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Rapport n° 83-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l'exercice 2023 du Te Fare Iamanaha - Musée de Tahiti et des îles et affectation de son résultat

Paru in extenso au JOPF n° 20 NA du 20/12/2024 à la page 1535

Rapport n° 83-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Te Fare Iamanaha - Musée de Tahiti et des îles et affectation de son résultat


Présenté par M. et Mme les représentants Steve Chailloux et Teumere Atger-Hoi – M. Bruno Flores

Le président : Nous passons au rapport no 83-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Te Fare Iamanaha - Musée de Tahiti et des îles et affectation de son résultat.

Je demande au gouvernement d’exposer l’économie générale du projet.

Mme Vannina Crolas : Bonjour à toutes et à tous. Monsieur le président de la commission permanente, Madame la secrétaire générale adjointe, Madame la vice-présidente, chers ministres et chers représentants, bonjour en ce moment de rencontre.

Il me revient de porter aujourd’hui les dossiers de notre de l’éducation et de la culture qui est empêché et qui est sur une urgence à Huahine. Donc, voilà.

Alors en ce qui concerne donc le compte financier de l’exercice 2023 du Musée de Tahiti et des îles, juste un rappel. C’est un établissement qui a été créé, qui existe depuis 1980 donc depuis 44 ans ; qui est chargé du recueil, de la conservation, de la restauration, l’exposition et de la valorisation d’objets, de spécimens et de collections relevant du patrimoine océanien et notamment de notre patrimoine. Le conseil d’administration est composé de neuf membres. Les effectifs au 31 décembre 2023 était de 22 pour une masse salariale de 106 millions F CFP à peu près.

En ce qui concerne les résultats financiers, les dépenses totales s’élèvent à 404 millions F CFP pour des dépenses de 467 millions F CFP et donc un déficit global de 63 millions F CFP, mais un excédent en fonctionnement de 30 millions F CFP à peu près et un déficit d’investissement de 93 millions F CFP. Voilà.

Le fonds de roulement s’établit à 72 millions F CFP soit 114 jours de fonctionnement, ce qui révèle une situation financière plutôt confortable.

Voici donc les conclusions concernant les chiffres du Musée des îles.

Merci.

Le président : Merci bien, Madame la ministre.

Bruno Flores, vous avez la parole.

M. Bruno Flores : Merci, président. À ceux d’en face et à nous de derrière, bonjour.

Par lettre no 4234/PR du 12 juillet 2024, le Président de la Polynésie française a transmis aux fins d’examen par l’assemblée de la Polynésie française, un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des Îles et affectation de son résultat.

Pour cet exercice, l’effectif en personnel de l’établissement s’établissait à 22 agents. À ce titre, les charges de personnel inscrites aux dépenses de fonctionnement pour 2023 s’élèvent à près de 106 millions F CFP, soit un peu plus de 40 % du budget de fonctionnement.

Parmi les faits marquants et activités de l’établissement en 2023, peuvent être relevés :

la réouverture de la salle d’exposition permanente, qui a fait l’objet d’une refonte complète et d’une extension des espaces d’exposition pour offrir au public un parcours de visite autour de différentes thématiques ;

 des acquisitions et des dons ;

le dépôt d’objets ;

des opérations de récolement et d’inventaires ;

des expositions et événements ;

la participation à des productions éditoriales et, en matière de communication, la refonte du site Internet avec une traduction en langue tahitienne disponible depuis le début d’année 2024.

En section de fonctionnement, les recettes s’élèvent à près de 260 millions F CFP et les dépenses, à plus de 230 millions F CFP.

En section d’investissement, les recettes dépassent 144 millions F CFP et les dépenses à environ 237 millions F CFP.

Le compte financier du Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des Îles présente donc un résultat global déficitaire de plus de 63 millions F CFP, diminuant le fonds de roulement de l’établissement qui s’établit à 71 930 842 F CFP à la clôture de l’exercice budgétaire.

Le résultat de fonctionnement, soit un excédent de 29 625 837 F CFP, est affecté au compte 1068 « Autres réserves ».

L’examen du présent projet de délibération en commission, le 7 août 2024 dernier, a suscité des échanges portés principalement sur les points suivants :

la fréquentation satisfaisante de l’établissement constatée en 2023 qui se maintient en 2024, notamment grâce aux diverses expositions temporaires, dont celle sur l’histoire du surf en Polynésie française ;

le rayonnement international de l’établissement, à travers les expositions et les partenariats noués avec d’autres musées ;

et les projets pour la future salle sur l’histoire moderne et contemporaine de la Polynésie française et les projets d’exposition à venir.

À l’issue des débats, le présent projet de délibération a recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission. En conséquence, la commission du tourisme et de la culture propose à l’assemblée de la Polynésie française d’adopter le projet de délibération ci-joint.

Merci de votre attention.

Le président : Merci bien.

Oui, Madame Tepuaraurii, vous avez la parole.

Mme Tepuaraurii Teriitahi : Monsieur le président de la commission permanente, chers ministres, ceux qui sont présents parmi nous ce matin, chers internautes, recevez mes salutations en cette nouvelle journée.

Le résultat déficitaire à hauteur de 63 726 640 F CFP du compte financier 2023 du Musée de Tahiti-Te Fare Iamanaha reflète plutôt mal toutes les actions entreprises durant l’exercice et même avant, par l’ancienne équipe dirigeante de cet établissement public administratif.

Aussi, avant d’aller plus loin dans mon analyse, vous me permettrez de saluer le volontarisme affiché par le gouvernement du président Édouard Fritch, porté par le ministre de l’époque Monsieur Heremoana Maamaatuaiahutapu et la directrice de l’époque également Madame Miriama Bono en poste jusqu’au mois de décembre 2023, pour redonner au musée de Punaauia toute sa splendeur ainsi qu’une renommée incontestée à l’international, mais surtout une mise aux normes qui lui permet de recevoir des prêts des plus grands musées.

Pour s’en convaincre, il suffit de constater les chiffres de fréquentation du site qui, depuis sa réouverture au public jusqu’à maintenant, se maintiennent à un niveau élevé.

Alors un petit témoignage. J’ai eu — enfin c’est vraiment en concordance des temps — j’ai eu l’occasion, hier, de participer à une visite du Musée de Tahiti et des îles et, effectivement, j’ai pu constater le temps de ma présence là-bas le nombre incroyable de visiteurs. Je ne m’attendais pas à voir autant de gens qui viennent et qui veulent visiter. Et ensuite, on a eu la chance effectivement d’avoir une visite guidée par la directrice de l’établissement donc directrice en poste depuis le 1er décembre 2023, si je ne me trompe pas, Madame Hinanui Cauchois, une merveilleuse visite dynamique. Et j’en profite d’ailleurs pour remercier tout le personnel qui nous a accueilli, hier, ainsi que la directrice qui nous a fait la visite et j’invite tous mes collègues à participer.

D’ailleurs, prochainement, il y a les journées du patrimoine. Mais même en dehors des journées du patrimoine, allez visiter effectivement ce magnifique musée avec, justement, comme je disais, des agents au sein du musée qui sont très très dynamiques. J’ai bien compris qu’ils n’étaient pas suffisamment nombreux et que ce serait bienvenu qu’on puisse renforcer les équipes parce qu’effectivement si on veut développer la fréquentation et l’attractivité de notre musée, eh bien, il faut aussi les moyens humains qui vont avec. On a mis les moyens matériels même si — et là je le regrette fortement.

Il y a eu une décision qui a été prise lorsque notre précédente ministre de la culture était en poste d’abandonner le projet de développement initial puisqu’il y avait encore, si je me souviens bien, 1,3 milliard F CFP de travaux qui étaient envisagés, cofinancés avec l’État pour donner justement encore plus d’ampleur à notre musée. On a décidé de ne plus continuer ce projet, de ne plus prendre donc cette fameuse participation de l’État et on a, il me semble, consacrer de mémoire, là encore, 400 millions F CFP, je crois, pour faire un snack au milieu et une petite salle, si j’avais bien retenu.

Bon, j’espère qu’il y a peut-être une révision de ce projet ou, en tout cas, un redimensionnement quelconque mais qui permettra quand même de rester sur la lignée initiale pour ne pas perdre tous les acquis de toutes ces rénovations et de cet embellissement qu’il y a eu et cette portée beaucoup plus grande qu’on donne à notre musée, mais qu’on doit s’approprier nous aussi parce que, ce qu’il faut faire également, c’est faire en sorte que notre population aille visiter notre musée parce que, finalement, on a beaucoup de touristes, mais au niveau local… Alors je sais qu’il y a des choses qui sont faites en collaboration avec les écoles, me semble-t-il, et les collèges donc ça, c’est une très très bonne chose.

Si je reviens sur quelques chiffres que j’ai pu récolter par rapport justement à la fréquentation. Au niveau de la salle d’exposition permanente qui a été donc réouverte au public depuis le 4 mars de l’année dernière, pas moins de 39 673 entrées ont été comptabilisées dont 27 515 payantes. Un investissement aussi nécessaire que judicieux dont nous pouvons aujourd’hui tirer les fruits puisque la totalité des produits des services du domaine ainsi que les ventes directes ont bondi de 532 % — donc c’est exceptionnel — entre 2022 et 2023 pour atteindre plus de 35 millions F CFP.

Donc maintenant, si on revient sur l’analyse de la section de fonctionnement, on ne doit pas occulter que les recettes globales augmentent moins vite bien sûr que les dépenses, mais bon ce sont des investissements nécessaires et on ne va pas s’éterniser là-dessus. Il faut mettre les moyens qu’il faut. Donc comme le souligne le rapport, le résultat excédentaire de 29 625 000 F CFP n’est dû qu’au résultat exceptionnel correspondant aux écritures de neutralisation des amortissements et de la quote-part des subventions virées en section de fonctionnement.

S’agissant de la partie investissement, le déficit d’un peu plus de 93 millions F CFP s’explique — comme je viens de le dire — par les nombreux chantiers en cours réalisés pendant l’année 2023.

Donc au final, il en résulte une baisse du fonds de roulement — c’est vrai —, mais bon qui ne met pas en danger évidemment l’établissement qui est, au 31 décembre 2023, à hauteur de 72 millions F CFP.

J’en ai fini pour l’intervention, mais je voulais en profiter, Monsieur le président de la commission permanente, pour vous remercier.

Je vous respecte, mais grâce à vous, vous m’apprenez la patience parce que, des fois, Monsieur le président, avec tout le respect que j’ai pour vous, j’ai du mal, mais je ne réagis pas, je vous laisse.

Mais je veux quand même dire ici que, dans le règlement intérieur, il y a un article qui est l’article 53.1 qui dit que « le président de la commission permanente ne peut prendre la parole dans un débat que pour présenter l’état de la question ou ramener la discussion sur son sujet. S’il veut débattre longuement d’une question, il quitte le fauteuil présidentiel et n’y reprend place qu’après la fin du débat s’y rapportant. »

Donc je vous fais un rappel au règlement, Monsieur le président, et je le rappelle avec tout le respect que j’ai pour vous mais, tout à l’heure, nous étions à deux doigts de quitter l’hémicycle. Ce que nous allons faire, malgré tout, et nous ne savons pas si nous allons revenir cet après-midi parce que lorsque le sujet c’est le projet de délibération portant approbation du compte financier de l’Institut de la statistique et qu’on passe par l’ONU en passant par les fonds marins où, j’ai envie de dire qu’à un moment donné avant de nous convaincre, il faut vous convaincre entre vous puisque, vous, Monsieur le président de la commission permanente, vous incitez à l’exploitation des fonds marins, mais le Président du Pays, pas plus tard que la semaine dernière a réaffirmé que « non, il ne fallait pas exploiter ». Donc avant de venir nous convaincre, il faut d’abord vous convaincre entre vous. Donc c’est pour ça, je crois, que, finalement, je me demande si, nous, on a notre place parce qu’on vous écoute, on vous écoute, on vous subit mais, à un moment donné, ça suffit ! Voilà, donc on va partir.

Je voulais juste qu’on fasse l’intervention en soutien bien entendu à Te Fare Iamanaha. Je n’ai pas voulu qu’on parte parce que je ne veux pas non plus emmener un mauvais message à tous ces établissements que nous soutenons, comme l’ensemble des textes. Mais on va partir, le groupe Tapura huiraatira va partir et je ne sais pas si on reviendra après cette pause que vous allez certainement donner. Mais bon, de toute façon, je me demande à quoi on sert ici. Voilà.

Merci de votre attention.

Le président : Merci, Madame la conseillère. Je suis un être humain comme vous.

En observant l’histoire de notre pays, premièrement cela fait 150 ans que le peuple Polynésien supporte toutes les problématiques qu’il a rencontrées dans son pays. Il a été traité comme un animal. Oui, ils ont envoyé leurs essais nucléaires ici afin de faire leurs tests. Je ne vous ai pas entendu ouvrir votre bouche. Pour les questions qui viennent d’être évoquées, vous en faites tout un plat…Ne m’en veuillez pas si je suis un indépendantiste, je resterai libre. Quand j’ai envie de parler, je parlerai. On a assez souffert comme ça. Oui, ça fait plus de 150 ans de colonisation. Qu’est-ce qu’il faut attendre encore ?

Il est 12 h passé actuellement. Je propose une suspension de séance, mais avant d’aller en suspension de séance je demanderai au pasteur — d’abord, je m’excuse, il n’y a pas eu de prière d’ouverture — de faire une prière pour le déjeuner.

Merci bien, Monsieur le pasteur. La parole est à vous.

M. Tafai, Mitema Tapati : Voici le bénédicité. Nous voulons te remercier Dieu le père pour le repas que nous nous apprêtons à manger ainsi que pour tout le travail que nous avons accompli ce matin. Nous te sommes reconnaissants seigneur et que notre cœur soit en paix. Amen.

Le président : Nous reprenons à 14 h.

(Suspendue à 12 heures 15 minutes, la séance est reprise à 14 heures 16 minutes, sous la présidence de M. Edwin Shiro-Abe Peu, vice-président de la Commission permanente.)

Le président : Je vous propose de continuer nos travaux.

Alors la séance, nous n’avons pas terminé tout ce matin. Alors il reste la discussion générale donc j’invite le gouvernement à répondre aux interventions des orateurs.

Mme Vannina Crolas : Merci bien, Monsieur le président.

Il ne me semble pas avoir eu de question sur le musée, donc on a plutôt digressé vers nos fonds marins. Par contre, s’il y a des questions, il n’y a pas de souci je suis à votre écoute.

Mme Thilda Garbutt-Harehoe : C’est la reprise de l’intervention, l’intervention Tavini.

Le président : Alors je reprends. Parmi les membres de la commission permanente, qui souhaite intervenir ? Puisque le Tapura ne sont plus là, il ne reste plus que le Tavini.

Madame Jeanne, à vous la parole.

Mme Jeanne Vaianui : Merci bien, Monsieur le président. Bonjour à nouveau en cet après-midi.

Notre assemblée est saisie pour l’examen d’un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Te Fare Iamanaha - Musée de Tahiti et des îles et affectation de son résultat.

Le Musée de Tahiti est une institution indispensable pour notre pays, elle attire chaque année des milliers de visiteurs et est une étape cruciale pour les nombreux touristes en voyage sur l’île de Tahiti. En 2023 le musée avait accueilli un nombre non négligeable de visiteurs, témoignage de sa grande popularité au niveau local.

D’après les chiffres recueillis, près de 40 000 visiteurs ont pu déambuler dans la salle d’exposition permanente depuis sa réouverture en mars l’année dernière. Ainsi, ils ont pu admirer le nouveau parcours du musée et profiter des supports audios dans quatre langues différentes : le Français, l’Anglais, l’Espagnol et le la langue tahitienne.

Et nous nous réjouissons de voir que la langue tahitienne est mise en valeur au sein de cet établissement. Mais serions-nous assez ambitieux pour suggérer à la direction de continuer sur cette lancée et d’ouvrir son parcours audio aux autres langues vernaculaires de notre pays qui méritent tout autant leur place dans son institution ?

Je tiens d’ailleurs à remercier la direction du musée de cette année et des années passées, de même que toutes les équipes qui se sont succédées, qui ont et qui continuent à fournir un travail qualitatif, de passionnés, et grâce à qui nous avons chaque année des bilans très positifs et l’année 2023 ne fait pas exception.

Durant nos échanges avec Madame Cauchois, la nouvelle directrice du musée qui a succédé à Madame Miriama Bono, elle a exprimé les difficultés de ses équipes de mettre en place différents projets d’exposition, compte tenu de leur charge de travail qui est déjà importante et qui monopolise une grande partie de leur temps et leurs efforts. Elle invite ainsi les personnes ou les institutions qui ont un projet pertinent et préparé de se rapprocher du musée pour programmer une exposition dans la salle d’exposition temporaire. Les élèves du Centre des métiers d’art pourraient aussi profiter de cette salle pour exposer leur travail par exemple.

Malgré un résultat excédentaire en section de fonctionnement, qui d’ailleurs se justifie totalement puisqu’il s’agit en fait des dépenses d’aménagements liées aux travaux qui ont été finalisés l’an dernier, le musée reste en très bonne santé financière avec un fonds de roulement qui a diminué mais qui demeure largement positif. Je ne m’attarderai donc pas sur cet aspect.

Il y a en revanche un sujet que j’aimerai aborder avec vous, chers collègues, bien qu’il soit étranger avec notre discussion autour du compte financier du musée, je pense qu’il est important de le verbaliser. Il s’agit d’un sujet qui, je dirais, est relatif à la perception que nous, Polynésiens, avons de nous-même. Ce petit rien, cette insignifiance qui me tracasse, me travaille, c’est cette habitude que l’on a de labelliser nos produits cosmétiques, nos brochures touristiques, ou nos institutions et, en l’occurrence, notre musée, de la phrase de « Tahiti et des îles ». Ce slogan, on le connaît bien puisqu’il figure systématiquement sur nos campagnes publicitaires à destination des touristes, avec cela de différent que ce n’est pas « Tahiti et Des îles » mais « Tahiti et Ses îles », ce qui est encore plus problématique.

Parce qu’élever Tahiti de cette manière en lui associant le reste des archipels, comme si ces derniers n’étaient qu’un prolongement de lui-même, voire que les îles seraient en fait « ses » (îles avec un « S »), soit la propriété de Tahiti, c’est nier les identités particulières de chacune des terres qui composent notre pays, tout en posant Tahiti comme la synthèse aboutie de toute la Polynésie, le nombril du pays.

Cette centralité tahitienne, c’est une idée tellement ancrée dans les fondations même de la Polynésie moderne, que l’hymne officiel de notre colonie est en réalité un hymne à la gloire de Tahiti. Les Français ont leur Marseillaise. Nous, nous avons 'Ia ora o Tahiti Nui, ça ne s’invente pas ! C’est aussi quelque part une manière furtive (ou pas d’ailleurs) de déclarer que l’existence de ces identités et de ces peuples qui font la richesse de notre pays n’est pas une chose absolue, mais au contraire qu’elle est conditionnée, subordonnée à Tahiti. Finalement, ce que nous reprochons tous à la France d’un bout à l’autre du spectre politique : ce centralisme parisien, cette politique de la « Mère Patrie », qui a mené nos dirigeants depuis des décennies à quémander davantage d’autonomie pour notre territoire, nous le faisons subir à nos propres compatriotes chez-nous.

Pourtant, nous Tahitiens, nous avons déjà connu les vices d’un tel système ; si nous prenions la peine de nous immerger dans notre passé pas si lointain, nous découvririons le témoignage de nos ancêtres, qui eux aussi ont enduré une forme de centralisme, cette fois-ci venu de Raiatea. Ce chapitre de notre histoire a donné naissance à l’une des plus grandes légendes tahitiennes, celle de Terehē-a-manu, qui est en réalité le premier volet d’une saga qui raconte une histoire d’émancipation, une histoire d’indépendance, celle de Tahiti vis-à-vis d’un système qui l’emprisonnait.

En guise de rappel, Terehē c’est une jeune fille — c’est comme ça que l’on se réfère à elle dans le mythe —, qui est l’allégorie d’un peuple conquis, c’est elle qui vient briser l’ordre établi et provoquer la séparation de Tahiti et de Raiatea. Cette rupture entre ces deux communautés, qui sont en fait les deux figures d’un même peuple, va engendrer des rivalités entre ces deux îles. Au-delà d’immenses sagas, et des légendes qui sont des trésors de notre imaginaire commun, ces oppositions séculaires vont laisser à la tradition des paroles, des éléments de discours qui constituaient l’épine dorsale de la propagande hégémonique de Raiatea jadis :

« Tahiti, la terrible […] Tahiti, la soumise […] Tahiti, notre poisson ».

De la même façon Terehē peut se traduire par « voyage de mauvais augure », ou bien encore par « celle qui chemine dans l’erreur », des noms peu valorisants qui manifestement lui furent donnés par des partisans de l’ancienne Havai'i Nui (NDT, nom de l’ancien royaume des Îles sous-le-vent), un peu à la manière de ceux qui aujourd’hui se font des démarcheurs du maintien de la République en Polynésie.

Je conclurai mon propos en disant qu’il y a un réel travail de réflexion à avoir sur la question des rapports que l’on entretient avec nos archipels, nous en tant que gens de Tahiti, et particulièrement nous qui sommes l’incarnation de nos institutions, et de la sphère publique en général. Mais au-delà de ces questions, ce travail porte aussi à réfléchir sur la configuration politique idéale pour garantir un minimum d’autonomie aux entités administratives de notre pays, et sortir de ce modèle unitaire franco-français.

Le Tavini huiraatira a d’ailleurs toujours milité pour l’introduction d’un modèle fédéral dans notre pays lors de l’accession à notre pleine souveraineté. Ce modèle, on le retrouve déjà en Russie, en Allemagne, aux États-Unis, ou plus proche de chez nous, en Australie.

Chers collègues, je vous demande à présent de bien vouloir voter en faveur de ce projet de délibération.

Merci bien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Tavini huiraatira.)

Le président : Merci, Madame.

Je demande au gouvernement si vous voulez intervenir.

Mme Vannina Crolas : Je ne suis que le porte-parole de Monsieur le ministre de l’éducation.

Je prends note de la demande qui est ici faite par notre représentante et effectivement, on transmettra la demande à notre ministre pour que l’idée d’égalité entre Tahiti et les archipels soit effectivement une réalité et que cela se traduise dans les noms que l’on peut donner à nos établissements ou à nos institutions, pour qu’il n’y ait pas effectivement, que l’on ne reproduise pas ce que nous reprochons à la France et que l’on reconnaisse l’égalité des archipels. Merci.

Sinon, je prends note aussi de la demande de Tepuaraurii tout à l’heure quand même en ce qui concerne la fréquentation de notre musée. Elle demandait, je pense, un appel à tous, qu’on puisse nous approprier notre musée aussi, qu’on puisse faire un tour. Et comme projet dont m’a fait part la représentante du musée tout à l’heure, aujourd’hui le musée retrace l’histoire de notre pays avant 1845. Et là, les prochains projets vont concerner l’histoire de notre pays depuis 1845, c’est l’aile moderne et contemporaine qui est en étude aujourd’hui et qui va faire l’objet d’un déploiement au niveau du musée pour cette période de notre histoire. Mais c’est vrai que ce serait bien que l’on se l’approprie nous-mêmes de notre musée.

Le président : Merci, Madame la ministre.

Nous passons à l’examen de la délibération. Je vous propose… Tetua, la parole est à vous.

M. Félix, Hoa Tetua : Oui. Merci, Monsieur le président.

Madame la ministre, mon intervention portera sur la langue. Lorsqu’on parle de langue, celle qui a bien évidemment été officialisée dans notre pays reste la langue tahitienne. Ma question : ne serait-il pas possible que l’on change ce terme pour le remplacer par la langue « polynésienne » qui comprendra l’ensemble des langues ? Voilà ma question.

Le président : Tapati, c’est à vous.

M. Tafai, Mitema Tapati Oui. Merci bien pour cette remarque. Il s’agit d’un sujet vaste et, à mon avis, il y a plusieurs points qui méritent d’être corrigés : corriger est différent de réparer. Corriger, c’est dès que l’erreur a été commise, on corrige de suite. Réparer, c’est l’erreur qui a été commise il y a fort longtemps mais que l’on n’arrive toujours pas à résoudre.  

Je vais juste reprendre ce qui vient d’être soulevé. Aujourd’hui, il n’y a plus de langue polynésienne. L’Académie que nous avons ici est une académie de la langue tahitienne. De plus, dans l’intervention qui vient d’être faite par Jeanne, voici ce qui a été dit « Tahiti, sans terre ; Tahiti, sans dieu ; Tahiti, la terrible ; Tahiti, sans roi ; Tahiti, sans langue ». C’est cela qui a été dit.

La langue parlée à Tahiti n’est pas originaire de Tahiti mais de l’île de Raiatea. La fleur que l’on appelle « fleur de Tahiti (NDT, Gardenia Tahitensis) » n’appartient pas à Tahiti, c’est la « fleur de Maurua (NDT, ancien nom de l’île de Maupiti située aux Îles sous-le-vent). S’agissant des remèdes traditionnels que l’on nomme de remèdes tahitiens, on retrouve les mêmes partout dans Mā′ohi Nui (NDT, en Polynésie française). Quant au repas que l’on nomme de repas traditionnel tahitien, on le consomme dans tout Mā′ohi Nui (NDT, toute la Polynésie française). Il semble que l’on ait réduit Mā′ohi Nui (NDT, la Polynésie française) à Tahiti. Et c’est d’ailleurs pour cela que je parlais précédemment de réparations afin de nous réconcilier.   

Si l’on ne garde que Tahiti, et que l’on s’intéresse à la langue, il faut laisser l’Académie tahitienne en place mais créer l’Académie des langues polynésiennes car il y a effectivement trop de disparités — n’est-ce pas ? — sur ce point. Autrefois, ce que l’on appelait dans ce…, ce n’est pas une légende. Car, lorsqu’on parle de légende, on retire aux propos leur aspect sacré. On parle de ′ā′ai (NDT, absorber des connaissances et savoir) et, une légende, c’est une connaissance. Une légende et un récit, c’est la même chose, tout comme manger et faire manger (NDT, dans le sens de partager des connaissances et savoir) : « faire manger », c’est transmettre tout ce qui provient finalement de la tradition des anciens. N‘est-ce pas ?

Maintenant, que disait-on ? Tahiti, le poisson démembré de Havaʹi (NDT, ancien nom de l’île de Raiatea aux Îles sous-le-vent) berceau des dieux. Autrement dit, Tahiti était autrefois soumise à Raiatea, d’où le terme de poisson, l’un de nos poissons. Auparavant, Tahiti était sous la gouvernance de Raiatea mais qui a libéré, fait en sorte que Tahiti et Raiatea se séparent ? C’est cette jeune fille du nom de Terehē ! Elle défia le pouvoir qui était en place à Raiatea en allant se baigner dans une rivière alors que cela était défendu. Elle a bravé l’interdit et, normalement, la sanction pour avoir enfreint cet interdit, c’était la mort. Terehē n’est pas morte, mais son esprit a pris possession de l’anguille avant que le poisson ne naisse des profondeurs. Normalement, le nom de cette île (NDT, Tahiti) devrait être celui qui a été choisi par la communauté de communes qui est présidé par Monsieur Alpha Tearii, c'est-à-dire Terehēamanu.

Et donc, pour ma part, j’apprécie énormément ce qu’a dit notre collègue s’agissant du fait d’acter cela car ceci est le moment propice pour nous de bien échanger afin de ramener les choses à leur place. 

Et pour conclure sur le sens du terme Tahiti, il faut savoir que le sens premier fut que « Tahiti n’en pouvait plus du mode de gouvernance de Havaiki (NDT, ancien nom de Raiatea). Elle ne supportait vraiment plus et en avait assez. Autrement dit, qu’on le veuille ou pas, l’indépendance de Tahiti, de Mā′ohi Nui d’avec la France se fera de toute manière demain. L’on ne fait que retarder cela actuellement…

Donc, pour ma part, je ne sais pas quand, mais le gouvernement devrait choisir un moment pour mener une réflexion tous ensemble et pas qu’on soit les seuls. Nous avons des forces vives dans notre pays afin de régler cette question. Car, lorsque l’on me dit que je suis un Tahitien, ah, je ne suis pas à l’aise car je suis né à Ua Pou. L’idéal serait de dire que je suis un Polynésien de Ua Pou. Et pour toutes les personnes de Tahiti, l’idéal serait de dire que ce sont des Polynésiens de Tahiti. Quant aux habitants des Tuamotu, des Polynésiens des Tuamotu. Mā′ohi Nui est le nom de ce pays, ce n’est pas Tahiti Nui ! De plus, s’agissant de notre hymne, il faut revoir cela, tout comme le nom donné à notre musée également.

Voilà ce que j’avais à dire. Merci.

Le président :  Merci, Tapati.

Maurea, la parole est à vous.

Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Merci, Monsieur le président.

Je salue évidemment les interventions de mes collègues que je partage complètement. Il ne s’agit pas non plus de nous distinguer complètement de nos archipels ou de Tahiti, pas du tout. Mais, comme Tapati l’a bien évoqué, c’est au contraire de nous rassembler sous une même identité mais tout en gardant nos spécificités.

Maintenant, pour en revenir à Te Fare Iamanaha, pour l’avoir visité avec mes élèves quand j’étais prof, c’est un très beau musée et effectivement nous devons nous l’approprier, nous devons aller le visiter, nous devons en faire la promotion parce que, les missions principales d’un musée, c’est effectivement de conserver les objets qui font partie de notre patrimoine, de faire des recherches sur les objets existants et qui sont disséminés ici et là, de rendre cet espace accessible au plus grand nombre et c’est le cas aujourd’hui grâce aux travaux d’aménagement, de rénovation qui ont été faits. Et il y a cette diffusion culturelle dont vient de parler nos différents intervenants, mais il y a aussi l’éducation. Et c’est vrai que le musée tel qu’il est conçu actuellement permet à nos scolaires de mieux comprendre la mission d’un musée. Mais, au-delà de cela, je pense que nous devrions aussi utiliser le musée comme un espace de connaissances de notre histoire coloniale et c’est peut-être ce qui manque un petit peu à notre musée : c’est permettre à nos enfants de comprendre que, comme beaucoup de territoires dans le monde, nous avons été colonisés, nous avons une histoire coloniale, qu’on n’ait pas honte de la raconter ; et que dans cette histoire coloniale, il y a eu les bombes atomiques, les essais nucléaires. Et puis voilà, ouvrir aussi sur des perspectives peut-être plus, j’ai envie de dire, portées vers l’avenir et pas seulement figées dans le passé.

Voilà. En tout cas, j’adresse mes remerciements à l’équipe de Te Fare Iamanaha pour le travail qui est effectué. Il y a encore des choses à faire, c’est sûr, mais en tout cas bon courage et puis bonne continuation dans vos missions.

Merci.

Le président : Merci, Maurea. Y-a-t-il d’autres interventions ?... Pas d’intervention. On poursuit.

Nous passons à l’examen de la délibération et je vous propose d’appliquer la procédure d’examen simplifiée : qui est pour ?... À l’unanimité. Merci.

En l’absence d’amendement, je mets aux voix l’ensemble de la délibération : qui est contre ?... Abstention ?... Pour ?... À l’unanimité. Merci bien.



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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