Rapport n° 118-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l'exercice 2023 de l'Établissement public Vanille de Tahiti et affectation de son résultat Paru in extenso au JOPF n° 2 NA du 20/01/2025 à la page 417
| Rapport n° 118-2024 relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l'exercice 2023 de l'Établissement public Vanille de Tahiti et affectation de son résultat Présenté par M. le représentant Tevahiarii Teraiarue Procédure d'examen simplifiée Le président : Pour terminer avec l’examen de nos dossiers du jour, je vous invite à poursuivre avec le rapport 118. Rapport no 118, en rapport avec l’ÉPIC vanille et son compte financier de l’exercice 2023. Et j’invite Tevahiarii à présenter le rapport de l’ensemble. M. Tevahiarii Teraiarue : Merci, Monsieur le président. À toutes et à tous, recevez mes salutations en cet après-midi. Par lettre no 5798/PR du 11 septembre 2024, le Président de la Polynésie française a transmis aux fins d’examen par l’assemblée de la Polynésie française, un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2023 de l’établissement public Vanille de Tahiti et affectation de son résultat. Cet établissement a vocation à intervenir par toute opération au développement de la vanille produite en Polynésie française, notamment en matière de production, de transformation, de contrôle qualité, de recherche-développement, de soutien aux acteurs de la filière, de commercialisation et de promotion. S’agissant des faits marquants de l’année 2023 : – Une baisse du volume produit de vanille mûre, de 1,8 %, principalement due au phénomène climatique El Niño qui a affecté les exploitations de vanille. – Les ventes de vanilles mûres, réalisées pendant les journées de vente organisées par l’établissement et en dehors de ces journées, générant 509,137 millions F CFP avec un prix moyen du kilo à 12 500 F CFP. – La poursuite de plusieurs opérations, telles que la surveillance et l’identification de nouvelles maladies, la conservation de la diversité des vanilliers et la sélection de nouvelles variétés, le contrôle sanitaire des pépinières, etc. – L’attribution de 21 aides agricoles, pour un total de 440 aides attribuées depuis 2018. – La réalisation de 5 sessions de formations au brevet de préparateur de vanille permettant ainsi à 63 futurs préparateurs de se voir attribuer ce brevet. – La participation à diverses opérations promotionnelles menées en 2023, telles que des concours. S’agissant de l’exécution budgétaire 2023 Concernant la section de fonctionnement, les recettes s’élèvent à plus de près de 427 millions F CFP et les dépenses s’élèvent à près de 399 millions F CFP en 2023. Concernant la section d’investissement, les recettes représentent plus de 112 millions F CFP et les dépenses s’élèvent à plus de 66 millions F CFP. Le résultat global du compte financier de l’établissement présente donc un résultat excédentaire de plus de 74,5 millions F CFP, augmentant le fonds de roulement de l’établissement qui passe de Le résultat d’exploitation de cet exercice, soit un excédent de 28,077 millions F CFP, est affecté au crédit du compte 1068 – « Autres réserves ». S’agissant des travaux en commission. Examinée par la commission de l’agriculture et des ressources marines, le 30 octobre 2024, le présent projet de délibération a suscité des échanges qui ont ainsi permis à la commission d’aborder principalement les points suivants : – sur 2023, une bonne gestion financière est constatée avec un résultat excédentaire ; – ÉPIC participe aux tournées administratives dans les îles éloignées, favorisant ainsi les échanges et la transmission d’informations avec la population locale ; – sur le plan économique, il a été relevé qu’entre 2004 et 2024, ce sont près de 8 milliards F CFP de vanille qui ont été exportées. Toutefois, la production reste insuffisante et il devient primordial de fixer un prix plancher de vente pour les producteurs de vanille ; – sur le traitement de la vanille, il a été indiqué que l’utilisation de produits autres que la bouillie bordelaise n’était pas interdite, tant que les doses prescrites étaient respectées ; – enfin, plusieurs recommandations ont été émises par les membres de la commission, à commencer par l’obligation de restructuration de l’établissement, la nécessité de faire de l’établissement un véritable outil de développement économique du Pays et de dépolitiser ses actions. Examiné en commission le 30 octobre 2024, et suite à des échanges figurant au compte rendu, Merci de votre attention et mes salutations. Le président : Merci bien. 36 minutes pour le Tavini huiraatira, 15 minutes pour le Tapura huiraatira et 9 minutes pour les non-inscrits. J’invite le représentant des non-inscrits de bien vouloir donner son avis. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le compte financier de l’ÉPIC Vanille pour l’exercice 2023 et c’est pour nous l’occasion aussi de prendre connaissance des activités de l’établissement et d’interroger le ministre sur toutes les difficultés internes de cet établissement qui ont fait la une de l’actualité à travers les médias et les réseaux sociaux. Je crois qu’on avait déjà commencé la discussion mardi dernier mais bon… La vanille de Tahiti est un de nos produits les plus précieux et reconnus dans le monde entier. Tous les experts ne cessent de tarir d’éloges sur sa qualité et son caractère d’exception. Les gouvernements ont donc tenté, tout comme la Perle, d’accompagner le secteur pour développer les plantations, la qualité. Plusieurs systèmes de production ont été testés. Une loi de pays a même été votée pour certifier la qualité. Et finalement, aujourd’hui, les différentes politiques publiques mises en place n’ont pas permis de stabiliser ni d’augmenter la production malgré toutes les subventions injectées dans les pics vanilles. Si aujourd’hui la vanille de Tahiti est récompensée chaque année par des prix nationaux et internationaux, je pense, on le doit à l’engagement et à l’investissement des privés, des Polynésiens convaincus par l’exception de notre vanille, amoureux de notre vanille. Si le compte financier de l’établissement montre une bonne gestion, on ne peut pas non plus ignorer tous les dysfonctionnements internes de l’établissement, dénoncés dans la presse, et que le changement de direction n’a pas solutionné. On ne peut pas non plus ignorer les rumeurs de malversations et de pratiques douteuses, de penser aussi au problème de vol de la vanille. Je sais que tout ça fait l’objet d’enquêtes, mais ça vient un peu ternir l’image de cet établissement. Nous regrettons que l’audit initié en 2023 n’ait pas pu être finalisé par la DMRA. Et vous nous en avez donné quelques explications, mais entre nous, ce sont des explications inacceptables. Il y avait une urgence sur cet audit. Nous regrettons aussi que la vanille volée ait pu être commercialisée malgré tout le système de contrôle en place. Et nous nous interrogeons si on doit faire évoluer toutes les questions qu’on peut se poser à ce moment-là. À la lecture du compte-rendu de la commission et des remarques émises par les membres de la commission, je ne peux que partager leurs inquiétudes et leurs interrogations. Je tiens par contre à remercier M. Salmon et M. Kaïha pour leurs réponses, leurs explications concernant la réorientation des objectifs du ministère, et surtout pour leur sincérité sur les constats partagés des élus. Aussi, Monsieur le ministre, il semble urgent que la réforme tant attendue soit mise en œuvre. Et il semble aussi évident que cette réforme ne puisse se faire qu’avec un changement radical de l’équipe de direction de l’établissement afin d’insuffler un souffle nouveau Je vous remercie Le président : Merci bien. J’invite le représentant du Tapura — Iriti, merci — de bien vouloir donner son avis. Mme Teura Iriti : Merci bien, Monsieur le président. À la lecture du compte rendu des travaux qui se sont déroulés, nous avons l’impression qu’après l’OPT, l’OPH, ATN, et j’en passe, il faut à tout prix sauver l’ÉPIC Vanille de Tahiti. Heureusement qu’après plus d’une heure d’échange plus ou moins constructif, notre collègue Marielle Kohumoetini a quelque peu réajusté le tir sur un temps plus positif et de constater, comme il a été dit tout simplement et objectivement, la bonne gestion de l’établissement qui, au 31 décembre 2023, affichait un résultat excédentaire de plus de 74 millions (dont 28 millions en section de fonctionnement), alors que le fonds de roulement totalise plus de 158 millions d’autonomie financière. En l’absence de la directrice, c'est donc le nouveau responsable administratif et financier, Monsieur Terupe Salmon, en poste depuis quelques mois seulement, qui est venu prêcher la bonne parole, résolument optimiste, gageant que demain tout ira bien mieux. À l’entendre, en effet, l’ÉPIC Vanille se comportait par le passé plutôt comme un service administratif jusqu’à ce qu’un certain laisser-aller ne s’installe, sujet sur lequel je ne m’étendrai pas. Mais c’est promis, avec le nouveau gouvernement, et surtout le dynamisme du ministre que l’on connaît, une vaste restructuration de l’établissement — c’est la fin de journée — va se mettre en place. Il serait même question de réduire la masse salariale et donc, je suppose, une baisse des effectifs. Combien sont-ils d’ailleurs actuellement au poste ? Le rapport n’en parle pas. Le plan de transformation de ladite structure viserait à terme à la rendre autonome financièrement alors que pour l’exercice 2023, elle a bénéficié de la part du Pays d’une subvention d’exploitation de l’ordre de 255 millions. Mais le problème ne se résume pas au coût que représentent l’ÉPIC Vanille, mais plutôt à ce qu’il rapporte aux producteurs de vanille. Alors c’est vrai, au cours des quatre dernières années, la production de vanille mûre stagne autour de 40 tonnes. Quant au prix moyen de la vente du kilogramme, il ne cesse de fluctuer dans le temps avec un point haut atteint en 2022 et 2023 à 12 500 francs le kilo. En 2023, la valeur financière tirée de la vente de vanille mûre était estimée à plus de 500 millions. Visiblement, pas assez pour les producteurs qui récoltent à sa juste mesure le fruit de leur sueur, puisque la réflexion engagée viserait à augmenter le prix planché à 20 000 francs. Comment, par quel miracle économique ? Alors une proposition aurait été faite de fiscaliser la vanille exportée et donc de taxer l’exportateur pour mieux rémunérer les producteurs. Qu’en pensez-vous, Monsieur le ministre ? Qu’en penses-tu, Monsieur le ministre ? En résumé, de tout ce qui a été fait par le passé à travers l’ÉPIC Vanille, je m’en tiendrai aux chiffres donnés en commission législative, à savoir qu’entre 2004 et 2024, la somme des investissements publics a totalisé environ 1,2 milliard pour 35 hectares d’ombrières installées, alors que l’export de vanille préparé aura généré près de 8 milliards de revenus. 1,2 milliard donc d’investissement public pour des revenus de près de 8 milliards. Le jeune dira : « C’est pas mal quand même ». Aussi, sur ce seul constat, j’aurais envie de vous dire que vos prédécesseurs n’ont pas à rougir. Merci. Le président : Merci. Le représentant du Tavini huiraatira, Ruben. Ruben Teremate : Merci, président. Re-bonjour. L’ÉPIC Vanille de Tahiti, bien que présentant des résultats financiers favorables pour 2023, a connu une année marquée par des tensions internes et des carences managériales graves. Les multiples licenciements survenus au sein de l’établissement, pour des motifs divers et variés, révèlent un climat social délétère et une gestion des ressources humaines inadaptée et inefficace. Ces éléments nuisent à la pérennité de l’établissement et interrogent sur la compatibilité entre les résultats financiers et la santé organisationnelle. Les failles liées à cette politique organisationnelle interne à établissement dénotent deux éléments managerielles lacunaires majeures caractérisés, d’une part, par un manque manifeste de leadership et, d’autre part, par une gestion des ressources humaines inappropriée. En effet, s’agissant du premier élément de dysfonctionnement, le nombre élevé de départs pour des motifs variés (licenciements, démissions, conflits internes et autres…) traduit un problème structurel dans le leadership et la gouvernance. La direction semble, selon notre analyse, avoir privilégié une approche comptable et financière au détriment d’un management participatif et d’un soutien aux équipes. Ce qui a inéluctablement conduit à une dégradation du climat de travail, une perte de confiance des agents envers la direction et une potentielle baisse de la motivation et de la productivité en interne. Le deuxième élément de disfonctionnement nous amène à constater que la gestion des ressources humaines a manifestement échoué à prévenir et résoudre les conflits. Les tensions au sein des équipes ont manifestement contribué sur le moyen et le long terme à altérer l’efficacité opérationnelle de l’établissement. De plus, ces problèmes de management interne qui ont été à l’origine d’un turnover élevé, ont également impacté défavorablement la qualité du service rendu et révélé un surcoût d’exploitation qui risquent d’obérer les perspectives de recrutement dans un futur proche. Ainsi, cette contradiction entre les résultats financiers qui nous sont présentés aujourd’hui et la gouvernance sociale que nous avons pu apprécier lors des investigations réalisées par nos soins, nous amène à mettre en évidence d’une part une hyper-dépendance chronique au financement public et une absence de capitalisation sur les ressources humaines. Concernant ce point particulier lié à son mode de financement, il est à souligner que l’établissement reste financièrement dépendant des subventions publiques, qui représentent près de 60 % de ses recettes d’exploitation. Cela pose la question de sa viabilité à long terme si ces financements venaient à diminuer. Les bons résultats comptables masquent donc une fragilité structurelle. La sur-dépendance à ces apports financiers limite la marge de manœuvre pour investir dans des initiatives sociales ou managériales, comme la formation des équipes ou l’amélioration des conditions de travail. Pourtant la vocation de cet établissement, de par ses missions, ainsi que la nature des éléments de productivité qu’il possède, devrait lui permettre à moyen terme de pouvoir s’émanciper de l’apport des fonds publics Concernant le deuxième point, on aurait pu dire que les résultats positifs qui mettent en exergue un excédent global de 74,51 millions F CFP, auraient pu permettre des investissements stratégiques dans l’amélioration des processus managériaux ou la mise en place de politiques de bien-être au travail. Pour autant, rien ne nous semble indiquer que ces fonds aient été alloués à ces aspects critiques, ce qui nous amène à conclure qu’aucune capitalisation sur les ressources humaines en interne n’a été envisagée Pourtant, on se rend bien compte que les conséquences potentielles de ces dysfonctionnements majeures ont contribué à ternir l’image et l’attractivité de cet établissement. En effet, les conflits internes et les licenciements répétés ont fini par dégrader l’image de l’ÉPIC auprès de ses partenaires institutionnels et privés. La mauvaise gestion de ces scandales internes et leur médiatisation à outrance ont fini par compromettre la crédibilité de l’établissement. Il ne faut pas négliger le fait qu’un personnel démotivé ou en sous-effectif pourrait compromettre la qualité de ces services, notamment dans la transformation, la promotion et la distribution de la vanille, qui sont des éléments clés de la mission de l’ÉPIC. On pourrait même dire sans se tromper que sur le long terme, ces dysfonctionnements pourraient affecter la capacité de l’établissement à maintenir ses marges bénéficiaires et son positionnement stratégique. Il est donc important et urgent d’y remédier ! Nous recommandons donc fortement au ministre de tutelle de lancer un audit externe indépendant pour évaluer : • La qualité du management et des pratiques RH ; • Les raisons des conflits internes qui ont abouti à cette vague de licenciements ; • Ainsi que les mécanismes de gouvernance et de prise de décision. Nous soutenons également que cet établissement doit investir dans une politique RH ambitieuse axée sur : • La formation des cadres pour améliorer le leadership et la gestion d’équipe ; • La création d’un climat de travail sain, incluant un dialogue social renforcé ; • Des mécanismes de prévention et de gestion des conflits (médiation, soutien psychologique). À cet effet, il serait pertinent de réorienter une partie des excédents financiers vers : • Le développement d’un plan d’amélioration du bien-être au travail ; • Des programmes de fidélisation et de motivation des employés. Pour parfaire cette stratégie, l’établissement doit adopter une communication proactive et transparente pour regagner la confiance de ses partenaires. Cela inclut la reconnaissance publique des défis managériaux et l’engagement à y remédier. Pour conclure mon propos, je dirai que les résultats financiers de l’ÉPIC Vanille de Tahiti en 2023 sont incontestablement positifs, mais ils ne doivent pas occulter les graves lacunes managériales qui minent l’établissement. Une bonne gestion financière n’a de sens que si elle est soutenue par une gouvernance sociale et organisationnelle saine. L’ÉPIC doit impérativement réconcilier ses performances comptables avec une gestion humaine plus respectueuse et plus efficace, sans quoi sa pérennité pourrait être compromise. J’ose rappeler qu’à plusieurs reprises, la Chambre territoriale des comptes a recommandé que cet établissement soit fermé et que la gestion de ces missions soient confiées à une autre entité… Pourquoi pas à la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL). Donc, Monsieur le ministre, si nous voulons l’éviter, mettons en place les recommandations que moi et mes collègues de la majorité que j’associe à mon analyse vous préconisons ! Merci. Que l’amour règne. (Applaudissements sur certains bancs du groupe Tavini huiraatira.) Le président : Merci. Qui est le second qui voudrait bien donner son avis ? Sylvana. Mme Sylvana Tiatoa : Merci, Monsieur le président. Je vous salue en cet après-midi. L’Établissement dédié à la valorisation de la vanille tahitienne — telle est mon appellation que je donne à cette structure créée il y a 21 ans — est, semble-t-il, à l’origine de la production et de la renommée de la vanille en Polynésie française. Pour mémoire, il y a 40,50 voire 60 ans, il semble que nos anciens récoltaient entre 300 et même jusqu’à 400 pieds de vanille par an. Ces plants de vanille étaient cultivés au sein des plantations de bananiers, de cocotiers, dans les vallées, et même sur les hauteurs des montagnes. À partir des années 60, les agriculteurs de Tahiti, de Moruroa et de Fangataufa ont été détournés de leurs terres, attirés par l’argent facile offert par les essais nucléaires. Les richesses naturelles du pays sont restées intactes, mais sans personne pour les valoriser. Elles sont restées enfouies sous les broussailles, et la sève précieuse de la vanille s’est tarie. La question de la production durable et abondante de la vanille est désormais reléguée au rang de souvenir ancien, un rêve nostalgique pour les agriculteurs polynésiens. En revanche, Moruroa et Fangataufa ont profondément bouleversé la mémoire collective du peuple, attiré par l’illusion de l’argent facile. Elles sont devenues une source d’empoisonnement mortelle pour la population polynésienne. Grâce à la volonté et à la force de conviction, le secteur de la production de vanille retrouve son dynamisme, ce qui a conduit les dirigeants à établir une structure baptisée : « Établissement pour le développement et l’exportation de la vanille de Tahiti ». Cette initiative politique a été mise en place à travers une loi du pays adoptée par l’assemblée il y a maintenant 21 ans. Pour assurer le fonctionnement de cette structure, il est nécessaire de recruter des travailleurs, des gestionnaires, des experts, de mobiliser des fonds financiers et d’établir un budget d’investissement ainsi qu’un budget opérationnel. Cela inclut l’achat de matériel, la construction d’infrastructures et diverses actions planifiées, avec un objectif principal : relancer durablement la production de vanille locale en Polynésie française. Jusqu’à aujourd’hui, plusieurs millions ont été investis pour soutenir cette structure. Les années passent, les décennies s’écoulent, et aujourd’hui nous examinons cet établissement que nous soutenons également, avec son budget pour l’année 2023. En ce jour, nous devons également nous poser la question suivante : quel est l’état actuel de cette structure, non seulement pour l’année 2023, mais aussi après ces longues vingt années d’existence ? Peut-être partageons-nous tous la même pensée : il est temps de fermer cette structure. Car après vingt ans, nous n’avons fait aucun bénéfice, même minime. Nous avons épuisé les fonds financiers, et les problèmes de relations humaines ont fini au tribunal. Quant à la vanille, elle a complètement disparu. Des infrastructures ont disparu sous la végétation, des plants de vanille se sont perdus dans les vols, et des millions investis restent introuvables et bien d’autres encore. En résumé, la vanille n’a pas rayonné, et les difficultés se sont entremêlées en raison des embauches politiques de nos dirigeants et ce jusqu’à aujourd’hui. D’un autre côté, les cultivateurs de vanille continuent de s’efforcer et de travailler avec passion et détermination. Cependant, ce qui ne fonctionne pas et qui démotive ces agriculteurs est le déséquilibre dans ce système : c’est Tihoni qui plante, qui travaille sous le soleil brûlant, qui transpire et qui s’épuise, mais c’est Paraita qui récolte les bénéfices du produit vendu. Ce système est similaire à celui des fermiers perliers : le propriétaire des fermes récolte les richesses de la mer, tandis que le travailleur manuel se contente de peu. C’est dans ce déséquilibre que l’on voit croître une inégalité flagrante où les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Sauf erreur de ma part, depuis le début de ce système inégalitaire, aucun cultivateur polynésien de vanille n’est devenu millionnaire. Aucun producteur de vanille n’a pu s’élever socialement grâce à cette culture. La plupart des bénéficiaires sont des personnes qui ne cultivent même pas la vanille. Pourtant, partout dans le monde, aucune vanille n’égale la qualité exceptionnelle de la vanille polynésienne. C’est face à cette réalité que la commission de l’agriculture à l’assemblée même propose quelques recommandations aux dirigeants de cet établissement pour la valorisation de notre vanille locale Premièrement, il est impératif de repenser entièrement les méthodes et le modèle de gestion de cette structure. Deuxièmement : cette nouvelle structure entièrement réformée, ne doit plus servir de plateforme au profit des agents de la fonction publique mais d’établissement pour toutes formes de recherche, afin de valoriser le travail de nos vaniculteurs. Troisièmement : cet établissement ne doit plus être un outil de propagande politique pour les groupes politiques en place et qui sont au pouvoir. Une des principales raisons pour lesquelles le secteur agricole peine à prospérer dans notre pays est que cette structure est perçue comme un outil politique. Le cochon sauvage, lorsqu’il entre dans une plantation, ne laisse presque rien derrière lui ; tandis que la politique, elle, dévore non seulement les récoltes, mais aussi l’esprit même de celui qui cultive. Merci de votre attention. Mes salutations. (Applaudissement sur les bancs du groupe Tavini huiraatira.) Le président : Merci bien. Voilà, plus d’autres interventions ?... La parole est à vous, Monsieur le ministre. M. Taivini Teai : Merci, Monsieur le président. Merci, chers élus, pour ces recommandations, ces questionnements sur l’établissement Vanille de Tahiti. Je ne vais pas revenir sur les chiffres de l’exercice budgétaire 2023 mais là encore, comme pour la CAPL, je voudrais mettre en avant les actions positives qui ont été menées par cet établissement, mais surtout en fait la politique, la feuille de route vis-à-vis de cet établissement. Parce que je pense qu’on est tous au diapason sur le fait que c’est la deuxième épice la plus chère au monde, la vanille, que la vanille de Tahiti a ses lettres de noblesse — elle est déjà connue dans le monde entier — et qu’en effet, c’est la gestion des ressources humaines qui actuellement fait défaut dans notre établissement vis-à-vis du relationnel avec les vaniculteurs, et puis même entre eux, qui est à redynamiser. Et pour cela, j’avais prévu de me déplacer il y a un peu plus d’un mois de cela, mais les agendas que l’on a, qui sont plus que bien remplis, m’ont conduit en fait à sursoir cette réunion avec les agents de l’EVT parce que pour ma part, lorsqu'on parle de restructuration, c’est d’abord avec les agents de l’établissement que ça doit être défini, que ça doit être discuté, avec la direction et avec les agents. Donc oui, il y aura une restructuration. Sous quelle forme ? Dans l’immédiat, je ne vais pas m’appesantir plus parce que j’ai besoin d’abord d’en informer en premier lieu, de voir les agents d’abord sur les différentes possibilités de restructuration de cet établissement. Comme ça a été évoqué, soit on ferme, pouf ! d’entrée. O.K. Mais néanmoins, on a nos vaniculteurs à venir en soutien de formation. Soit on évolue vers d’autres statuts. C’est ces pistes que nous avons déjà mises en place au niveau du ministère que moi, je veux d’abord discuter avec les agents parce que ça les concerne. C’est redonner, j’espère bien, cette motivation à l’effort au travail. Lorsqu’on est au travail, normalement, on ne doit penser qu’à ça. On ne doit pas être dans des guéguerres intestines avec les uns et les autres de l’établissement. Non, ce n’est pas comme ça que ça doit fonctionner ! Ce n’est pas comme ça que nos services du Pays doivent fonctionner. Mais pour cela, j’ai besoin d’en discuter avec les agents, de les voir les yeux dans les yeux, pour connaître également leur désir ou pas de continuer sur ce chemin que... Je vous en ai déjà parlé sur cette vanille. La technique agricole est à revoir. Faire pousser une plante sur du ciment, où est-ce qu’on a vu ça ? C’est la bourre de coco qui est préparée. Les agents connaissent la méthodologie. Monsieur Kaiha a, au début de cette année, +montré aux agents comment faire. Le tuteur qui a été mis en place — dommage que je n’ai pas pris de photo, peu importe ! — qui a été mis en place en février de cette année, maintenant est prolifique. Et encore, de leur propre aveu, ils ne s’en sont pas occupés. Ils n’ont pas été l’arroser, ils n’ont pas donné de nutriments, mais pourtant la liane a proliféré. Pourquoi ? Parce que c’est un tuteur en bourre de coco qui est préparé, mycorhizé, et qui fait qu’à tout moment de développement de la vanille, elle peut se nourrir. Et donc c’est le principe même des organismes vivants, d’abord se nourrir pour après se multiplier, faire des fleurs et avoir des gousses. Donc, pour revenir aux recommandations que j’ai posées au niveau de l’établissement, des recommandations globales, bien entendu c’est d’augmenter la production. Mais pour augmenter la production, il va falloir mettre en place une planification et un soutien technique à nos producteurs. J’ai pu constater l’année dernière que la forte saison des pluies qu’on avait eue avait conduit à une perte de plus de 50 % des gousses de vanille, des petites gousses. Et donc, on a déjà des solutions qu’on doit proposer à nos vaniculteurs, qui génèrent beaucoup d’argent. Madame l’élue Iriti l’a dit, le commerce de la vanille est fortement générateur de devises. Donc d’un, c’est d’aller dans cette volonté, qui était déjà inscrite par les précédentes gouvernances, d’augmenter notre production. On le sait tous, dans les années 30, la Polynésie exportait plus de 1 000 tonnes de vanille à 33 % de taux d’humidité. C’est-à-dire qu’elle produisait plus de 3 000 tonnes pour en exporter autant. Je ne dis pas qu’on a aille vers ces 1 000 tonnes, mais qu’on aille déjà vers cet objectif des 100 tonnes qui était déjà l’objectif initial de notre production. Fixer un prix plancher, je ne sais pas, c’est une réflexion, je ne sais pas. Franchement, fixer un prix plancher alors qu’on sait que c’est déjà un produit à haute valeur ajouté, c’est la deuxième épice la plus chère au monde. On doit aller plutôt vers une augmentation de la production, définition des caractéristiques variétales, organoleptiques, les arômes qui sont dedans. Ça, oui, c’est important pour mettre en avant le produit. Parce que vous le savez aussi bien que moi, dans la vanille de Tahiti, il existe plus d’une vingtaine de variété, dont une variété n’a même pas de vanilline, c’est comme si on avait un café sans caféine. Mais dans l’immédiat, cette variété elle est mélangée à toutes les autres. Nous, on doit mettre en évidence, en avant, certaines variétés, les variétés qui sont préparées. Et même actuellement, au centre de ressources biologiques du laboratoire de génétique de l’établissement Vanille de Tahiti, ils ont créé de nouvelles variétés par croisement entre la tahitiensis et d’autres variétés, d’espèces, de vanille pour augmenter leur résistance. Ça aussi, ça n’apparaît pas, finalement, au bénéfice direct de nous tous, vous tous, les élus. Mais par contre, c’est disponible pour nos vaniculteurs. Il y a un point aussi que je souhaite mettre en avant, c’est renforcer la qualité, renforcer la qualité. Alors, on a parlé de bouillie bordelaise, mais cette année, j’ai demandé à la directrice de l’établissement en collaboration avec la Direction de l’agriculture, de faire des contrôles des pesticides. Force est de constater qu’il y a de très, très bons élèves. En règle générale, plus de 90 % de nos producteurs de vanille n’ont, soit pas de pesticides qui sont révélés aux analyses, soit sous des taux inférieurs aux doses recommandées aux LMR. Mais il y en a qui, malheureusement, ne respecte pas certaines conditions. Vous le savez aussi bien que moi, la vanille de Tahiti, une grande partie est pour l’export, et à l’export, eux, ils vont contrôler. C’est faire en sorte de garder cette image d’une vanille de qualité et qui a tous ses bénéfices santé. Bien entendu, ça passe également par une recommandation qui est faite depuis très longtemps. J’avais même eu la chance de participer au comité scientifique, c’est la mise en place d’un label, d’une IGP, d’une AOP, et pour ça, en fait, je suis content d’apprendre, d’avoir appris que, enfin, nos agriculteurs se sont constitués en GIE, parce que c’est nos professionnels qui doivent porter cette protection de leur vanille de Tahiti, avec le soutien du gouvernement, avec le soutien du Pays. Et enfin, la restructuration de l’établissement. Immanquablement vous me l’avez évoqué, c’est la piste de réflexion sur laquelle je suis. Je planche dessus pour que l’année 2025 s’annonce sous de meilleurs augures, sous de meilleurs hospices. Et bien entendu, après avoir vu les agents, je proposerai cela au sein du Conseil d’administration, et après validation du Conseil d’administration, vous serez informés de ses décisions d’évolution de cet établissement. Pour répondre aux quelques questions que j’ai pu écrire, qui ont été formulées. Bon, la vanille volée, je suis heureux, moi, d’avoir appris l’année dernière que la gendarmerie avait finalement pris en main les choses, puisque ce n’est pas de notre ressort. Mais en tout cas, c’est un signe fort de la part de l’État de prendre en considération nos agriculteurs de cette filière, de poursuivre les voleurs. Après, la vanille s’est retrouvée, en effet, en vente. Ça veut dire en effet, un meilleur suivi des volumes de production, chose qui sera demandée en effet aux agents de l’EVT. Madame Iriti, tout à l’heure pour votre question, j’avais oublié de vous répondre. Excusez-moi, mais vous savez aussi bien que moi, les gens sont attirés par tout ce qui brille. Notre Polynésie, elle a évolué, on le sait tous, depuis la mise en place du CEP. On a envie d’avoir le dernier iPhone, après on a envie, on a aussi nos enfants qui nous sollicitent beaucoup d’être à la page, parce que nous, parents, on n’est pas forcément à la page. Il y a aussi un fait, c’est que maintenant, on n’est plus dans la saisonnalité, il y a ça aussi. Nous, consommateurs, on veut tout, tout le temps. On veut tout le temps avoir des salades, des tomates, du chou chinois, des taros, du fruit de l’arbre à pain. On a oublié ce que c’est que la saisonnalité, le phénomène de mondialisation nous a fait oublier ce que c’est que la saisonnalité. Et ça, ça serait peut-être aussi important de réapprendre qu’on peut ne pas avoir sur nos étals pendant une période de l’année certains produits parce qu’ils sont hors saison, et ça nous permettrait à ce moment-là de ne pas avoir ce dumping des prix, forte saison d’abondance, petite saison. La taxe à l’export, c’est une piste en effet, merci de me l’avoir proposée. C’est en effet une piste de réflexion sachant qu’on a une taxe à l’export sur notre première filière, qui est la perliculture, qui est entre 3, 4 et 5% de la valeur déclarée. C’est, en effet, une piste de réflexion à avoir, mais il faut que je le vois, bien entendu, en concertation avec le ministre des finances et également avec concertation auprès des producteurs de vanille. Maintenant, dire que les producteurs ne sont pas ceux qui sont les plus riches, les richesses monétaires, peut-être soit, richesse de cœur, richesse d’être finalement un créateur, parce qu’un cultivateur, c’est un créateur de vie, quoi. Là, oui, ils sont riches. Et moi, je suis persuadé qu’on a des exemples de producteurs qui sont montés progressivement, rien qu’à voir au niveau des brevets de préparation de vanille, des producteurs sont maintenant des préparateurs de vanille, ils préparent leur propre production. Pourquoi ? Pour vendre la vanille préparée et non pas la vanille brute, la vanille mûre, et qui leur donne, bien entendu, une plus-value sur leur production. Et ça, on ne peut que le constater par rapport au cycle de formation des brevets de préparateurs. Bien-être au travail, difficultés managériales, je vous dis, je suis bien au fait de cela. Pour moi, cet établissement doit être un établissement locomotif de nos plantes à haute valeur ajoutée. Donc, je ne vais pas lâcher le morceau comme ça, mais comme je vous le dis, j’ai besoin de voir tous les agents, de les dynamiser, parce que cette filière, elle est super importante. Voilà, je terminerai par-là, merci bien. Le président : Voilà, merci bien. N’y a-t-il plus d’intervention ? N’êtes-vous pas encore épuisé ? Bon, Tapati, partagez votre pensée. M. Tafai, Mitema Tapati : Non, j’ai seulement des remerciements. J’aimerais simplement grandement remercier Monsieur le ministre ainsi que les élus que nous sommes. Cependant, je voudrais seulement dire à Monsieur le ministre et à l’ensemble du gouvernement de ce pays de ne pas s’offusquer de nos interventions, du poids de nos propos, celui de nos avis, car nous nous tenons dans un lieu de débat, chacun est libre d’exposer son avis. Mais lorsque nous nous retenons de parler, lorsque quelqu’un n’exprime pas son avis, ce qu’il a dans les tripes, je ne sais pas où et quand il explosera… Surtout face à un sujet aussi important que la vanille dans lequel nous plaçons nos espoirs pour développer l’économie de ce pays dès demain — et pas après-demain, mais —, dès demain il faudra s’y mettre. Pareillement, pour ce qui est de l’histoire de ce service qui est le nôtre, qui a même été diffusée par la presse et que sais-je d’autres encore, les premiers concernés ont un avis. Même si ce ne sont pas toujours des avis pertinents, cela reste des avis ! Il ne faudrait pas que ce lieu ne reste qu’un lieu de prise de décisions, mais un lieu d’échange ! Ces personnes sont bien au fait de l’importance de l’agriculture dans notre pays, et nous-même, nous savons aussi que c’est l’agriculture qui fera vivre ce peuple. Ce peuple ne se nourrit pas de pneu de voiture, il se nourrit d’aliments ! Et dans notre pays, il n’y a rien qui ne pousse pas, il n’y a pas d’arbre qui ne produit pas ! Ainsi, s’agissant de la vanille, appliquons-nous dès à présent. Nous n’exprimons pas des avis tranchants et réprobateurs, nous faisons des suggestions pratiques. Nous irons dans votre sens afin de développer davantage le secteur de l’agriculture, voilà notre point de vue ! Et nous sommes unanimes ! C’est vrai, même si tout un chacun à son avis, nous sommes tous convaincus d’une chose, c’est que nous pouvons faire vivre ce pays. C’est pourquoi, recevez favorablement nos avis ! Acceptez que l’on discute ensemble ! Acceptez que l’on gère ensemble les affaires de ce peuple à partir d’aujourd’hui ! Comme l’a dit notre rapporteur, effectivement, la commission a voté ce budget sans compter l’autre partie de cette institution. Oui, nous voterons en faveur de ce budget aujourd’hui. Merci et recevez mes salutations. (Quelques applaudissements se font entendre dans la salle.) Le président : Voilà, merci bien. Maurea. Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Merci bien, Monsieur le président. Non, merci Monsieur le président, Tapati. Je suis d’accord avec l’idée que nous sommes tous unanimes sur la question du développement économique du pays. Aussi, puisque toute personne est libre d’exprimer son avis, de la même façon, toute personne peut voter comme il l’entend. C’est tout, merci bien. Le président : Voilà, merci bien. N’y a-t-il plus d’intervention ? Bien, je soumets au vote le projet. Je mets aux voix l’ensemble de la délibération : qui est pour ? À l’unanimité ? Merci, c’est adopté. Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Président, contre. Le président : Maurea ? Une voix contre, deux voix contre ? Et toutes les autres voix pour, est-ce bien cela ? Merci bien. Nous arrivons au terme de nos travaux pour ce jour. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |