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Rapport d'orientation budgétaire (ROB) du gouvernement en vue du débat préalable à l'examen du budget primitif de l'exercice 2025, du 22 octobre 2024

Paru in extenso au JOPF n° 24 NA du 06/01/2025 à la page 116

Rapport d’orientation budgétaire (ROB) du gouvernement en vue du débat préalable à l’examen du budget primitif de l’exercice 2025, du 22 octobre 2024


Le président : Nous allons débuter notre séance par le débat sur le rapport d’orientation budgétaire. Conformément à l’article 144-1 de la Loi organique du 27 février 2004 modifiée portant statut de la Polynésie française, et à l’article 34-1 du règlement intérieur, l’assemblée se réunit afin de débattre des orientations budgétaires pour l’exercice 2025.

Je demande au gouvernement de présenter les orientations budgétaires de 2025. Vous disposez d’une heure.

M. Warren Dexter : Merci, président.

Monsieur le président de l’assemblée, Mesdames et Messieurs les représentants, Mesdames et Messieurs les collaborateurs, Mesdames et Messieurs les journalistes, Mesdames et Messieurs, bonjour. Bonjour à toutes et à tous à l'occasion de notre rencontre en cette matinée.

J’ai le plaisir aujourd’hui de vous retrouver pour la présentation des orientations budgétaires, stratégiques du gouvernement dans le cadre du débat préalable à l’examen du budget primitif pour l’année 2025.

Avant la transmission et la présentation à votre assemblée du budget primitif de la collectivité, qui devrait arriver sur le bureau de l’assemblée au plus tard le 15 novembre prochain, il est utile que nous puissions ensemble débattre, échanger sur les orientations et partager la vision stratégique que le gouvernement a pour développer notre pays.

Institué par la loi organique statutaire dans son article 144-1 qui dispose que dans un délai de deux mois précédant l’examen du budget primitif, un débat a lieu à l’assemblée de la Polynésie française sur les orientations budgétaires de l’exercice, ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés.

Ces travaux sont important chaque année. Ils permettent de présenter la vision du développement, de l’organisation et du devenir de notre pays. Il est en effet important que les débats puissent se tenir sur les orientations de politique publique que le gouvernement en responsabilité souhaite conduire en 2025 et sur les prochaines années. Avant d’aller plus en avant dans ce discours, je tiens à remercier l’ensemble des élus et des membres du gouvernement qui ont assisté à la commission de l’économie et des finances de la semaine dernière, consacrée à la présentation du rapport d’orientation budgétaire.

Le débat a été riche, intéressant et les échanges importants. Je tiens à féliciter et à remercier l’ensemble du gouvernement, l’ensemble des ministres qui ont partagé de manière très concise leurs orientations, ambitions et actions pour notre pays, pour laisser plus de temps à l’échange et au débat et aux questions des élus. Nous n’avons pas reproduit le modèle de l’année dernière où deux journées pleines en commission avaient été nécessaire. Lundi dernier et un petit peu sur le mardi matin, nous avons débattu et échanger sur ces sujets. Cela nous a toutefois demandé un peu plus de 12 heures de travail. Je tenais ainsi à remercier tous ceux, élus et ministres ainsi que les collaborateurs qui ont participé — qui ont résisté, je devrais dire —, qui ont tenu la distance, pour leur disponibilité et leur perspicacité jusqu’au terme de nos travaux de commission.

Merci à tous d’avoir échangé et discuté, merci pour les présentations, questions, réponses, propositions de la majorité et de la minorité, l’écoute et le partage, c’est cela qui fait le débat. À l’occasion de ces moments où nous laissons un peu plus de temps au temps, c’est comme cela que tous ensemble nous pouvons faire progresser de manière favorable les idées pour le développement de notre pays. Au-delà de nos bords aux divergences politiques. Nous n’avons pas ici ce matin refaire un débat d’une douzaine d’heures, le règlement de l’assemblée ne nous le permet pas, nos échanges ne devront pas dépasser une durée de 3 heures me semble-t-il.

Le gouvernement dispose ainsi d’une heure pour présenter le dossier. Suivront ensuite la présentation du rapporteur, les interventions des représentants et enfin les réponses du gouvernement aux interventions des élus.

Pour laisser plus de temps aux échanges, je présenterai de manière très synthétique, au nom du gouvernement, l’entièreté du document. Je tenterai de rester en deçà de l’heure qui nous est accordé pour ouvrir d’avantage le temps au débat, aux questions et aux réponses des élus.

S’agissant des perspectives économiques et atterrissage du budget 2024, les orientations des politiques publiques ainsi que les orientations budgétaires pour l’année à venir sont en intercorrélation avec les perspectives économiques locales et internationales. Leurs évolutions ainsi qu’avec les possibilités budgétaires qui sont les nôtres, examiné au travers de l’exécution du budget de cette année 2024.

En commission la directrice de l’ISPF nous a présenté le contexte économique général et les perspectives, tant à l’international qu’au niveau local. J’en ferais une rapide synthèse.

Au titre de l’année 2024, il convient de retenir qu’après une croissance évaluée à 3 % du PIB sur 2023, l’économie polynésienne continue de croître toutefois à un rythme plus modéré, à l’image de l’inflation qui connait un fort ralentissement pour se stabiliser à 1,2 % sur 12 mois glissant. La croissance repose aujourd’hui sur la demande intérieure, la demande touristique reste à un niveau élevé. On estime le chiffre de touriste sur 2024 à plus de 270 000 — donc on devrait faire peut-être mieux que l’année dernière — atteignant donc vraisemblablement un meilleur résultat qu’en 2023.

La consommation des ménages reste soutenue avec un recentrage sur l’alimentaire et les biens de grandes consommations. Du fait d’un niveau très élevé des taux d’intérêt bancaire, l’investissement des entreprises, ainsi que celui des ménages a reculé, soit une diminution des prêt de l’ordre de 40 % par rapport à la même période en 2023. Cela se traduit par un reprit de l’importation de bien sur le premier semestre 2024, en particulier dans les matériaux de constructions, conséquence de la diminution de l’investissement privé.

Malgré tout, le marché de l’emploi reste bien orienté en 2024 et sa dynamique alimente la masse salariale, permettant de maintenir l’équilibre des régimes de protection sociale. Ainsi, l’emploi continu de progresser dans les services et l’hôtellerie, restauration grâce aux bons chiffres du tourisme. Il se stabilise dans l’industrie, le commerce et la construction.

Pour 2025, l’économie et la croissance polynésienne reste potentiellement liées aux performances des économies nationales et internationales, notamment des États-Unis, contributeur important de notre marché touristique.

Sur le plan international, la croissance américaine perdrait en dynamisme : +1,8 % en 2025 contre +2,6 % en 2024, avec un ralentissement de la consommation des ménages, qui ont consommés toute leur épargne constituée durant la crise sanitaire. En Chine la croissance diminuerait aussi à +4,5 % en 2025 après +4,9 % en 2024 et +5,2 % en 2023. La reprise de l’économie européenne ne cesse d’être repoussée, mais les scénarios de croissance de la zone euro sont meilleurs en 2025, avec +1,5 % qu'en 2024, qui était à 0,7%. Sur le plan national, l’évolution budgétaire n’est pas forcément favorable, ainsi que l’annonce d’une éventuelle baisse des enveloppes outre-mer pourrait être un facteur important d'aléas. Il convient de rester attentif au vote final du projet de loi de finances pour 2025. Il semblerait que le niveau des principales dotations qui concernent la Polynésie soit maintenu.

Concernant les perspectives de l’économie sur le plan local : pour 2025, la croissance de la consommation des ménages perdrait en dynamisme, affectée par un coût de crédit toujours élevé et un marché du travail moins dynamique. L’investissement des entreprises pourrait se redresser comme en témoigne l’indice du climat des affaires. L’investissement des ménages, qui semble avoir atteint un point bas en 2024, rebondirait grâce à la baisse des taux. Des mesures incitatives au budget 2025 dans le domaine du logement pourraient participer à dynamiser davantage les acquisitions immobilières.

En matière de tourisme, les effectifs des deux marchés, USA et France sur 2025, devraient être globalement au niveau de 2024 ou alors en recul si la croissance mondiale était pénalisée.

S’agissant des résultats attendus de l’exécution des budgets de la Polynésie sur cette année 2024, l’atterrissage en fin d’année est particulièrement satisfaisant. Les dernières évaluations montrent une progression des recettes fiscales sur 2024 de 8,2 milliards F CFP par rapport aux inscriptions budgétaires du budget primitif. L’ensemble des recettes de fonctionnement dépasseront globalement de 10,2 milliards F CFP le budget voté pour 2024. L’exercice 2024 devrait donc une nouvelle fois présenter un résultat excédentaire consistant.

Quelques mots sur les orientations stratégiques des politiques sectorielles. S’agissant des orientations stratégiques du gouvernement pour 2025, le gouvernement et sa représentation à l’assemblée ne changent pas sa vision pour la conduite de l’action publique au bénéfice de la population. Les travaux restent alignés sur les piliers stables et essentiels annoncés l’année dernière et qui appartiennent aux programmes sur lesquels la majorité a été portée au pouvoir. Aujourd’hui, cela est et reste notre actualité.

Ces orientations stratégiques s’affichent dans la continuité de la politique gouvernementale menée depuis le début de la nouvelle mandature, en favorisant un travail important d’interministérialité et de concertation. Elles s’articulent autour de trois axes : Fa'atura, Fa'aora, Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir, Bâtir).

Axe 1 : Fa'atura (NDT, Respecter).

Le premier axe, « Respectons le peuple », et les actions qui le traduisent alimentent le ciment de notre vivre ensemble, l’amour pour notre pays, le respect de notre culture, de notre langue, de notre environnement et de notre jeunesse.

Il se décrit dans quatre volets et concerne :

La préservation du patrimoine et la transmission des savoirs : Il s’agit d’encourager la sauvegarde, la valorisation et la transmission du patrimoine matériel et immatériel culturel afin de renforcer l’identité polynésienne ;

Le respect de notre jeunesse et la valorisation de l’engagement communautaire : Il s’agit d’encourager l’émancipation des jeunes en les protégeant des risques sociaux, tout en soutenant les initiatives associatives et en impulsant une dynamique de performance sportive ;

La protection de l’environnement, l’aménagement et le développement durable : Il s’agit pour nous de structurer le paysage en assurant la préservation des espaces et des espèces, tout en sensibilisant la population à la nécessité d’une gestion durable des ressources ;

Enfin, le devoir de mémoire et le rayonnement et la coopération au-delà des frontières : Il s’agit pour nous de faire entendre la voix polynésienne en veillant à la reconnaissance et au rayonnement de notre pays, tout en luttant pour la justice mémorielle.

De nombreuses actions viennent nourrir ces annotations, j’en citerai quelques-unes. Vous pourrez, au travers de vos questions lors du débat à venir, interroger les ministres en responsabilité. Ils pourront vous apporter les précisions nécessaires.

En matière de préservation du patrimoine et de transmission des savoirs, les actions suivantes seront travaillées :

Premièrement, la réalisation d’un diagnostic sanitaire complet de l’ensemble des sites et monuments historiques classés sur l’ensemble des archipels ;

Deuxièmement, la poursuite du plan de gestion, de préservation et de conservation du marae Taputapuātea et des îles Marquises, désormais inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, dans une démarche plus inclusive et participative à l’égard de la population ;

Troisièmement, la promotion et la systématisation de l’usage des langues polynésiennes, et notamment celle de la langue tahitienne dans l’espace public, professionnel et privé, et les institutions ;

– Quatrièmement, enfin, la facilitation de l’accès à la culture traditionnelle pour éveiller l’envie de se réapproprier l’histoire et l’identité par la numérisation et la diffusion de rapports, fonds et supports d’expression culturelle.

En matière de développement de l’artisanat, les actions porteront sur :

Le renforcement de la professionnalisation des artisans par l’organisation de formation générale dans la pratique commerciale, la gestion d’activités et de formation technique pour diversifier et ou approfondir les savoir-faire ;

– Le développement des réseaux de soutien avec des partenaires privilégiés, comme la CCISM et Tahiti Tourisme, pour renforcer la place de l’artisanat en tant que secteur professionnel et vecteur d’identité culturelle et le développement de sa visibilité en local comme à l’international.

En matière de jeunesse et de valorisation de l’engagement communautaire, les travaux suivants seront conduits :

Premièrement, la mise en place d’actions de terrain plus ciblées visant l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, ainsi que l’inclusion des jeunes des quartiers prioritaires de Tahiti ;

Deuxièmement, l’opération Gener’action Fa'a'ati sera réitérée afin d’offrir aux jeunes des quartiers dits « prioritaires » de Tahiti, une occasion unique de découvrir leur île tout en favorisant l’insertion professionnelle ;

Troisièmement, un soutien plus accentué aux mouvements associatifs par la montée des compétences des cadres et dirigeants associatifs pour permettre de structurer au mieux leurs actions ainsi qu’un accès plus simple, notamment aux sources de financement, pour favoriser le portage de projets locaux.

En matière de sport, promotion de la pratique d’activités physiques et sportives pour tous par le développement d’outils et de programmes innovants, notamment numériques, à l’heure des smartphones, permettant une démocratisation du sport et des activités physiques au sein des foyers polynésiens.

En matière d’environnement et de préservation de notre patrimoine naturel, nous porterons :

Des actions de sensibilisation à la population pour accroître nos connaissances sur notre environnement ;

Des mesures de renforcement des pouvoirs de contrôles et de sanctions pour constituer un maillage efficace de lutte contre les atteintes aux ressources naturelles et à l’environnement ;

La promotion des initiatives publiques et privées tendant à valoriser nos déchets, à réduire nos consommations d’énergie fossile et à développer des alternatives durables aux plastiques et autres matières polluantes ;

La mise en place de mesures incitatives pour assurer une transition vers l’économie circulaire et encourager les entreprises locales à adopter des modes de production plus protecteurs de l’environnement ;

La poursuite des actions d’accompagnement en matière de transition énergétique pour atteindre nos ambitions d’énergie renouvelable dans notre mix électrique à horizon 2030, au travers de la relance programmée d’un nouvel appel à projets de développement de fermes solaires ;

La mise en œuvre des plans d’action, notamment du plan climat, afin d’améliorer l’efficacité énergétique et de réduire la consommation d’énergie dans tous les secteurs contributifs d’activité.

Ces travaux seront conduits par l’ensemble des ministères avec le concours du nouveau délégué interministériel en charge du climat et du développement durable.

En matière de protection de notre foncier, il est envisagé des actions pour permettre de concilier l’utilisation et préservation du foncier, en améliorant la connaissance du plus grand nombre en matière d’accès au foncier et en accompagnant les propriétaires privés vers la sortie ou la gestion de l’indivision.

En matière de mémoire, des actions porteront sur la définition et la construction du statut polynésien de victime des essais nucléaires, ainsi que sur l’accompagnement financier aux associations spécialisées ; un soutien au guichet dédié aux victimes ouvertes à la caisse de prévoyance sociale ; et enfin, la poursuite des travaux pour aboutir à la mise en place du Pū Mahara, le centre de mémoire des essais nucléaires.

Enfin, en matière de rayonnement et de coopération internationale, les travaux comprennent la rédaction et la négociation de nouvelles conventions avec nos partenaires directs du Pacifique et du continent européen, et la poursuite d’un dialogue constructif avec l’État français sur les étapes du processus d’autodétermination et de décolonisation.

Passons maintenant à l’axe 2, Fa'aora (NDT, Soutenir).

Le second axe, « Soutenir : promouvons la paix au sein de nos foyers », s’attache à aligner l’ensemble des politiques sectorielles en faveur d’un plus grand accompagnement des populations qui en ont besoin. Il s’agit de protéger et d’aider les populations les plus fragiles en améliorant leurs conditions de vie, en préservant leur pouvoir d’achat, en leur garantissant une alimentation saine et un accès à un enseignement de qualité.

Il se décrit dans 5 volets et concerne :

Premièrement, la cohésion, les réformes et le soutien aux populations fragiles, Il s’agit dans ce secteur de promouvoir le bien-être de la population par l’amélioration des conditions de vie, la protection des plus vulnérables et l’instauration d’une gouvernance juste, responsable et solidaire ;

Deuxièmement, la consommation de qualité, la maîtrise du pouvoir d’achat, en stimulant la consommation par la maîtrise du coût de la vie et la construction d’une autonomie alimentaire et énergétique ;

Troisièmement, l’amélioration des conditions de vie au sein des foyers, en agissant sur le quotidien des foyers par une politique du logement intelligente, en coordination avec une politique sociale globale et inclusive ;

Quatrièmement, la mise en place d’une éducation plus adaptée à nos réalités pour permettre une meilleure intégration de nos citoyens à notre société. Il s’agit pour cela de développer une école davantage ancrée dans notre culture, notre environnement, et d’éduquer nos concitoyens au respect de notre pays, de nos valeurs, et en leur donnant les moyens de participer pleinement à leur devenir au sein de la société polynésienne ;

Enfin, cinquièmement, la mobilité, l’accès aux services publics et l’évolution des infrastructures en déployant des services publics et des infrastructures modernes, efficaces et adaptées aux besoins des citoyens, tout en améliorant la mobilité pour soutenir l’économie et la qualité de vie.

À l’identique de l’axe précédent, des actions traduisent les orientations, j’en mentionnerai une partie. Je vous invite, au travers de vos questions à l’adresse des ministres, à élargir les échanges lors du débat.

Ainsi, en matière de cohésion et de soutien aux personnes fragiles, les travaux principaux porteront sur l’amélioration de la qualité de vie familiale et le renforcement de la solidarité au travers du soutien spécifique aux familles monoparentales et par le lancement de travaux sur la création d’accueils pour les personnes âgées.

En matière de consommation de qualité et maîtrise du pouvoir d’achat, il est prévu la mise en place d’un dispositif d’achat et de collecte de produits frais locaux, issus des jardins et potagers des particuliers, et permettant leur redistribution auprès des plus démunis. Il est prévu la modernisation des mécanismes de soutien au pouvoir d’achat des ménages permettant de mieux cibler le public aidé tout en veillant à éviter des effets de seuil ou d’aubaine et en impliquant davantage les opérateurs économiques dans une démarche volontaire de modération de marge. Il est prévu la mise à disposition facilitée aux familles, à des produits sains et durables, produits à proximité en encourageant l’autoconsommation et la valorisation de notre production locale au travers de nouvelles structures de stockage et d’agro transformation soutenues par les pouvoirs publics.

L’aménagement de nouvelles disponibilités foncières dédiées à l’agriculture afin d’augmenter les surfaces de production ainsi que la mise en place de dispositifs réglementaires pour aider au mieux à soutenir nos jeunes à choisir les métiers du secteur primaire.

En matière d’amélioration des conditions de vie au sein des foyers, les actions prévoient :

Un renforcement des conditions de vie des personnes sans domicile fixe et la promotion de leur réinsertion sociale et professionnelle en leur offrant des possibilités de logement dignes ;

Un développement d’écovillages à Moorea et à Afaahiti, qui permettront aux résidents de participer à des activités agricoles, artisanales et de services, destinées à renforcer leur autonomie financière tout en facilitant leur réintégration dans la société ;

L’amélioration de l’efficacité des réponses aux violences intrafamiliales par le déploiement d’actions de sensibilisation et de formation auprès de divers acteurs professionnels, notamment les travailleurs sociaux, les personnels du corps médical, les forces de l’ordre ou encore les représentants religieux. Seront conduites également des actions de dynamisation de la production de logements abordables, afin de concurrencer le parc libre de logements pour soutenir l’accès et le maintien de logements répondant aux besoins et aspirations des Polynésiens. Il s’agira par ailleurs de travailler à l’amélioration des mécanismes de soutien aux logements, afin d’aider financièrement les ménages à y accéder et à s’y maintenir.

En matière d’éducation plus adaptée pour les citoyens mieux intégrés dans notre société, les tâches qui seront menées permettront :

Premièrement, l’amélioration de l’accueil des élèves dans les établissements, notamment ceux des îles éloignées, qui entrent à l’internat afin de les encourager à mieux apprendre ;

Deuxièmement, l’apprentissage des langues, de la culture, de l’histoire, de la géographie polynésienne et le fait nucléaire construit sur des programmes adaptés et rénovés ;

Troisièmement, l’accompagnement des élèves en mettant en place des groupes de besoins à la place de l’enseignement en classe entière pour les 6 o et les 5 ;

Quatrièmement, le renforcement du rôle de l’enseignement préprofessionnel et professionnel, notamment le rôle singulier des CJA ;

– Cinquièmement, la poursuite du déploiement d’un nouvel environnement numérique du travail, ENT, Natitahi pour le premier degré et Natirua pour le second degré ;

Enfin, la reconnaissance du rôle éducatif de la famille en renforçant sa place au sein de l’école.

En matière de mobilité, de services publics et d’infrastructures, les travaux et actions consisteront à :

La poursuite du déploiement du service public au travers de l’ouverture des Fare Ora dans les communes de Mahina, Mahaena, et les 21 communes ayant manifesté leur intérêt ;

La poursuite du désenclavement des îles et archipels autour de la promotion des hub régionaux aux infrastructures renforcées, ainsi que la mise en sécurité des équipements portuaires et aéroportuaires des îles éloignées ;

Développement de la décentralisation sur Tahiti, par le développement d’un second pôle d’activité au travers de la création d’infrastructures adaptées ;

Et enfin, la réduction de la congestion routière sur Tahiti en optimisant le réseau routier existant, en améliorant le transport en commun, en organisant le covoiturage, en développant l’accessibilité pour les modes de déplacement doux (piétons-cycliste), mais également en augmentant la capacité du réseau actuel par la création de voies nouvelles ou l’élargissement de voies existantes.

Axe 3 : Fa'atupu (NDT, Bâtir).

Le troisième axe, « Bâtissons l’identité de notre peuple », traduit les efforts du gouvernement pour favoriser l’emploi et le développement économique en renforçant l’accompagnement des secteurs stratégiques, la formation, l’insertion professionnelle et en encourageant le développement d’une économie durable, écologique et solidaire.

Il se décrit en quatre volets et concerne :

Premièrement l’emploi, le développement économique et l’accompagnement des secteurs stratégiques. Il s’agit pour cela de mettre en place une économie résiliente et inclusive en valorisant les ressources locales et en créant des emplois de qualité ;

Deuxièmement, la formation et l’insertion professionnelle pour renforcer l’économie en augmentant le niveau global de formation, la qualité des embauches, la résilience des entreprises et de l’économie et les salaires infinis ;

Troisièmement, le développement d’une économie durable, écologique et solidaire en augmentant nos capacités de production dans notre économie bleue. En développant davantage les mécanismes favorables à une économie circulaire et en s’appuyant sur un cadre réglementaire permettant le développement d’une économie sociale et solidaire, l’ESS ;

Enfin, quatrièmement, l’amélioration de la gestion des finances publiques pour accroître la performance budgétaire de la collectivité au travers de la mise en œuvre du plan stratégique de réforme du système de gestion des finances publiques, RJFP, de la Polynésie, 2018-2027.

En termes d’actions qui traduisent les orientations attachées à cet axe Fa'atupu (NDT, Bâtir), je vous propose à l’identique une liste non exhaustive.

En matière d’emploi, de développement économique et d’accompagnement des secteurs stratégiques, les actions se concentreront sur :

Premièrement, la mise en œuvre de la stratégie de développement économique 2023-2033 et du plan d’action et des mesures d’accompagnement correspondantes ;

– Deuxièmement, le soutien au financement des projets d’investissement par des dispositifs d’incitation fiscale, des dispositifs réglementaires ajustés et modernes et d’autres mesures d’accompagnement adaptées ;

Troisièmement, la mise en œuvre des nouvelles mesures d’aide à l’emploi adoptées en août 2024 qui visent la création d’emplois durables et l’inclusion avec des aides aux contrats de travail bonifiés pour les secteurs prioritaires, agriculture, pêche, tourisme, énergie ;

Quatrièmement, la simplification et l’adaptation du code du travail, pour offrir une plus grande flexibilité de l’embauche. Il s’agit de faciliter le recours au travail du dimanche, faciliter l’adaptation des horaires aux contraintes techniques et commerciales de l’entreprise, introduire la rupture conventionnelle du contrat de travail, etc. ;

Cinquièmement, la réforme des aides économiques du pays pour les adapter aux orientations stratégiques et au secteur prioritaire, en ciblant davantage les entreprises pour lesquelles un soutien du pays est nécessaire, qui est un facteur de création de valeurs ajoutées ;

Sixièmement, l’amélioration des services de télécommunication existants et la fourniture de solutions viables aux îles et habitants qui n’en bénéficient toujours pas, par le déploiement d’options satellitaires. La mise en œuvre de la 5G dans les zones denses et la 4G hors des zones denses ;

Enfin, l’accompagnement du développement de nouvelles zones d’activité prioritaire par l’identification et le recensement de zones, domaines ou sites disposant d’un potentiel de développement économique et par la création d’un cadre réglementaire ad hoc, et la mise en place de mesures d’incitation afin de faciliter l’implantation et la pérennité d’activités dans ces zones.

En matière de formation et d’insertion professionnelle, pour renforcer l’économie, les actions qui sont initiées permettront :

L’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur en adaptant la carte des formations post-bac, en adéquation avec les besoins et spécificités polynésiens ;

– L’amélioration de l’attribution d’aide aux étudiants au travers des dispositifs existants et en favorisant la communication au plus grand nombre ;

La finalisation de l’installation du guichet unique de l’étudiant et la mise en ligne du site internet étudiant.pf ;

Enfin, le renforcement des formations au métier de la mer et de la terre au travers des programmes d’enseignement en culture biologique, l’apprentissage au métier de l’agro transformation, le renforcement des conduites d’exploitation d’élevage, le maintien des compétences et de formation des gens de mer et des pêcheurs.

Enfin, le renforcement des formations au métier de la mer et de la terre au travers des programmes d’enseignement en culture biologique, l’apprentissage au métier de l’agro transformation, le renforcement des conduites d’exploitation d’élevage, le maintien des compétences et de formation des gens de mer et des pêcheurs.

En matière de développement d’une économie durable, écologique et solidaire, les travaux seront conduits sur le lancement de fermes de production privée viables et génératrices d’embauches locales dans le secteur de l’économie bleue avec le soutien du pays : la formation des jeunes dans le secteur primaire ainsi que la construction de fermes aquacoles dans les îles, l’accompagnement du développement endogène d’une économie circulaire du recyclage par des études de caractérisation des déchets industriels et par l’établissement de diagnostics de filières porteuses, le soutien et l’accompagnement des initiatives locales prometteuses pour encourager un changement de comportement et de pratique plus durable de gestion des déchets ; et enfin, la mise en œuvre d’un cadre réglementaire adapté et une feuille de route pour le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS), ainsi que le soutien au financement et à la concrétisation de projets des acteurs de l’ESS.

En matière d’amélioration de la gestion des finances publiques, il s’agira de poursuivre la mise en œuvre de la réforme du système de gestion des finances publiques par la mise en place de la programmation budgétaire triennale, la production de la réglementation comptable, budgétaire et financière, le Code des finances publiques, donc, la modernisation des outils informatiques. Enfin, le contrôle et le suivi des satellites de la Polynésie française sera renforcé pour limiter au mieux les risques liés à d’éventuelles défaillances.

Les orientations budgétaires pour 2025 :

Pour clore cette présentation, il m’appartient de vous présenter les orientations budgétaires pour 2025. En matière d’orientation budgétaire, le cap est inchangé. Il s’agit de conforter la soutenabilité budgétaire en servant les objectifs de développement économique et social.

À ce titre, la structuration budgétaire du pays se poursuit sur la base des orientations suivantes : une révision de la fiscalité pour la rendre juste et équitable avec des mesures de soutien substantiel à l’immobilier et au logement ; la stabilisation de la pression fiscale pour libérer davantage l’activité économique et rendre du pouvoir d’achat au consommateur ; le développement, l’évolution et la simplification des outils fiscaux et réglementaires pour servir les politiques publiques sectorielles et le développement économique et social du pays ; une politique du maîtrise des dépenses publiques pérennes et continues, particulièrement au niveau du fonctionnement de l’administration et de la masse salariale ; une optimisation de l’allocation des ressources budgétaires pour servir mieux et plus efficacement l’action publique au bénéfice du développement économique, de la concurrence, de la création d’emplois et de la création de valeurs ajoutées.

Un soutien confirmé à la commande publique dans les domaines structurants du pays, infrastructures, transports, logements, santé, etc. ; un soutien accru aux mesures d’aide à l’emploi ; une rationalisation de l’accompagnement budgétaire dans le cadre des réformes structurelles de la santé et de la protection sociale ; une amélioration du soutien aux personnes vulnérables au travers du système d’aide ciblée ; une gestion dynamique et optimisée de la dette de la collectivité pour se donner des capacités d’intervention maximales ; une évaluation et un suivi attentif des satellites du pays pour accompagner leur développement en cohérence avec l’action publique et réduire les risques budgétaires induits.

Sur la base des perspectives évaluées par le comité macroéconomique et budgétaire, il est prévu une hausse moyenne de recettes fiscales d’environ 2 %. Les recettes non fiscales devraient, à l’inverse, diminuer de 1 %. En global, les ressources budgétaires en fonctionnement seraient en augmentation de 5,6 milliards F CFP par rapport au budget 2024.

Le budget primitif pour 2025 a donc été construit sur les principes suivants :  des dépenses de personnel et de fonctionnement courant stable, des dépenses de transfert, c’est-à-dire subvention et participation, en hausse transitoire pour assainir les comptes de certains satellites et pour préparer nos Jeux du Pacifique 2027.

En contenant l’évolution des dépenses de fonctionnement, malgré une progression des recettes, le pays pourra conserver une capacité d’autofinancement pour ses investissements encore élevés. Le recours à l’emprunt sera limité à un montant compris entre 10 et 12 milliards F CFP.

Ainsi, le gouvernement poursuit sa politique de désendettement tout en s’assurant de ne pas dépasser une annuité de la dette autour de 18 milliards sur les 20 prochaines années.

S’agissant des dépenses d’investissement, le montant des crédits de paiement nouveau sera équivalent à celui de 2024 avec des projets de travaux principalement dans le logement social et la rénovation des infrastructures sportives qui vont accueillir les Jeux du Pacifique 2027.

Voilà, je vous remercie pour votre attention.

Merci. (Applaudissements dans la salle.)

Le président : Merci bien, Monsieur le ministre.

Donc on poursuit avec l’intervention du rapporteur qui va nous présenter les observations de la commission des finances, Monsieur Cliff Loussan.

Vous avez 30 minutes.

M. Cliff Loussan : Excusez-moi, je suis en train de rechercher mon document que je venais d’enregistrer et je ne le retrouve plus.

Monsieur le président de l’assemblée de la Polynésie française, Monsieur le Président de la Polynésie française, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants, chers collègues, chers amis du public, à tous, bonjour.

L’exercice du débat d’orientation budgétaire de ce matin, préalablement à l’adoption par notre assemblée du budget primitif 2025, permet de discuter des grandes mesures que le gouvernement mettra en place l’année prochaine.

Conformément aux dispositions de l’article 34-1 du règlement intérieur de notre institution, la commission de l’économie, des finances et du budget s’est réunie les 21 et 22 octobre derniers pour débattre du rapport d’orientation budgétaire, le ROB.

La tenue de cette réunion sur deux jours, avec près de 13 heures de débat, a permis des échanges véritablement complets et passionnés entre les représentants présents et les membres du gouvernement.

En premier lieu, l’Institut de la statistique de la Polynésie française a exposé le contexte et les perspectives économiques internationales, nationales et locales. La Direction du budget et des finances a par la suite présenté l’exécution du budget 2024 au 31 août de cette année et les projections d’atterrissage. Puis, chaque ministère, dans son domaine de compétence, a détaillé ses orientations stratégiques pour l’année prochaine, avant que ne soient abordées par le ministère de l’économie, du budget et des finances, les orientations budgétaires 2025.

Nous renouvelons nos remerciements à l’ensemble des intervenants du gouvernement pour leur participation : Monsieur le Président du pays, Mesdames et Messieurs les ministres, Madame la directrice de l’ISPF, Madame la directrice du budget et des finances ainsi que toutes les équipes présentes. Merci beaucoup !

Nous tenons également à remercier les représentants qui étaient présents en commission, pour leur participation active à ce débat.

Les orientations retenues qui nous ont été présentées s’articulent autour des trois axes fédérateurs suivants :

1°) Respectons le peuple ;

2°) Soutenir : promouvons la paix au sein de nos foyers ;

3°) et Bâtissons l’identité de notre peuple.

En ma qualité de rapporteur, je m’attacherai à vous présenter succinctement les temps forts de nos débats en commission, en soulignant les recommandations formulées par les représentants.

Tout d’abord, la jeunesse a été l’un des grands sujets qui a suscité de nombreux échanges et qui a fait consensus au sein des représentants. Parmi les mesures discutées, plusieurs priorités sont mises en avant pour permettre à la jeunesse de s’épanouir dans un cadre structuré et sécurisant : l’insertion professionnelle à travers des programmes spécifiques, la prévention de la délinquance grâce à une intensification des actions et le soutien à l’engagement communautaire.

Nous avons également consacré une attention particulière à la préservation et à la valorisation de notre patrimoine culturel. La commission a longuement échangé sur la nécessité de renforcer notre identité polynésienne. Cela passe par notre système éducatif, mais aussi par des actions concrètes telles que l’enseignement des langues polynésiennes et des savoirs traditionnels. Il est essentiel que les jeunes générations se réapproprient leur culture et ses valeurs. La mise en place d’événements culturels pourra notamment contribuer à cette dynamique.

En outre, l’artisanat traditionnel joue un rôle central dans la préservation de notre culture. Les discussions sur ce sujet ont fait consensus et il est apparu ainsi indispensable de soutenir davantage nos artisans, notamment ceux des îles éloignées. Les défis auxquels ils font face ont été mis en évidence et particulièrement celui de la raréfaction des matières premières naturelles, impliquant désormais une dépendance croissante aux importations. Aider les artisans dans ce domaine contribuerait alors à un développement économique et durable de notre Pays.

La transition énergétique a par ailleurs retenu toute l’attention de la commission. L’enjeu est crucial puisque l’objectif d’atteindre 75 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique polynésien ne peut être concrétisé que par des changements majeurs, notamment dans les secteurs du transport et de la production d’électricité, ainsi que par une amélioration de l’efficacité énergétique. Les objectifs de verdissement du budget de notre collectivité, dont nous avons vu les prémices, devra se poursuivre et s’intensifier.

Pour atteindre ces objectifs énergétiques, des recommandations concrètes ont été formulées en commission, tels que :

– Envisager d’autres sources d’approvisionnement en carburant, compte tenu du contexte de tensions géopolitiques actuelles et de l’impact des prix du baril de pétrole ;

 Et enfin renforcer le soutien aux installations de panneaux photovoltaïques, par des mesures incitatives destinées aux familles aux revenus modestes. Ce soutien pourrait passer par le Fonds de régulation des prix des hydrocarbures (FRPH) et permettrait d’allier effort environnemental et soutien au pouvoir d’achat.

Et justement en matière de soutien au pouvoir d’achat des ménages, les échanges en commission ont été riches et constructifs, avec une volonté manifeste de trouver ensemble des solutions face aux défis économiques liés à la vie chère.

Nous avons pu souligner l’importance de mettre en place des mesures équilibrées pour toutes les catégories de notre population, en appelant le gouvernement à une vigilance particulière sur les classes moyennes. Il est indispensable que les réformes envisagées n’accentuent pas les inégalités sociales.

En outre, la commission a également souligné l’importance de réduire la fiscalité sur les importations, en particulier sur les produits qui impactent directement le quotidien des familles. Cette baisse serait un levier pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages, en parallèle d’une réflexion plus large sur les coûts d’importation.

De manière plus globale, il s’agirait de mener une réflexion sur la dépense publique de la Polynésie française, avec une masse salariale qui n’a cessé de croître au fil des années.

Mais la gestion de la dépense publique passe aussi par un contrôle et un suivi rigoureux des satellites du Pays afin de limiter au mieux les risques financiers, puisqu’ils représentent tout de même plus de 20 milliards F CFP de subventions et de soutiens annuels.

Afin d’améliorer le système de gestion des finances publiques, il a été recommandé de mettre en place un second ratio de rigidité pour mesurer l’impact des dépenses pour ces satellites.

Enfin, en matière de santé, les échanges ont mis en avant plusieurs axes prioritaires pour améliorer l’accessibilité, la qualité et l’efficacité des services de santé en Polynésie, tels que :

– Des investissements dans des infrastructures de santé avec la création d’un centre d’hospitalisation et la rénovation de dispensaires ;

 La télémédecine pour pallier à la pénurie de personnel qualifié dans les îles ;

 Le développement d’une politique publique en faveur de la prise en charge de la santé mentale ;

 Ou encore, le renforcement dans la prévention en matière de santé.

Voici donc, chers collègues, en quelques mots, l’essentiel de nos échanges et des principales recommandations issues des débats sur le rapport d’orientation budgétaire de l’exercice 2025.

Je vous remercie de votre attention. Merci de votre attention.

Le président : Voilà. Merci bien.

Étant donné que les interventions sur notre rapport d’orientation budgétaire ont été évaluées à 90 minutes dans le cadre de la conférence des présidents et qu’il est presque 10 heures, je vais suspendre la séance 20 minutes pour inaugurer le salon de l’artisanat des Australes.

Je vous invite tous à y participer, bien entendu. La séance est suspendue. Il est 9 h 56.

(Suspendue à 9 heures 56 minutes, la séance est reprise à 10 heures 52 minutes.)

Le président : Bien, la séance est reprise. Je m’excuse pour ce retard. Elle est reprise à 10 h 52.

Donc je disais tantôt que pour les interventions sur les orientations budgétaires, la conférence des présidents a prévu un temps de parole de 90 minutes, réparti comme suit : le Tavini huiraatira dispose de 57 minutes, le Tapura de 24 minutes et les non-inscrits de 9 minutes.

Je vais essayer de répartir les temps de parole s’agissant des groupes où il y a plus d’intervenants pour pouvoir rompre un peu avec — comment on appelle ça ? — le fait qu’on s’endorme à force d’entendre toujours le même locuteur pendant un certain temps.

Donc on va commencer et si vous le voulez bien, avec le Tavini huiraatira. Je vais faire passer les deux premiers locuteurs du Tavini sur l’Europe.

Elise, vous avez la parole.

Mme Elise Vanaa : Merci, Monsieur le Président.

Président du pays — Président Moetai —, Madame la vice-présidente, Mesdames les ministres — où donc est passée Nahema, est-elle encore à l’extérieur ? —, Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les représentants de notre honorable assemblée, les collaborateurs, les médias, bien le bonjour à l'occasions de notre rencontre en cette nouvelle matinée et nouvelle semaine.

Je pense, président, que je serai l’unique intervenante de notre groupe et puis, au fur et à mesure — là, pour l’instant —, et au fur et à mesure des débats, mes autres représentants interviendront, président.

Il y a un peu plus d’un an, notre gouvernement a introduit une nouvelle méthodologie de travail qui a radicalement transformé notre façon de concevoir et d’organiser l’action publique.

Il serait facile, pour certains de penser qu’il s’agit d’un bel emballage marketing ou de concepts à la mode pour faire joli sur nos documents officiels.

Pourtant, cette démarche va bien au-delà des apparences et apporte une véritable transformation de l’action publique.

Il est vrai, que ce changement, nous a demandé une véritable gymnastique intellectuelle, au point pour certains d’avoir des crampes au cerveau.

Mais, il a surtout permis de recentrer l’action politique autour de trois axes fondamentaux : Fa'atura, le respect ; Fa'aora, le soutien ; et Fa'atupu, la construction.

Ces trois piliers ne sont pas simplement des slogans ou des principes abstraits, mais bien des lignes directrices structurantes qui guident l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre.

Pour la seconde année consécutive, cette nouvelle approche est devenue plus qu’un cadre théorique.

Elle est désormais au cœur de notre quotidien, et vous, les élus, vous vous êtes appropriés cette méthodologie innovante qui, j’en suis convaincu, nous permet de mieux servir la Polynésie et ses habitants.

Il est important de reconnaître que cette transition n’a pas été sans défis.

Il a fallu rompre avec des habitudes bien ancrées, où chaque ministère défendait ses propres intérêts lors des arbitrages budgétaires, souvent au détriment d’une vision commune.

Mais aujourd’hui, nous avons appris à penser et à agir différemment.

Ce que nous avons mis en place, c’est une véritable révolution dans notre méthode de gouvernance, qui se distingue sur trois points essentiels :

Placer l'intérêt général au cœur de l’action politique :

En adoptant cette nouvelle approche, nous avons fait le choix de placer l’intérêt général au-dessus des intérêts partisans. Cela semble évident, mais pendant longtemps, chaque ministre, chaque département se focalisait sur ses propres priorités, parfois sans tenir compte de l’impact global sur l’ensemble de la population. Aujourd’hui, avec les axes Fa'atura, Fa'aora et Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir et Bâtir), toutes les actions ministérielles sont alignées pour répondre aux besoins de l’ensemble des Polynésiens, de la protection de notre environnement à la promotion de l’égalité sociale et au développement économique.

Un travail de coopération interministérielle renforcé :

Un autre changement majeur dans notre méthodologie repose sur la coopération renforcée entre les ministères. Auparavant, chaque ministère venait plaider sa cause, défendre son enveloppe budgétaire en fonction de ses propres priorités, souvent de manière isolée. Ce cloisonnement a parfois mené à des actions déconnectées les unes des autres, et à un manque de cohérence dans notre démarche collective. Désormais, nous apprenons à travailler différemment. Les ministères ne défendent plus uniquement leur pré carré, mais s’inscrivent dans une démarche collective, où chacun s’efforce de comprendre les besoins des autres et d’agir en cohésion. Nous avons appris à mutualiser nos ressources, à penser ensemble, à agir de concert.

Une vision transversale au-delà des arbitrages budgétaires sectoriels :

Le temps où les arbitrages budgétaires se faisaient sur la base de rapports de force entre ministères est donc révolu. Aujourd’hui, chaque décision budgétaire est prise à la lumière des trois axes que nous avons définis. Ainsi, chaque ministère se demande non pas ce qu’il peut obtenir pour son propre portefeuille, mais comment ses actions s’inscrivent dans cette vision d’ensemble.

Le ministère de l’agriculture ne pense plus seulement à ses infrastructures, mais à la manière dont l’agriculture peut contribuer à l'autosuffisance alimentaire, un enjeu commun. De même, le ministère des Grands Travaux n’a plus pour seule mission de construire des routes, mais de le faire de manière à soutenir une mobilité durable, respectueuse de l’environnement.

En adoptant cette nouvelle méthode de travail, nous avons donné à chaque ministre une responsabilité collective. Il ne s’agit plus de défendre un portefeuille ou un secteur, mais bien de contribuer activement à la réussite des trois axes. C’est pourquoi, dans chaque décision que nous avons à prendre, nous devons toujours nous demander : « En quoi s’inscrivent-elles dans le cadre de ses trois axes : le Fa'atura, Fa'aora et Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir et Bâtir) ? »

Fa'atura, c’est le respect de notre culture, de nos traditions, de nos personnes et de notre environnement. Chaque action doit être orientée pour préserver et valoriser ce que nous avons de plus cher : nos racines et nos ressources.

Respecter, c'est aussi protéger, que ce soit en assurant une gestion durable de notre biodiversité, en honorant les victimes des essais nucléaires, ou encore en promouvant notre langue et notre culture au sein de nos systèmes éducatifs.

Fa'aora, c’est le soutien aux plus fragiles, la lutte contre l’injustice sociale, la réduction des inégalités. Il ne s’agit pas simplement d’allouer des ressources supplémentaires aux secteurs les plus défavorisés, mais d’apporter un soutien structuré et durable. Que ce soit à travers l’amélioration des aides sociales, la promotion de l'emploi local ou encore l’accès à des services de santé de qualité dans les zones les plus reculées, chaque action de Fa'aora vise à renforcer la cohésion sociale de notre pays.

Fa'atupu, enfin, c’est la construction de l’avenir, l’innovation, le développement économique et durable. Nous ne pouvons pas seulement nous appuyer sur nos acquis, nous devons bâtir pour demain, en favorisant l’innovation technologique, en investissant dans les énergies renouvelables, et en promouvant des secteurs clés tels que le tourisme durable et l’agriculture respectueuse de l’environnement.

Ainsi, cette nouvelle méthodologie nous oblige à penser différemment, à comprendre que chaque ministère est interconnecté. Ce n’est plus un simple « jeu de chapelles », mais une véritable orchestration collective où chaque acteur a un rôle dans l’harmonie de l’ensemble. Nous devons continuer à bâtir sur cette base, en renforçant notre capacité à travailler ensemble pour l’intérêt général, en dépassant les logiques de division ou d’arbitrage sectoriel. Le succès de cette approche dépend de notre engagement collectif, et je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie.

Les premiers résultats sont là : nos politiques sont plus cohérentes, nos actions mieux alignées, et nos citoyens commencent à ressentir les bénéfices d’une gouvernance qui place leur bien-être au cœur de son action. Mais ce n’est que le début.

Nous avons encore beaucoup à accomplir, et c’est ensemble, forts de ces trois axes Fa'atura, Fa'aora, et Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir et Bâtir), que nous réussirons à bâtir une Polynésie plus respectueuse, plus solidaire et plus prospère.

Merci bien de votre attention, que l’amour règne.

Le président : Merci. On poursuit avec le deuxième intervenant du Tavini huiraatira.

Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Président, nous allons nous en tenir là pour les interventions. Nous préférons laisser tout le monde à la discussion générale.

Merci.

Le président : Merci.

Je cède la parole au Tapura.

M. Édouard Fritch : Merci bien, président.

Bien le bonjour à l'occasion de notre rencontre en cette matinée. Monsieur le Président du pays, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les ministres, chers amis de la presse, cher public qui êtes parmi nous, au personnel, de nous à vous, nous vous présentons nos salutations dans les grâces de Dieu.

Monsieur le Président, nous allons effectivement livrer nos commentaires sur ce ROB. Enfin, je ne sais plus si c’est ROB ou DOB. C’est mieux ROB parce que DOB, ça fait viande. ROB, ça fait recueil.

Et effectivement, nous avons participé aux deux journées de séance de commission des affaires financières de l’assemblée et cela nous a été très utile et très intéressant.

Monsieur le Président du pays, lors de votre discours d’ouverture de la session budgétaire cette année, vous avez eu cette phrase qui se voulait convaincante, convaincante comme la formule du docteur Coué : « tout va bien mieux ». Ceci effectivement, je ne vous le cache pas, nous a soulagé sur le moment, « tout va bien mieux ». Mais à la lecture du document d’orientation budgétaire que vous nous présentez, j’aurais tendance à dire comme Bugs Bunny — excusez-moi du peu : « quoi de neuf docteur ? ».

Pendant près de 14 heures en commission des finances, vos ministres et vous-mêmes êtes venus nous présenter les orientations budgétaires de votre gouvernement. Quatorze heures, c’est long ! C’est beaucoup de temps pour un gouvernement, mais c’est aussi beaucoup de discussions. Mais je crains que même dans votre camp, camp de la majorité, les élus n’aient guère été convaincus par la pertinence de votre stratégie.

Notre présidente de la commission des finances vient de nous expliquer la méthodologie autour du Fa'atura, Fa'aora, Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir, Bâtir). Je crains que ces axes ne suffisent plus aujourd’hui à expliquer la stratégie adoptée par votre gouvernement.

C’est ainsi que le cri de la raison — je crois que c’était lundi en fin de journée — est venu de votre représentante, notre collègue Pauline Niva — c’était plus exactement mardi matin, excusez-moi —, quand elle a pris la parole en ses termes pour déclarer, je la cite : « on a l’impression, finalement, qu’on n’avance pas. On reprend les choses qui se sont faites avant. En quoi on innove ? Peut-être qu’il faut trouver autre chose. Je ne vois vraiment pas ce qui va être réalisé en 2025 pour le panier marché, pour le développement économique », fin de citation. C’est vrai que personne ne l’a applaudi. Nous, on l’a applaudi, silencieusement naturellement parce que, quelque part, nos visions se rejoignaient.

Mais c’est vrai qu’on a beau attendre des orientations vraiment concrètes, on reste pour l’essentiel de votre document dans l’incantation avec de jolies phrases creuses comme en page 109 de ce document avec, et là je cite votre document : « il convient donc de réfléchir à une réforme des aides pour les adapter aux orientations stratégiques du Pays ». Réfléchissons donc…

Il y a maintenant un an et demi que vous êtes aux commandes du Pays. Vous êtes venus au pouvoir avec un programme politique qui devait en principe avoir été pensé pour être rapidement mis en œuvre, notamment pour la priorité sur le pouvoir d’achat et la baisse des prix.

Dix-huit mois se sont écoulés depuis votre accession au pouvoir et la lutte contre la cherté de la vie n’a toujours pas franchi le stade de la promesse électorale. Cela fait 18 mois que vous répétez et promettez une lutte contre la vie chère, contre la cherté de la vie et cela fait 18 mois que vous tournez en rond, sans agir. Excusez-moi, mais en tahitien, cela s’appelle du « désordre ». Ne vous en faites pas, la population s’en rend compte toute seule.

Vous avez enchainé les audits, les séminaires, les rassemblements, les consultations, les sondages… La réunionite n’a toujours pas débouché sur du véritablement concret en ce qui concerne, en tous les cas, les décisions qui intéressent la population.

C’est inquiétant quand dans votre document vous affirmez qu’en 2025, et vous l’avez dit même à la télévision, « le cap reste inchangé ». Il ne s’est rien passé en 2023 et en 2024, mais vous nous promettez que rien ne va changer. C’est tellement vrai que des pans entiers du ROB que vous nous présentez sont des copié-collé de ce que nous avons déjà lu dans le ROB de l’an passé.

À force d’abreuver la population de promesses et de rêves, il n’est pas étonnant que vous reconnaissiez en bas de la page 23 de votre document, du ROB, et là je vous cite : « l’inquiétude des ménages polynésiens ».

Pourtant, en 2025, comme le montre votre document, dans son analyse sur les perspectives internationales, le monde, lui, risque de changer, avec des répercussions sur la Polynésie française.

Ainsi, toute hausse des prix du pétrole qui se profile avec les conflits mondiaux et principalement ceux de Moyen-Orient se répercutera inévitablement sur les coûts d’importation, avec des conséquences sur les ménages et les entreprises locales et, encore plus, aujourd’hui, avec la rentrée de l’Iran dans la guerre.

La mise en place de stratégies de résilience devient donc essentielle pour atténuer cette dépendance énergétique. Même le président de votre assemblée, notre collègue Monsieur Géros, s’est inquiété de notre approvisionnement en pétrole avec les incertitudes qui pèsent en mer de Chine. Malheureusement, nous constatons aujourd’hui une absence de volonté politique concrète à cet égard, illustrée par l’annulation regrettable du second projet de ferme solaire que vous voulez, semble-t-il, relancer, mais en évitant de neutraliser des grandes surfaces planes et par la révision défavorable des exonérations fiscales sur les véhicules hybrides ou électriques.

Nous avons bien noté également en commission que la priorité que voulait donner notre Président à l’hydrogène avait été enterrée par le cabinet du ministère de l’économie en charge des énergies. Par contre, nous prévoyons très rapidement maintenant l’exhumation d’une usine d’énergie thermique des mers. Cette décision envoie un signal contradictoire face à l’urgence climatique et à la nécessaire transition énergétique. Mais enfin, pour 2025, comme je disais plus haut, vous nous promettez une nouvelle étude de faisabilité sur un projet d’énergie thermique des mers, étude qui a déjà été réalisée, je le rappelle, en 2010, avec le projet de Pacific OTEC, puis, en 2015, avec le projet du groupe DCNS, devenu aujourd’hui Naval Group, avec les suites que l’on connaît, ou plutôt avec les suites que l’on ne connaît pas.

Sur le plan des importations, la stabilisation des tensions sur les chaînes d’approvisionnement internationales est un signal encourageant, c’est vrai. Elle pourrait permettre de réduire les coûts d’importation et stabiliser les prix des produits importés. Cependant, le modèle économique polynésien reste bien trop dépendant des importations, exposant le pays à des risques logistiques majeurs. Nous l’avons vu tout dernièrement, la vulnérabilité de notre infrastructure portuaire s’est récemment illustrée avec la panne d’un remorqueur qui va perturber durablement l’arrivée des porte-conteneurs, entraînant des retards et des coûts supplémentaires d’approvisionnement — pas supplémentaires, complémentaires, pardon. Cela accentue donc les pressions inflationnistes locales et risque d’entraîner une hausse des prix des marchandises. Aucun calendrier n’est confirmé à ce jour, mais des rumeurs circulent sur l’arrivée éventuelle d’un nouveau remorqueur.

En tant qu’économie insulaire, la Polynésie est particulièrement exposée au cycle économique des grandes puissances, tant développées qu’émergentes. Le ralentissement de la croissance en Europe, principal marché émetteur de touristes, risque d’affecter directement le secteur touristique, pilier de notre économie. De plus, des incertitudes liées aux élections américaines, et notamment une éventuelle victoire de Donald Trump, sont vues par les analystes comme une source d’instabilité pour le flux touristique en Polynésie et ce, en provenance des États-Unis.

La partie sur les perspectives économiques de la Polynésie en dit lent. Si on devait résumer les choses, nous pourrions dire pour l’instant ça peut aller, mais de nombreux signes contradictoires nous indiquent que cela ne va pas durer. Reportons-nous — et je crois que le ministre lui-même s’est inspiré naturellement de son document d’orientation budgétaire pour nous sensibiliser là-dessus, mais si nous nous reportons — à la page 3 du DOB, les titres des différents chapitres liés aux perspectives économiques pour la Polynésie française (risques sur les moteurs de croissance polynésienne) parlent d’eux-mêmes. Lorsqu’on regarde justement les principaux indicateurs économiques pour la Polynésie française, les différents chapitres — et là je vais citer trois, quatre chapitres, 1, 3, 2, 1 —, la hausse du chiffre d’affaires des entreprises polynésiennes ralentit en ce début d’année 2024 ; la baisse des effectifs terrestres marchands se confirme, donc la baisse des effectifs marchands ; le prix de la pelle continue de se redresser mais les exportations locales reculent ; la dynamique du marché du travail ralentit ; la consommation des ménages qui reste effectivement élevée en volume mais ne croit plus ; les crédits à l’habitat sont en forte baisse. Tous les titres de ce chapitre nous alertent sur la situation économique du Pays. Ceci peut être particulièrement inquiétant dans la mesure où le gouvernement nous explique depuis plus d’un an que la perte des recettes liées à la suppression de la TVA sociale sera accompagnée par les fruits de la croissance. Les fruits de la croissance, les choses qui devaient aller beaucoup mieux devaient compenser les 9-10 milliards de la TVA supprimée, TVA sociale. Mais, compte tenu de la situation actuelle, nous voyons donc qu’en page 20 du ROB, il est précisé que la dynamique de croissance se stabilise.

Compte tenu de ce constat, on ne sait toujours pas comment vont être compensés les 10 milliards de recettes de la TVA sociale, dont vous persistez en page 74 à faire croire que la suppression aurait rendu du pouvoir d’achat aux Polynésiens et freiné l’inflation. Nous en avons beaucoup parlé en commission des finances — je crois que le Président n’était pas là, mais —, nous avons échangé avec le ministère des finances sur les retombées de ces fameux 10 milliards, 9 milliards redistribués, mais je puis vous dire notre surprise puisque le ministère des finances lui-même, comme ses conseillers, nous affirme qu’on n’a pas identifié exactement à ce jour les retombées de ces 9 milliards, qui a pu en bénéficier.

Par ailleurs, le rapport dit clairement que l’augmentation du PIB (Produit intérieur brut) en 2023 de 7 % s’explique — l’augmentation de notre richesse, le PIB — par 3 points de hausse en volume et de 4 points de hausse des prix. Ainsi, la création de valeurs ajoutées est donc contenue. Malgré les annonces, les dépenses en matière d’investissement public baissent. L’investissement public baisse de 4,9 %. Ceci donc doit certainement être lié à l’abandon du plan de relance et aux non-décisions en la matière de gouvernement. Là encore, on fait ou refait beaucoup d’études, on regarde, on étudie, on analyse.

Finalement, votre bilan en matière d’investissement public, il est résumé — et là encore, je cite votre document, le ROB, en page 71, avec le détail des immobilisations. Là, je cite votre rapport. « Pour 2024, les opérations significatives concernant notamment la construction du bâtiment administratif A3, la zone bio marine de Faratea, dont les travaux d’aménagement ont débuté, et la construction du pôle de santé mentale. » Trois opérations déjà engagées lors de notre époque. Même le secteur majeur de notre économie, qui est le tourisme, marque des signes de faiblesse. En effet, le chiffre d’affaires des entreprises se contracte de moins 2 % avec moins 3 % pour l’aérien et l’hôtellerie. Si le nombre de touristes augmente, de manière contradictoire, le nombre de touristes terrestres baisse, alors même que cette catégorie est celle qui rapporte le plus d’argent au pays.

Je note au passage, Monsieur le Président, que vous nous avez expliqué lors de votre discours d’ouverture de la session que vous n’aviez jamais parlé de compenser les transferts de l’État par 600 000 touristes. Je ne suis pas allé rechercher si vous l’aviez dit ou pas, mais vous l’avez bien écrit en page 112 de votre ROB, avec cette orientation qui est intéressante — je vous cite — « atteindre 600 000 touristes pour compenser les transferts de l’État ». Tel était bien donc l’objectif des 600 000 touristes, c’est compenser les transferts de l’État. Peut-être, je ne sais pas, que vous n’avez pas tout regardé ce ROB, mais il est écrit. Il est écrit.

Un autre élément — il est écrit à la page 112 —, un autre élément inquiétant, la baisse constatée du chiffre d’affaires des entreprises au premier trimestre 2024. Ceci va générer en 2025 une baisse des impôts directs comme l’impôt sur les sociétés, ce sont des signes de tassement de notre économie.

Par ailleurs, il est indiqué que les secteurs en hausse sont liés à des épiphénomènes comme les Jeux olympiques, ils n’ont donc pas vocation à perdurer. D’autres secteurs phares montrent des signes de déclin comme la perle, la nacre, l’huile de coprah. Le rapport indique même qu’il y a un ralentissement de l’emploi.

Chers collègues, l’ensemble de ces points sont des signes précurseurs de ce qui attend notre économie en 2025. Le mois de février et le mois de mars 2025 devraient mettre en exergue cela après l’enthousiasme ponctuel des fêtes. Mais on nous dit que tout va bien mieux.

Face à ces défis, une action politique déterminée et cohérente s’impose pour répondre aux enjeux cruciaux auxquels nous sommes confrontés. Il nous faut maintenant une action politique déterminée et cohérente. La réforme des secteurs stratégiques doit devenir une priorité immédiate afin de consolider l’indépendance économique du territoire. La diversification de l’économie, la promotion d’un tourisme plus résilient ainsi que le soutien aux investissements productifs doit être les fondements d’une stratégie ambitieuse et durable. Vous remarquerez que nous disons exactement la même chose que vous. Enfin, vous avez dit la même chose que nous, puisque vous êtes arrivés après nous. Mais vous comprenez aussi qu’en commission, en commission, tous, tous, nous attendions des actions concrètes qui vont dans le sens de ces idées.

Cependant, bien que des annonces aient été faites par le gouvernement en ce sens, il est regrettable de constater qu’à ce stade, ces engagements n’ont pas été traduits en actions concrètes, comme nous le disons. Donc, il est désormais temps, il faut dépasser les discours et agir avec force et détermination pour transformer ces promesses en réalisations tangibles au service du développement et de la prospérité de la Polynésie française.

En ce sens, la construction même de vos orientations stratégiques pour 2025 nous laisse songeurs. Vous reprenez la même construction que pour votre programme politique en trois volets, et on vient… le rapporteur, notre présidente de la commission des finances nous le rappellent : Fa'atura, Fa'aora, Fa'atupu (NDT, Respecter, Soutenir, Bâtir). Après 18 mois de présidence, votre Fa'atura (NDT, Respecter) ressemble de plus en plus à du désordre, je le disais tantôt. Le respect. Même nous, en prière, ici, dans cette assemblée, on garde notre couvre-chef. Les chapeaux sont toujours sur nos têtes lorsque nous prions le Seigneur dans cette assemblée. Le respect, le respect. Votre Fa'aora (NDT, Soutenir) prend la forme d’une utopie et votre Fa'atupu (NDT, Bâtir) se transforme de plus en plus en taxation. Votre inaction, votre irresponsabilité sont en train de faire apparaître un trou noir politique, c’est-à-dire un vide sidéral. Et pour notre part — et je crois que cette vision est partagée par votre ministre de l’économie et des finances —, c’est bien le Fa'atupu (NDT, Bâtir) la priorité, la seule priorité. Ce sont le soutien à l’économie, le soutien à l’emploi et la création d’entreprises qui garantiront la solidarité envers les plus démunis, qui garantiront notre système de protection sociale et de santé, et au final, ce qui nous permettra à tous de nous épanouir dans notre environnement culturel et naturel.

Nous avons un nouveau ministre volontariste qui ne manie pas la langue de bois, mais qui ne peut toujours pas nous présenter un plan précis en faveur de la baisse des prix et du pouvoir d’achat des ménages. Il nous a bien dit en commission que les marges de manœuvre étaient réduites pour faire baisser les prix. D’autre part, on nous parle encore d’augmentation de TVA. D’autre part, on nous parle encore d’excédent de recettes pour 2025. Mais il est impossible de faire baisser les prix, de faire baisser les taxes sur les produits consommés par les Polynésiens. Alors, vous nous proposez des actions comme la suppression des PPN et la négociation d’accords de modération avec les commerçants. Qu’est-ce que c’est que ça ? Pour compenser la suppression des PPN, vous proposez de permettre aux ménages les plus démunis d’utiliser l’ancienne carte Auti'a, rebaptisée Fa'atupu, pour qu’ils puissent continuer de bénéficier de l’ancien prix. Il faudra penser à l’essence aussi parce que lorsque vous baissez le prix de l’essence, tous les riches vont à la même station que les pauvres. Il faudra nous préparer aussi une carte, une carte pour que ces petits puissent continuer de bénéficier de l’ancien prix. Mais vous avez déjà fait le constat que votre usine à gages ne fonctionne pas, et certainement pas dans les îles. Je ne sais pas comment vous allez agir, comment vous allez faire. Et comme vous n’êtes pas à une contradiction près, vous allez d’ici la fin de l’année — on a entendu — augmenter la liste des PPN pour respecter vos engagements du 1er mai envers les syndicats. Or, le ministre nous a bien expliqué que sans suppression des PPN, donc de mise en place d’un système compensatoire pour les plus démunis, les accords de modération ne pourraient pas être signés. De surcroît, pour cette opération anti-PPN, vous allez pénaliser une autre catégorie de citoyens, ceux qui ne sont ni pauvres ni riches, ce qu’on appelle la classe moyenne, qui se sont déjà oubliés et qui représentent la plus grande part des consommateurs. Pour eux, la vie sans PPN sera une vie chère, plus chère, et c’est vrai qu'’il faudra bien que quelqu’un paye les réductions.

En matière de logements, qui est une autre priorité pour les Polynésiens et dont vous avez aujourd’hui la responsabilité, Monsieur le Président, vous en êtes encore au stade des belles paroles. Tout est résumé dans ce paragraphe de la page 98, et je vous cite : « Le premier axe de la stratégie qui consiste à produire des logements abordables s’inscrit dans une temporalité qui est nécessairement longue. Dans le domaine de l’immobilier, en effet, le temps est malheureusement plus long que celui des mandats politiques ». Et vous savez tous ici que nos compatriotes attendent du concret. Ils n’attendent pas des phrases creuses qui laissent entendre que vous êtes complètement dépassés. Les expulsés, les sans-logis, n’ont pas la même notion de temps que nous, que vous.

Sur le plan économique, vous nous annoncez en page 107 « vouloir mettre en œuvre la stratégie de développement économique 2023-2033 et le plan d’actions et de mesures en faveur de la croissance économique ». Je ne me souviens pas — je ne sais pas mes collègues —, mais je ne me souviens pas que notre assemblée ait été saisie pour approbation de cette stratégie dont la conception a été confiée en octobre 2023 à l’Agence de développement économique. (La sonnerie retentit pour dépassement du temps de parole.) Pourtant, à en croire un… — oui, Monsieur le président, une minute et demie, une. Pourtant, à en croire un communiqué du Conseil des ministres du 11 décembre 2023, cette stratégie devait être validée par le gouvernement pour la partager avec le Conseil économique social culturel de la Polynésie française, avec le CÉSEC, et pour la faire approuver par l’assemblée de Polynésie d’ici la fin du premier semestre 2024. Nous sommes au mois d’octobre. Nous allons vers la fin du second semestre. Après le second semestre, on revient au premier semestre, mais 2025 cette fois-là.

Nous sommes bientôt à la fin de l’année. Monsieur le Président, encore une illustration, la dernière, supplémentaire, de votre gouvernance par la communication et par l’action. Mais c’est vrai aussi, à force de vous déplacer autour du monde, à force de déverser des promesses sans suite, à force d’être responsable de rien — parce que si ce n’est pas vous, c’est nous, sinon c’est la France —, vous avez installé de l’inquiétude chez les Polynésiens et de la perte de confiance dans le monde de l’entreprise. Vous avez même réussi l’exploit à installer une inquiétude au sein du groupe majoritaire. Car il suffit d’entendre certains commentaires de désespoir parmi nos collègues représentants Tavini ici à l’assemblée, en commission et en séance plénière.

Mes chers collègues, le temps qui nous a été imparti pour ce débat d’orientation budgétaire ne nous permet pas de disserter sur toutes les thématiques. D’ailleurs, il faut arrêter de disserter. C’est dommage, car il y aurait sans doute beaucoup à dire, à commenter sur les propositions en matière de culture, d’éducation et de jeunesse. Mais vous avez bien saisi notre sentiment. Ce document, aussi fourni soit-il, car ce document est riche, je l’ai dit en commission. Ce document est riche, mais il ne reste qu’un catalogue dans lequel tout un chacun peut trouver à se satisfaire. Mais cela reste un catalogue sans véritable action concrète. Le débat d’orientation budgétaire est conçu pour que le gouvernement puisse accueillir les critiques et les propositions des élus, afin de mieux préparer son budget. Donc encore une fois, nous attendons avec impatience l’arrivée du budget. Mais comme le gouvernement est resté dans les généralités, dans les phrases vides de sens, nous voyons déjà mal quelles seront les véritables priorités retenues dans le budget 2025 du Pays. Le véritable malaise vu par nous, la minorité, est qu’il n’y a en fin de compte, et la commission de lundi et mardi de la semaine dernière l’a encore mise en exergue, il n'y a aucune cohésion, il n’y a aucune discussion, aucun dialogue entre votre gouvernement et votre majorité. Vous donnez l’impression d’être dans un rapport de force permanente, (Le président : « Veuillez conclure, abrégez. ») que vous vous épuisez sur des sujets tels que les essais nucléaires, tels que le néocolonialisme, le colonialisme qui vous usent, bien que vous unissant sur le plan stratégique, mais ne font pas avancer les promesses faites aux Polynésiens lors des dernières élections. Alors, nous attendons encore avec un peu de patience ce que vous allez nous proposer au prochain budget de ce Pays, mais je puis vous dire que notre souci avant tout, ce n’est pas que de critiquer, mais nous attendons, malgré tout, des choses concrètes de ce gouvernement.

Je vous remercie, Monsieur le président. Et pardon pour le temps.

Le président : Merci. J’invite maintenant l’intervenant des non-inscrits à prendre la parole. Nuihau Laurey.

M. Nuihau Laurey : Oui. Merci, Monsieur le président.

Vous avez demandé de ne pas être trop soporifique. Je pense qu’avec moins de neuf minutes, c’est jouable. Après, pour la répartition du temps de parole, ça sera moi et moi. Donc, ça devrait être relativement simple.

Avant tout, je souhaitais remercier le ministre pour son intervention synthétique. J’ai appris qu’on pouvait être synthétique et long en même temps. Merci pour la qualité des réponses et des échanges qui se sont tenus en commission, et surtout le respect qui a été accordé aux questions de la minorité.

Maintenant, ce débat constitue un exercice obligé de la session budgétaire. Il précède l’examen du budget et il permet au gouvernement de donner le cadre économique et budgétaire dans lequel il choisit de donner ses orientations et rappeler ses politiques sectorielles. Alors, c’est un exercice auquel un certain nombre d’entre nous sont relativement habitués, dont la fonction est celle que je viens de rappeler, mais qui présente bien sûr des limites, avec une présentation qui est souvent très théorique, parfois soporifique, comme le disait notre président de l’assemblée, avec des grandes lignes que tout le monde partage, évidemment, souvent. Dans le ROB, on enfonce souvent des portes qui sont déjà largement ouvertes pour aboutir en fin de compte à un document général, un peu technocratique, dans lequel on ne voit parfois pas vraiment des changements par rapport aux ROB précédents ou ceux d’avant, les techniciens et rédacteurs étant souvent d’ailleurs les mêmes.

Sur un plan plus politique, le rapport qui nous est proposé ne marque pas en fin de compte de rupture dans la gestion budgétaire et dans les grandes orientations en matière de politique publique, qu’il s’agisse de la transition énergétique, de l’autonomie alimentaire, de grands programmes d’investissement public dans le logement social. Le cap, comme le disait le ministre, reste inchangé.

Ceci dit, c’est le second budget du gouvernement et nous serons quasiment à mi-mandat dans six mois. Cela fera deux ans qu’une nouvelle majorité conduit la politique générale du Pays, sachant que les neuf, douze derniers mois d’un mandat sont plus ou moins entièrement consacrés à la campagne électorale suivante.

En réalité et factuellement, aucun changement majeur n’a été acté jusqu’à présent et ce rapport s’inscrit finalement dans cette continuité. Alors c’est vrai que la taxe sociale a été supprimée ; mais sans plan de substitution préparé, elle a conduit à une dégradation immédiate de l’équilibre des comptes de la PSG qui est aujourd’hui directement financée par le budget du Pays, rendant la réforme urgente, cruciale même, et pourtant aucune réforme n’a à ce jour été actée. Bien sûr les taxes sur les produits sucrés vont augmenter, certes, comme les taxes sur l’alcool. Le tabac, comme ils ont augmenté régulièrement durant la dernière décennie, je crois que la taxation moyenne des tabacs avoisine les 1 000 %, 600 % en moyenne pour les alcools. Le ministre me dit que c’est au-delà même et je veux bien le croire. Donc l’assemblée reste toujours dans l’attente de cette réforme pour la santé, la retraite, l’hôpital et tous les aspects importants de notre politique sanitaire.

En matière fiscale, la réforme deux fois retoquée, a simplement consisté en une série d’augmentation d’impôts, de suppression d’abattements, ceci dans un contexte de ralentissement économique et de sur fiscalisation de notre société, comme le rappelait à juste titre le ministre, 80 impôts et taxes pour un pays de 280 000 habitants, ce serait à l’échelle d’un pays comme la France équivalent de 16 000 impôts et taxes. Il est plus que temps d’inverser cette tendance lourde et de réduire la pression fiscale, notamment sur les petites et moyennes entreprises qui pourront de moins en moins générer de l’activité et créer de l’emploi dans un contexte aussi contraignant, sans même parler des lourdeurs administratives que nous subissons tous. Pas uniquement de la faute des fonctionnaires, mais de la nôtre, nous élus, qui votons des lois sans en mesurer parfois les conséquences pour les citoyens, que nous sommes pourtant censés représenter le temps d’un mandat.

Les éléments budgétaires communiqués dans le présent rapport montrent encore une fois le caractère de plus en plus contraint du budget, les dépenses obligatoires progressant davantage que la croissance économique, la masse salariale de notre fonction publique notamment, le remboursement de la dette post-Covid aussi avec un quasi doublement de l’encours du Pays.

S’agissant de la dette, je rappelle qu’elle a doublé durant la période du Covid par rapport à sa moyenne historique de 70, 80 milliards. Même si cet endettement ne se situe pas à un niveau d’alerte rapporté aux PIB notamment, nous voyons cependant que les charges incompressibles du Pays rendent un désendettement compliqué à mettre en œuvre sereinement. J’en veux pour preuve des allers-retours récents entre remboursement anticipé et réendettement pour financer des investissements prioritaires pour le Pays. Finalement, à l’approche du mi-mandat, il est clair que les tentatives de désendettement seront de plus en plus espacées et timides.

Le second point concerne les dépenses obligatoires. Je l’ai indiqué, aujourd’hui, celles-ci représentent à peu près 70 milliards, soit près de 60 % des dépenses de fonctionnement. Ce qui veut dire que près de 60 % du budget est donc préempté dès qu’il est voté, réservé lors de son adoption, limitant d’autant la capacité du Pays à mettre en œuvre de vraies politiques sectorielles, notamment dans des domaines où le coût de la transformation est important — je pense notamment à la transition énergétique, à l’autonomie alimentaire, pour ne citer que celles-là. Objectivement, ce chiffre est même considérablement sous-estimé, car de nombreuses dépenses n’ayant pas le caractère de dépense obligatoire, sont pourtant non pas obligatoires au sens de la loi organique, mais impératives en termes de gestion opérationnelle. Un exemple d’actualité, puisque nous l’examinerons durant cette séance, la subvention d’équilibre de 3 milliards à notre compagnie ATN n’est pas une dépense obligatoire. Mais si elle n’est pas actée, c’est un arrêt d’exploitation de la compagnie dans un délai de quelques mois qui serait à craindre. Elle n’est donc pas obligatoire, mais ô combien impérative. Et cet exemple peut être appliqué au CHPF, à l’OPH et à d’autres satellites. Et pour reprendre les propos du ministre de l’économie en commission, la gestion des satellites du Pays, avec le temps, devient un risque systémique en devenir.

Au-delà des présentations théoriques, parfois répétitives, du ROB, je pense qu’il devient crucial d’agir fortement sur les dépenses publiques, masse salariale en tête, et donc de mettre en œuvre une réforme courageuse du Pays et de ses satellites, dont les comptes sont pour beaucoup en perdition, et cela sans attendre un énième rapport de la CTC qui va nous rappeler les dérives, que ce soit celles de l’OPH ou de l’OPT, pour ne citer que cela. Depuis le début de cette mandature, ce ne sont pas moins de trois audits qui nous ont été indiqués avoir été lancé à l’OPH. Où en sont-ils aujourd’hui ? Seront-ils présentés à la représentation ? Ou ne servons-nous qu’à valider les demandes de subvention pour réparer les erreurs ou retarder telle ou telle réforme ? Et malheureusement, et c’est souvent le cas, les audits ne conduisent pas à des réformes, mais à l’enterrement des réformes.

Pour nous, et pour éviter que cette mandature soit une mandature perdue, il est plus que nécessaire que le gouvernement active sans tergiverser les réformes de fond que le Covid et ses implications ont rendu impératif. Je parle encore une fois du doublement de la dette et de l’inflation explosive enregistrée entre 2021 et 2023, avec des prix et un coût de la vie rendu aujourd’hui impossible pour beaucoup de ménages.

Réduire les dépenses publiques inutiles — et elles sont nombreuses —, diminuer la pression fiscale — encore une fois 80 impôts et taxes qui pèsent sur tous les citoyens et les entreprises —, et engager un choc de simplification de notre lourde et pesante bureaucratie sont pour nous des actions impératives qui doivent aiguiller toute l’action publique et donc les choix budgétaires que nous espérons voir se matérialiser dans le projet de budget que vous nous soumettrez bientôt. Si c’est le cas, nous le soutiendrons, même si, pour l’instant, ce rapport d’orientation budgétaire ne nous donne pas beaucoup d’indices prometteurs sur ces différents points.

Je vous remercie.

Le président : Merci.

Est-ce qu’au niveau du Tavini huiraatira, il y en a qui veulent s’exprimer ?

Hina.

Mme Hinamoeura Morgant : Merci, Monsieur le président.

Puisqu’il nous reste du temps, je voudrais m’exprimer également.

Contrairement à ce qui a pu être dit par Monsieur Édouard Fritch, personnellement, le fait nucléaire ne m’use pas, en tout cas pas encore. Je suis plus usée par la politique que par ce combat auquel je dédie ma vie.

J’ai quelques points que j’aimerais soulever concernant le ROB, notamment la reconnaissance des victimes des bombes nucléaires à des fins expérimentales. Je n’ai pas pu être présente durant la commission, je m’en excuse, j’avais d’autres obligations ailleurs et je vais essayer d’être le plus claire possible, mais je m’excuse d’avance parce que j’ai à peine dormi 2 heures, je suis rentrée ce matin. Donc je vais vraiment... n’hésitez pas à me demander d’être plus claire si je ne le suis pas.

Donc, page 89-90, « Orientation : reconnaître les victimes des bombes nucléaires à des fins expérimentales. » Je voulais savoir, puisque vous dites que « le premier geste consiste à construire un statut des victimes des essais nucléaires. », qu’est-ce qu’une victime des essais nucléaires ?

Je m’explique également en vous donnant l’exemple : je suis atteinte d’une leucémie depuis maintenant 11 ans. Je me considère comme une victime des bombes nucléaires puisque dans ma famille on a eu beaucoup de maladies radio-induites. Monsieur Fritch nous disait qu’il était atteint d’une maladie, mais lui ne se considère pas comme une victime puisqu’il a fumé la cigarette pendant plusieurs années. Cela a été le cas aussi de mon grand-père, d’ailleurs le cancer du poumon l’a emporté, mais, pendant qu’on était en chimio, il y avait aussi une autre personne qui lui était atteint d’un cancer du poumon et qui n’a jamais touché une seule fois une cigarette, qui ne buvait pas d’alcool, qui était en forme, qui avait à peine 40 ans, qui, lui aussi, était atteint d’un cancer du poumon qui était plus grave. Et donc, j’aimerais que l’on mette un peu un cadre autour de cela.

Ensuite, deuxième question, le soutien financier aux associations. Je vois « aux associations spécialisées. » Ma question, là, c’est sous quelle forme ? De quelles sommes on parle ? Également quelles associations ? En quoi cela va les aider ? Parce que, j’aimerais soulever, suite à des réunions qu’on a eues dans cette assemblée sur le fait nucléaire, est-ce qu’on va soutenir une association qui avait, par exemple, traité une de nos collègues de travail d’assassin ? On se souvient, il y a quelques années, d’une pancarte où il y avait écrit « Tetuanui, assassin ». Est-ce que c’est ce type d’association que l’on va soutenir, nous, notre Assemblée, nous, notre gouvernement ? Je viens sur ce point parce que mon souhait vraiment est que l’on dépolitise. Je pense que tout le monde est d’accord que l’on arrête de se critiquer, que l’on arrête de faire éveiller la haine, que l’on puisse être tous unis parce qu’en fait, de quoi on a l’air devant la France si, en plus, on s’insulte ? D’ailleurs, je remercie le président de la commission des institutions qui est en train d’effectuer des réunions sur le fait nucléaire. Et durant une de ces réunions avec le parti autonomiste du Tapura, il y avait eu une remarque qui était « est-ce que vous pouvez, vous, Tavini, arrêter de nous critiquer tout le temps ? Vous rabâchez, vous avez nana, vous avez ceci. », et je suis complètement d’accord. Est-ce que l’on peut être unis sur le sujet et arrêter de repartir en arrière de qui a fait quoi, qui a participé ? Et je pense que tout le monde est d’accord dans ce gouvernement.

J’en viens d’ailleurs à vous dire que peut-être qu’on est en dessous de la France et que ce sont eux qui mènent le jeu, mais on a de bonnes cartes. La première carte, déjà, que je vous avais partagée il y a deux semaines, c’était le montant des dépenses que la France avait payé pour nettoyer la Seine, le fleuve : 167 milliards en juillet 2024 ! Là, j’ai envie de vous partager une autre dépense que la France effectue, et ce sont les dépenses allouées à la dissuasion nucléaire qui n’ont cessé d’augmenter depuis 2019. En 2019, on était à 531 milliards de francs CFP pour les têtes nucléaires de la France par an. En 2023, c’est passé à 668,266 milliards. Et donc, en 2023, toutes les minutes, la France a dépensé pour le nucléaire 1 271 000 francs. Donc, en fait, tout cela pour vous dire que les cartes sont entre nos mains. On a aussi la possibilité de leur demander plus.

Je vais profiter et je vais conclure pour vous parler aussi de ce qui est en train de se passer dans une assemblée chère au cœur de notre président de l’Assemblée, les Nations Unies. En ce moment, il y a la première commission qui est réunie. Donc, c’est la commission sur toutes les questions de désarmement et de sécurité internationale. La Nouvelle-Zélande et l’Irlande — si j’ai bien retenu — s’apprêtent à voter une résolution sur l’impact d’une guerre nucléaire et la recherche scientifique. Elle a pour projet la création d’un groupe d’experts, de 21 experts scientifiques, chargés de mener une nouvelle étude sur les impacts de la guerre nucléaire pour actualiser des données des Nations Unies qui datent de 1985. Ce groupe serait donc chargé d’examiner les effets physiques et les conséquences sociétales d’une guerre nucléaire à l’échelle locale, régionale et planétaire, les effets climatiques, environnementaux et radiologiques, ainsi que les impacts sur la santé publique, les systèmes socio-économiques. Et je pense qu’on est tous d’accord ici que l’on a besoin d’une telle étude après, en tout cas, ce qui nous est arrivé pendant 30 ans.

Et donc, mon message : j’ai appris que la France comptait rejeter et n’est pas favorable à cette résolution, et là, je suis un peu choquée, Monsieur Emmanuel Macron, parce que vous avez parlé en 2021 de transparence. Et donc, pourquoi être contre une résolution qui permettrait d’apprendre plus sur l’héritage des essais nucléaires ?

Merci, Monsieur le président.

Le président : Merci.

Je cède la parole au ministre des finances ou au Président du pays pour répondre aux interventions respectives.

M. Moetai Brotherson : Oui, merci à tous les intervenants.

Merci aux non-inscrits qui ont fait une intervention structurée et relativement constructive.

Faut-il dire merci au président Fritch de nous ressortir la même chanson à chaque fois ? Je ne sais pas. J’ai l’impression de revenir en 2004 où on annonçait le marasme dès que le Taui était là. C’est le même disque rayé qu’on nous ressort à chaque fois. Simplement, sur certains points, il faudrait qu’il remette à jour ses fiches, notamment sur l’énergie thermique des mers. Oui, il y a eu des études qui ont été faites en 2010. Il y a eu effectivement ce projet pilote de Naval Group qui, de manière complètement incompréhensible, s’est fait à la Réunion, là où il y a un plateau continental et où il n’y a pas la déclivité que l’on a chez nous et qui est propice à la mise en place de ces technologies. Il faudrait, Monsieur Fritch, remettre à jour vos fiches. Le projet dont on parle ici n’est pas du tout du même type de ceux qui étaient envisagés en 2010, puisqu’il s’agissait de plateformes offshore avec une technologie non maîtrisée sur la construction des tuyaux qui servent à la remontée de l’eau froide. Ce dont on parle aujourd’hui, ce sont des projets onshore qui capitalisent sur l’expérience qu’on a aujourd’hui sur les SWAC. Les 3 SWAC qui ont été installés en Polynésie sont des projets de type onshore, avec un ancrage du tuyau le long de la pente de l’île et non pas un tuyau qui flotte comme ça sur une plateforme offshore.

Je comprends que Monsieur Fritch soit un fan de la théorie du ruissellement, surtout quand cela ruisselle sur ses amis. Nous, nous sommes fans de l’activité économique, d’une fiscalité productive, mais équitable. Je crois que notre ministre des finances, effectivement, est un libéral, et ce n’est pas une maladie honteuse, mais c’est un libéral qui a également le souci de l’équité, de la justice sociale et de la justice fiscale.

Ensuite, pour ce qui concerne la carte Fa'atupu, là aussi il faudrait remettre à jour les fiches. Ce qui est envisagé, c’est effectivement un transfert de ce qui est aujourd’hui les PPN vers cette carte qui permettra de cibler à la fois les produits et les publics. Il y a des écueils technologiques qui doivent être résolus. Il y a aussi une organisation qui n’est pas adaptée aujourd’hui, puisque, vous le savez, la carte Fa'atupu est portée administrativement et financièrement par un outil, qui est la CPS. Et demain, la carte Fa'atupu si on veut l’étendre à la possibilité pour les gens les plus défavorisés de faire leurs courses avec, il faudra certainement prévoir une évolution vers une gestion par un GIE ou une structure plus adaptée que la CPS.

Voilà, mais bon, c’est toujours la même chanson, donc je passe le relais au ministre de l’économie et des finances.

M. Warren Dexter : Merci à tous pour vos observations.

En réponse, je voudrais juste dire que je ne comprends pas très bien le positionnement du président Fritch, puisqu’il nous dit qu’en 18 mois, il n’y a pas d’action et quand on propose des actions, des accords de modération et tout ça, il dit que ce n’est pas bien. Donc qu’il nous laisse la chance d’expérimenter cela et on fera un bilan dans un an.

Merci. C’était tout.

M. Moetai Brotherson : Je n’ai pas apporté les éléments à Hinamoeura qui avait en substance deux questionnements. Le premier, c’est sur le statut polynésien de victime des essais nucléaires. En fait, si j’ai bien compris la question, c’est comment est-ce que l’on définit ? Comment est-ce que l’on définit ? C’est toute la question que l’on aura à débattre ensemble. Aujourd’hui, la seule définition qui existe, c’est celle qui découle de la loi Morin et qui est examinée par le CIVEN. Cette analyse-là, c’est la seule dont on dispose aujourd’hui. Toi, comme nous tous, je pense qu’on n’est pas d’accord avec ce carcan qui nous limite sur la définition de ce qu’est une victime des essais nucléaires. Donc nous, aujourd’hui, on a des idées et il faudra que l’on en discute tous ensemble pour justement définir ce que nous, Polynésiens, nous entendons par victime des essais nucléaires. Va-t-on inclure les victimes collatérales qui ne sont pas aujourd’hui reconnues par la loi Morin ? Va-t-on inclure les victimes de maladies qui ne sont pas aujourd’hui sur la liste des maladies radio-induites ? C’est à nous de le définir, et c’est cette liberté-là que l’on veut prendre.

Ta deuxième question portait sur les subventions accordées aux associations. Ces subventions, c’est une première dans l’histoire de notre pays. C’est la première fois que l’on soutient les associations qui œuvrent en faveur du nucléaire. Elles n’ont pas l’habitude, en fait. Elles ont tellement eu l’habitude que le gouvernement, ces 10 dernières années, leur tape dessus, qu’au début on n’a pas eu de demande. On n’en a eu qu’une cette année à hauteur de 5 millions qui a été accordée à l’Association 193. Ces demandes font l’objet d’un projet qui est présenté, et un projet structuré. Ils ne demandent pas juste 5 millions et on leur donne 5 millions ! D’ailleurs, ces subventions passent à la CCBF. C’est instruit par la DSCEN qui examine, on va dire, la pertinence du projet et qui ensuite transmet le dossier avec un avis au Conseil des ministres qui accorde ou pas ces subventions.

Pour les inscriptions pour cette année, le budget qui avait été prévu l’an dernier était de 30 millions au total pour les associations. On l’a réduit puisque, pour l’instant, cela ne se bouscule pas au portillon. On a eu l’Association 193. On encourage toutes les associations qui veulent vraiment œuvrer pour le nucléaire à se manifester. On les connaît toutes. Je n’ai pas le souvenir de cette association que tu cites. Je ne sais pas laquelle c’était.

Mme Hinamoeura Morgant, hors micro : Tu viens de le dire.

M. Moetai Brotherson :  Pardon ?

Mme Hinamoeura Morgant, hors micro : Tu viens de la nommer.

M. Moetai Brotherson : D’accord. Moi, je ne juge pas les associations sur une banderole. Je juge les associations sur les actions qu’elles font et sur le projet qu’elles présentent. Et le projet qui a été présenté par l’Association 193 mérite d’être soutenu. Si d’autres associations qui ne font pas de banderole viennent demain demander des subventions et qu’elles ont un projet qui mérite d’être aidé, elles seront aidées.

Le président : Merci.

Ayant terminé avec le ROB, le débat est clos.



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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