Rechercher un texte

Recherche avancée
Accueil > Journal Officiel > Journal Officiel 2025 - APF > Sommaire > Débats à l'Assemblée de la Polynésie française

Voir plus d’informations

Rapport n° 38-2025 sur la proposition de loi du pays relative à l'intervention des communes et de leurs groupements en matière économique

Paru in extenso au JOPF n° 10 NA du 22/05/2025 à la page 1356

Rapport n° 38-2025 sur la proposition de loi du pays relative à l’intervention des communes et de leurs groupements en matière économique


Présenté par M. le représentant Tevaipaea Hoiore

Le président : Donc on poursuit très rapidement avec le dernier rapport, c’est le rapport n° 38-2025 sur la proposition de loi du pays relative à l’intervention des communes et de leurs groupements en matière économique et je demande à son rapporteur de bien vouloir nous présenter le rapport de présentation.

M. Tevaipaea Hoiore : Merci bien, Monsieur le président.

Le II de l’article 43 du statut d’autonomie du pays offre la possibilité aux communes polynésiennes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), leurs groupements, d’intervenir dans certaines matières limitativement énumérées relevant de la compétence de principe du pays. Depuis la révision statutaire de 2019, les communes peuvent intervenir dans les huit matières suivantes :

1. Développement économique, aides et interventions économiques ;

2. Aides sociales ;

3. Urbanisme et aménagement de l’espace ;

4. Culture et patrimoine local ;

5. Jeunesse et sport ;

6. Protection et mise en valeur de l’environnement et soutien aux actions de maîtrise de l’énergie ;

7. Politique du logement et du cadre de vie ;

8. Politique de la ville.

Les conditions de cette intervention doivent être définies par des lois du pays et la réglementation édictée par la Polynésie française. Par ailleurs, c’est à une loi du pays de préciser, le cas échéant, les moyens mis à disposition des communes.

Dans le cadre d’une participation des communes polynésiennes aux compétences du pays, plusieurs lois du pays ont été adoptées par l’Assemblée de la Polynésie française : en 2010 pour les communautés de communes, en 2016 dans le cadre du contrat de redynamisation des sites de défense ou encore en 2023 pour la mise en application des articles 48 et 55 du statut.

Afin de favoriser un développement économique équilibré et adapté aux spécificités locales, cette proposition de texte vise à conférer aux communes (plus seulement aux communautés de communes) un cadre juridique leur permettant d’intervenir en matière de développement économique, aides et interventions économiques, dans le respect de la réglementation en vigueur. Pour la réalisation de cette intervention, la collaboration entre une commune et le pays sera formalisée par une convention approuvée en conseil des ministres et par l’organe délibérant de la commune concernée. Il est à noter que la proposition de loi du pays a été examinée par le Conseil économique, social, environnemental et culturel, le 4 avril 2025.

Par la suite, la commission des institutions, des affaires internationales et des relations avec les communes s’est réunie le 9 avril 2025 pour l’examiner. Il a été rappelé à cette occasion que cette proposition de texte permettra d’apporter la sécurité juridique nécessaire aux actions que les communes peuvent parfois mener et qui dépassent les limites de leurs compétences.

Une série d’amendements a été présentée et adoptée par la commission afin principalement de tenir compte des observations émises par le CESEC, dont la clarification du champ d’intervention des communes, l’apport de compléments sur les éléments à intégrer dans les conventions de partenariat conclues avec le pays, un rappel sur le respect des compétences du pays et de l’État, dans le cadre des interventions des communes ou de leurs groupements et, au titre d’un pilotage partagé et d’une gouvernance collégiale, la création d’un comité de suivi et d’évaluation chargé de formuler des recommandations, notamment en matière de coordination intercommunale et de mutualisation des moyens.

À l’issue des débats, la présente proposition de loi du pays a recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission. En conséquence, la commission des institutions, des affaires internationales et des relations avec les communes propose à l’Assemblée de la Polynésie française, d’adopter la proposition de loi du pays ci-jointe.

Merci.

Le président : Merci.

Donc le CESEC nous informe qu’ils ne participeront pas à la présentation de leur rapport. Donc ce qui nous permet de passer directement à la discussion générale étant donné que la conférence des présidents a décidé un temps de parole de 60 minutes pour l’ensemble de ce texte et à savoir bien entendu : le Tavini Huiraatira 36 minutes, le Tapura 15, les non-inscrits 9.

J’appelle l’intervention du Tapura Huiraatira à prendre la parole… l’intervenant. Ils sont partis, donc je demande aux non-inscrits de bien vouloir présenter leur intervention.

M. Nuihau Laurey : Nous, on est là.

Donc on ne va pas refaire le débat sur cette question du partage des compétences en faveur des communes. Le texte qui nous est présenté est légèrement différent de celui qu’on a eu l’occasion d’examiner, mais la démarche est la même. Elle vise un élargissement des compétences qui seraient susceptibles d’être exercées par les communes, spécifiquement dans le domaine économique et je pense que c’est une nécessité aujourd’hui. Bon, je pense que les différents intervenants l’ont bien marqué. En tout cas, nous, nous soutiendrons ce texte. Même si je le dis, encore une fois, mais je l’ai dit déjà tellement de fois, que cette disposition que nous n’avons pas votée aurait facilité, je pense, l’exercice de ces compétences y compris dans les domaines que nous validons aujourd’hui. Donc nous soutiendrons, en tout cas, ce texte.

Merci.

Le président : Merci.

Je demande à l’intervenant du Tavini Huiraatira à prendre la parole.

Steve.

M. Steve Chailloux : Merci bien, Monsieur le président. À toutes et à tous qui sommes rassemblées ce soir, mes salutations à l’occasion de notre rencontre dans les grâces de Dieu.

Nous voici réunis en discussion générale pour examiner ensemble une proposition de loi du pays des plus importantes pour nos communes et nos populations : celle visant à encadrer l’intervention des communes et de leurs groupements en matière économique.

Ce texte, que nous allons examiner après la séquence réservée à notre discussion générale, porte une ambition simple et forte : offrir à nos communes les instruments juridiques nécessaires pour qu’elles puissent œuvrer, dans un cadre légal solidement établi, au développement économique de leur territoire, au bénéfice direct de nos populations.

Je souhaite, à travers mes propos, rester pédagogique, diplomate — ce qui n’est pas simple — et convaincant, afin d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des membres de notre hémicycle à ce projet.

Pour y arriver, permettez-moi dans un premier temps de revenir sur le contexte historique qui a mené à cette réforme, ensuite de poursuivre en vous aidant à constater la réalité du terrain, tout en saluant l’engagement de nos communes, puis d’expliquer les dispositions innovantes de ce nouveau texte en mettant en exergue sa portée pratique, avant de vous appeler, solennellement, à soutenir unanimement cette initiative.

Il y a un peu plus d’un demi-siècle, en 1972, la Polynésie française a vu naître ses communes. C’est en effet par un décret du 17 mai 1972 que la grande majorité de nos 48 communes du fenua ont été créées, nommées et délimitées. Avant cette date, seules Papeete, Uturoa, Faa'a et Pirae existaient en tant que communes de plein exercice ; le maillage communal tel que nous le connaissons aujourd’hui est donc le fruit d’une volonté de doter le territoire d’institutions de proximité dès le début des années 1970. Ces communes, inspirées du modèle communal français, ont initialement bénéficié d’une clause de compétence générale, c’est-à-dire d’une clause leur donnant la capacité d’intervenir dans toutes les affaires d’intérêt local en l’absence de texte contraire, ce qui faisait d’elles des acteurs de droit commun sur leur ressort territorial.

Cependant, un tournant majeur est intervenu avec l’instauration du statut d’autonomie de 2004. En effet, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 — véritable acte fondateur de notre autonomie — a redéfini la répartition des compétences entre l’État, le pays et les communes. Dans ce nouveau cadre, la Polynésie française s’est vu reconnaître une compétence de principe dans de nombreux domaines, notamment économiques, ce qui a eu pour effet de supprimer la clause de compétence générale des communes polynésiennes. Autrement dit, à partir de 2004, nos communes ne pouvaient plus intervenir librement dans tous les domaines d’intérêt local ; leurs attributions sont devenues limitatives et énumérées par la loi. L’article 43 du statut d’autonomie liste ainsi leurs compétences propres (police municipale, voirie, écoles, eau, déchets, urbanisme, etc.) et les matières qui ne figurent pas dans cette liste — au premier rang desquelles le développement économique — ont été transférées au pays.

Certes, le statut prévoyait bien que les communes pourraient exercer des compétences en matière de développement économique ou d’aide sociale, mais seulement si une loi du pays les y autorisait explicitement, conformément au nouveau principe d’autonomie. Dans les faits, force est de constater que cette condition n’a pas été simple à mettre en œuvre et qu’en l’absence de base légale spécifique, les communes se sont retrouvées démunies de leur compétence générale en matière économique.

Or, Mesdames et Messieurs, la vie de nos îles ne s’est pas arrêtée en 2004. Les besoins de la population, eux, sont bien réels et quotidiens. Et qui est le plus proche pour entendre les difficultés d’une famille de pêcheurs dont l’activité périclite, ou celles d’un petit commerçant frappé par la crise ? Le maire de la commune. Depuis toujours, nos maires sont en première ligne pour répondre aux attentes de leurs administrés. Aux yeux de nos concitoyens, le maire demeure l’interlocuteur incontournable quel que soit le sujet, car il est au plus près du terrain. On se tourne vers lui pour résoudre des problèmes qui, parfois, dépassent ses attributions légales. Cette proximité et cette responsabilité de fait ont conduit de nombreuses communes, après 2004, à continuer d’agir dans le domaine économique, même sans y être officiellement habilitées. Empiriquement, les communes ont parfois mené des actions qui dépassaient les limites de leurs compétences légales. Elles l’ont fait dans l’intérêt de leur population, estimant qu’il était de leur devoir d’apporter des solutions locales aux difficultés locales. En d’autres termes, lorsque le cadre juridique ne permettait plus d’aider formellement une entreprise en difficulté ou de développer une initiative économique, certaines communes ont malgré tout pris des initiatives — parfois en marge de la légalité faut-il le reconnaître.

Je pense, par exemple, à cette commune implantée sur une des îles de nos archipels, soudainement confrontée à la fermeture de la seule épicerie du village. Ne voyant ni l’État ni le pays intervenir à temps, le conseil municipal a décidé d’allouer une subvention exceptionnelle pour permettre l’affrètement d’un navire susceptible de réapprovisionner l’épicerie du village afin de maintenir l’activité, évitant ainsi un drame économique et social local. Ce faisant, la commune a agi en dehors de son champ de compétences autorisées, dans une forme d’irrégularité administrative. Cet exemple fictif illustre une réalité : faute de base légale, les maires ont dû jouer les équilibristes, ruser avec les textes, pour continuer à faire ce qu’ils ont toujours fait — soutenir leurs administrés en toutes circonstances. Comme le disait une élue de Polynésie, je cite « nous mettons des bases solides pour régulariser ce que depuis la nuit des temps nous faisions en toute illégalité ». Ces mots révèlent bien que ces pratiques existaient et que tout le monde en avait conscience. Bien sûr, agir ainsi n’a pas été sans risques : certaines communes ont pu s’exposer à des annulations de leurs actes, voire à des poursuites pour avoir outrepassé leurs pouvoirs.

Mais que pouvions-nous attendre d’autre de la part de nos élus de proximité ? Courage, responsabilité et résilience.

Oui, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais ici saluer le courage, le sens des responsabilités et la résilience dont ont fait preuve les communes polynésiennes durant toutes ces années. Malgré le carcan légal devenu trop étroit, elles n’ont jamais cessé de se soucier du bien-être économique de leurs administrés. Nos maires, conscients d’être « à la croisée de tous les enjeux » aux yeux de la population, ont estimé qu’il était de leur devoir d’agir au plus près du terrain.

Par devoir et par proximité, ils ont innové, bricolé parfois, pour pallier les manques et continuer à faire vivre l’esprit de solidarité locale.

Cette attitude mérite notre respect. Il fallait oser, parfois, braver les interdits pour remplir sa mission de premier magistrat communal au service du développement local. Il fallait de la résilience pour continuer, année après année, à porter des projets économiques sans cadre juridique clair, uniquement parce que ces projets répondaient à un besoin réel sur le terrain. Il fallait avoir les épaules solides pour porter, seul parfois, des projets que ni le pays, ni l’État ne pouvaient faire avancer aussi finement à l’échelle de la commune. En un mot, nos communes n’ont pas baissé les bras. Elles ont été les gardiennes de l’initiative économique de proximité, même lorsqu’on ne leur en reconnaissait plus formellement le droit.

Il ne s’agit pas ici d’encourager l’illégalité, bien au contraire, mais de reconnaître que ces comportements traduisaient une nécessité et une volonté locale qu’il nous appartient aujourd’hui d’entendre. Ces maires et conseillers municipaux ont été les éclaireurs d’une réforme devenue incontournable. Ils ont agi par amour de leurs communes, par proximité humaine et géographique avec les problèmes, et il est grand temps que la loi leur donne raison a posteriori en créant enfin le cadre juridique adapté.

C’est précisément l’objet du texte qui nous est soumis aujourd’hui. Cette proposition de loi du pays vise à encadrer juridiquement les interventions économiques des communes, afin de mettre fin à l’incertitude juridique et de sécuriser les initiatives locales déjà à l’œuvre. En d’autres termes, nous voulons offrir à nos communes un cadre légal clair pour faire ce qu’elles faisaient jusqu’ici de façon officieuse. Il ne s’agit pas d’innover bureaucratiquement, mais de régulariser et d’accompagner un mouvement déjà enclenché sur le terrain.

Concrètement, le texte habilitera les communes et leurs groupements à intervenir dans plusieurs domaines bien définis du développement économique local. En particulier, trois types d’actions économiques, jusqu’alors réservés au pays, seront désormais accessibles aux communes volontaires dans des conditions sécurisées :

- Le soutien direct aux entreprises locales, par l’octroi d’aides financières, de subventions, de prêts ou de garanties d’emprunt aux porteurs de projets de la commune. Il peut s’agir, par exemple, d’aider une petite entreprise artisanale à se lancer ou à survivre après un coup dur, en lui accordant une aide ponctuelle approuvée en conseil municipal. C’est un outil puissant pour préserver le tissu économique local et l’emploi ;

- L’aménagement économique du territoire communal, c’est-à-dire la possibilité de créer, d’aménager, de gérer et d’entretenir des zones d’activités économiques sur le territoire de la commune. Imaginez des communes aménageant des marchés couverts, des petits parcs d’activités ou des centres artisanaux afin d’attirer des entrepreneurs et de structurer l’économie locale. Jusqu’à présent, ces initiatives pouvaient être freinées faute de base légale claire ; demain elles pourront fleurir en toute légalité, en partenariat avec le pays ;

- La participation au capital de sociétés locales, autrement dit la possibilité pour une commune de prendre des parts dans une société d’économie mixte locale ou dans des projets stratégiques pour son développement. Cela pourrait concerner, par exemple, la participation à une société locale de transport, à une coopérative agricole innovante, ou à une société de développement touristique communal. Bien entendu, cette participation restera encadrée et conditionnée pour éviter tout conflit avec les compétences de l’État ou des autres collectivités — le texte a été travaillé en ce sens lors de la commission, en excluant notamment les domaines relevant de la seule compétence de l’État.

En habilitant les communes sur ces créneaux, le pays ne se dessaisit pas de ses compétences, il les complète. Il est important de souligner que nous ne parlons pas d’un transfert obligatoire de compétences, mais d’une ouverture juridique offerte aux communes qui le désirent. Le dispositif repose sur le volontariat : chaque commune restera libre de s’en saisir ou non, en fonction de ses moyens, de ses projets et des attentes de sa population. Il ne s’agit donc pas d’imposer quoi que ce soit aux communes, encore moins de créer une concurrence entre le pays et elles — au contraire, il s’agit de favoriser la complémentarité. D’ailleurs, le projet prévoit que ces interventions économiques communales feront l’objet de conventions de partenariat entre la commune et le pays, afin de coordonner les efforts de chacun, de préciser les moyens mis à disposition et de garantir une action concertée. Le pays aura ainsi son mot à dire et un rôle d’appui, ce qui est normal et sain dans une relation de confiance.

En résumé, cette proposition de loi du pays vient donner une base légale explicite aux actions économiques locales : elle fixe les domaines d’intervention autorisés, les outils utilisables, et elle prévoit l’établissement de garde-fous et de suivis (par exemple via un comité de suivi collégial, selon les amendements adoptés en commission pour s’assurer que tout se passe dans la transparence et l’efficacité. C’est un texte qui sécurise juridiquement les communes car dorénavant, quand un maire voudra aider une entreprise locale ou lancer un projet de zone d’activité, il aura un texte de loi pour appuyer son action, là où hier il n’avait que sa bonne volonté et, hélas, un vide juridique.

Au-delà des principes, intéressons-nous aux bénéfices concrets qu’apportera ce texte sur le terrain.

D’abord, il va offrir de nouvelles marges de manœuvre à nos communes. Là où hier tout projet économique communal était potentiellement bloqué par un examen juridique défavorable, demain les communes auront la liberté d’initiative encadrée pour agir. Chaque commune polynésienne, quelle que soit sa taille ou son éloignement, pourra devenir un véritable acteur du développement économique local, si elle le souhaite et si elle s’en donne les moyens. C’est une révolution dans l’administration locale polynésienne : nos communes, souvent perçues comme de simples exécutantes de compétences de base, pourront se muer en moteurs d’initiatives économiques au niveau local.

Ensuite, cette loi du pays va apporter une sécurité juridique bienvenue. Fini le temps où les maires devaient craindre de voir leurs actions annulées pour excès de pouvoir. Désormais, en respectant le cadre défini, ils pourront agir en toute légalité, avec l’appui des services du pays. Cette sécurité juridique profitera à tout le monde : aux élus, qui seront protégés des démêlés contentieux tant qu’ils restent dans le cadre ; aux partenaires économiques, qui auront la certitude que les aides ou projets communaux sont stables et ne seront pas remis en cause ; et bien sûr aux citoyens, qui bénéficieront de projets aboutis sans querelles de compétences. Doter les maires d’un cadre normatif adapté, avec des règles claires et des outils appropriés, est essentiel pour la mise en œuvre cohérente et efficace des politiques publiques locales. C’est exactement ce que réalise ce texte : des règles claires, négociées entre le pays et les communes, pour garantir que l’action économique locale se développe dans un cadre maîtrisé.

Par ailleurs, ce nouveau cadre va encourager l’innovation locale. Libérées de la peur d’outrepasser la loi, nos communes pourront laisser libre cours à leur créativité et à leur connaissance fine du terrain pour inventer des solutions économiques adaptées à leurs réalités. Chaque île, chaque commune a ses spécificités, ses talents cachés, ses projets en germe. Certaines veulent développer l’agro-transformation, d’autres le tourisme culturel, d’autres encore le numérique pour rompre l’isolement… Avec les moyens juridiques proposés, rien n’empêchera plus une commune d’expérimenter une initiative originale. Bon courage et puissent-elles oser !

Le pays sera là pour les accompagner, mais certainement pas pour brider leur élan. Au contraire, nous espérons voir émerger, grâce à cette loi, une multitude de petits projets locaux innovants, portés par la passion de nos élus et de nos habitants, qui viendront enrichir le développement global de la Polynésie.

Ce texte a le mérite de remettre le droit en phase avec les réalités du terrain. Nous adaptons notre législation à ce qui se fait déjà dans les faits, afin de pérenniser ces pratiques utiles. Il ne vous aura pas échappé que cette réforme s’inscrit dans la continuité logique d’un grand mouvement de décentralisation et d’autonomie locale entamé depuis des décennies.

Après la création des communes en 1972, après l’autonomie de 2004 qui a clarifié les compétences, voici le temps d’un nouvel équilibre, plus fin, plus souple, entre le pays et les communes. Nous sommes en train de trouver, ensemble, le juste milieu pour que chaque niveau de collectivité exerce au mieux ses compétences au bénéfice de la population. À travers cette loi du pays, la Polynésie française prouve qu’autonomie peut rimer — excusez-moi — avec subsidiarité : laisser la main à l’échelon le plus proche du citoyen lorsque c’est pertinent, tout en gardant une unité d’ensemble. C’est un gage de maturité politique et de confiance envers nos élus locaux.

Sur le plan pratique, j’entends aussi les interrogations qui ont pu s’exprimer lors des consultations sur ce texte. Certains se demandent : comment les petites communes financeront-elles ces actions économiques ? Quelles articulations avec les politiques du pays pour éviter les doublons ou les inégalités ? Ces questions sont légitimes, et le texte prévoit justement des conventions de partenariat détaillées pour y répondre. Le pays n’abandonnera pas les communes à leur sort : un accompagnement technique et financier pourra être envisagé dans le cadre de ces conventions, pour que les projets communaux réussissent. De plus, un comité de suivi sera instauré, composé de représentants du pays, des communes et du CESEC, afin d’évaluer régulièrement la mise en œuvre du dispositif et de formuler des ajustements si nécessaire. Autrement dit, nous avançons prudemment mais résolument, en concertation avec l’ensemble des acteurs. Toutes les garanties de sérieux et de coordination seront apportées. Il ne s’agit pas de lâcher la bride sans contrôle, mais de faire confiance tout en suivant de près, dans un esprit de gouvernance partagée.

Pour illustrer de façon parlante la portée de ce texte, imaginez ce que pourrait faire, ce que pourra faire concrètement une commune dès l’adoption de la loi. Dans une île éloignée des Tuamotu, la commune pourra créer une petite zone d’activités près du quai pour accueillir des ateliers de transformation de produits de la mer, en partenariat avec des pêcheurs locaux, créant ainsi de l’emploi et de la valeur ajoutée sur place. Dans une commune urbaine de Tahiti, le maire pourra lancer un programme d’aide aux très petites entreprises artisanales, en accordant de minuscules prêts d’honneur à des jeunes qui veulent démarrer une activité (couture, agriculture urbaine, programmation informatique, etc.), stimulant ainsi l’esprit d’entreprise chez nos jeunes Polynésiens. Dans un atoll isolé, la commune pourra participer au capital d’une coopérative énergétique visant à installer des panneaux solaires pour réduire les factures et l’empreinte carbone locale. Toutes ces idées, et tant d’autres, bouillonnent déjà dans la tête de nos élus locaux. Nous allons enfin leur donner vie grâce à ce cadre légal. Chaque commune aura la liberté d’inventer sa propre réponse au défi du développement, en accord avec sa culture, ses ressources et les aspirations de sa population.

Mesdames et Messieurs les représentants, au moment de conclure, j’en appelle à notre sens collectif des responsabilités. Ce texte a fait l’objet de débats, de consultations, d’amendements ; il recueille aujourd’hui un large assentiment. En commission, il a été adopté à l’unanimité des membres présents, toutes tendances confondues. Cela témoigne d’une chose : au-delà des clivages partisans, nous savons reconnaître l’intérêt général de la Polynésie. L’intérêt général, ici, c’est de redonner du pouvoir d’agir à nos communes tout en renforçant la cohésion de notre action publique. C’est de permettre à chaque île, chaque vallée, chaque quartier, de contribuer à sa mesure au développement économique, au lieu d’attendre systématiquement tout d’en haut. C’est de faire confiance à l’intelligence locale, sans jamais renier bien sûr le rôle moteur du pays.

En votant en faveur de cette proposition de loi du pays, nous allons accompagner concrètement nos communes dans le grand défi du développement économique. Nous allons leur donner les armes juridiques pour qu’elles puissent relever la tête de leurs dossiers de voirie ou d’adduction d’eau, et qu’elles regardent plus loin, vers l’horizon du progrès économique et social. Qui mieux qu’elles savent ce dont la population a besoin pour prospérer ? En adoptant ce texte, nous affirmons notre confiance dans nos élus municipaux et dans la démocratie de proximité. Nous disons à nos maires : « Nous vous avons entendus ; nous vous faisons confiance ; nous vous offrons les moyens d’agir, tout en restant à vos côtés. » C’est un signal fort que nous enverrons ce jour-là.

Je veux également souligner que ce vote sera historique. Il marquera une nouvelle étape dans l’émancipation de nos communes, comparable en portée à leur création en 1972 ou à l’autonomie de 2004, car il signe le retour encadré d’une compétence de proximité essentielle. Il scellera une nouvelle alliance Pays-Communes pour le développement de notre pays. Et cette alliance, croyez-moi, fera la force de la Polynésie de demain. Dans un monde en mutation, face aux défis économiques, climatiques, culturels, nous aurons besoin de toutes nos forces vives. Or les communes sont des forces vives irremplaçables : elles sont nos sentinelles et nos artisans sur le terrain du quotidien. En leur donnant des moyens accrus, nous renforçons la Polynésie toute entière.

Chers collègues, l’enthousiasme que je mets dans ce projet est à la hauteur des espoirs qu’il suscite dans nos communes. J’ai vu des maires sourire en lisant le rapport de présentation de cette loi, y voyant la concrétisation de leurs demandes de longue date. J’ai entendu des entrepreneurs locaux dire qu’avec l’appui de leur commune, ils pourraient aller plus loin. J’ai croisé des jeunes qui imaginent déjà des projets qu’ils proposeront à leur municipalité une fois la loi adoptée.

Ne décevons pas ces attentes ! Nous avons l’occasion, par un vote favorable, unanime je l’espère, de montrer que la Polynésie sait être unie et ambitieuse lorsqu’il s’agit de son développement du bien-être de sa population.

Ainsi, je vous appelle solennellement, chers collègues, à voter oui à cette proposition de loi du pays. Faisons-le pour nos communes qui ont prouvé le dévouement et qui attendent ce signal pour avancer. Faisons-le pour nos concitoyens qui, dans chaque commune, bénéficieront des retombées de ces initiatives économiques locales (emplois, services, dynamisme accru...). Faisons-le enfin pour la Polynésie tout entière, car une Polynésie aux communes fortes et actives, c’est une Polynésie plus équilibrée, plus proche de ses citoyens, et plus prospère.

Je vous remercie. Merci bien. Que l’amour règne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Tavini Huiraatira.)

Le président : Merci bien.

Est-ce que le gouvernement veut intervenir ?

M. Moetai Brotherson : Oui, je voudrais remercier les intervenants, et puis, regretter qu’une partie de l’hémicycle se soit vidée, puisqu’on a là, justement, l’occasion de mettre en pratique immédiatement, sans attendre, un calendrier du Parlement national erratique. On le fait nous-mêmes dans le cadre de l’autonomie qui a été portée de tout temps, par ces rangs-là. Donc voilà, je veux juste dire que je suis un peu triste de voir cela.

Le président : Merci.

Tapati.

M. Tafai, Mitema Tapati : Oui, bonsoir à toutes et à tous. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, bonsoir. Eh ben ! Eh ben ! Si ce texte avait été placé avant le celui examiné précédemment, notre mauvaise image n’aurait pas été dévoilé. Celui-ci est tellement plus pratique ! Il n’y a pas besoin de se rendre à l’étranger (NDT, en France) puisqu’il est plus pratique ! Nous avons perdu du temps à nous chamailler alors qu’il y avait une voie plus simple et plus courte. Si Monsieur Kautai était présent, il serait satisfait de voir qu’il pourra apporter son soutien aux pêcheurs et aux agriculteurs ! Il n’y a pas besoin de se rendre dans des parlements.

J’avais entendu un comédien dire : « Parlement : parler-mentir », et nous mettons notre confiance en ce « parler-mentir » ! Alors, en entendant nos échanges, alors là chers collègues ! Si cette proposition de loi du pays avait été présentée précédemment, on aurait pu supprimer celui qui faisait débat et sur lequel nous nous sommes pris la tête.

Enfin, je demanderais à ce que le déroulement de nos travaux se fasse au mieux à chaque fois, notamment s’agissant de l’ordre de passage de nos textes lors de la planification de nos travaux au sein de la présente Assemblée. Que notre pirogue polynésienne vogue en paix jusqu’à son arrivée.

Merci.

Le président : Merci bien.

Oui, Nicole.

Mme Nicole Sanquer : Oui, merci Monsieur le président. Je voulais juste dire que l’absence du groupe Tapura n’est pas liée à quoi que ce soit. Ils sont juste allés à la messe prévue à Maria no te Hau en hommage au Pape. Ce n’est pas du tout une réaction par rapport au vote ou quoi que ce soit, ou que l’on pourrait imaginer.

Et puis, cela me fait plaisir de vous entendre dire que, finalement, dans le statut, le statut de la Polynésie française, on arrive à faire des choses comme ça. Merci beaucoup.

Le président : Voilà. Merci bien.

Y a-t-il d’autres intervenants ?... S’il n’y a pas d’intervenant, je vais vous faire une proposition. Nous avons tous pris connaissance du texte, est-ce que vous voulez que l’on adopte une procédure simplifiée ou vous voulez examiner le texte, article par article ? Qu’est-ce que vous en pensez ?... Simplifiée ?... On est tous d’accord ?... Simplifiée ?...

Oui, Pauline.

Mme Pauline Niva : Je demande aussi un vote public. Merci beaucoup.

Le président : Contrairement à l’autre texte qui n’est pas une loi du pays, on est obligé de soumettre au vote la demande de l’élue pour procéder à un vote public, mais là, on est obligé, c’est la loi. Telle est la loi, comme on dit. Et donc, si vous êtes tous d’accord, je mets aux voix l’ensemble du texte. Vous êtes d’accord ?... Donc, on va procéder au vote public maintenant.

Le scrutin est ouvert.

(Attente de l’affichage des résultats de vote.)

Le président : Bien, le scrutin est clos.

Le texte est adopté par 41 voix sur les 57 élus.

Bien, le texte est adopté. L’ensemble de la loi du pays est adopté.



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

X
Bienvenue.
Nous utilisons des cookies pour analyser et améliorer notre service, personnaliser le contenu, améliorer l’expérience utilisateur et mesurer l’audience. Ces cookies sont de deux types :
  • Des cookies de navigation qui sont nécessaires au bon fonctionnement du site Web et qui ne peuvent être désactivés ;
  • Des cookies de mesure d’audience qui permettent de compter les visites et les sources de trafic afin de pouvoir améliorer les performances de notre site. Ils permettent de connaître la fréquentation des pages et la façon dont les visiteurs se déplacent sur le site.

Pour plus d’information, consulter notre politique de protection des données