précieuses. En mobilisant ces terres pour l’agriculture, nous prévenons leur conversion en zones urbanisées ou commerciales. L’agriculture permet de maintenir le sol en bon état et de préserver la biodiversité locale, des éléments cruciaux pour l’équilibre écologique de nos archipels. En 2021, nous avons importé plus de 80 % de nos besoins alimentaires. La mise en valeur des terres en indivision pourrait réduire significativement cette dépendance en augmentant la production locale, nous permettant de couvrir jusqu’à 50 % de nos besoins alimentaires, contre seulement 20 % aujourd’hui. En 2023, Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française) a importé plus de 30 milliards de F CFP de produits alimentaires. La valorisation des terres agricoles pourrait réduire ces importations de 10 % dans les cinq prochaines années, générant une économie directe de 3 milliards de F CFP annuellement pour notre économie locale. Notre dépendance aux importations alimentaires est un risque économique à remédier absolument. Ce projet de loi propose de mobiliser ces terres en favorisant l’aménagement de nouveaux projets à l’horizon 2030, conformément au schéma directeur de l’agriculture de Mā'ohi Nui(NDT, la Polynésie française). Pour garantir le succès des initiatives mises en place, des programmes de formation en agriculture durable seront proposés aux propriétaires et exploitants. Le support technique, incluant des conseils en agronomie et en gestion des terres, sera renforcé. Ce texte est essentiel pour lever les obstacles freinant le développement de notre agriculture et pour renforcer notre souveraineté alimentaire. Le foncier public ne permettant pas d’accéder à cette autosuffisance, l’amélioration de l’accès et l’aménagement de nos assises foncières privées valoriseront les terres en indivision, un sujet qui nous touche tous profondément. Nos terres, riches et fertiles, constituent un patrimoine inestimable que nous devons exploiter de manière responsable et durable. Cependant, l’accès limité et l’état non aménagé de nombreuses parcelles agricoles privées entravent notre capacité à cultiver et à produire localement ce dont nous avons besoin pour nourrir notre peuple. Ce projet de loi offre la possibilité de réaliser des pistes d’accès et des travaux d’aménagement nécessaires pour transformer ces terrains en zones agricoles productives. Il facilitera l’engagement des terres privées en indivision dans des projets agricoles viables en fournissant un soutien financier intégral pour les aménagements nécessaires, sans coût résiduel pour les propriétaires. Cette solution innovante permet un financement à 100 % couvrant ainsi les études préalables, le défrichage, et la mise en place des infrastructures essentielles telles que les pistes d’accès et les réseaux d’irrigation, avec un plafond généreux de 150 millions de F CFP par projet. Ainsi, ce financement intégral montre l’engagement du gouvernement à soutenir nos agriculteurs et propriétaires fonciers, sans laisser le coût devenir un obstacle insurmontable. En contrepartie de cette aide financière à 100 %, nous attendons une production accrue pour rentabiliser le secteur primaire. Ce texte reconnaît la complexité et les défis posés par les terres en indivision. En fournissant les moyens financiers et techniques nécessaires, nous aidons à débloquer le potentiel de ces terres, en assurant leur utilisation agricole à long terme avec un réel accompagnement des services concernés. Cela représente une avancée significative vers la résolution d’un problème foncier qui a longtemps entravé notre développement agricole. Ce n’est pas seulement une question de développement agricole, c’est aussi une question de souveraineté alimentaire. En améliorant l’infrastructure de nos terres agricoles, nous réduisons notre dépendance aux importations et renforçons notre résilience face aux crises alimentaires globales. Ce projet est en parfaite harmonie avec les objectifs de notre schéma directeur de l’agriculture 2021-2030, visant à augmenter significativement les surfaces cultivables pour atteindre une meilleure autosuffisance alimentaire. Nous prônons une souveraineté alimentaire, et pour ce faire, nous devons commencer par aider financièrement les propriétaires fonciers privés en désenclavant leurs parcelles à vocation agricole. Par voie de conséquence, des emplois directs seront créés dans le secteur agricole, renforçant nos communautés rurales et contribuant à l’économie circulaire. Nous nous engageons à respecter les principes de développement durable en préservant la vocation agricole des terres aménagées. Tous les projets financés par ce dispositif seront strictement limités à des terres classées en Zones agricoles protégées (ZAP), garantissant ainsi que ces aménagements restent dédiés à l’agriculture sur le long terme, sans risque de conversion pour d’autres usages. En définitive, ce projet de loi du pays n’est pas seulement un cadre législatif, mais un pacte pour l’avenir de Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française). Il s’agit d’une réponse concrète aux défis de notre indépendance alimentaire, de l’utilisation optimale de nos terres et du soutien à notre économie locale. Cela représente un engagement vers un avenir où chaque parcelle de notre terre contribue à la prospérité et à la santé de Mā'ohi Nui. Je vous invite, chers collègues, à soutenir ce projet de loi, clé de voûte de notre politique agricole pour les années à venir et un levier vers une souveraineté alimentaire. Ensemble, avançons vers un avenir où notre terre nourrit non seulement nos corps, mais aussi nos esprits et notre économie. Je vous remercie pour votre engagement envers notre terre et notre peuple. Votre soutien est essentiel pour transformer nos défis actuels en opportunités pour toutes les générations actuelles et