Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 10/12/2024 Décision n° 2400269 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 2400269 du 10 décembre 2024 Tribunal administratif de Polynésie française 1ère Chambre Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin et 4 octobre 2024, la société Pacific Mobile Telecom, représentée par Me Quinquis, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'arrêté n° 2453 CM du 27 décembre 2023 portant approbation du tarif de référence d'interconnexion au titre des prestations d'accès offertes entre la Polynésie française et le reste du monde sur le câble Honotua par l'opérateur de télécommunication Onati en sa qualité d'opérateur public ; 2°) d'annuler l'arrêté n° 2454 CM du 27 décembre 2023 portant approbation du tarif de référence d'interconnexion au titre des prestations d'accès offertes en Polynésie française sur l'archipel de la Société par l'opérateur de télécommunication Onati en sa qualité d'opérateur public ; 3°) d'annuler l'arrêté n° 2455 CM du 27 décembre 2023 portant approbation du tarif de référence d'interconnexion au titre des prestations d'accès offertes en Polynésie française sur les câbles Natitua et Natitua Sud par l'opérateur de télécommunication Onati en sa qualité d'opérateur public ; 4°) d'annuler l'arrêté n° 2463 CM du 27 décembre 2023 portant approbation du tarif de référence d'interconnexion de la terminaison d'appel voix (téléphonie fixe) de l'opérateur de télécommunication Onati en sa qualité d'opérateur public ; 5°) d'annuler la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre ces quatre arrêtés ; 6°) d'enjoindre à la Polynésie française d'adopter quatre nouveaux arrêtés ; 7°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de procédure substantiel au regard de l'article LP 212-22 du code des postes et télécommunications, dès lors que le conseil des ministres n'a pu être informé avant la prise des arrêtés des avis émis par le comité consultatif des télécommunications (CCT) ; - ils sont entachés d'un second vice de procédure dès lors que les avis du CCT sont irréguliers en raison, d'une part, de la participation d'Onati aux votes sous couvert d'un pouvoir donné par l'OPT, d'autre part, d'un défaut d'information préalable et complète de l'organisme consultatif ; - la hausse des tarifs d'interconnexion s'agissant de ceux concernant l'archipel de la Société, la téléphonie fixe et le câble Natitua n'est pas cohérente avec l'augmentation des volumes de télécommunications ; - la tarification réglementaire pour l'accès au câble Honotua n'est pas celle appliquée par Onati ; - les tarifs de référence d'interconnexion pratiqués par Onati ne correspondent pas à la définition qu'en donne l'ARCEP et aboutissent à ce que le TRI n'est pas la stricte contrepartie de tous les services qui devraient s'y trouver ; dès lors, les arrêtés tarifaires devraient définir la prestation d'accès couverte par le tarif afin d'assurer le respect du principe d'orientation vers les coûts, sauf à méconnaître les articles D. 224-1 et D. 224-2 du code des postes et télécommunications ; - la facturation par service concernant les équipements d'extrémité sont facturés à un prix excessif par rapport à leur coût ; - les arrêtés attaqués portent atteinte aux principes de concurrence loyale et effective entre les opérateurs, de transparence, de non-discrimination et d'orientation vers les coûts. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2024, la société Onati, représentée par Me Justier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 300 000 F CFP soit mise à la charge de la société PMT au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2024, la Polynésie française conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que lui soit accordé un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir pour l'adoption de nouveaux tarifs. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Un mémoire, présenté pour la société Onati, a été enregistré le 24 octobre 2024, mais n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 4 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2024 à 11h00 (heure locale). Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi organique modifiée n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code des postes et télécommunications en Polynésie française ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Busidan, - les conclusions de M. Boumendjel, rapporteur public, - les observations de Me Quinquis représentant la société Pacific Mobile Telecom, celles de M. A représentant la Polynésie française et celles de Me Algan représentant la société Onati. Considérant ce qui suit : 1. Au Journal officiel de la Polynésie française du 28 décembre 2023 ont paru quatre arrêtés datés de la veille, par lesquels la Polynésie française a approuvé, pour les années 2024 et 2025, les tarifs de référence d'interconnexion (TRI) de l'opérateur de télécommunications Onati concernant les prestations d'accès qu'il propose en sa qualité d'opérateur public et qui concernent, pour l'arrêté n° 2453 CM celles entre la Polynésie française et le reste du monde sur la câble Honotua, pour l'arrêté n° 2454 CM celles en Polynésie française sur l'archipel de la Société, pour l'arrêté n° 2455 celles en Polynésie française sur les câbles Natitua et Natitua Sud, et pour l'arrêté n° 2463 la terminaison d'appel voix en téléphonie fixe. La société Pacific Mobile Telecom (PMT) demande l'annulation de ces arrêtés par des moyens communs aux quatre décisions attaquées. 2. Aux termes de l'article LP. 212-22 du code des postes et télécommunications : " Les titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article LP.212-1 ont droit à l'établissement d'une interconnexion aux réseaux ouverts au public.// L'interconnexion fait l'objet d'une convention entre les parties concernées.// Les parties prenantes à l'interconnexion se réunissent dans le cadre de négociations commerciales pour parvenir, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, à la signature de cette convention d'interconnexion. // Cette convention précise les modalités techniques, juridiques et financières de leur relation. // Cette convention respecte les dispositions du présent code et notamment les articles LP.212-23 à LP.212-25-2. // Cette convention est approuvée par le conseil des ministres. // Un arrêté pris en conseil des ministres fixe les modalités d'application du présent article ". 3. En premier lieu, si, selon la requérante, le conseil des ministres n'a pu prendre connaissance de l'avis émis par le comité consultatif des télécommunications avant d'adopter les TRI en litige, cette circonstance est sans incidence sur le respect, par les décisions attaquées, des dispositions précitées, invoquées par la requérante. 4. A supposer qu'elle ait entendu soulever, à l'appui de la circonstance soulevée, la méconnaissance de l'article A. 212-5 du même code qui dispose : " le comité consultatif des télécommunications est compétent pour émettre des avis, sur saisine du président de la Polynésie française ou d'un ministre ayant reçu délégation à cet effet, concernant : () -les tarifs de référence d'interconnexion de l'opérateur public. () / Le comité consultatif des télécommunications est informé avant l'approbation par le conseil des ministres des tarifs de référence d'interconnexion des opérateurs fournissant un service de télécommunication mobile./Les informations nécessaires à la détermination de ces tarifs sont communiquées au comité consultatif des télécommunications et au conseil des ministres dans le respect du principe de protection du secret des affaires ", il ressort des pièces du dossier, notamment des arrêtés eux-mêmes, que l'avis du comité consultatif des télécommunications réuni le 14 décembre a été porté à la connaissance du conseil de ministres avant que ce dernier n'approuve les tarifs adoptés par les arrêtés en litige. A cet égard est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie la circonstance que cet avis, favorable sur toutes les questions posées au comité, ne comporte pas les observations des opérateurs pendant la réunion qui ont été consignées dans un procès-verbal de la réunion, plus complet que l'avis, rédigé ultérieurement. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article A. 212-6 du code des postes et télécommunications, " le comité consultatif des télécommunications est présidé par le ministre en charge des télécommunications ou son représentant. / Il comporte en outre les personnalités suivantes : -un représentant de l'opérateur public ; -un représentant de chaque opérateur de télécommunications autorisées autres que l'opérateur public ; le chef du service en charge des affaires économiques ou son représentant. () ". Il ressort de ces dispositions que la société Onati, en sa qualité d'opérateur de télécommunications, est membre de ce comité. Par suite, la société PMT n'est pas fondée à soutenir que l'avis émis serait irrégulier en raison de la présence, à la réunion du comité, d'un représentant de la société Onati. 6. En troisième lieu, la requérante soutient que l'avis émis par le comité consultatif serait vicié en raison de l'information incomplète donnée par l'opérateur délégataire du service public et, par suite qu'il entacherait les arrêtés attaqués. Si elle a entendu ainsi soulever un moyen tiré de ce que l'information délivrée au comité consultatif ne correspondrait pas aux dispositions du code des postes et télécommunications, il résulte des dispositions précitées de l'article A. 212-5 que cette information est communiquée dans le respect du principe de protection du secret des affaires, seuls les services en charge des télécommunications devant être destinataires des informations que l'opérateur doit communiquer en vertu de l'article A. 212-22-3 dudit code. Dans ces conditions, alors que la Polynésie française fait valoir que les participants ont bénéficié d'une présentation de plus de 30 pages expliquant les méthodes et données prises en compte pour proposer les tarifs de référence d'interconnexion en litige, le moyen tiré d'une information insuffisante donnée au comité consultatif doit être écarté, de même que celui tiré d'une méconnaissance par la société Onati de ses obligations en matière de transparence. 7. En dernier lieu, pour soutenir que les arrêtés attaqués portent atteinte aux principes d'une concurrence loyale et effective entre les opérateurs, de transparence, de non-discrimination et d'orientation vers les coûts, la requérante fait d'abord valoir que les TRI des liaisons louées auraient dû baisser en raison de l'explosion de la demande des données échangées. Cependant, alors que le lien entre volumes et coûts n'est pas linéaire et que les évolutions de volumes peuvent par ailleurs conduire à des coûts supplémentaires, les affirmations très générales de la requérante ne mettent pas le tribunal à même d'apprécier la portée du moyen soulevé. La requérante prétend ensuite que les tarifs prohibitifs du câble Natitua limiteraient son utilisation et alimenteraient ainsi l'augmentation des TRI, mais, ce faisant, elle ne conteste pas la conformité de ces TRI au principes précités et en particulier à celui de l'orientation vers les coûts. Si elle s'étonne également que les TRI du câble Honotua, qui ont au demeurant baissé, sont " déterminés au 95ème centile du volume exprimé en Gigabit/seconde " quand la facturation faite par la société Onati n'utiliserait pas cette unité de mesure, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Enfin, à la supposer avérée, la facturation aux opérateurs par la société Onati de services qui devraient, selon la requérante, être inclus dans les tarifs de référence d'interconnexion, est sans incidence sur la légalité de ces TRI. 8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions attaquées doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante une somme de 150 000 FCFP à verser à la société Onati. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société Pacific Mobile Telecom est rejetée. Article 2 : La société PMT versera 150 000 F CFP à la société Onati au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Pacific Mobile Telecom, à la société Onati et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, Mme Busidan, première conseillère, M. Graboy-Grobesco, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024. La rapporteure, H. Busidan Le président, P. Devillers La greffière, D. Oliva-Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |