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Rapport n° 109-2024 relatif à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi relatif à la résilience des activités d'importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier

Paru in extenso au JOPF n° 24 NA du 06/01/2025 à la page 207

Rapport n° 109-2024 relatif à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier


Présenté par M. le représentant Tevaipaea Hoiore

Le président : On poursuit notre séance avec les avis.

Je vous invite à vous reporter au rapport 109 relatif à l’avis de l’assemblée sur le projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier.

Je cède la parole au rapporteur du rapport de présentation. Tevaipaea Hoiore, vous avez la parole.

M. Tevaipaea Hoiore : Merci bien, Monsieur le président. Je vous renouvelle mes salutations.

Par lettre n° 230/DIRAJ du 10 mai 2024, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a soumis pour avis à l’assemblée de la Polynésie française, un projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier.

Créé en 2006 en métropole, le dispositif de sécurité des activités d’importance vitale (SAIV) est mis en place afin d’assurer la protection d’opérateurs (publics ou privés), identifiés comme indispensables pour la continuité d’activité de la Nation, contre tous actes malveillants (terrorisme, sabotage, cyberattaque) et les éventuels risques naturels, technologiques ou sanitaires.

Une activité qualifiée « d’importance vitale » concourt à la production et à la distribution de biens ou de services indispensables à l’exercice de l’autorité de l’État, au fonctionnement de l’économie, au maintien du potentiel de défense ou à la sécurité de la Nation. Par nature, ces activités sont difficilement substituables ou remplaçables. On distingue 12 secteurs d’activités d’importance vitale, dont l’alimentation, l’énergie, les finances, etc. Actuellement, plus de 300 opérateurs ont été identifiés, dénombrant un peu plus de 1 500 points d’importance vitale, qui sont les établissements, ouvrages ou installations indispensables à la vie de la Nation.

L’objectif du présent projet de loi vise donc à augmenter de manière significative les mesures de protection avec la mise en place de plans de contingence pour les activités de ces opérateurs d’importance vitale, fournissant un « service essentiel », au sens de la réglementation européenne. Pour ce faire, ce projet de texte transpose trois directives européennes connexes, qui offrent un socle minimal commun à tous les opérateurs de l’Union européenne. La transposition s’inscrit ainsi donc dans une politique de résilience globale et cohérente ; celle-ci s’accompagne également de dispositions complémentaires.

En ce qui concerne la Polynésie française, plusieurs observations sont à émettre.

D’abord, les directives européennes à transposer concourent à des missions relevant de la Défense nationale et donc, de la compétence de l’État. Cependant, bien qu’elles y soient applicables de plein droit, l’État n’a pas précisé lesquelles tendaient à s’appliquer à la Polynésie française.

De plus, bien qu’il soit aisément compréhensible que les opérateurs indispensables au fonctionnement de l’économie ou de la société nationale soient encadrés par l’État, une certaine opacité demeure concernant les opérateurs indispensables à l’économie et à la société polynésienne. De même, puisque l’État ne fournit pas la liste des opérateurs d’importance vitale (OIV) locaux, il apparaît ardu d’apprécier les conséquences des dispositions du projet de loi sur les entreprises polynésiennes qui pourraient éventuellement être concernées, alors même qu’il est possible que des contraintes lourdes et coûteuses leur soient opposées.

Enfin, des observations sont à soulever et tendent une fois de plus à s’appliquer au présent projet de texte. Celles-ci rejoignent les réserves et recommandations déjà émises par l’assemblée de la Polynésie française en matière d’intelligibilité du droit. Ici, l’État ne fournit ni la version consolidée des textes concernés ni la liste des opérateurs d’importance vitale, ce qui ne permet pas de mesurer les impacts en Polynésie française. Aussi, il est à nouveau demandé aux autorités de l’État la transmission d’une version consolidée des textes et codes intervenant dans les matières relevant de la compétence de la Polynésie française.

Il est à noter qu’au niveau national, ce projet de loi a été pris en Conseil des ministres le 15 octobre 2024.

Au regard de ces éléments, la commission de l’économie, des finances et du budget, réunie le 15 octobre 2024, propose à l’assemblée de la Polynésie française d’émettre un avis défavorable au projet de loi présenté.

Merci bien.

Le président : Pour le rapport de présentation, donc la discussion générale, la conférence des présidents a prévu un temps de parole de 60 minutes, réparti comme suit : Tavini, 36 minutes ; Tapura, 15 ; non-inscrits, 9.

J’invite l’intervenant des non-inscrits à prendre la parole.

M. Nuihau Laurey : Oui. Merci, Monsieur le Président.

Ça sera un avis rapide parce que ce n’est pas la première fois qu’on est confronté à des demandes d’avis comme celui-là. On a même été parfois sollicité d’avis pour lesquels les décisions avaient déjà été prises. Donc là, c’est plutôt... on va plutôt dans le bon sens. Par contre, le texte qui nous est présenté fait, je crois, une cinquantaine de pages. La loi a été accompagnée d’une étude d’impact de près de 400 pages, sans analyse préalable, en plus dans une procédure d’urgence. Donc, l’assemblée n’est pas en capacité de donner un avis éclairé sur un texte lorsque l’État ne nous fournit pas les informations pour produire cet avis. Donc l’avis défavorable qui est rendu, nous le partageons.

Le président : Merci. On poursuit la discussion générale avec l’intervenant du Tavini huiraatira. Qui prend la parole au nom du Tavini ?... Oui, Edwin.

M. Edwin Shiro-Abe Peu : Merci, président.

À toutes et à tous qui sommes réunis cet après-midi pour l’examen de nos dossiers, mes salutations. Bonjour tout le monde.

Notre assemblée est saisie pour avis concernant les projets d’ordonnance relatifs au renforcement des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que la…

Mme Thilda Garbutt-Harehoe : Excusez-moi. Excusez-moi, on se trompe de texte.

M. Mike Cowan : Excusez-nous, Monsieur le président. C’est moi qui vais prendre l’intervention.

Le président : Mike, vous avez la parole.

M. Mike Cowan : Monsieur le Président, Madame la vice-présidente, Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs les représentants, chers élus, bonjour.

Notre assemblée est sollicitée pour donner un avis concernant la cybersécurité, la résilience des activités d’importance vitale, la protection des infrastructures critiques et la résilience opérationnelle du secteur financier.

À l’heure où les menaces numériques et physiques ne cessent de croître, où chaque jour amène son lot de nouvelles vulnérabilités, il est clair que nous devons renforcer la protection de nos infrastructures essentielles. Cela ne fait aucun doute. Mais ce qui nous interpelle ici, ce sont les réalités concrètes de la mise en œuvre de ce projet sur notre territoire polynésien.

La cybersécurité est un enjeu majeur de notre temps. Personne ici ne remettra en cause la nécessité de sécuriser nos systèmes d’information vitaux. Les attaques cybernétiques ne sont plus une menace lointaine, elles sont une réalité à laquelle nous devons nous préparer dès maintenant. Cependant, les obligations que ce projet de loi veut imposer aux opérateurs d’importance vitale, aux IV, méritent qu’on s'arrête un instant.

Des plans de sécurité, des mesures de crise, tout cela est louable, mais l’État ne nous permet pas d’accéder à la liste des opérateurs concernés ici en Polynésie française. Comment donc évaluer l’impact d’un projet si nous ne connaissons pas son identité ? C’est un point fondamental. Sans cette transparence, nous restons dans le flou total. Il est impensable que l’État nous impose des obligations aussi lourdes à nos entreprises sans qu’il n’y ait une communication claire sur ce que cela implique pour elles.

En Polynésie, nous savons que nos entreprises sont fragiles, que nos ressources sont limitées. Ces mesures, en apparence indispensables, risquent de leur imposer des charges démesurées. Comment nos entreprises locales, avec leurs moyens limités, pourront-elles financer toutes ces obligations sans accompagnement clair de l’État ?

Et puis, il y a la question des compétences. Nous savons que certaines des matières touchées par ce projet relèvent de la compétence de notre Pays : l’économie, la santé, les affaires sociales. Pourtant, le texte ne clarifie pas suffisamment comment ces compétences seront respectées. Il y a une confusion entre ce qui revient à l’État et ce qui est du ressort de notre collectivité.

Mes chers collègues, cela pose un réel problème de gouvernance. Nous ne pouvons accepter des lois dont l’application est si floue et incertaine. Il en va de notre responsabilité en tant qu’élus, garants des intérêts de notre Pays.

Et cela m’amène à un autre point crucial : l’impact économique. Comment demander à nos entreprises polynésiennes de supporter le poids de ces nouvelles obligations en matière de cybersécurité sans aide ni soutien ? Comment leur imposer une telle charge administrative et financière sans les préparer, ni les accompagner ?

Il est de notre devoir de veiller à ce que nos entreprises ne soient pas sacrifiées sur l’autel d’une législation qui n’a pas été suffisamment pensée pour notre réalité locale.

Il est important de rappeler ici que la complexité législative n’aide en rien. L’État nous soumet des textes que nous peinons à comprendre dans leur intégralité. Et ce projet de loi n’échappe pas à cette règle. Nous sommes soumis à des textes incomplets, mal consolidés, difficilement lisibles. C’est un problème récurrent pour notre pays où la spécialité législative devrait pourtant nous garantir des lois adaptées à nos spécificités.

Alors que demandons-nous aujourd’hui ? Nous ne rejetons pas en bloc ce projet de loi, car nous comprenons l’importance des enjeux. Ce que nous demandons, c’est plus de transparence, plus de clarté et plus d’adaptation à nos réalités polynésiennes. Que l’État nous communique clairement les opérateurs concernés, que le partage des compétences soit éclairci, que des mesures spécifiques pour la Polynésie soient intégrées au texte, et surtout que nos entreprises locales soient soutenues dans cette transition nécessaire vers une meilleure sécurité numérique.

Que l’État nous communique clairement les opérateurs concernés, que le partage des compétences soit éclairci, que des mesures spécifiques pour la Polynésie soient intégrées au texte et surtout que nos entreprises locales soient soutenues dans cette transition nécessaire vers une meilleure sécurité numérique.

Mes chers collègues, l’enjeu est de taille, nous devons protéger nos infrastructures, c’est une évidence, mais nous devons le faire de manière juste, adaptée et réfléchie. C’est pourquoi je vous appelle à défendre un cadre clair, transparent et véritablement en phase avec les réalités de notre territoire. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la cyber sécurité de nos infrastructures, c’est aussi l’avenir de nos entreprises, de notre économie et de notre souveraineté.

Merci bien.

Le président : Merci Mike.

J’invite l’intervenant du Tapura huiraatira. Yseult.

Mme Yseult Butcher-Ferry : Merci, Monsieur le président.

Madame la vice-présidente, Monsieur le ministre, mes salutations en cet après-midi.

Indépendamment de l’intérêt majeur et ô combien stratégique que revêt ce projet de loi transmis par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, s’agissant du dispositif de sécurité des activités d’importance vitale (SAIV) réparties en douze secteurs, la représentation territoriale se voit une nouvelle fois contrainte de rendre un avis défavorable au texte qui lui est proposé.

Non pour une question de fond qui se résume à envisager un renforcement des mesures de protection des sites concernés, ce qui est parfaitement légitime en ces temps de plus en plus troublés sur la scène internationale. Mais, plutôt symboliquement, afin d’exprimer notre mécontentement sur la manière dont les autorités de l’État communiquent avec les élus que nous sommes. Or, en l’état actuel des choses, pour reprendre les propos de la directrice de la DGAE, nous ne disposons pas des moyens d’appréhender correctement les conséquences d’un tel texte.

Aussi, « bien qu’il soit compréhensible que les opérateurs indispensables au fonctionnement de l’économie ou de la société nationale soient encadrés par l’État, il s’avère que concernant les opérateurs indispensables à l’économie et à la société polynésienne, une certaine opacité quant à leur encadrement demeure », peut-on lire dans l’avis qui sera transmis.

Plus grave encore, ce projet de loi devant être examiné par les deux chambres à Paris avant le 17 octobre, alors même que nous l’avons étudié en commission le 14, notre avis n’a aucune chance d’être pris en considération par les parlementaires en métropole. Ce qui est regrettable !

Face à un tel manque de considération, l’assemblée ne peut qu’adopter une posture défavorable et croyez- bien que nous en sommes navrés.

Je vous remercie de votre attention

Le président : Merci.

La discussion générale est maintenant close.

Monsieur le ministre.

M. Warren Dexter : Merci président.

Je pense que tout a été dit dans les 3 interventions. Vous avez devant vous un projet de loi qui vise un peu à protéger davantage les activités d’importance vitale, les infrastructures critiques, la cyber sécurité, la résilience opérationnelle numérique dans le secteur du financier. On a envie d’applaudir et c’est bien, on a besoin de plus de protection dans un monde qui est de plus en plus aléatoire et dangereux. Sauf que la vérité, vous avez l’occasion de le dire, c’est qu’on n’arrive pas à mesurer les vrais impacts de ce texte sur la Polynésie, parce qu’encore une fois, l’État nous saisit en urgence pour traiter cela en quelques jours, sans même nous envoyer ce qu’on appelle les documents de travail, tableaux comparatifs qui permettraient vraiment de savoir qu’est-ce que l’on ajoute et qu’est-ce que l’on retire.

Donc, effectivement, on vous propose un peu contraint et forcé, et de manière symbolique, d’émettre un avis défavorable, non pas sur le fond, parce qu’encore une fois, on ne le connaît pas, mais c’est sur la forme. Cette façon de nous saisir en urgence et sans nous donner les moyens de bien vérifier. Parce que, je peux vous dire qu’à chaque fois, c’est un vrai casse-tête pour la DGAE. C’est un agent qui est à temps plein dessus et qui passe des heures à essayer de retrouver des informations sur Internet, c’est horrible quoi ! Je ne comprends pas que l’État ne nous entende pas parce que, encore une fois, ce n’est pas la première fois que l’on a émis ces réserves.

Merci.

Le président : Merci, Monsieur le ministre.

Nous passons à l’examen de l’avis. Y a-t-il des intervenants sur cet avis ? S’il n’y a pas d’intervenant, je mets aux voix l’avis défavorable : à l’unanimité ? Très bien, l’avis est adopté. 



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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