futures d’agriculteurs polynésiens. Merci beaucoup. Le président : Merci pour cette première intervention du groupe Tavini. Je demande aux deux autres de poursuivre. Merci. Mme Sylvana Tiatoa : Monsieur le premier vice-président de l’assemblée, Monsieur le Président du Pays, Mesdames et Messieurs les ministres, à toutes et à tous, par la grâce de Dieu, bonjour. L’agriculture permet d’alléger le coût de la vie. En effet, l’on fait bien d’examiner ce projet de loi du pays qui vient faciliter le retour de notre peuple vers le développement de leurs terres héritées de leurs ancêtres et qui constituent notre patrimoine aujourd’hui. Je me rappelle encore de l’histoire de ce vieil agriculteur avec ses enfants. Lorsqu’il fut sur le point de mourir, il rassembla ses enfants et voici ce qu’il leur dit : « ne vendez surtout pas nos terres car j’y ai enfoui un trésor immuable que je vous lègue désormais. » À la mort de celui-ci, ses enfants prirent la décision de mener des fouilles afin de retrouver le trésor que leur avait laissé leur père. Pensant qu’il s’agissait d’un coffre rempli d’or, ils se mirent à fouiller toute la propriété et ne trouvèrent aucun trésor. Ils repensèrent aux propos de leur père et se mirent à remplir leur terre de plantes nourricières. Ils comprirent alors que cette terre désormais remplie de plantes nourricières était le coffre rempli d’or qui leur avait été laissé. Cela doit nous faire prendre conscience, aujourd’hui, que notre terre a plus de valeur qu’un coffre rempli d’or. Les grandes nations de ce monde ainsi que l’État français connaissent la valeur inestimable de notre pays. D’ailleurs, c’est pour cela que Monsieur Degage, dans l’une de ses chansons, disait « notre pays est convoité aujourd’hui ». Par contre, je suis étonnée aujourd’hui car plus de 80 % des produits que nous consommons sont importés. On pourrait développer davantage sur ce sujet, mais restons-en-là. Des échos se font entendre aujourd’hui et disent que : « la vie est devenue très chère aujourd’hui. Depuis que vous, le Tavini huiraatira, êtes aux rênes du Pays, tout est devenu cher, vous avez empiré la situation de l’OPH, favorisé la faillite de l’OPT, tordu les ailes d’ATN… Vous êtes responsables de l’augmentation du nombre de personnes pauvres dans notre pays, du nombre de sans domicile fixe dans Papeete puisqu’il y a plus de 70 000 chômeurs chez nous ! » Eeee ! Ne m’en veuillez pas si je vous confirme, aujourd’hui, que l’ensemble des problèmes rencontrés par la population polynésienne aujourd’hui est la résultante de la gouvernance autonomiste qui dure depuis 1984 ! Le malheur, la pauvreté, les maladies incurables, le désarroi et la mort de la population polynésienne ne datent pas d’aujourd’hui puisqu’ils existaient déjà. C’est dès l’instant où l’on a souillé ce peuple et sa terre que les décès ont commencé. Cela fait près de 70 ans maintenant que le peuple se plaint, mais on a l’impression que c’est la première fois que toutes et tous tendent l’oreille pour écouter le peuple se plaindre ; enfin, c’est toujours mieux que rien. C’est depuis que les étrangers ont détourné et vendu les terres du Polynésien que le peuple a connu une extrême pauvreté. Une expression de nos vieux sages disait ceci : « Une personne perdue s’assoit et retourne vers ses pairs pour obtenir des conseils avant de reprendre de nouveau sa route. » Combien de gouvernements se sont égarés et ne se sont jamais remis en question ? Le nombre et le type de problèmes que rencontrent la population polynésienne sont le résultat de la gestion instable qui a été entreprise depuis et ce, jusqu’à aujourd’hui. Le mode de vie ancestral de nos ancêtres était concis et clair : le foyer, le champ, la pêche, le foyer. Depuis le début des essais nucléaires, qui ont tué des milliers de personnes chez nous, cela a complètement bouleversé le mode de vie de la population. Voici dorénavant le mode de vie de la population : la maison, le commerce, le tribunal, l’hôpital, la tombe. C’est ce mode de vie qui est responsable de l’inflation et qui a fait que Carrefour, Champion, Proxi, MacDo, Inter Market, King, etc. sont devenus le grenier du Polynésien. La loi du pays que nous allons approuver aujourd’hui est un des moyens pour aider notre population à suivre le bon chemin pour une vie moins chère et libre. La loi que nous voterons aujourd’hui incitera notre population à retourner sur sa terre et à reprendre les pratiques qui nous ont été transmises par nos ancêtres. Dès que notre démarche sera bonne et que l’on accompagnera correctement notre population à un retour vers cet esprit de communautarisme pour développer la terre et consommer ce qu’elle a elle-même planté, la voix de Tireo retentira encore dans la mémoire du peuple polynésien : « Cher Polynésien, défriche, laboure, sème, plante…Ta vie repose sur ton alimentation et c’est ce qui maintiendra ta santé. » Si l’on souhaite que le coût de la vie baisse, il n’y a pas meilleur moyen que notre terre. Si nous voulons diminuer les dépenses liées à la santé de notre population, il n’y a pas meilleur moyen que notre terre. Merci de votre attention et mes salutations. (Applaudissements sur les bancs du groupe Tavini huiraatira.) Mme Maite Hauata Ah-Min : À toutes et à tous, aujourd’hui, par la grâce de notre Seigneur, bonjour. Chers collègues, cela fait longtemps maintenant que l’on entend cette voix dire : « Il faut ramener le peuple vers sa terre ». Aujourd’hui, nous examinons cette loi du pays qui vient encourager le peuple polynésien à se tourner vers sa terre afin d’y développer l’agriculture, et de réaliser, en quelque sorte, ce que Dieu (NDT, Dieu des chrétiens) disait : « Homme, tu mangeras à la sueur de ton front. » Aménager les accès et les assises foncières privées est la tâche de l’assemblée et du gouvernement du pays de Mā′ohi Nui (NDT, la Polynésie française), tandis que le propriétaire, lui, n’aura qu’à y planter de quoi manger pour faire vivre son foyer. Par contre, la question que l’on se doit de poser est celle-ci : « Le Polynésien dispose-t-il encore de terres à ce jour ? » En effet, malgré les ventes, saisies et détournements de terres qui ont eu lieu et qui ont encore lieu dans notre pays, il semblerait que 60 % des terres soient encore entre les mains de nos familles. Autrement dit, ces terres sont toujours en indivision. Autrefois, les ascendants avaient une règle : les terres familiales ne doivent jamais être ni divisées ni vendues ni acquises par prescription. Cette règle défendait les intérêts du peuple et lui évitait de perdre ses terres. Par contre, depuis l’arrivée du code civil français, on oblige le Polynésien à diviser, à vendre et à prescrire les terres, ce qui a fait basculer le peuple polynésien dans une situation catastrophique sans fin et sans nom, jusqu’à aujourd’hui. Combien de familles se sont brisées à cause des partages de terres ? Combien de foyers errent parce que toutes les terres ont été vendues ? Combien parmi nous ont été privés de terres parce que la prescription acquisitive a été légalisée ? Face à notre projet d’accès à la pleine souveraineté pour notre peuple polynésien, afin qu’il dispose de son autonomie alimentaire, de ses propres pratiques culturelles, de sa propre langue, de sa propre culture et de sa propre identité, et de son indépendance politique, il n’y a pas d’autre message à adresser au peuple polynésien, hormis celui de cesser de vendre ses terres. Souviens toi peuple polynésien que ta terre est ta mère nourricière et que celui qui vend sa terre, vend en quelque sorte sa mère. Es-tu si cruel au point de vendre ta propre mère ? Cesse également de diviser ta terre, car l’on sait pertinemment que, dès que celle-ci sera divisée, la discorde règnera au sein de la famille. Je profite de l’occasion pour vous interpeller également, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du gouvernement de Mā′ohi Nui (NDT, Polynésie française) ainsi que l’ensemble des membres et représentants du peuple, nous qui siégeons aujourd’hui dans cette institution démocratique de Mā′ohi Nui. Face à cette volonté d’atteindre une autonomie alimentaire pour notre population, j’insiste pour que nous rédigions une loi du pays afin de retarder la vente des terres ici, chez nous, pour une durée de 20 ans. Mon second vœu : soyons assez courageux et rendons le plus rapidement possible toutes les terres dont le Pays est propriétaire aujourd’hui à leurs propriétaires. Enfin, voici ma troisième suggestion : il y a plusieurs grands propriétaires terriens dans notre pays et ce serait bien qu’on les oblige à développer l’agriculture sur leurs propriétés, ce qui mènera assez rapidement notre population vers une autonomie alimentaire. Ma chère population, je crois vraiment que ce projet de loi du pays nous permettra de mettre en place, non pas des associations de familles en faveur de l’indivision, mais des associations qui valoriseront et développeront nos terres afin que l’on y arrive. L’agriculture et la culture. La signification donnée par la langue tahitienne au mot agriculture est celle-ci : la terre est la source de vie du peuple. La coquille est un élément important dans la vie du Polynésien. Il s’agit là d’un réceptacle. Lorsque le Polynésien dit ceci « le récif est là, donc chacun est libre de pêcher, et que la terre est là, chacun est libre de cultiver », c’est pour rappeler régulièrement aux générations futures que le récif n’est pas qu’un spot de surf ou un lieu pour s’y bronzer, mais une source de vie (NDT, garde à manger) pour l’Homme. La pêche constitue ainsi la solution pour que l’Homme obtienne la vie provenant du récif. Quant à la terre, celle-ci n’est pas non plus qu’un lieu de promenade pour l’Homme. C’est également une source de vie. Et pour que l’Homme obtienne cette vie, il faut y planter, c'est-à-dire y pratiquer l’agriculture. Autrefois, si tu avais un bateau de pêche, tu étais quelqu’un et une personne brave. Aujourd’hui, tu as une planche de surf, tu es un champion. Autrefois, si tu avais un champ de manioc, une tarodière, tu étais quelqu’un. Aujourd’hui, tu as un Ipad, un Iphone, tu es quelqu’un. Autrefois, il n’y avait ni pauvres à Mā′ohi Nui (NDT, en Polynésie française) ni sans domicile fixe ni chômeurs. Le Polynésien était digne sur sa terre. Autrefois, le Polynésien était quelqu’un sur sa terre et en était le seul propriétaire. Sa vie était organisée et guidée par sa propre langue d’origine. Et parce que la terre et la mer venaient en appui et berçaient sa vie, il était plus facile pour le Polynésien de mettre en pratique le précepte de Tetuna′e qui disait ceci : « ne détournez pas vos yeux de celui qui passe devant votre maison sans l’inviter à entrer pour partager un repas ». Aujourd’hui, nous ne ressentons plus cette envie d’accueillir qui que ce soit dans nos foyers parce que nous avons oublié le sens donné au mot agriculture, c'est-à-dire la source de vie. Quant à notre politique, aujourd’hui, celle-ci repose sur le tourisme. Que va-t-on servir à manger aux touristes si la moitié de ce que mange la population provient de l’extérieur ? En examinant cette loi du pays qui vient soutenir le retour de la population sur sa terre, le moment est également propice pour que l’on examine la difficulté qu’ont les gens à trouver les moyens nécessaires pour qu’ils soient reconnus propriétaires de leurs terres. Combien de familles se sont ruinées pour payer un avocat, un notaire, un géomètre, la DAF alors que leurs affaires de terre ne sont toujours pas réglées. Pourquoi un procès concernant les affaires de terre dure-t-il 20, 30, 40 à 50 ans dans notre pays et ne finit jamais ? Et donc, de génération après génération, les terres restent en indivision. Lorsqu’une parcelle est en friche, personne ne sait à qui celle-ci appartient ; par contre, une fois nettoyée, l’on y retrouve plusieurs personnes avec leurs pieds-de-biche, non pas pour venir y planter, mais pour agresser celui qui l’a nettoyée ! Je pense à ma petite île de Rapa sur laquelle nous n’avons aucun notaire, où nous ne voulons aucun géomètre, sur laquelle nous n’avons pas de DAF, et où nous avons aucun tribunal foncier. Ce que nous avons, c’est la sagesse du conseil des sages (NDT, 7 sages). Allez voir au Tribunal, il n’y a aucune affaire judiciaire venant de Rapa car il n’y a pas de problème d’indivision à Rapa. Et le système appliqué par Rapa est celui qui avait été appliqué dans l’ensemble des îles de Mā′ohi Nui (NDT, Polynésie française) avant que l’on ne devienne une colonie française. Aujourd’hui, la compétence concernant les droits de propriété d’une personne revient à l’État français. Monsieur le Président, l’on devrait demander à l’État français de nous rendre cette compétence afin que le Polynésien puisse retrouver rapidement sa propre terre. La loi que nous approuverons aujourd’hui ne peut pas être efficace si nous n’aidons pas le peuple à reprendre son titre de propriétaire légitime. Merci de votre attention. Mes salutations. (Applaudissements sur les bancs du groupe Tavini huiraatira.) Le président : Merci pour l’intervention du groupe Tavini huiraatira. La discussion générale étant maintenant close, j’invite le gouvernement à répondre aux questions des orateurs. Merci. M. Taivini Teai : Merci, Monsieur le vice-président. Comme vous le savez, il y a déjà plusieurs aides qui ont été mises en place par le Pays et force est de constater que ces aides bénéficient à certains d’où, je le répète, la mise en place de cette loi d’accès au foncier privé où 100 % seront financés mais pas n’importe comment — on est bien d’accord — ; ni saupoudrage ni 1 one shot. Moi je ne sais pas, en tout cas ce n’est pas comme ça que l’on voit notre gouvernance, c’est l’équité : l’équité d’abord pour les personnes qui n’ont pas eu la possibilité de développer leur terre, mais il y a des prérequis. Les prérequis, c’est quoi ? C’est être déjà agriculteur, c’est être déjà éleveur, d’avoir eu ces formations-là. Ces prérequis, c’est quoi ? C’est également avoir une surface qui soit suffisante pour une exploitation. Je ne suis pas agronome, mais je me repose sur mes services, sur nos services, nos services de la direction de l’agriculture qui fera l’étude, ils feront l’étude d’adéquation. Je ne sais pas encore vous dire, Madame Teriitahi et Madame Sanquer, quelle est la surface qui sera retenue. Certainement pas 1 000 m², immanquablement non. Trois hectares, oui très certainement. Mais là encore, il faut que ce soit une surface, des terres — ce qu’on appelle — arables, des terres cultivables. Cela dépend de l’analyse des sols et de qu’est-ce que l’on va cultiver dessus. Ce n’est pas moi qui vais faire ce travail-là, ce sont nos agents de la direction de l’agriculture. Fort de ce travail en prévision, sera ensuite sous l’avis des maires, des communes. Le dossier sera instruit en commission d’aide. Une fois qu’il sera instruit en commission d’aide, on pourra à ce moment-là, en conseil des ministres, protéger ces terres en zone agricole protégée. Et ça fera partie ensuite de la première phase. La première phase, il y aura nécessité d’études d’aménagement. Donc, ce n’est pas du terrassement pour construire une salle omnisport. Vous avez vu les terrains agricoles, il y a des pentes et donc c’est ce qu’on appelle du gros défrichage, du gros terrassement. Ce ne sont pas des coûts qui sont aussi importants que de l’aménagement foncier. Par contre oui, vous avez raison, il y aura de l’irrigation agricole parce que c’est une nécessité en effet pour développer notre agriculture. Mais là encore, il n’y aura pas par contre de voies carrossables, comme l’a suggéré éventuellement le CÉSEC. Pourquoi il n’y aura pas de voies carrossables ? Parce qu’en fait les gens n’en veulent pas ! Ils ne veulent pas avoir de route goudronnée pour aller sur leur champ ! Ils ne veulent pas que tout un chacun (et surtout que ça soit une voie du Pays) se balade sur leur propriété privée, non. Oui, ce seront des routes à l’argile dure avec de la caillasse comme il y en a à Opunohu, comme il y en a peut-être dans plusieurs de nos vallées. Mais, c’est ça aussi le développement agricole, c’est aller étape par étape. On m’a posé la question sur l’agriculture bio. Je ne mets pas en opposition l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle. J’ai même eu un retour de nos agriculteurs bio qui ont eu des productions de tomates ces derniers temps qui étaient beaucoup plus importantes que ceux qui étaient en agriculture conventionnelle. En fait, tout dépend de la passion que vous mettez, on le sait tous très bien, dans votre labeur, dans votre travail. Il n’y a aucune nécessité d’opposer le bio. On peut très bien faire du bio et bien vivre de son activité professionnelle. Et sur l’avis de la CCBF, bien sûr, on suivra l’avis. On aura besoin de l’avis de la commission du budget et des finances parce que justement on est sur un dispositif complètement nouveau — je suis d’accord avec vous —, et ce sont nos deniers à nous tous. Et donc, l’on ne veut pas utiliser de façon non réfléchie ce que l’on va investir dans notre population, dans leurs terres privées. Ce sera un contrat de confiance que l’on va faire avec eux, et ce contrat de confiance, c’est la raison pour laquelle cette loi est en deux étapes pour l’instruction du dossier : d’abord, la première étape, on voit qu’est-ce qui nous est déposé à la direction de l’agriculture. Potentiellement, s’il y a un terrain au fond de la vallée et qu’il faut passer trois propriétaires privés et qu’eux ne veulent pas, eh bien de facto il ne sera pas éligible malheureusement. On ne va pas pouvoir tout désenclaver, mais on va y aller par étape. Et ensuite instruction des dossiers, première phase. Et deuxième phase, si en effet c’est réalisable — parce qu’on passera par des cabinets d’études puisque ni vous ni moi, en tout cas, ne sommes en mesure de répondre à ces aménagements — on passera à la deuxième étape qui est véritablement la réalisation des travaux : c’est-à-dire gros défrichage, desserte interne et mise en place de réseaux d’irrigation en eau agricole. Voilà ce que je tenais à vous dire. Merci. Le président : Merci, Monsieur le ministre, pour votre réponse. Nicole. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. C’est vrai, là, vous nous donnez des explications, Monsieur le ministre, et merci pour vos réponses, mais c’est dommage que dans la loi, cela ne figure pas et nous n’avons pas les arrêtés de CM qui viennent justifier ce que vous dites concernant la superficie (les minimums, les maximums). En fait, aujourd’hui on a une loi, on a un cadre législatif, mais les précisions que vous faites à l’oral, comme vous dites, il faut avoir confiance et vous n’avez même pas des chiffres à nous donner. Donc, vous comprenez un peu nos inquiétudes. Après, en étudiant, en écoutant un peu les différentes interventions du groupe Tavini, on a l’impression que la loi que vous allez faire va empêcher les gens de vendre, parce que vous allez leur donner les moyens d’exploiter leur terre. Alors, il y a une question que je vous ai posée et ça, c’est pour les générations futures. Dans un beau monde, c’est vrai qu’on voudrait avoir l’autonomie alimentaire, que tous nos jeunes puissent planter et veuillent planter, qu’on alloue toutes nos terres, nos grandes surfaces, à l’agriculture, mais ça, c’est dans un monde parfait, je dirai, et c’est ce qui m’amène à vous questionner encore une fois avant d’être sûre de bien voter. Si je comprends bien votre dispositif : on est propriétaire d’une grande superficie que l’on veut dédier à l’agriculture à un instant T. C’est bien ça. Vous mettez à disposition de ces familles qui sont parfois dans l’indivision une aide à 100 % pour les aider à accéder à leur terre afin qu’ils puissent exploiter leur terre à vocation agricole. C’est bien ça ?... Pour ça, vous vous appuyez sur ce que l’on appelle une zone agricole protégée qui fait partie du code de l’aménagement. Donc le dossier passe, pas de problème, et le pays investit dans la voie d’accès. On est toujours d’accord ?... Cette famille sort de l’indivision et malheureusement, dans la famille, y en a qui ne sont pas destinés à planter. Par contre, ils ont très peu de terre et sur celle-là, ils veulent construire leur maison, leur logement. C’est quoi, qu’est-ce qui se passe ? M. Taivini Teai : Merci de la précision de votre question. En fait, c’est au démarrage, cette terre ne doit plus être en indivis. Comme je le disais, cette loi-là doit permettre aux familles de se réunir autour de leur table et de se dire : Bon, maintenant on a une loi qui va nous permettre de développer notre foncier à nous, qui va rester en zone agricole protégée, mais ça ne pourra se mettre en place que si tous les membres de la famille sont d’accord pour lever cet indivis, pour ensuite faire un développement agricole. C’est la condition sine qua non. C’est la condition sine qua non. Que ce soit un levier pour nos familles de se dire : Voilà, plutôt que de rester comme ça dans l’indivis, mettons-nous d’accord, passons devant un notaire, mettons noir sur blanc. Et à ce moment-là, ce sera un des prérequis, oui. Mme Nicole Sanquer : Merci pour ces précisions parce que cela change la donne. M. Taivini Teai : Mais merci du complément de questions, j’allais dire. Le président : Madame Teriitahi, vous avez la parole. Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le premier vice-président. C’est un peu contradictoire ce que vous dites, Monsieur le ministre, parce que vous dites que cela permettra à une famille de rester autour d’une table et de décider ensemble de faire quelque chose de ces terres. Mais cela s’appelle de l’indivision ! Et juste après, vous dites que finalement non, il faut qu’ils divisent. C’est un peu contradictoire ce que vous venez de dire là à l’instant. Qu’est-ce qu’on veut ? Effectivement, on veut valoriser ou est-ce qu’on veut diviser ? Enfin, je n’ai pas trop saisi, là, votre réponse. Ensuite, je voudrais effectivement rebondir sur l’intervention de Maité qui disait justement que dans un des vœux qu’elle a émis, c’est qu’on ne vende pas, il y a une histoire de vente. Effectivement, dans tous les dispositifs d’aide du Pays qu’il y a eu précédemment, dès qu’une famille bénéficiait d’une aide de la part du Pays (par exemple l’aide à la sortie d’indivision), il y avait une obligation qui avait été faite de ne pas vendre parce que justement on a bénéficié d’une aide. Pourquoi dans cette loi du pays justement il n’y a pas d’article qui dispose de ça ? Parce que, c’est vrai qu’à un moment donné, quand il y a une terre qui est dans un état de friche, elle n’a pas la même valeur que quand elle sera valorisée. Et qu’est-ce qui fera qu’elle sera valorisée ? Eh bien, c’est l’accès qu’on va lui donner ; et là, elle va prendre une super plus-value et la tentation sera évidemment immense de vendre ! Parce que, je veux bien qu’on reproche aux gens d’ailleurs de venir acheter, mais qui c’est qui vend ? Ce ne sont pas les gens d’ailleurs ! Les gens d’ailleurs viennent et disent « je veux acheter ». Qui c’est qui vend ? C’est nous qui vendons ! Et donc, à un moment donné, pour empêcher que l’on vende, on aide les uns et les autres et cela est très bien. Avoir accès à des terres agricoles, sur ce principe, il n’y a pas de souci, mais je rejoins ce que Nicole dit, quand vous dites effectivement que c’est un contrat de confiance, etc. Mais non, à un moment donné, il faut que les règles soient écrites parce qu’il y a des gens qui vont venir et qui vont dire : « Eh bien non, l’aide que vous dites là, voilà, moi je suis éligible. Et pourquoi moi, vous ne me donnez pas ? Quel est le critère différent qui fait que moi, je ne peux pas exploiter ? » Et quand vous dites effectivement « que l’on va prendre des terres agricoles qui font 3 hectares », eh bien quid des familles ? Parce que, si on veut aider les petites familles qui n’ont que 1 000 m²… Pourquoi celles qui ont 1 000 m² ne pourraient pas planter et venir vendre au marché ou au bord de la route comme nous, on en a plein à Paea ? Là, du coup, c’est une discrimination par rapport à eux et finalement on n’aide pas les petits, on aide les gros alors ! Cela veut dire que pour pouvoir bénéficier de ça, il faut avoir une grande surface. Donc si par malheur tu as juste une petite surface, mais que tu veux quand même être un petit agriculteur qui vit de ce que tu plantes, eh bien finalement tu n’auras pas droit. Enfin, c’est pour cela que l’on émet certaines réserves même si — je le répète — le principe de cette idée est très bon, mais il y a plein de choses qui sont vides, dans la loi en tout cas. J’entends ce que vous nous dites dans votre esprit, mais ceci n’est pas couché noir sur blanc. Donc, à un moment donné, les dérives évidemment seront inévitables. M. Taivini Teai : Merci pour ces précisions de questionnement. Vous avez raison, à partir du moment où une terre reste indivise, elle est indivis, mais ce que l’on recherche, c’est que les familles puissent discuter ensemble sur le devenir de ce terrain : qu’il ne reste pas en friche, qu’il soit dans un développement agricole. Il restera en effet en indivis mais pour le bénéfice de toute la famille. Ça va être évident — je suis d’accord avec vous —, on ne va pas se retrouver devant une fulltitude de cas au départ, on va avoir, je ne sais pas… Dans l’immédiat, on n’a pas le retour d’informations de ce qui va nous être présenté, mais c’est en effet pour développer ces terres qui restent dans l’indivision, qui resteront dans l’indivision, mais au bénéfice de ces familles pour un développement agricole. Et vous avez raison, il n’est pas précisé dans la loi la possibilité ou pas de vendre parce que justement on a des familles qui ont peu ou presque pas de moyens. On veut leur donner éventuellement la possibilité de vendre un morceau de leur terre à finalité agricole, qui restera toujours en finalité agricole. Non, mais pourquoi ? Parce qu’ils doivent disposer à un moment donné de finances pour investir dans des appareils agricoles, dans des machines agricoles. On doit donner la possibilité, on ne doit pas fermer. Justement, c’est ça le problème de nos lois, on met tellement de conditions que oui, on se retrouve avec uniquement certains lotis qui peuvent disposer de cela. Je ne suis pas vraiment d’accord avec vous sur les 1 000 m² et 3 hectares. Si tu es propriétaire de 1 000 m², à juste titre, tu peux faire ton champ toi tout seul, sans problème. Par contre, les grands propriétaires terriens qui sont dans l’indivis resteront dans l’indivis ; ils resteront à ne pas vouloir développer leur terre. Mme Tepuaraurii Teriitahi : Enfin là, Monsieur le ministre, l’idée de ce texte n’est pas de développer le terrain en lui-même, c’est l’accès. Donc, que l’on ait un terrain de 1 000 m² ou de 3 hectares, cette aide que vous proposez, c’est pour accéder à son terrain. Et donc, peu importe la superficie, l’idée est de permettre aux gens d’avoir un terrain où planter. C’est le problème d’aujourd’hui d’ailleurs quand on parle des maisons OPH et autres. Un reproche que l’on nous a fait, c’est d’avoir fait des immeubles, de « parquer » les gens effectivement dans des immeubles et qui n’ont même pas 100 m² pour planter. Aujourd’hui, et c’est pour cela que je dis, c’est bien l’idée pour leur donner l’accès ; mais peu importe, 1 000 m² ou 3 hectares, l’idée c’est de pouvoir y accéder. Donc si, c’est un vrai débat de savoir à qui on permet d’accéder à la terre qu’il veut cultiver parce qu’il a un objectif, c’est d’en vivre. Donc même 1 000 m² mérite d’être aidé, mérite même plus d’être aidé. Après, vous m’avez vu réagir, moi je suis choquée par ce que vous dites de donner la possibilité de vendre. Parce que qu’est-ce qui vous garantira que ceux qui vendent les terres que vous avez aidé à valoriser, que cet argent-là ils l’utiliseront pour acheter des machines agricoles ? Eh bien, non, ils vont acheter autre chose ou ils vont partir à Las Vegas. Mais vous n’avez aucune garantie que le fruit de cette vente sera réinvesti dans de l’agriculture. Vous n’avez aucun pouvoir là-dessus donc c’est dangereux de dire « eh bien on va aider les gens, mais après finalement ils pourront faire ce qu’ils veulent avec. » Eh bien oui, ils vont vendre pour gagner de l’argent et pour le dilapider et c’est leur liberté on n’aura aucun mot à dire là-dessus. Le président : Kautai. M. Benoit Kautai : Monsieur le président, merci. Monsieur le Président du Pays, chers ministres, à toutes et à tous, mes salutations pour notre rencontre en cet après-midi. À entendre les interventions des rapporteurs, on a l’impression que nous n’avons pas de champs. Mais rappelons-nous du temps où la Covid a commencé, qui s’est retrouvé en difficulté ? Je parle aux noms des îles : leurs habitants ont continué leur train de vie sans avoir subi un manque de nourriture car les îles étaient prêtes sous ce rapport. Effectivement, les îles sont prêtes. Par contre, ici, on peut dire qu’ils ont été embêtés. C’était difficile pour ceux d’ici, ils n’avaient pas de nourriture, les ravitaillements ont manqué. Et qui n’a toujours pas cultivé de champs ? Du côté des îles, aucun souci. Et l’on parle de développer les terres agricoles, c’est bien, je suis du même avis. Mais nous avons élaboré des projets aux Marquises, où en sont-ils ? Le projet qui concerne le domaine l’Herbier a été traité et cosigné par le Pays et la Mission catholique. Pareillement, traitez les affaires qui ont déjà été entamées ! S’agissant des pistes d’accès, je suis d’accord ! Mais pensons aussi aux terres en indivision. À nous entendre discuter, l’on croirait que ce n’est rien, que cela s’arrangerait en un rien de temps. Pourquoi donc pensez-vous que le tribunal foncier a été établi chez nous ? À cause de ces conflits ! Nous le savons, arrêtons de nous voiler la face pour ce qui est des conflits dans notre pays en raison de l’indivision. Si vous n’arrivez pas, de votre côté, à stimuler le développement des îles, donnez-nous-en la compétence, nous sommes prêts ! La CODIM est prête à gérer le secteur agricole. Cependant, rendez-nous ces terres, celles qui sont présumées domaniales. Elles appartiennent au peuple, et non au gouvernement ! La part du Pays, elle ne concerne que l’entretien. Je disais pour les terres présumées domaniales, nous aussi on est prêt ! On est prêt si le Pays nous transfère, on est prêt à gérer ! Voilà ce qui en est de nos objectifs ! Si l’on continue ainsi, nous n’avancerons pas ! Et l’on tardera encore, encore et encore pour ce qui est de stimuler l’agriculture dans notre pays ! Mitema a eu raison lorsqu’il disait, « nous sommes lent… vous êtes lent à agir ! » Merci. Le président : Tapati. M. Tafai, Mitema Tapati : En fait, ce n’est pas seulement nous qui tardons, mais nous tous ! Nous ne discutons pas là des terres présumées domaniales. Nous souhaitons trouver une solution pour les terres familiales, et sur ce sujet, les choses peuvent s’arranger sans qu’il y ait de tribunal. Je suis de Hakahetau à Ua Pou. Toute ma famille cultive sur nos terres familiales. Aucune de nos terres n’a été partagée ; nos aïeux sont décédés, et nos terres sont toujours des terres familiales indivises. C’est toute ma famille qui cultive nos terres. J’ai deux terres, deux champs à Hakahetau, sur des terres familiales. Pas un seul de ma famille n’est encore venu me dire « retire ton champ de là ». Ainsi, comme l’a mentionné Monsieur le ministre, les familles trouveront un accord à l’amiable après s’être entretenues. Nous n’avons pas besoin de partager les terres familiales pour les développer. Nous savons bien comment est notre peuple. Une fois que l’un devient propriétaire d’une parcelle, aussitôt elle est vendue. Une fois que l’autre devient propriétaire, « ne remets plus les pieds chez moi, rentre chez toi ! » Nous avons complètement dénaturé le vivre ensemble, la vie communautaire de ce peuple. Autrefois, mes enfants étaient tout autant les tiens ; et tes enfants, les miens. Aujourd’hui, je ne veux pas voir tes enfants chez moi, je ne les connais pas. Nous avons bafoué l’âme même de ce peuple ! Nous ne sommes pas en train de discuter de terres domaniales. Notre avis sur les terres domaniales, c’est de les ramener à leurs propriétaires. Si une famille venait nous dire « voici nos documents, cette terre nous appartient » rendez la leur ! Malheureusement, après cela, ils se déchireront là-dessus ; c’est exactement ce qu’il se passe ! Cette loi que nous votons est très bien. La seule chose que je souhaite, ce à quoi je réfléchis, ce sont les premiers dossiers : suivons-les de près pour qu’il n’y ait pas de dérives comme cela a souvent été le cas. L’on prendrait 10 dossiers d’abord que l’on suivra de près, l’on vérifiera où ils en sont. Car combien de terres… Je sais que Boubee à Raiatea, nous avons défriché la terre, et lorsque nous y sommes retournés, personne n’est allé la cultiver ! C’est exactement pour cela qu’il faut suivre ! C’est cela qui constitue une perte financière pour le Pays lorsque l’on ne cultive pas une terre défrichée. Combien de champs sont à l’abandon ? Combien de serres de vanille croulent sous la végétation aujourd’hui ? La faute à qui ? Monsieur le ministre, faisons bien les choses au risque de voir nos réputations salies. Mes salutations ! Le président : J’accorde une dernière intervention à Monsieur Teagai, après quoi l’on clôturera ce dossier. M. Ernest Teagai : Monsieur le président, à toute l’assemblée, ainsi qu’à Monsieur le Président du Pays, Madame la vice-présidente, chers ministres, chers collègues représentants et représentantes élus par le peuple, mes salutations en cet après-midi. Oui, j’observe et j’écoute — j’adopte le point de vue d’un maire — et nous parlons toujours de nourriture. Nous avons oublié de mentionner le cocotier. À présent, je m’exprime en tant que président des 17 communes des îles et en tant que représentant de l’assemblée, celui des 48 communes de Polynésie. Puisque Monsieur le Président est parmi nous, Monsieur le ministre, je rejoins quelque peu l’intervention du maire de Nuku Hiva car effectivement, lorsque vous adoptez une posture de maire, votre raisonnement n’est pas le même. De la même façon, vous raisonnez différemment lorsque vous n’êtes pas maire. Mon intervention rejoint un peu celle de notre cher collègue, ces terres, si elles… C’est vrai, nous ne sommes pas en train de discuter de ces terres que possèdent le Pays. Cependant, il est nécessaire d’en parler car quelques-uns de nos concitoyens à Tahiti sont sans emploi — ils sont SDF comme cela a été dit tantôt —, mettez-les sur ces terres pour les cultiver, pour les bonifier. Ces terres reposent sans rien produire, sans que rien ne s’y passe. Il en est de même dans les îles. Il y a ces îlots, ces terres domaniales ; ramenez-les-nous aux communes, à nous les maires pour que nous les utilisions. Comme l’a dit notre collègue, les Tuamotu, les Marquises, les Australes, les îles Sous-le-Vent, essayons, ou plutôt essayez donc, chers membres du gouvernement, de réfléchir à l’éventualité de les ramener à nous, les maires, et nous en ferons usage. C’est mon premier point. Mon deuxième point concerne le coût élevé de la vie. J’en viens donc aux cultivateurs de coco. Je demande au Pays, aux représentants — je suis sûr pouvoir compter sur le soutien du Tapura dans ma requête —, d’augmenter le prix du coprah à 180 F CFP. Pourquoi ? C’est chez nous aux Tuamotu, et aux Marquises aussi sans doute, que la nourriture est la plus chère. Puisque le salaire minimum augmente, augmentez donc aussi le prix de notre coprah à hauteur de 180 F CFP pour s’aligner avec le salaire minimum. C’est la requête que je vous soumets, de soutenir cet avis d’augmenter le prix du coprah car aujourd’hui, pour cultiver, il faut de l’engrais. S’il n’y a pas d’engrais… Dans le secteur agricole, on compte 8 000 producteurs de coprah. Si l’on comptait pour chacune de ces 8 000 personnes, admettons qu’elle ait chacune une famille de trois ou quatre personnes, ce serait 32 000 personnes qui vivent du coco. Dans les îles, ce sont 32 000 personnes que le cocotier nourrit. C’est pourquoi, Monsieur le Président, Monsieur le ministre, pensez-y. C’est une requête, augmentez le prix du coprah à 180 F CFP pour les îles, pour celles qui n’ont pas de société, pas comme à Tahiti. C’est très bien d’avoir augmenté le salaire minimum car l’inflation est une réalité chez nous, mais augmentez aussi le prix du coprah dans nos îles. Je demande donc à tous de soutenir cet avis pour la prochaine séance, votons en faveur de l’augmentation du prix du coprah. Merci bien. Que l’amour règne. Le président : Merci bien. Nous continuons. La discussion est ouverte sur l’article LP 1. Mme Tepuaraurii Teriitahi : Oui, Monsieur le président, pardon ce n’est pas une question, ne vous inquiétez pas. On a bien débattu, je pense qu’on a tous dit nos idées. Puis-je soumettre à notre assemblée qu’on fasse cela en procédure simplifiée ? Parce qu’il y a quand même 17 articles et donc on serait assez favorable pour qu’on passe cela en procédure simplifiée si vous voulez bien. Le président : Je mets aux voix la proposition de Madame Teriitahi. Procédure simplifiée ? Unanimité ? Nicole. Mme Nicole Sanquer : Oui, je vais en profiter pour interpeller le ministre. Comme je l’ai dit, là, vous avez bien fait un cadre législatif et vous ramenez tout en arrêté CM, donc il nous manque quand même beaucoup d’éléments précis par rapport à ce projet de loi. Vous est-il possible, au lieu de faire un arrêté CM, de faire la mise en œuvre sous forme de délibération que l’assemblée puisse examiner ? C’est une idée pour qu’on puisse nous aussi voir les précisions de ce texte. M. Taivini Teai : Bien sûr. Le président : Nous procédons à la procédure simplifiée. Je demande à Madame le secrétaire… M. Moetai Brotherson : Juste peut-être pour répondre à Nicole qui est beaucoup trop expérimentée dans cette assemblée pour ignorer la différence entre l’exécutif et le législatif. C’est bien pour cela que les conditions d’exécution sont mises dans des arrêtés, pas dans des délibérations. Mme Nicole Sanquer : Excusez-moi ! Monsieur le Président, excusez-moi, mais une délibération votée à l’assemblée peut aussi mettre en œuvre une loi, ce n’est pas forcément un arrêté CM. Et comme vous parlez souvent de transparence, de concertation avec les élus et je pense que cette loi dans l’objectif est très louable. Ce n’est pas parce que je pose des questions ou… Non, au contraire. L’objectif de cette loi est vraiment louable, mais on voudrait évidemment — comme il n’y a pas d’étude d’impact de cette loi —, pour une meilleure transparence et pour une meilleure participation des élus, au lieu que cela se passe uniquement là-bas, on puisse faire une délibération pour la mise en œuvre de cette loi. M. Taivini Teai : Juste pour répondre. Le Président nous a libéré des pré-CM tous les lundis matin avec comme objectif — au moins un lundi matin — de vous consacrer à vous les élus. Donc on vous inviterait au ministère pour avoir plus d’informations sur les arrêtés qui vont être pris par rapport à cette loi. Mais cette invitation est pour tous les membres de l’assemblée, bien entendu. Le président : O.K. Nous passons au scrutin public pour le vote de la loi du pays. Je demande à Madame la secrétaire générale de faire l’appel des représentants. Mme Jeanne Santini procède à l’appel des représentants afin qu’ils indiquent le sens de leur vote :
Cela fait 57 voix pour. Le président : L’ensemble de la loi du pays est adopté à l’unanimité. M. Taivini Teai : Merci à vous. Mme Elise Vanaa : Merci bien, Monsieur le président. Président, je vais excuser mon intervention parce que nous avions prévu une commission de l’économie à 15 h. C’est vrai que les débats ont été très enrichissants. Je ne remets pas en cause les débats, c’était très intéressant, mais donc en concertation j’aimerais bien juste une petite suspension de deux minutes pour me concerter avec les membres de la commission pour tenir cette commission — qu’est-ce qu’on fait ? — et puis on a les techniciens qui nous attendent dans la salle SAT, donc les membres de la commission de l’économie. Le président : Suite à la demande de la présidente de la commission, je suspends la séance pour deux minutes. (Suspendue à 15 heures 39 minutes, la séance est reprise à 15 heures 44 minutes.) Le président : La séance est reprise. Pour le rapport nº 4, en accord avec le gouvernement, nous allons reporter ce rapport no 4 à la prochaine séance du 24. Je demande votre avis. On met au vote. À l’unanimité ? Merci. Mme Elise Vanaa : Président ! Merci bien. Merci, président ; merci, Monsieur le ministre d’accepter le report de l’examen de ce dossier pour nous permettre de tenir la commission de l’économie juste après. Merci beaucoup les collègues d’approuver ce report. Merci. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |