Rapport n° 91-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l'exercice 2023 du Conservatoire artistique de la Polynésie française et affectation de son résultat Paru in extenso au JOPF n° 20 NA du 20/12/2024 à la page 1552
| Rapport n° 91-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Conservatoire artistique de la Polynésie française et affectation de son résultat Présenté par Mme la représentante Frangélica Bourgeois-Tarahu – M. le représentant Bruno Flores. Le président : Nous passons maintenant au dossier n°8 : rapport no 91-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Conservatoire artistique de la Polynésie française et affectation de son résultat. Je demande au gouvernement d’exposer l’économie générale du projet. Mme Vannina Crolas : Notre conservatoire existe depuis 1978. En 2022-2023, il avait 2 039 élèves. En 2023-2024, 2 228 élèves. Soixante personnes sont chargées du fonctionnement de notre conservatoire (dont 38 permanents, 9 temporaires et 13 prestataires). Au niveau des principaux résultats financiers, notre conservatoire a terminé l’année 2023 avec des recettes totales de 438,400 millions F CFP et des dépenses de 438,754 millions F CFP. Donc un résultat déficitaire de 333 272 F CFP au global (dont 26,200 millions F CFP d’excédent en fonctionnement, mais 26,533 millions F CFP de déficit en investissement). Et au 31 décembre 2023, le fonds de roulement a été de 127 705 694 F CFP, soit 126 jours de fonctionnement. Voilà un peu quelques… Le président : Merci, Madame la ministre. Je demande au rapporteur de faire une présentation du rapport. M. Bruno Flores : Merci. merci. Monsieur le vice-président, à toutes et à tous, bonjour. Créé en 1978, le Conservatoire artistique de la Polynésie française a pour vocation notamment l’enseignement théorique et pratique de la musique, du chant, de la danse, des arts plastiques et des arts dramatiques, et la promotion des danses et chants polynésiens. En 2023, la fréquentation de l’établissement a poursuivi sa croissance, dépassant même largement les chiffres d’avant la période Covid. Les arts traditionnels notamment, qui constituent près de 65 % de l’effectif total de l’établissement, poursuivent leur croissance de manière stable et continue, cet accroissement étant encouragé par la réussite du dispositif CHAM-CHAD, avec 603 élèves inscrits en 2023 à 2024. La mise en œuvre de la mission sociale, partie intégrante des activités pluriannuelles de l’établissement, a également permis la reconduction de multiples actions en faveur d’une meilleure accessibilité aux savoirs artistiques et culturels. S’agissant de l’activité événementielle, sur les 22 événements organisés par le conservatoire en 2023, deux consistaient en des stages internationaux qui ont accueilli 123 stagiaires provenant principalement du Mexique et des États-Unis, et 20 visaient à offrir un spectacle. Peuvent notamment être relevés les concerts « Rock sur scène » ou « Les nuits du jazz », ainsi que les spectacles vivants produits sur le marae (NDT, plateforme construite en pierres sèches et où se déroulait le culte ancien) 'Arahurahu ou encore l’ouverture de la période d’abondance « Te Tau 'Auhune » célébrée dans les jardins du Musée de Tahiti et des Îles. En ce qui concerne la gestion de l’établissement. L’établissement employait, au 31 décembre 2023, 60 personnes (dont 38 agents permanents, 9 agents non titulaires de la fonction publique et 13 prestataires de services). S’agissant de son compte financier 2023, en section de fonctionnement, les recettes s’élèvent à 413 185 193 F CFP et les dépenses à 386 984 808 F CFP, soit un résultat excédentaire de 26 200 385 F CFP affecté au compte 1068 intitulé « Autres réserves ». En section d’investissement, les recettes s’élèvent à 25 236 478 F CFP et les dépenses à 51 770 135 F CFP, soit un résultat déficitaire de 26 533 657 F CFP. Le résultat du compte financier présente ainsi un déficit de 333 272 F CFP qui vient diminuer le fonds de roulement de l’établissement lequel s’établit à 127 705 694 F CFP à la clôture de l’exercice, soit 126 jours de fonctionnement. Après avoir pris acte des résultats de ce compte financier, je vous propose, chers collègues, d’approuver le projet de délibération ci-joint. Merci. Le président : Merci. Parmi les membres de la commission, qui souhaite intervenir ? Hoiore, c’est à vous. M. Tevaipaea Hoiore : Merci bien, Monsieur le président. À toutes et à tous, bonjour. Monsieur le directeur du conservatoire, bonjour. Notre assemblée est saisie pour l’examen d’un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 du Conservatoire artistique de la Polynésie française et affectation de son résultat. En commission de la culture du 23 août dernier, nous avons reçu le directeur du conservatoire, Monsieur Fabien Dinard, avec qui nous avons pu aborder différents sujets comme le succès des classes CHAM-CHAD qui attirent chaque année de nombreux élèves ; et les résultats positifs du compte financier qui appelle, si je peux me permettre, des félicitations. Comme à la fin de chaque exercice, on voit que le conservatoire demeure un établissement stable à ce niveau. Pour parler du dispositif CHAM-CHAD qui a animé une grande partie de nos discussions, on ne peut qu’être satisfait de voir qu’il porte des résultats vraiment positifs vis-à-vis de la scolarité de nos enfants. Plus de concentration pendant les cours, une estime de soi renforcée, des notes qui s’améliorent, c’est là un exemple de la plus-value qu’apporte ce parcours aux élèves. On a vu en outre le cas des 2des S2TMD — S2TMD étant une sous-catégorie du dispositif CHAM-CHAD — qui ont été introduites dans certains lycées de Polynésie, comme celui de Taravao et de Notre Dame des Anges à Faa’a. La première promotion de ces classes a passé le baccalauréat cette année : sur les 29 élèves 27 ont été reçus, 22 avec mention (dont deux ayant obtenu la mention « Très bien »). On voit là le succès de ce dispositif. Mais au-delà de ce phénomène, on peut se demander qu’est-ce que véritablement les CHAM-CHAD, si ce n’est que la recontextualisation de l’enseignement en Polynésie dans son substrat naturel qui est l’identité polynésienne. Avec des résultats aussi positifs, pourquoi ne serait-il pas possible de généraliser ce type d’enseignement à l’ensemble des classes du pays ? Nous avons la compétence de l’enseignement, et il me semble aussi que des programmes scolaires adaptés à la Polynésie existent. Notre collègue du Tavini Ah-Ky Temarii, en commission du 8 août dernier, avait déjà alerté sur la nécessité d’adapter l’enseignement à l’attention de nos élèves. Pourquoi en classe de musique — puisque c’est l’exemple qu’il avait donné — enseigne-t-on la flûte à bec, alors que nous avons la flûte nasale ? Ou encore, pourquoi enseigne-t-on des mouvements musicaux venus d’autres culture, alors que nous avons ici une richesse musicale et historique incroyable ? Lorsqu’un élève sort du lycée, il connaît par cœur « Heureux qui comme Ulysse » de Ridan, mais il est incapable d’expliquer ce qu’est un tārava (NDT, chant polyphonique traditionnel comportant six à dix voix et chanté a cappella), quelle est la différence entre un chant polyphonique traditionnel des Îles sous-le-vent, un chant polyphonique traditionnel de Tahiti et un chant polyphonique traditionnel des Australes. Il ne sait même pas ce qu’est un rū'au (NDT, chant polyphonique à tempo lent comportant trois à six voix et chanté a cappella), il est incapable de chanter un pāta'uta'u (NDT, chant ou récitation rythmé), alors que cela doit faire partie de la culture commune de tous les Polynésiens et l’école est là pour construire cette identité commune. En parlant de culture commune, je n’ai pris ici que des exemples venus de Tahiti, mais cette identité polynésienne doit absolument dépasser les frontières des archipels, elle doit se nourrir de toutes les cultures de notre pays, comme l’avaient souligné nos chers collègues tantôt. Aux Marquises, par exemple, on a des chants guerriers comme le maha'u, le ru'u. Ces chants pourraient trouver leur place dans un cursus scolaire commun et, potentiellement, ils permettraient aux enseignants d’introduire le thème de la guerre dans les sociétés polynésiennes ; aux Tuamotu, on a des chants funèbres les fangu, les kūheahea, le peka le huakupu, qui sont autant d’occasions d’évoquer avec les élèves le sujet de la mort aux temps anciens ; aux Gambier, on a le pe'i ; à Rapa, il y a takipā, etc. C’est cela la richesse de la culture polynésienne. Aujourd’hui, cette culture est folklorisée, on l’a réduite à des manifestations touristiques, ou commerciales, et c’est comme ça que nos jeunes la perçoivent aujourd’hui parce qu’on ne leur a pas appris à la considérer autrement. Mais une culture, elle doit être vécue, et nos ancêtres en étaient conscients. C’est d’ailleurs pour cela que nous n’avons pas véritablement de mot en tahitien pour verbaliser le concept de « culture ». Il a fallu attendre les années 70-80 pour que des intellectuels comme Turo a Raapoto ou Henri Hiro élaborent en tahitien le terme de « culture » pour que l’on puisse en parler. C’est ce qui a donné des expressions composées comme hīro'a tumu, ta'ere mā'ohi (NDT, culture) qui est un mot de l’académie. Auparavant, la culture c’était simplement la vie, te orara'a (NDT, la vie), te huru o te orara'a (NDT, le mode de vie). Cette prise de conscience de notre culture commune et de l’identité polynésienne, je pense qu’elle est fondamentale si l’on veut bâtir un pays qui nous ressemble. Car comment être polynésien et comment se dire polynésien si l’on ne se connaît pas ? « L’éducation est l’arme la plus puissante au monde. » disait Nelson Mandela, et c’est la raison pour laquelle l’école est véritablement l’endroit qui nous permettra d’atteindre cet objectif, et le Conservatoire en tant qu’établissement scolaire a un rôle à jouer dans ce projet ambitieux. Je terminerai mon propos en citant une phrase de A’eau (Chris) Hazelman, le directeur général du service de l’éducation des Samoa indépendantes, lors de son déplacement au Festival des arts du Pacifique à Honolulu en juin dernier. Dans son discours de présentation de la délégation samoane, il rappelait à l’Océanie tout entière, et à tous les peuples autochtones qui l’auraient oublié une réalité intangible : « Our identity is not negotiable », notre identité n’est pas négociable. Ce message, je m’en fais le relais auprès de notre honorable assemblée : nous sommes Polynésiens et si aujourd’hui nous négligeons de l’enseigner à nos enfants, ils cesseront de l’être demain. Je vous demande maintenant, chers collègues, de bien vouloir voter ce projet de délibération. Mais avant de terminer, si vous permettez, Monsieur le président, j’aimerais prendre un petit moment pour remercier l’ensemble des agents qui composent justement notre conservatoire, pour les remercier, pour les féliciter, pour le travail qu’ils fournissent tous les jours auprès de notre jeunesse. Et donc courage et merci bien. Le président : Merci. D’autres interventions ?... Non. La discussion générale est maintenant close. J’invite le gouvernement à répondre aux interventions des orateurs. Mme Vannina Crolas : Juste rien à dire… (Rire.) Mais complètement d’accord avec ce que Tevaipaea vient de dire. Le président : Merci. Nous poursuivons. Je vous propose d’appliquer la procédure d’examen simplifiée. Vous êtes d’accord. En l’absence d’amendement, je mets aux voix l’ensemble de la délibération. Contre ?... Abstention ?... Pour ?... L’ensemble de la délibération est adopté à l’unanimité. Merci bien. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |