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Accueil > Justice administrative > Décision n° 2500001 du 10 juin 2025

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 10/06/2025
Décision n° 2500001

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Satisfaction totale

Texte lié
  • Annulant : Délibération n° 2024-117 APF du 12/12/2024 (texte annulé)
  • Décision du Tribunal administratif n° 2500001 du 10 juin 2025

    Tribunal administratif de Polynésie française

    1ère Chambre


    Vu la procédure suivante :
    Par un jugement n° 2500001 du 15 janvier 2025, le tribunal a, avant dire droit sur le déféré du haut-commissaire de la République en Polynésie française, en application de l'article 174 la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut de la Polynésie française, transmis le dossier du déféré au Conseil d'Etat pour examen de la conformité de la délibération contestée de l'assemblée de la Polynésie française n° 2024-117/APF du 12 décembre 2024 aux dispositions de la loi organique du 27 février 2004.
    Par une décision n° 500653 du 16 avril 2025, le Conseil d'Etat a émis l'avis que la délibération de l'assemblée de la Polynésie française n° 2024-117/APF du 12 décembre 2024 a méconnu la répartition des compétences résultant des articles 64 et 137 de la loi organique du 27 février 2004.
    Par une ordonnance du 24 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mai 2024.
    Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2025, l'assemblée de la Polynésie française, représentée par Me Millet, conclut, à titre principal, au rejet du déféré, à titre subsidiaire à la transmission du dossier au Conseil d'État pour qu'il formule un nouvel avis fondé sur la portée réelle de la délibération contestée dont l'objet n'est pas d'habiliter le président de l'assemblée de la Polynésie française à représenter la collectivité de Polynésie française comme l'a retenu par erreur le Conseil d'État dans son avis du 16 avril 2025, mais uniquement ladite assemblée dont il est le président et le représentant de droit.
    Elle soutient que :
    - le raisonnement du Conseil d'État est fondé sur un postulat erroné ; la délibération contestée n'a jamais eu la prétention d'habiliter le président de l'assemblée à représenter la Polynésie française, et cette habilitation retenue par le Conseil d'État n'est d'ailleurs exprimée nulle part, que ce soit dans le texte de cette délibération ou dans son rapport de présentation ; cette délibération n'habilite son président qu'à représenter ladite assemblée ; la demande préalable qui a été concrètement adressée aux autorités de l'État en exécution de cette délibération, a été formulée, non pas au nom de la Polynésie française, mais bien au nom de l'assemblée de la Polynésie française ; rien n'impose au demeurant qu'une telle demande soit formulée par le représentant du gouvernement ;
    - le droit à l'autodétermination n'appartient pas en effet à une entité administrative et en l'occurrence à la collectivité de Polynésie française, mais bien à chacun des membres du peuple polynésien ; on parle d'ailleurs de droit des " peuples " à disposer d'eux-mêmes indépendamment de l'avis ou de l'adhésion de ses dirigeants ; il est donc parfaitement régulier que le président de l'assemblée de Polynésie française puisse entreprendre cette démarche au nom de ladite assemblée ;
    - la délibération litigieuse, qui vise à " provoquer un dialogue de décolonisation avec les institutions de la Polynésie française dont l'objectif est de faire cesser la violation du droit fondamental à l'autodétermination du peuple de la Polynésie française ", ne saurait relever de la compétence de l'État français au titre de la " politique étrangère ", en application des dispositions du 3° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 ; l'organisation de l'autodétermination d'un peuple relève par définition de la politique " interne " à l'État français et non de sa politique " étrangère " ;
    - en vertu de la loi organique du 27 février 2004, le conseil des ministres et le président de la Polynésie française bénéficient d'une compétence d'attribution et l'assemblée dispose quant à elle d'une compétence résiduelle ; l'engagement d'un dialogue de décolonisation ne relève pas des compétences expressément déléguées au président de la Polynésie française en matière de politique étrangère par l'article 39 de la loi organique ; l'assemblée de la Polynésie française était donc compétente pour s'en saisir et pour déléguer à son président son initiation ainsi que ses éventuelles poursuites contentieuses en application de l'article 102 de la loi organique ; cette délibération s'inscrit de façon claire et manifeste dans le champ des " affaires de la Polynésie française " dont a à connaître la seule assemblée.
    Un mémoire a été enregistré le 23 mai 2024, présenté par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, qui n'a pas été communiqué.
    Vu l'avis n° 500653 rendu par le Conseil d'Etat le 16 avril 2025 ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu :
    - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
    - le code de justice administrative ;
    Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
    Ont été entendus au cours de l'audience publique :
    - le rapport de M. Devillers,
    - les conclusions de M. Boumendjel, rapporteur public,
    - les observations de Mme A représentant le haut-commissaire de la République en Polynésie française et celles de Me Millet représentant l'assemblée de la Polynésie française.
    Considérant ce qui suit :
    Sur les conclusions à fin d'annulation :
    1. La délibération déférée de l'assemblée de la Polynésie française n° 2024-117/APF du 12 décembre 2024 habilite le président de l'assemblée de la Polynésie française a " déposer un recours préalable auprès des autorités de l'État et, au besoin, à ester en justice devant toutes les juridictions françaises et internationales et les organismes relevant des Nations Unies, afin de provoquer un dialogue de décolonisation avec les institutions de la Polynésie française dont l'objectif est de faire cesser la violation du droit fondamental à l'autodétermination du peuple de la Polynésie française au sens notamment de la Charte des Nations Unies, de l'article 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et de l'article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ". Le 16 avril 2025, le Conseil d'Etat a rendu l'avis selon lequel la délibération contestée du 12 décembre 2024 de l'assemblée de la Polynésie française méconnaissait la répartition des compétences entre le président de la Polynésie française et le président de l'assemblée de la Polynésie française.
    2. Aux termes de l'article 5 de la loi organique du 27 février 2004 : " Les institutions de la Polynésie française comprennent le président, le gouvernement, l'assemblée et le conseil économique, social, environnemental et culturel ". Aux termes de l'article 64 de la même loi organique : " Le président de la Polynésie française représente la Polynésie française. Il dirige l'action du gouvernement () ". Aux termes de son article 91 : " Dans la limite des compétences de la Polynésie française, le conseil des ministres : () / 25° Décide d'intenter les actions ou de défendre devant les juridictions au nom de la Polynésie française, y compris en ce qui concerne les actions contre les délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente () ". Son article 137 dispose : " Le président de l'assemblée de la Polynésie française organise et dirige les services de l'assemblée. Les agents sont recrutés dans le respect du principe d'égal accès à la fonction publique. / Le président de l'assemblée de la Polynésie française prend tous les actes de nomination et de gestion des agents des services de l'assemblée. / Il gère les biens de l'assemblée et les biens affectés à celle-ci. / Le président de l'assemblée de la Polynésie française décide d'intenter les actions ou de défendre devant les juridictions au nom de l'assemblée de la Polynésie française, sans préjudice de l'application des dispositions du 25° de l'article 91 ".
    3. Il résulte des dispositions qui précèdent que seul le président de la Polynésie française représente la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ne pouvant agir en justice qu'au nom de cette assemblée.
    4. La délibération en litige, qui vise à ce qu'une action soit conduite afin de provoquer, par un recours préalable auprès de l'Etat et, au besoin, par des recours devant les juridictions françaises et internationales ainsi que les organismes relevant des Nations unies, un dialogue de décolonisation avec l'Etat en vue de l'autodétermination de la Polynésie française, habilite le président de l'assemblée de la Polynésie française à représenter la Polynésie française, et non sa seule assemblée. Par suite, en adoptant cette délibération, l'assemblée de la Polynésie française a, en tout état de cause, méconnu la répartition des compétences résultant des dispositions de la loi organique du 27 février 2004 mentionnées au point 2. Dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du déféré, ni de transmettre le dossier au Conseil d'État pour qu'il formule un nouvel avis, cette délibération ne peut qu'être annulée.
    D E C I D E :
    Article 1er : La délibération de l'assemblée de la Polynésie française n° 2024-117/APF du 12 décembre 2024 est annulée.
    Article 2 : Le présent jugement sera notifié au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française. Copie en sera délivrée à la Polynésie française.
    Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
    M. Devillers, président,
    Mme Busidan, première conseillère,
    M. Graboy-Grobesco, premier conseiller.
    Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
    Le président-rapporteur,
    P. Devillers
    L'assesseure la plus ancienne,
    H. Busidan
    La greffière,
    D. Oliva-Germain
    La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
    Pour expédition,
    Un greffier,
    N°2500001
    X
    Bienvenue.
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