SÉANCE DE QUESTIONS ORALES Paru in extenso au JOPF n° 16 NA du 10/12/2024 à la page 1149 | SÉANCE DE QUESTIONS ORALES Le président : On poursuit notre ordre du jour avec la séance des questions orales. Nous avons reçu trois questions orales. « L’auteur de la question ou le représentant à qui il a donné procuration en séance plénière dispose de trois minutes […] pour exposer sa question. Il ne peut reprendre la parole après la réponse du gouvernement. Le ministre dispose de cinq minutes […] pour apporter sa réponse. Il peut compléter celle-ci par un commentaire écrit distribué à chaque représentant. » Il est très exactement 9 h 36. Je demande à Madame Tepuaraurii Teriitahi de poser sa question. QUESTION ORALE DE MADAME TEPUARAURII TERIITAHI SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE MADAME HINAMOEURA MORGANT RELATIVE AU NUCLÉAIRE (Lettre n° 6656 SG du 8/07/2024) Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le président. Monsieur le Président de la Polynésie française, Monsieur le président de l’assemblée de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Madame la députée, ma chère Nicole, Mesdames et Messieurs les représentants, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs du public et ceux qui nous suivent par Internet, Mesdames et Messieurs les journalistes, bonjour. Ma question est adressée au Président du gouvernement. En février 2019, le Tapura huiraatira a obtenu que soit inscrite dans le marbre de notre statut d’autonomie la mise à contribution de la Polynésie française pour la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et la défense de la Nation. Cette modification de la loi organique, qui représentait alors une avancée symbolique et historique dans la reconnaissance par l’État français du fait nucléaire en Polynésie française, reconnaissait également : – Le devoir d’indemnisation par la France des victimes des essais nucléaires ; – Le devoir d’entretien et de surveillance par la France des sites de Moruroa et Fangataufa ; – Le devoir par la France d’accompagnement de la reconversion économique et structurelle de la Polynésie française, consécutivement à la cessation des essais nucléaires. Le 25 juin dernier, Madame Hinamoeura Cross-Morgant déposait sur le bureau de notre assemblée une proposition de résolution visant à modifier les dispositions statutaires susmentionnées, afin de préciser que les expérimentations nucléaires qui ont eu lieu dans notre pays ont eu un impact sur l’économie, l’environnement, la société et la santé publique en Polynésie française. Cette proposition de résolution venait également préciser la nature des expérimentations nucléaires en question et venait remplacer les termes « essais nucléaires » par les termes « emplois des bombes nucléaires françaises à des fins expérimentales ». Les autonomistes, engagés depuis plusieurs années dans une démarche de transparence et de vérité sur ce sujet, partagent les arguments de notre collègue Hinamoeura, qui, comme de nombreux Polynésiens, a souffert et souffre encore dans sa chair des conséquences des essais atomiques dans notre pays. C’est ainsi que nous étions prêts, à l’occasion de la commission des institutions censée examiner et adopter cette proposition de résolution le 2 juillet dernier, 58 ans jour pour jour après le démarrage des essais, à voter en faveur de ce texte. Or, nous avons été très surpris de constater que le Tavini huiraatira, par la voix de son président, Monsieur Oscar Temaru, et de son vice-président, Monsieur Antony Géros, demandait le retrait de ce texte, s’inscrivant pourtant dans la droite ligne du programme de votre mouvement politique, au moyen d’arguments taillés sur mesure. Surfant sur les rivalités entre les associations antinucléaires, dont nous reconnaissons tout le travail remarquable, et voulant sans doute surtout une nouvelle fois sanctionner Madame Morgant pour ce que ses frères, désormais ennemis, considèrent comme des « écarts de conduite » — entre guillemets — au sein du parti, les leaders du Tavini huiraatira ont préféré botter en touche et renoncer à obtenir une nouvelle avancée statutaire sur un sujet qui nourrit pourtant leur propagande électorale depuis plusieurs décennies. C’est leur choix. Nous en prenons acte. Monsieur le Président en charge des conséquences des essais nucléaires, à l’instar de la démarche entreprise par le Conseil des ministres qui a émis le 20 septembre dernier un vœu sur l’institution d’une citoyenneté polynésienne en Polynésie française, seriez-vous disposé à faire émettre une nouvelle fois par votre gouvernement un vœu sur la modification de l’article 6-1, section 2, de la loi organique, telle que proposée par Madame Hinamoeura Cross-Morgant ? Si tel était le cas, vous pourriez alors compter sur le soutien de nos députés autonomistes pour relayer et soutenir cette demande de modification statutaire à Paris. En l’absence de réponse favorable à cette question, tous comprendraient alors que la volonté du Tavini huiraatira n’est finalement pas d’obtenir une réparation morale et matérielle des essais nucléaires, mais d’utiliser éternellement ce sujet pour nourrir ses campagnes électorales et abreuver de rancœur et de haine le cœur de nos concitoyens. Je vous remercie pour votre attention. Le président : Monsieur le Président. M. Moetai Brotherson : Madame la représentante, je vous remercie pour cette question qui va me permettre d’éclaircir quelques points. Tout d’abord, contrairement à vous, en 2019, j’étais à l’assemblée nationale quand le texte de la modification statutaire a été modifié suite à une demande qui a été portée par Maina Sage et que nous avons soutenue. Je me souviens encore des conclusions de ce débat qui disaient que « ces changements dans le statut, qui introduisaient la mise à contribution, n’avaient qu’une portée symbolique ». Toutes les avancées que vous avez citées ensuite sur la surveillance des sites, sur l’indemnisation des victimes, tout ça ce n’est pas dans cette modification statutaire que ça intervient, mais dans la loi Morin. Cette même loi Morin, dont j’ai proposé une modification au travers d’une proposition de loi en 2021. 2021, c’était, je crois, le Tapura qui était au pouvoir, vous avec une majorité dans cette assemblée qui a décidé de ne pas soutenir cette proposition de loi qui, pourtant, comportait de nombreuses améliorations à la loi Morin. Donc ni votre majorité de l’époque, ni votre gouvernement n’ont soutenu cette proposition de loi qui, pourtant, allait dans le sens du combat que vous semblez porter avec ferveur aujourd’hui. Donc voyez un peu ma surprise de vous voir qu’aujourd’hui dans la position du censeur, et à faire à la fois les questions et les réponses. Pour ce qui concerne votre question directe, à savoir sur la proposition qui a été faite en commission des institutions par Hinamoeura. Je vais réitérer ici ma déception, déception de voir qu’encore une fois cette proposition de résolution a été présentée sans concertation. Alors, oui il y a eu les délais règlementaires de dépôt, le 25 juin, pour une séance de la commission le 2 juillet. Oui, mais les discussions n’ont pas eu lieu au sein du groupe Tavini. Elles n’ont pas non plus eu lieu avec les associations. J’en veux pour preuve le communiqué officiel de l’Association 193, qui dit qu’elle n’a pas été consultée sur cette proposition d’écriture. Proposition d’écriture qui, au final, ne formule qu’un vœu de notre assemblée, qui ne vient pas changer le statut. Le statut pour être changé, cette demande, cette résolution doit être portée à l’assemblée nationale par nos parlementaires. Ces parlementaires n’ont pas non plus été consultés. Vous comprendrez que, dans ces conditions, je ne peux pas cautionner une telle façon d’agir. En revanche, quand Madame Hinamoeura Cross-Morgant reviendra vers nous avec une proposition qui aura fait l’objet d’une concertation a minima avec le parti auquel elle appartient aujourd’hui — enfin, en tout cas, c’est ce qu’elle clame — a minima une concertation avec les associations concernées, a minima avec une concertation avec les parlementaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, eh bien oui, je n’aurai aucun mal à soutenir une telle résolution. Voilà. (Applaudissements dans la salle.) Le président : Merci bien. Je demande à Madame Tepuaraurii Teriitahi de poser sa deuxième question. QUESTION ORALE DE MADAME TEPUARAURII TERIITAHI SUR LES RÉSULTATS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 29 JUIN ET 6 JUILLET DERNIERS (Lettre n° 6657 SG du 8/07/2024) Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le président. À nouveau une question à notre Président de la Polynésie française. Les samedis 29 juin et 6 juillet derniers, à l’occasion du premier et deuxième tour des élections législatives organisées sur l’ensemble du territoire national, 53 010 électeurs ont accordé leur confiance à la coalition autonomiste « 'Āmui tātou », soit 52,95 % des suffrages exprimés. Nous les en remercions sincèrement et tâcherons d’être dignes de ce soutien populaire qui permet aujourd’hui à deux députés autonomistes sur trois de représenter les Polynésiens à l’assemblée nationale. Le Tavini huiraatira, lui, a été crédité de 43 637 voix, soit 43,57 % des suffrages exprimés. Pour rappel, au deuxième tour des élections législatives de juin 2022, les députés indépendantistes avaient obtenu 61 437 voix, soit 57,03 % des suffrages exprimés. De leur côté, les candidats autonomistes avaient obtenu 46 635 voix, soit 42,97 % des suffrages. Deux ans après la victoire des indépendantistes aux élections législatives, et seulement après une année de gouvernance du Tavini huiraatira, et alors que vous aviez prédit, avec une grande certitude, une remontada des candidats indépendantistes au deuxième tour et le naufrage d’un « radeau de la méduse » qui s’est avéré être un véritable navire de guerre, près de 18 000 électeurs ont décidé de tourner le dos à votre gouvernance et à votre idéologie. Force est de constater que le parti politique qui gouverne aujourd’hui notre pays est minoritaire et qu’en tant qu’émanation de celui-ci, vous êtes désormais un Président illégitime dont la crédibilité et le mandat sont fortement remis en cause, pas par vos opposants politiques, pas même par la France, mais par le peuple qui vous a désavoué et sanctionné, et par les membres de votre propre famille politique. Le député déchu, Tematai Le Gayic annonçait sur les ondes de Radio 1 au soir de sa défaite, je cite : « Le gouvernement doit prendre sa part de responsabilité ! ». Le député battu Steve Chailloux déclarait, pour sa part, sur Tahiti infos : « En un an de mandature — et là, je cite toujours —, il y a ce vote sanction, je le dis clairement ! Il va falloir en tirer les conséquences. » Quant au président de notre assemblée, mis en difficulté dans notre commune de Paea, il déclarait au micro de Tahiti infos : « Il n'y a pas photo, on s’est fait sanctionner ! Si l’écart est important, cela veut dire que la population nous envoie un signe ! ». À l’heure où votre parti politique est mis en minorité par la population, à l’heure où les membres de votre propre majorité remettent en cause ouvertement votre gouvernance et votre bilan, à l’heure où votre loi fiscale est une nouvelle fois invalidée par le Conseil d’État, et alors que les dissensions au sein de votre parti politique risquent fortement de s’accentuer au vu du revers électoral que vous venez d’essuyer, il est de votre responsabilité, Monsieur le Président, d’agir et de réagir au message envoyé par les électeurs. Aussi, Monsieur, le Président, entendez-vous démissionner de vos fonctions et seriez-vous favorable à une dissolution de notre assemblée, si le Président de la République venait à solliciter votre avis conformément aux dispositions de l’article 157 de la loi organique ? Je vous remercie de votre attention. Le président : Monsieur le Président. M. Moetai Brotherson : Madame la représentante, j’aime beaucoup la couleur de votre robe. Je constate, par contre, que vous n’êtes pas tous habillés de la même couleur et que vous n’avez pas encore fait la fusion au sein d’un nouveau groupe 'Āmui tātou. Mais qu’est-ce qui se passe donc ? Vous voulez garder tout de même vos prés carrés. Qu’est-ce qui se passe ? C’est le début d’une division ? Vous voyez, on peut tous se lancer dans des interprétations farfelues. Alors en 2022, c’était un 3-0 magnifique. Je ne vous ai pas entendue, à l’époque, remettre en cause la légitimité du Président Fritch et lui demander de démissionner ou de demander la dissolution de l’assemblée. (Applaudissements dans la salle.) Je ne vous ai pas entendue le faire. Aujourd’hui, ce que j’entends là, ce sont les applaudissements de 38 représentants d’une majorité solide. Ce n’est pas un blocage des institutions. Il n’y a aucun motif de dissolution de notre assemblée. Vous parlez de responsabilité. La responsabilité oui, c’est celle qui finalement découle du proverbe marin qui dit que « ce n’est pas en mer calme qu’on voit le bon capitaine ». Vous voyez ? Donc l’irresponsabilité, ce serait de dissoudre, ce serait de ramener l’instabilité. Est-ce que vous savez combien coûte l’organisation d’une élection ? Est-ce que vous savez combien coûte la formation d’un gouvernement ? Est-ce que vous êtes prêts à aller dire aux entreprises qui ont toutes monté des dossiers, qu’il va falloir venir les remonter, que ce soit le même gouvernement qui soit reconduit ou pas ? Ça, c’est de l’irresponsabilité. Donc, pour répondre très simplement à votre question, la majorité qui est là devant moi, elle est solide, ne vous en déplaise. (Applaudissements dans la salle.) Et cette majorité… Et cette majorité plutôt que de se morfondre dans vos commentaires farfelus, elle est déjà sur le pied de guerre pour les prochaines échéances électorales. Donc on se donne rendez-vous en 2026 et, là, on verra. D’accord ? Mais d’ici là, je peux vous rassurer. Je n’ai pas reçu de coup de fil d’Emmanuel Macron me posant la question s’il fallait dissoudre, non. Je pense qu’il a d’autres sujets, en ce moment, et je pense que c’est vraiment la pire des idées que vous ayez eue depuis un an que de proposer et de suggérer la dissolution de notre assemblée. Merci. (Applaudissements dans la salle.) Le président : Merci. Je demande à Madame Nicole Sanquer de poser sa question. QUESTION ORALE DE MADAME NICOLE SANQUER SUR LES MODALITÉS D'EXÉCUTION ENVISAGÉES PAR LE PAYS DES ARRÊTS RENDUS PAR LE CONSEIL D'ÉTAT PRONONÇANT L'ANNULATION DES LOIS DU PAYS N° 2023-37 DU 15 DÉCEMBRE 2023 ET N° 2024-8 DU 12 AVRIL 2024 (Lettre n° 6658 SG du 8/07/2024) Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Avant tout, je souhaite vous remercier ainsi que l’ensemble des élus pour le message de félicitations et d’encouragements et vous rassurer que je n’oublierai personne et certainement pas mon pays et mon peuple. Et un autre aparté par rapport à ce que vous avez dit, Monsieur le Président. Les députés autonomistes ont soutenu votre proposition de loi à l’assemblée nationale et nous avons même apporté quelques amendements et je n’ai pas trouvé une résolution où le Tapura était défavorable en 2021 pour le soutien de votre loi. (Applaudissements dans la salle.) Donc je tenais à le confirmer. Ma question s’adresse à Monsieur le ministre des finances. Par une décision rendue le 28 juin dernier, le Conseil d’État a annulé la portée rétroactive des dispositions prévues par la loi du pays n° 2024-8 du 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales à raison du fait que les règlements ne disposent que pour l’avenir et ne peuvent s’appliquer à des impositions dont le fait générateur précède son entrée en vigueur. Votre lecture extensive de l’article 145 de notre loi statutaire autorisant une petite rétroactivité dans le cadre de l’adoption du budget primitif comme l’exhaustif argumentaire de votre amendement soutenu en séance s’est donc confirmé erroné malgré l’alerte de plusieurs représentants à l’assemblée et plus particulièrement ceux de la minorité. Comme nous le savons tous, cette dernière décision s’inscrit dans la continuité de la précédente annulation prononcée le 25 mars 2024 par la même juridiction, sur la loi du pays n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l’approbation du budget primitif 2024. Cette première loi du pays contenait, à quelques modifications près, les mêmes mesures fiscales que celles contenues dans la loi du pays n° 2024-8 du 12 avril 2024. Pour autant, l’ensemble des mesures fiscales illégalement adoptées par notre assemblée, contenues dans ces deux textes ont été mises en œuvre et ont permis d’équilibrer le budget de notre collectivité, dont les recettes comme les exonérations n’ont plus de fondement légal sur la période concernée. Ces deux annulations consécutives, sur les quasis mêmes mesures fiscales, impliquent pour le gouvernement, comme pour notre assemblée, d’en tirer toutes les conséquences et surtout de rétablir, pour les usagers, les situations antérieures, puisque ces textes sont censés n’avoir jamais existé. Si des solutions de régularisation sont facilement envisageables pour ce qui concerne l’équilibre budgétaire, les mesures relevant de la fiscalité directe non encore mises en recouvrement, il en va différemment pour celles relevant de la fiscalité indirecte, comme la taxation à l’importation de produits dont les situations sont déjà réalisées. Il en va ainsi notamment des matériaux de construction nouvellement frappés de droits de douane à l'importation, du matériel sonore, ou encore de la TVA applicable aux meublés du tourisme, etc. Monsieur le ministre, aucune mesure d’exécution n’a été déployée par votre ministère pour tirer les conséquences de l’annulation de la première loi du pays, hormis le fait de faire adopter les quasis mêmes mesures fiscales par notre assemblée, alors même que l’annulation pour l’avenir, à compter du 1er juillet 2024, vous avait déjà été refusée par le Conseil d’État, faute d’intérêt général suffisant. Aussi, d’une manière générale, pourriez-vous nous indiquer les modalités que vous envisagez cette fois de mettre plus sérieusement en œuvre pour rétablir les situations antérieures pour chaque impôt, la procédure et les délais que les usagers devront suivre auprès des différents services administratifs du Pays concernés pour régulariser leur situation ? Je vous remercie. Le président : Merci. Monsieur le ministre. M. Tevaiti-Ariipaea Pomare : Monsieur le président de l’assemblée de la Polynésie française, Monsieur le Président de la Polynésie française, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants de l’assemblée de la Polynésie française, Mesdames et Messieurs les collaborateurs, Mesdames et Messieurs les spectateurs et les téléspectateurs qui suivez nos débats, Mesdames et Messieurs, chers amis, bonjour. Madame la représentante, Madame la députée, en liminaire, je souhaite vous adresser mes félicitations pour votre succès aux élections législatives. J’ose espérer que le cumul de fonctions avec celle de représentante à l’assemblée de la Polynésie française nous sera profitable à tous. Vous vous rappelez que le 28 juin dernier, le Conseil d’État a annulé la portée rétroactive que le gouvernement a souhaité donner aux mesures fiscales contenues dans la loi du pays n° 2024-8 du 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales. Les commentaires erronés que vous en faites m’appellent à apporter un certain nombre de rectifications. En premier lieu, vous indiquez que la tentative de rétroactivité aurait été fondée sur l’article 145 de la loi statutaire. Or, comme j’ai eu l’occasion de le faire savoir lors de la séance plénière consacrée à l’examen de ce texte fiscal, l’initiative s’appuyait sur une jurisprudence permettant des dérogations aux principes de non-rétroactivité. L’exposé des motifs de l’amendement concernant l’article LP 25, qui portait sur la mesure, faisait ainsi expressément référence à un avis du Conseil d’État qui permet, sous conditions, à une collectivité de prendre une mesure de régularisation rétroactive. Les échanges contradictoires devant la haute juridiction précisaient même très clairement que la mesure critiquée n’était pas fondée sur l’article 145 de la loi statutaire. Vous aviez évidemment eu connaissance de l’exposé des motifs de l’article LP 25 et très certainement du dossier contentieux devant le Conseil d’État. Comment, dès lors, ne pas voir dans votre assertion l’expression d’une mauvaise foi manifeste ? En deuxième lieu, vous me demandez quelles modalités nous envisageons plus sérieusement pour rétablir les situations antérieures pour chaque impôt. Je vous renvoie, là encore, à l’amendement qui portait sur la rétroactivité en séance du 11 avril. Il indiquait très clairement qu’en termes d’encaissements et de décaissements, une somme totale de près de 344 millions F CFP serait à réclamer, tandis que près de 154 millions F CFP seraient à rembourser. Ce rapport financier était particulièrement avantageux pour le pays, il a pourtant proposé d’y renoncer. Des entreprises, et surtout des particuliers, se trouvent aujourd’hui redevables de droits et taxes. Il faut qu’ils sachent que vous êtes à l’origine de cette situation et que vous préférez que le gouvernement propose une issue plus sérieuse que de les dispenser de ces droits et taxes. En troisième lieu, vous considérez comme illégalement adoptées les dispositions des deux lois du pays successives, alors que je ne cesserai de le clamer : la légalité des mesures au fond n’a jamais été mise en cause par le Conseil d’État. Dans ces conditions, vous ne pourrez que reconnaître que la loi du pays n° 2024-8 est en vigueur depuis le 12 avril, tous ces articles hormis l’article LP 25 sur la rétroactivité étant parfaitement légaux. En quatrième lieu, vous prétendez que la décision du 28 juin 2024 s’inscrit dans la continuité de la précédente annulation prononcée le 25 mars 2024. La décision du 28 juin 2024 invalide uniquement la volonté du gouvernement de faire rétroagir les dispositions de la loi du pays n° 2024-8. Toutes les dispositions fiscales au fond sont validées, ne vous en déplaise. La décision du 25 mars 2024 annulait, quant à elle, la loi du pays n° 2023-37 dans son intégralité pour qu’une question de forme résultant d’une interprétation erronée du règlement intérieur de votre assemblée. Il s’agit, là aussi, de différences juridiques et contextuelles très nettes que vous faites mine d’ignorer, et qui montre qu’à l’évidence, la décision du 28 juin 2024 ne s’inscrit sûrement pas dans la continuité de celle du 25 mars 2024. En cinquième lieu, vous affirmez qu’aucune mesure n’aurait été déployée pour tirer les conséquences de l’annulation de la loi du pays n° 2023-37. Si nous n’avions rien fait pour tirer les conséquences de cette annulation du 25 mars 2024, comment expliquez-vous donc que la loi n° 2024-8 ait pu être adoptée en séance plénière du 11 avril 2024 ? 17 jours c’est le temps écoulé entre la décision du Conseil d’État et ladite séance. Madame la représentante, vous connaissez les délais de procédure d’adoption des lois du pays, n’est-ce pas ? Vous reconnaîtrez donc que le gouvernement a su faire preuve d’anticipation en mettant le nouveau texte fiscal dans le circuit d’adoption, et ce bien avant que la décision du Conseil d’État ne soit rendue. Vous admettrez donc que nous ne sommes pas restés les bras croisés à attendre benoîtement la sanction arrivée, comme vous l’auriez sans doute espéré. En dernier lieu, je veux rappeler que tous ces atermoiements autour de cette loi fiscale trouvent leur origine dans un problème de procédure indépendant du gouvernement. Je retiens que, sur le fond, toutes les mesures fiscales ont été validées, bien qu’une annulation de certaines d’entre elles ait été demandée au Conseil d’État. Je retiens en outre que le pays, grâce à ces excellents résultats, dispose des ressources budgétaires nécessaires pour exécuter la décision de la haute juridiction. En réponse à votre dernière question, les sommes à rembourser en exécution de la décision le seront d’office. Pour les sommes à réclamer, s’il n’y a plus de solution juridique exploitable, les rappels d’impôts, droits et taxes seront effectués par la Direction des douanes et la recette de conservation des hypothèques, selon les procédures qui leur sont propres. Au final, le gouvernement a voulu mieux accompagner les Polynésiennes et les Polynésiens au quotidien en soutenant leur pouvoir d’achat et leur capacité d’entreprendre. Par exemple : pour se déplacer, il a souhaité proposer pour les véhicules électriques et hybrides un régime de taxation qui reste plus avantageux que celui applicable aux véhicules thermiques. Pour se loger, il a souhaité soutenir les coûts des matériaux de construction par des exonérations dans un contexte de ralentissement de l’inflation. Il a aussi voulu accentuer le soutien aux primo-acquéreurs en diminuant leurs droits sur acquisition. Pour encourager l’entrepreneuriat, il a souhaité soutenir les créateurs d’entreprises en divisant par 5 — oui, par 5 ! — le tarif du droit d’enregistrement applicable aux créations de sociétés. Il n’y a pas lieu de tirer fierté de tous ces épisodes contentieux car aujourd’hui, tous les particuliers et toutes les entreprises concernées pourraient en payer le prix. Cela n’est pas, et n’a jamais été, la volonté du gouvernement. Merci bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Tavini huiraatira.) Le président : Il est très exactement 10 heures, donc la séance de questions orales est close. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |