SÉANCE DE QUESTIONS ORALES Paru in extenso au JOPF n° 15 NA du 06/12/2024 à la page 1101 | SÉANCE DE QUESTIONS ORALES Le président : Au niveau des questions orales, d’abord, je rappelle que nous avons reçu cinq questions orales et « l’auteur de la question ou le représentant à qui il a donné procuration en séance plénière dispose de trois minutes […] pour exposer sa question. Il ne peut reprendre la parole après la réponse du gouvernement. Le ministre dispose de cinq minutes […] pour apporter sa réponse. » Il peut compléter celle-ci par un commentaire écrit distribué à chaque représentant. La séance de questions orales dure une heure. Il est très exactement 9 h 20. Je demande à Madame Teremuura de poser sa question. QUESTION ORALE DE MADAME TEREMUURA KOHUMOETINI-RURUA SUR LA PROTECTION DES ZONES HUMIDES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE (Lettre nº 5647 SG du 13/06/2024) Mme Teremuura Kohumoetini-Rurua : Merci bien, Monsieur le président. À toutes et à tous, que l’amour règne ici et là, et concentrons nos réflexions là-dessus. C’est une question orale adressée à Monsieur le ministre Taivini Teai avec pour objet : « Protection des zones humides en Polynésie française ». Monsieur le ministre, je souhaiterais attirer l’attention de l’assemblée sur l’importance cruciale de la protection des zones humides en Polynésie française. Ces écosystèmes jouent un rôle vital dans la régulation climatique, la prévention des inondations, la filtration de l’eau et le maintien de la biodiversité. Cependant, ils sont actuellement menacés par diverses activités anthropiques telles que l’urbanisation, la pollution et le changement climatique. Ma question est la suivante : le gouvernement peut-il me dresser un diagnostic complet de l’état actuel des zones humides en Polynésie française, y compris un diagnostic des pressions anthropiques, et préciser comment il compte assurer leur protection, gestion durable et restauration, tout en impliquant activement les communautés locales dans ce processus crucial ? Je vous remercie. Le président : Monsieur le ministre. M. Taivini Teai : Merci bien. Madame la représentante, Monsieur le président de l’Assemblée, Mesdames et Messieurs les représentants de l’assemblée, Monsieur le Président du gouvernement, Madame la vice-présidente et Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs de la presse, à toutes celles et ceux qui sont présents ici à Tarahoi, qui nous suivent sur Internet ou qui nous écoutent sur les ondes radio, Bonjour à toutes et à tous en cette matinée de jeudi. Madame la représentante, vous sollicitez, dans le cadre de votre question orale, un diagnostic complet de l’état actuel des zones humides en Polynésie française. Vous me demandez par ailleurs de préciser de quelle manière le gouvernement, entend assurer la protection et la gestion de ces zones. Je vous remercie de me donner l’opportunité d’évoquer les enjeux inhérents à la préservation des milieux naturels polynésiens. Toutefois, dresser un diagnostic complet de l’état des zones humides du pays en cinq minutes de temps de réponse va être plus que difficile. En fait, il me faudrait au moins 45 à 50 minutes pour y arriver. Néanmoins, je vais tâcher de m’y atteler. Aussi, en préambule et pour la bonne compréhension de cette assemblée, je rappelle que les zones humides sont les espaces de transition entre la terre et l’eau, où l’eau est le principal facteur de développement de la vie animale et végétale. Constituent ainsi des zones humides en Polynésie notamment les mangroves, les pelouses littorales, les « hōā (NDT, petite faille dans le récif) » avec leurs mares à « kopara (NDT, sédiment gélatineux et feuilleté) », les forêts bordant nos rivières, les marais et, de façon plus générale, toutes les zones jouxtant nos rivières, nos lacs et nos lagons. Et c’est la raison pour laquelle, au regard de la configuration de nos îles, qui possèdent énormément de rivages, de rivières et de sources d’eau, il est plus que difficile d’établir un recensement exhaustif complet de toutes ces zones. Toutefois, je vous invite à consulter l’étude qui a été réalisée en 2016 par le Dr Jean-Yves Meyer de la Délégation de la recherche. Cette étude constitue à ce jour la synthèse la plus complète des connaissances biologiques et écologiques sur les zones humides de la Polynésie française. Ainsi, le Dr Meyer y dresse une classification des différentes zones humides présentes dans nos îles et aborde également l’état de conservation et les principales menaces et pressions qui pèsent sur ces milieux. Et comme votre question le laisse présager, en effet, les zones humides font partie des écosystèmes les plus menacés de la Polynésie française. En effet, l’urbanisation se concentre en Polynésie sur la plaine littorale et les parties basses de nos vallées, ce qui a conduit à dégrader considérablement la surface et l’état de ces zones humides. Ces zones ont souvent également été aménagées ou altérées par l’homme sans être entièrement détruites, notamment pour répondre aux besoins agricoles, énergétiques ou de santé publique du territoire. C’est ainsi que des zones humides ont été partiellement aménagées dans le cadre de la lutte contre les moustiques ou les inondations, pour la construction de barrages hydroélectriques ou pour constituer des tarodières et des cocoteraies. Ces zones sont également impactées par le changement climatique, qui entraîne une élévation des océans, des changements de températures, des variations de salinité, avec des conséquences lourdes pour la faune et la flore de ces zones. Enfin, l’introduction d’espèces invasives, l’usage de pesticides, l’utilisation des ressources en eau et le déversement des déchets, d’eaux usées ou encore de substances toxiques, ont porté atteinte à ces milieux qui sont très sensibles. Des normes existent néanmoins en vue de limiter les dommages causés aux zones humides. Plus particulièrement, le code de l’environnement comporte des dispositions directement destinées à protéger ces zones humides. Ainsi, l’article LP 1510-3 et suivants posent le principe de responsabilité environnementale de l’auteur d’un dommage causé aux milieux naturels, dont font partie les zones humides. De même, l’article LP 1530-2 pose le principe de réparation des atteintes aux eaux de surface ou souterraines, territoriales ou marines, ainsi qu’aux milieux aquatiques tels que les cours d’eau, les lacs, les plans d’eau et les zones humides. Ainsi que les articles LP 3100-1 et suivants visent quant à eux à assurer la protection de la ressource en eau. C’est pourquoi certaines espèces animales et végétales des zones humides sont protégées par la réglementation. Le code de l’environnement comporte par conséquent des règles destinées à sauvegarder leur protection. Enfin, les règles relatives aux ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement) sont destinées à éviter que des activités polluantes impactent notre environnement, notamment ces zones humides. Ainsi, la DIREN a pour consigne d’entreprendre les actions tendant à ce qu’une personne qui, par action ou négligence, a porté atteinte à une zone humide et à son écosystème, soit tenue de réparer les dommages qu’elle a causés. Elle peut en outre ordonner des mesures tendant à limiter l’impact des activités humaines sur la biodiversité et les milieux. Le code de l’aménagement comporte des règles qui limitent la réalisation d’ouvrages à proximité des milieux naturels. Il ressort néanmoins que le cadre juridique et opérationnel en vigueur reste insuffisant pour faire face aux enjeux et garantir la protection de ces zones. C’est pourquoi le gouvernement entend piloter les travaux nécessaires pour améliorer cette protection. Et pour y arriver, le projet passe par plusieurs étapes : En premier lieu, le gouvernement entend mettre en œuvre et conforter la politique de l’eau adoptée par l’assemblée et pour laquelle un comité de pilotage s’est tenu le 24 août 2023 sous la présidence de la vice-présidente précédente, Madame Éliane Tevahitua. Cette politique consiste notamment à soutenir les communes dans la gestion de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées, et à améliorer la connaissance et la gestion durable de la ressource en eau, incluant les zones humides. En second lieu, j’entends également limiter l’impact des déchets sur les zones humides par la réalisation des actions prévues par le schéma directeur de prévention et de gestion des déchets. Nous savons tous à quel point nos déchets, déversés dans nos cours d’eau, ont un impact négatif sur les écosystèmes. Et il appartient à la DIREN, sous l’impulsion de notre gouvernement, de conduire les actions définies. En troisième lieu, je souhaite prévenir les dommages causés par les pesticides sur les zones humides par deux moyens : d’une part, en renforçant les mesures interdisant leur stockage ou leur usage à proximité de cours d’eau et, d’autre part, en retirant progressivement du marché et de manière raisonnée les pesticides les plus dangereux pour notre environnement et notre santé. Enfin, en dernier lieu, le gouvernement souhaite contribuer à la protection et à la restauration des zones humides en soutenant techniquement ou financièrement des initiatives privées ou de coopération public/privé. Ainsi, plusieurs projets sont en cours pour restaurer ces milieux, avec l’appui direct ou indirect du gouvernement. Un exemple notamment : c’est ce qui est réalisé sur l’atoll de Tetiaroa, en collaboration donc avec le Pays et une société privée, et qui est porté par le comité français de l’UICN. Le gouvernement entend donc mener une politique globale de préservation des milieux et de leur biodiversité, en passant à la fois par la réalisation de travaux réglementaires, mais aussi par des actions administratives et un soutien aux initiatives privées. Je vous remercie pour votre écoute. Le président : Merci pour vos réponses. La deuxième question toujours posée par la représentante Teremuura à la ministre Vannina Crolas. Teremuura. QUESTION ORALE DE MADAME TEREMUURA KOHUMOETINI-RURUA SUR LE RETOUR ET LA RÉINTÉGRATION DES AGENTS DÉTACHÉS ORIGINAIRES DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (Lettre nº 5841 SG du 18/06/2024)Mme Teremuura Kohumoetini-Rurua : Merci bien. Madame la ministre, ma question a pour objet : « Retour et intégration des agents détachés originaires de la Polynésie française ». Madame la ministre, le rapport n° 97-2023 du 18 octobre 2023 relatif à un projet de délibération relative au régime applicable aux fonctionnaires détachés au sein de la fonction publique de la Polynésie française précise qu’à l’issue d’un recensement effectué le 13 juillet 2023, le nombre de fonctionnaires détachés au sein de la FPPF exerçant dans les services administratifs et les EPA s’élève au total à 66, dont 43 sont des agents de la fonction publique de l’État, 6 de la fonction publique territoriale, 5 de la fonction publique de l’assemblée de la Polynésie française, 11 de la fonction publique communale et 1 de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie. Ma question est la suivante : Pouvez-vous me préciser combien parmi ces fonctionnaires détachés sont originaires de la Polynésie française et quelles initiatives concrètes envisagez-vous de mettre en place pour, d’une part, maintenir définitivement ceux déjà en postes et, d’autre part, encourager le retour des fonctionnaires originaires de la Polynésie française qui exercent en dehors de notre territoire ? Merci bien. Le président : Madame la ministre. Mme Vannina Crolas : Monsieur le président de l’assemblée, Madame la secrétaire générale, Monsieur le Président du pays, chers ministres, Madame la vice-présidente, Monsieur le président-fondateur, chers élus, recevez mes salutations en cette occasion qui nous est donnée d’être réunis en cette nouvelle matinée. Madame la représentante, je vous remercie pour votre question qui me permet d’aborder le sujet de nos Polynésiens appartenant à des fonctions publiques autres que celle de la Polynésie française et qui sont, soit en position de détachement au sein de notre administration, soit en activité en dehors de notre territoire. Pour rappel, effectivement, le 26 octobre 2023, notre Assemblée a adopté la délibération n° 2023-61 APF du 26 octobre 2023 susvisée. Ce texte avait pour objectifs principaux : 1. De rétablir une équité de traitement entre tous les fonctionnaires détachés auprès de l’Administration du Pays ; 2. De favoriser l’océanisation des cadres ; 3. D’intégrer pleinement l’obligation de transmission des savoirs des fonctionnaires détachés, au bénéfice de nos fonctionnaires polynésiens, favorisant ainsi leur montée en compétences. Vos interrogations portent, d’une part, sur le nombre de fonctionnaires détachés auprès de la Polynésie française et sur les mesures permettant un maintien de ces agents en fonction, mais également un retour de ceux qui exercent hors de notre territoire. En ce qui concerne le nombre de fonctionnaires détachés auprès de la Polynésie, à l’heure actuelle, notre pays compte dans ses rangs 60 fonctionnaires en position de détachement issus des différentes fonctions publiques suivantes, dont 21 sont originaires de Polynésie française. Donc, par rapport à la situation qui avait été établie en octobre 2023, il y en a six qui sont partis déjà. Parmi ces 60 fonctionnaires : 34 agents aujourd’hui relèvent de la fonction publique d’État (dont 6 originaires de notre pays) ; 15 agents relevant de la fonction publique communale (dont 10 originaires de notre pays) ; 7 agents relevant de la fonction publique des collectivités territoriales de l’État (dont 2 originaires de notre pays) ; 3 agents relevant de la fonction publique de l’APF (dont 2 originaires de notre pays) ; 1 agent relevant de la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie, originaire de notre pays. En ce qui concerne le maintien de ces agents dans la fonction publique de notre pays et les mesures incitatives à un retour de nos Polynésiens sur notre territoire, l’article 3 de la délibération n° 2023-61 APF du 26 octobre 2023 visée en référence limite la durée d’affectation des fonctionnaires détachés à deux ans, renouvelable une fois. Afin de permettre à ces agents en détachement de continuer à exercer au sein de notre collectivité, au-delà de cette durée de, quatre ans, maximum, la délibération précitée prévoit la possibilité d’intégrer la fonction publique de la Polynésie. Les conditions de cette intégration doivent être fixées par une délibération distincte qui est en cours de rédaction par mes services et vous sera soumise avant la fin de l’année. Pour ce qui est des mesures d’incitation à venir exercer en Polynésie française, les fonctionnaires d’État ainsi que les membres de leurs familles bénéficient de la prise en charge des frais occasionnés par le changement de résidence, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que pour les agents non titulaires de notre administration, à savoir : la prise en charge du billet d’avion ; le versement d’une indemnité de frais de transport des effets personnels ; le versement d’une indemnité de frais de passage entre le domicile et l’aéroport ; et le versement d’une indemnité de logement durant le séjour ou prêt d’un logement de fonction. En outre, des réformes de fond sont actuellement menées sur l’extension de la protection de l’emploi local au secteur public, mais également sur l’attractivité de notre fonction publique. On a commencé déjà par le statut des psychologues. Tels sont donc les éléments de réponse que j’ai l’honneur de porter à votre connaissance. Je vous prie d’agréer, Madame la représentante, l’expression de ma considération distinguée. Le président : Merci. La troisième question intéresse notre représentante Yseult au ministre Taivini. QUESTION ORALE DE MADAME YSEULT BUTCHER-FERRY SUR L'ÉCHEC DE VOTRE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES PROPRES (Lettre nº 5848 SG du 18/06/2024)Mme Yseult Butcher-Ferry : Merci, Monsieur le président. Bonjour à toutes et à tous. Monsieur le ministre, le développement des ressources propres et l’autosuffisance alimentaire sont des axes fondamentaux du programme de campagne du Tavini huiraatira et de la ligne politique de votre parti. Cependant, nous constatons une divergence inquiétante entre ces objectifs proclamés et les actions concrètes de votre gouvernement. Prenons l’exemple de la société Mitirapa Blue Pearl Shrimp, productrice de crevettes locales de la Presqu’île, qui vient d’annoncer la cessation de ses activités après 11 ans de travail acharné et trois ans de luttes infructueuses contre les aléas. Malgré leurs efforts pour surmonter des défis tels que les conditions météorologiques défavorables, les problèmes d’écloserie, les maladies et les vols, ils se retrouvent contraints de fermer en raison de l’absence du soutien gouvernemental. Cette fermeture est un drame humain et économique et représente l’échec de votre politique de développement de nos ressources propres. Pendant des années, votre parti politique a critiqué les autonomistes pour leur priorité donnée au bâtiment. « La politique du béton et du goudron » disiez-vous... Avec un Président ultra connecté mais complètement déconnecté des réalités, il semble aujourd’hui que votre gouvernement privilégie le numérique, avec notamment l’implantation du géant Google en Polynésie française au détriment des producteurs locaux et de l’autonomie alimentaire. Le taro (NDT, espèce comestible de caladium), le fruit de l’arbre à pain ou le manioc pousseront-ils dans les data centers de google ? Les crevettes bleues chemineront-elles à l'intérieur des câbles sous-marin jusque dans nos assiettes ? Les Polynésiens ou encore les 600 000 touristes que vous nous promettez se nourriront-ils de 5G ou de méga octets ? Comment expliquez-vous cette contradiction entre votre engagement pour l'autosuffisance alimentaire et le manque de soutien apporté aux entreprises locales et aux entrepreneurs polynésiens comme ces valeureux éleveurs de la société Mitirapa Blue Pearl Shrimp, dont la fermeture symbolise un échec dans la réalisation de vos promesses électorales et politiques et provoquera un découragement, voire une défiance du tissu économique local ? Merci bien de votre attention. Le président : Président. M. Moetai Brotherson : Bonjour en cette occasion qui nous est donnée d’être réunis. Je vais juste faire un petit préambule et passer la parole à notre ministre. Madame la représentante, vous parlez d’échec, mais vous oubliez de mentionner un échec tout de même assez catastrophique, c’est celui d’une promesse non tenue sur dix ans de cette fameuse ferme aquacole chez vous à Hao qui n’a pas été tenue par votre majorité et votre gouvernement de l’époque, qui a eu — je ne sais pas — trois premières pierres de posées, mais toujours pas de mérou qui ont commencé à pousser à Hao. Et puis ensuite, vous parlez de Google. Il faut reconnaître beaucoup d’imagination à votre scribe, mais je crois que vous êtes totalement hors sujet parce que là où les deux câbles (Honotua et Manatua) ont coûté à peu près 20 milliards, dont la moitié financée par le Pays, les cinq câbles de Google vont coûter zéro franc aux contribuables polynésiens ! Bien au contraire, ils vont apporter de l’argent pour pouvoir en partie maintenir le service public. Donc, il ne faut pas mélanger les crevettes et les méga octets. M. Taivini Teai : Madame la représentante, vous savez, le développement de nos secteurs primaires et la souveraineté alimentaire font partie des quatre secteurs prioritaires « Fa'atupu (NDT, Bâtir) » de notre gouvernement, édictés dans notre ligne politique du Tavini huiraatira, et ce sont ces quatre secteurs stratégiques qui sont à développer qui nous permettront d’atteindre cette pleine souveraineté. Pour rappel — ça a été voté ici à l’assemblée — le budget dédié au développement de nos ressources propres est voté à l’unanimité et a été voté donc avec un montant de 4 646 399 578 F CFP en fonctionnement et de 21 100 000 000 F CFP en autorisations de programme d’investissement, dont actuellement 10 milliards F CFP ont été engagés. Les aides aux entreprises et aux exploitants accordées l’année dernière en 2023 ont représenté un volume de 493 dossiers validés pour un montant total de 810 661 551 F CFP. Hier après-midi, je présidais à nouveau une commission d’attribution d’aides agricoles dont le montant total s’est élevé à 172 632 337 F CFP. Donc le gouvernement investit dans l’humain, les hommes et les femmes qui portent l’économie de notre Pays. Ce n’est pas une nouveauté. Et je salue mes prédécesseurs avant moi qui ont eu la responsabilité du développement de notre secteur primaire, car le chantier est énorme. Et je ne cesse de le dire en allant voir les MFR, en allant me déplacer aux journées portes ouvertes, que ça soit du lycée agricole ou du centre de recherche : nos métiers du secteur primaire ne sont pas suffisamment reconnus dans la société d’aujourd’hui. Et vous êtes tous d’accord avec moi : nous avons besoin de plus d’agriculteurs, de pêcheurs, d’aquaculteurs et d’éleveurs, et c’est à cela que je dédie tous mes efforts depuis un an : rencontrer personnellement nos professionnels dans les archipels afin de leur exprimer notre confiance collective envers leur travail et leurs efforts, et les encourager à miser sur notre jeunesse. Bien sûr, tous ne vont pas réussir, mais le Pays est présent pour les aider à rebondir et repartir vers d’autres activités grâce à l’ensemble des dispositifs d’aide à l’emploi et à la création d’activité. Pour ce qui concerne la filière de crevettes, elle reposait sur quatre fermes d’élevage : Aquapac, Sopomer, la Société d’Aquaculture d’Opunohu et Mitirapa Blue Pearl Shrimp. Cette filière « Crevettes » produit en moyenne 150 tonnes par an, soit environ 7 500 000 crevettes vendues, pour un chiffre d’affaires de 380 000 000 F CFP. Nos estimations indiquent que la filière en 2024 représentera un chiffre d’affaires de 405 000 000 F CFP pour les producteurs. En 2019, le kilo de crevette était vendu à 2 100 F CFP. Cette année, le prix du kilo de crevette est à 2 700 F CFP, sortie ferme, soit une augmentation de 600 F CFP. Nous avons une filière « Crevettes » qui a plus de 30 ans d’expérience et qui représente près de 22 emplois. Cette filière est très très bien soutenue par le Pays, que ça soit lors du lancement ou que ça soit lors de l’accompagnement des porteurs de projet, ainsi que dans la chaine de production, puisque 80 % de la production de l’écloserie est supportée par le Pays. L’écloserie de Vairao produit en moyenne 19 millions de post-larves. Le coût réel (toutes charges comprises) de production d’une post-larve s’élève à 5,80 F CFP. Cette post-larve est ensuite vendue à l’ensemble des professionnels à 1,2 F CFP, correspondant à une aide financière du Pays équivalente à 88 350 000 F CFP. Il s’agit d’un choix politique — c’est clair — pris par l’ancienne gouvernance, mais cela se conçoit lors du lancement de l’activité pour une courte période ; mais ce soutien financier ne peut être pérenne. Le Pays soutient l’investissement et l’innovation, mais n’a pas vocation à intervenir dans l’exploitation des filières. Celle-ci est et doit être à la charge des entreprises privées. En début de mandature, il y a eu un incident sanitaire, en effet, dans la production des post-larves, ce qui a représenté une perte de production de 50 tonnes. Et dès ma prise de fonction, j’ai rencontré les professionnels de la filière afin de prendre des mesures permettant de renforcer la robustesse des post-larves et faire repartir ainsi le cycle de production dès le mois de juillet 2023. Face aux difficultés économiques rencontrées par les aquaculteurs, je les ai rencontrés en présence du ministre de l’emploi et du SEFI pour proposer le dispositif de la convention de soutien à l’emploi, afin d’éviter des licenciements pour motif économique dans les entreprises qui sont contraintes de réduire leur activité compte tenu d’une conjoncture économique défavorable ou d’un sinistre de caractère exceptionnel. La CSE compense une partie de la perte de salaire subie par le salarié du fait de la réduction de son temps de travail. Une fois dans le dispositif CSE, l’entreprise ne doit pas procéder à un licenciement économique. En 15 ans de production, nous comptabilisons seulement trois incidents au sein de l’écloserie. La technique d’élevage est aujourd’hui très très bien maîtrisée et une passation au secteur privé est envisagée. Pour cela, le Pays s’engage à accompagner techniquement, foncièrement et financièrement la création de nouvelles écloseries. Des travaux d’extension, de fiabilisation et de recherche et développement sont en cours au centre technique aquacole de Vairao. Ces investissements s’élèvent à 2 000 000 000 F CFP. Ils viendront renforcer notre capacité de développement de nos filières aquacoles pour les années futures. Et c’est vrai que nous n’avons désormais plus que trois fermes d’élevage. Mais la société Mitirapa Blue Pearl Shrimp qui proposait les fameuses « crevettes bleues de Mitirapa » a annoncé en début juin sur un réseau social sa cessation d’activité. Je déplore, tout autant que vous, cette situation, mais en aucun cas le Pays ne peut être tenu responsable de cette fermeture. Cette société a été soutenue par le Pays tant au niveau de l’accompagnement qu’au niveau financier. Il s’agit là d’une décision d’un professionnel installé depuis 13 ans dans une activité et, comme toute entreprise, il y a des hauts et des bas ! Madame la représentante, vous serez d’accord avec moi pour dire que ce soi-disant « magnifique » projet chinois, devant produire 50 000 tonnes de poissons, est aujourd’hui en fait un échec et même un fiasco ! C’est une certitude car, après 10 ans, il n ’y aucune cage aquacole chinoise à Hao. Vous m’avez fait l’honneur de m’accueillir, l’année dernière, lors de mes deux déplacements à Hao afin de me rendre compte par moi-même du fort potentiel de développement pour notre économie bleue que représente votre atoll. C’est indéniable ! Le projet que nous devons proposer ensemble pour Hao doit se faire à l’échelle de notre pays, pour répondre aux attentes de votre population et d’une exploitation durable et raisonnée de notre milieu naturel. Notre gouvernement a inscrit dans sa feuille de route le développement de Hao en tant que hub aquacole et maritime. Cela concerne l’aménagement d’infrastructures permettant de soutenir et de redynamiser la pêche, le transport maritime, le nautisme et une aquaculture à taille humaine. Un tel projet a besoin au préalable d’une bonne concertation avec les autorités locales et la population afin de réaliser les études de faisabilité. Nous avons voté au budget primitif du pays 40 000 000 F CFP de crédits pour lancer les études de préfaisabilité. Nous avons besoin d’un chef de projet pour faire avancer ce programme, et la création d’un poste dédié est prévue au prochain collectif. Vous pouvez compter sur moi pour revenir à Hao, cette année, afin de poursuivre nos discussions et travailler à la réalisation d’un projet concret de développement. Je souhaite vous dire que notre gouvernement travaille, avec cœur, en équipe, pour tous les Polynésiens afin de construire une société qui nous ressemble et qui nous rassemble. Je vous remercie. (Applaudissements dans la salle.) Le président : Merci bien. La quatrième question est une question qui va être posée par notre représentante Tepuaraurii au Président du pays. QUESTION ORALE DE MADAME TEPUARAURII TERIITAHI SUR LE RECRUTEMENT DES FONCTIONNAIRES D'ÉTAT DANS LES CABINETS MINISTÉRIELS (Lettre nº 5849 SG du 18/06/2024)Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le président de l’Assemblée. Monsieur le président de l’Assemblée de Polynésie française, Monsieur le Président du gouvernement de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs du public, chers collaborateurs, chers amis de la presse, chers internautes, mes salutations à toutes et à tous en cette occasion qui nous est donnée de nous réunir en cette matinée. Ma question fait écho un petit peu à la question de ma collègue Teremuura. Monsieur le Président, le 26 octobre 2023 — et je m’excuse pour la coquille qui s’est glissée parce que c’était écrit 2013 mais c’est bien 2023 —, notre Assemblée a adopté à l’unanimité une délibération relative au régime applicable aux fonctionnaires détachés au sein de la fonction publique de la Polynésie française. Ce texte, avant d’arriver en plénière, n’avait pas séduit votre majorité, et le président de notre Assemblée avait dû poser la question préalable avant de pouvoir ouvrir la discussion sur ce projet de délibération qui n’avait pas eu de conclusion positive en commission. Ce texte avait pour vocation d’harmoniser les différents statuts œuvrant dans la fonction publique de la Polynésie, et notamment de mettre un terme à un certain nombre d’avantages pour les fonctionnaires d’État détachés dans l’administration de la Polynésie française qu’on appelle communément les FEDA, ainsi que de limiter dans le temps les contrats signés par ces agents. Le Tapura huiraatira avait voté en faveur de ce texte en indiquant qu’il y avait au sein du corps des FEDA de nombreux Polynésiens aux compétences reconnues et qui ne devaient pas être pénalisés par cette nouvelle règlementation. L’objet de la grogne de votre majorité, lors de l’examen de ce texte, portait sur l’article 3 de la délibération qui spécifiait que les dispositions de durée n’étaient pas applicables aux recrutements dans les cabinets ministériels. On comprend cette grogne puisqu’elle vient en contradiction avec la volonté affichée du Tavini huiraatira de privilégier l’emploi local et de favoriser l’océanisation des cadres. Pour ce qui nous concerne, nous partageons cette ambition, et c’est d’ailleurs sous la majorité Tapura huiraatira que nous avons adopté les textes sur la protection de l’emploi local. Toutefois, nous sommes étonnés que votre gouvernement continue de procéder à des recrutements de fonctionnaires d’État, originaires de métropole, pour occuper des fonctions au sein de vos cabinets ministériels, vu les récentes prises de positions hostiles des élus de votre majorité, de vos ministres ou de vos ex-députés sur nos frères et sœurs métropolitains ayant choisi la Polynésie française comme pays d’adoption. Monsieur le Président, il semble que vous ayez récemment procédé au recrutement d’un fonctionnaire de la Direction générale des outre-mer pour occuper un poste de conseiller technique au sein du ministère de l’économie, dont nous aimerions d’ailleurs connaître les conditions contractuelles. Évidemment, je ne demande pas l’identité de la personne, juste les conditions. Est-ce à dire que nous ne disposons pas, dans notre pays, d’un vivier de cadres polynésiens suffisamment compétents pour occuper ces postes à responsabilités ; ou alors est-ce, une fois de plus, un renoncement à vos engagements de campagne et aux valeurs de votre parti politique ? Je vous remercie de votre attention. Le président : Monsieur le ministre. M. Tevaiti-Ariipaea Pomare : Monsieur le président de l’Assemblée, Monsieur le Président de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants de l’assemblée, Mesdames et Messieurs les collaborateurs, chers téléspectateurs, chers auditeurs, chers amis, bonjour. Madame la représentante, vous vous interrogez sur le recrutement de fonctionnaires d’État notamment au sein de cabinets ministériels. En quelque sorte, vous m’interpellez sur l’application de la délibération nº 2023-61 APF du 26 octobre 2023 relative au régime applicable aux fonctionnaires détachés au sein de la fonction publique de la Polynésie française que votre assemblée a adopté à l’unanimité. Je vous confirme que le gouvernement respecte et respectera la règlementation en la matière et bien évidemment lorsqu’il recrutera un fonctionnaire d’État détaché auprès de la fonction publique du pays et au sein d’un cabinet ministériel. Les dispositions relatives au détachement et à la rémunération sont définies et encadrent donc ces détachements. En réponse à votre interrogation sur les clauses contractuelles, je vous invite à reparcourir le texte de la délibération qui est parfaitement clair sur ces sujets. Concernant l’opportunité de recrutement, il est laissé le soin à chaque administration ou à chaque ministère d’apprécier et de procéder à la sélection des profils en fonction des besoins en compétence et en savoir-faire. Je tiens bien évidemment à préciser que nous sommes soucieux de rendre accessible le recrutement aux cadres polynésiens dès lors que les compétences recherchées existent. Pour le cas d’espèce que vous mentionnez, les compétences techniques dans le domaine prospecté ainsi que le relationnel professionnel correspondant ne sont hélas pas encore acquis par des cadres locaux. Certainement du fait, une fois de plus, d’un manque d’implication conséquent des politiques antérieures dans la véritable océanisation des cadres. Comme a pu le préciser, Madame la ministre de la fonction publique, des réformes de fond sont en cours sur l’extension de l’emploi local au secteur public et sur l’attractivité de notre fonction publique. Je vous prie d’agréer, Madame la représentante, l’expression de mes respectueux hommages. Merci bien. Le président : Merci. La dernière question est une question qui sera posée par notre représentant Nuihau Laurey au Président du pays. QUESTION ORALE DE MONSIEUR NUIHAU LAUREY SUR LA RÉFORME DE NOTRE SYSTÈME ÉLECTORAL (Lettre nº 5850 SG du 18/06/2024)M. Nuihau Laurey : Merci, Monsieur le président. Monsieur le Président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ensemble des médias et du public qui nous suit notamment à distance, bonjour. Monsieur le Président, notre système électoral permettant l’élection des représentants au sein de l’Assemblée de la Polynésie française est l’un des plus anti-démocratique au monde. Avec un seuil de passage au second tour fixé à 12,5 %, alors qu’à titre d’exemple, celui des élections européennes est fixé à 5 %, il limite considérablement l’expression de la diversité politique de notre pays. Il oblige à des unions contre-nature. Il conduit à restreindre l’offre politique. Il favorise l’abstention. Enfin, il exclut du champ de l’expression publique une partie grandissante de nos concitoyens. Ce système inique est le fruit de notre histoire politique récente, et plus particulièrement la période 2004-2013 qui a été marquée par l’instabilité avec neuf gouvernements en moins de dix ans. Cette immaturité de nos élus a conduit l’État à sonner la fin de la récréation en 2011, en procédant à une modification de la loi statutaire pour durcir les conditions de passage au second tour en fixant ce seuil à 12,5 % et surtout, par la création d’une prime majoritaire totalement disproportionnée de 19 sièges, soit un tiers de la représentation. Ce gonflement artificiel des majorités conduit aujourd’hui à une bipolarisation de la vie politique locale, un combat autonomie indépendance fondé sur l’idéologie et non sur la raison, à l’heure où la Calédonie connaît des heures sombres et condamne notre pays à basculer d’une domination majoritaire à une autre, chacune comprenant en son sein, les dérives, les dénis de réalité et les excès que génèrent toutes les dominations. Ce système est dénoncé par toutes les minorités qui le subissent, comme nous aujourd’hui, comme le Tavini lorsqu’il n’était pas au pouvoir, et malheureusement il est apprécié par toutes les majorités au pouvoir, et ce jusqu’à la défaite. Notre pays sera condamné à revivre de tels revirements préjudiciables à son développement si nous nous satisfaisons de cet état de fait. Nous déposerons bientôt une résolution au sein de notre Assemblée visant à réformer ce système injuste et à rendre notre représentation politique plus démocratique. Monsieur le Président, ma question est simple : soutiendrez-vous une prochaine réforme de notre système électoral allant dans le sens d’une plus grande expression démocratique dans notre pays, par une baisse du seuil de franchissement pour accéder au second tour et par une réduction de la prime majoritaire ? Merci. M. Moetai Brotherson : Monsieur le représentant, je vous remercie de votre question. J’espère qu’elle n’est pas issue d’une conjoncture opportuniste, qui elle-même, serait issue d’une frustration d’être aujourd’hui dans la minorité… mais je ne pense pas. Je pense que vous avez réellement cette conviction de changer le système électoral. En revanche, je suis surpris puisque vous avez été sénateur et la présidente de votre parti a été députée ; et j’ai regardé un peu dans les travaux que vous avez déposés, je n’ai vu aucune proposition de loi venant modifier le code électoral, à l’époque où votre présidente de parti était députée et quand vous étiez sénateur, mais c’est vrai que vous n’avez fait aucune proposition de loi. Ensuite, vous nous parlez d’alliance contre-nature qui résulterait de l’actuel code électoral, et c’est vrai qu’on voit en ce moment une alliance contre-nature, une énième plateforme autonomiste vouée à l’échec ! Et là où je suis un peu interpelé, c’est qu’au sein de cette alliance contre-nature, vous avez, d’un côté, le micro-parti aujourd’hui finalement du père de la prime majoritaire, Monsieur Flosse, et de l’autre côté, le Tapura huiraatira qui a toujours été opposé à la modification de cette prime majoritaire. Et donc, vous allez avoir un peu de mal, finalement, dans cette alliance contre-nature à trouver des soutiens de votre côté. Alors, vous me posez la question si, moi, je soutiendrai cette démarche ? Je vais vous dire : oui, je vais vous dire oui, mais, mais… Parce que j’ai quand même un peu de mémoire : gardons-nous de replonger la Polynésie dans cette période d’instabilité où les caprices d’un ou deux, faisaient basculer les majorités ! « Si je n’ai pas mon quai, si je n’ai pas ma salle omnisports, je bascule… si on ne met pas mon fils ou ma fille ministre, je bascule ! » Donc, gardons-nous de ce genre de fausses-bonnes-idées ! Donc, revisiter le code électoral, pourquoi pas ? À une condition, c’est que dans votre proposition, vous inscriviez et vous défendiez avec nous, et avec les futurs trois députés issus de la majorité, une élection du Président de Mā'ohi Nui (NDT, Polynésie française) au suffrage universel direct. Merci. (Applaudissements dans la salle.) Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |