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Rapport n° 42-2025 sur le projet de loi du pays portant modification de la loi du pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020 visant à organiser le titrement de certaines terres sises à Rurutu et Rimatara, archipel des Australes, Polynésie française

Paru in extenso au JOPF n° 11 NA du 25/06/2025 à la page 1429

Rapport n° 42-2025 sur le projet de loi du pays portant modification de la loi du pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020 visant à organiser le titrement de certaines terres sises à Rurutu et Rimatara, archipel des Australes, Polynésie française


Présenté par Mme la représentante Patricia Pahio-Jennings

Le président : On poursuit avec le rapport n° 42-2025, qui porte sur le projet de loi de pays portant modification de la loi n° 2020-6 du 29 janvier 2020, qui organise le titrement de certaines terres à Rurutu et à Rimatara, et dans la globalité des archipels des Australes.

J’invite la rapporteure, Patricia, à exposer son rapport.

Mme Patricia Pahio-Jennings : Merci, Monsieur le président. À toutes et à tous, mes salutations en cette fin de journée.

Depuis l’année 2020, la Direction des affaires foncières est en charge de la mise en œuvre de la procédure de titrement, actée par la loi du pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020 qui prévoit la cession à titre gratuit de biens relevant du domaine privé de la Polynésie française, en dehors de toute action en revendication de propriété devant le tribunal foncier.

Pour mémoire, ce dispositif est intervenu alors que le décret du 24 août 1887, qui a institué la procédure de déclaration de terres dans les EFO (aujourd’hui, Polynésie française), n’a pas été étendu aux îles de Rurutu et Rimatara, dont les terres ont été définies comme des « biens sans maître », ces derniers n’ayant « pas fait l’objet de la procédure systématique des droits fonciers instituée dans les autres parties du territoire ».

Ainsi, depuis 2020, le titrement de certaines terres sises à Rurutu et Rimatara a débuté. Cette procédure exceptionnelle a été instaurée pour une période temporaire de cinq années à compter de l’entrée en vigueur dudit texte. Or, à ce jour, plusieurs éléments tendent à ralentir le dispositif si bien que le nombre de terres cédées paraissent relativement faibles par rapport au nombre de terres à titrer. Sur Rurutu, par exemple, on dénombre 1503 terres à titrer pour 255 qui ont été officiellement cédées.

Les principales difficultés du dispositif tiennent entre autres à l’établissement laborieux du lien de filiation entre un déclarant et un attributaire. Également, plusieurs recherches, travaux de levés et documents d’arpentage nécessitent encore d’être établis sur les terres inscrites au titrement.

Pour toutes ces raisons, il convient de proroger le délai d’application de la loi du pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020, qui arrive à expiration le 18 juin 2025. La prorogation demandée est de trois années supplémentaires, laissant ainsi au service instructeur le temps nécessaire pour faire évoluer le dispositif afin de le simplifier, tout en tenant compte des contraintes identifiées.

Le présent projet de loi du pays a été examiné par la commission du logement, des affaires foncières et du développement durable le 17 avril 2025.

Il a été souligné que sur les deux îles de Rurutu et Rimatara, 70 % des terres sont restées domaniales et font l’objet de la procédure de titrement : 1400 hectares sur Rurutu et 442 hectares sur Rimatara. Sur plusieurs terres inscrites au titrement, se trouvent des sites culturels, estimés à une soixantaine. En conséquence, des discussions devraient se tenir sur la possibilité de retirer ces terres de la procédure de titrement.

Il peut également arriver que des dossiers soient rejetés.

Enfin, il a été souligné qu’au bout du délai de déclaration prévue par le texte, soit huit ans, les terres non déclarées resteront domaniales.

À l’issue des débats, le projet de loi du pays portant modification de la loi du pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020 visant à organiser le titrement de certaines terres sises à Rurutu et Rimatara, archipel des Australes, Polynésie française, a recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission.

En conséquence, la commission du logement, des affaires foncières et du développement durable propose à l’assemblée de la Polynésie française d’adopter le projet de loi du pays ci-joint.

Merci. Que l’amour règne.

Le président : Merci bien.

Pour la discussion générale, 36 minutes pour le Tavini, 15 minutes pour le Tapura et 9 minutes pour les non-inscrits.

J’invite l’intervenant du groupe Tapura huiraatira à prendre la parole.

Monsieur le maire de Rurutu.

M. Frédéric Riveta : Monsieur le président, bonjour. Monsieur le Président du pays, bonjour. Chers ministres, à toutes et à tous en ce début de soirée, mes salutations en cette rencontre.

Ce sujet est très important pour ces deux îles car, depuis janvier 2020, le titrement de certaines terres sises à Rurutu et Rimatara fait l’objet d’une procédure exceptionnelle et unique dans la République.

Au terme d’un gros travail administratif réalisé par la Direction des affaires foncières pour chacun des dossiers, il s’agit ici de restituer aux descendants des propriétaires, l’ancêtre jusqu’à trois ou quatre générations avant, des terres qui sont jusqu’ici présumées domaniales.

Pour l’histoire de notre Polynésie, Rurutu et Rimatara dans l’archipel des îles Australes sont les deux dernières îles à accepter de se placer sous le protectorat en 1890. Rurutu le 27 mars et enfin Rimatara le 29 mars. Les procès-verbaux de bornage de Rurutu ont été effectués dès 1950 par Éric de Bisschop et Rimatara par le géomètre Jean Cros, dès 1945. Et depuis lors, aucun titrement n’a été effectué par l’administration. C’est ainsi que chaque administré de ces deux îles se trouvait devant les juges des tribunaux fonciers en faisant un recours contre le Président de la Polynésie française, puisque la plupart de nos terres est portée « terre sans nom » dans le patrimoine domanial du pays. Cela est devenu au fil du temps une source de récupération politique à chaque changement de majorité dans notre hémicycle, et c’est facile d’accuser le Président du pays, de voler les terres de nos ancêtres.

Je voulais, par cette intervention devant vous, remercier tout simplement l’ancien gouvernement qui a su mener avec pragmatisme ce dossier inextricable. Les anciens de mon île se sont battus sans jamais réussir dans leurs démarches communautaires.

Président, avec votre majorité, je tenais également à vous remercier de la continuité de ce dossier. Certainement, avec ces cinq années passées, il y a matière à simplifier les démarches administratives.

Le dispositif arrive à échéance le 18 juin 2025 très exactement, le gouvernement sollicite notre assemblée pour une prorogation de trois ans supplémentaires aux fins de venir à bout de tous les dossiers en instance. En effet, partant du principe qu’il reste 2300 terres à titrer dont 1503 rien qu’à Rurutu, ce délai a été jugé suffisant par l’équipe précédente, ce qui n’a visiblement pas été contesté par l’actuel gouvernement. Autrement dit, les familles ne comprendraient pas que l’on s’arrête en si bon chemin...

Pas sûr pourtant que la DAF puisse venir à bout dans les temps de toutes les revendications, qu’elles soient légitimes ou non, lorsqu’on sait que 255 et 219 terres ont été respectivement cédées en cinq ans. La faute, dit-on, à des « difficultés qui sont apparues au fil du temps... » et qui vont nécessiter, dans les mois à venir, des modifications du texte pour en améliorer l’efficacité.

Parmi les obstacles qui seraient de nature à retarder le processus, c’est la découverte sur la terre en question d’un site culturel ou d’une portion de route, voire pire lorsque la parcelle se situe en bord de mer. Raison pour laquelle, plus qu’un renforcement de ses effectifs, la DAF réclame avant tout que des décisions et des arbitrages soient pris au plus haut niveau.

En connaissance de cause, Monsieur le Président, nous-mêmes au niveau de la commune, il y avait de la voirie municipale qui a été cadastrée en 1950 sur Rurutu et qui traverse des propriétés privées. Et nous, pour pouvoir développer notre commune et harmoniser l’urbanisation de notre commune, on ne peut même pas bétonner la route, on ne peut même pas tirer l’eau, on ne peut même pas tirer l’électricité ! On est obligé de demander des autorisations de passage et, malheureusement, tous ces gens-là ne sont pas parfois ici ; ils sont en France, ils sont à Nouméa, ils sont ailleurs. Et même ici, ils ne comprennent pas pourquoi l’on prend sur leur terre.

C’est pour cela que sur l’article 20 de l’ancien texte, on avait demandé à ce qu’il y ait des expropriations de ces passages de notre voirie municipale pour pouvoir développer et puis installer, amener l’eau et pour le développement de l’urbanisme dans notre commune.

Voilà, président. Dans cette attente, nous appelons en effet les pouvoirs publics à prendre toutes leurs responsabilités pour que cette procédure de titrement des terres sises à Rurutu et Rimatara arrive à son terme dans les délais impartis et dans l’intérêt de tous.

Merci, Monsieur le président et vous autres, et mes salutations en cette rencontre.

Le président : Merci bien.

J’invite maintenant l’intervenant des non-inscrits à prendre la parole. Nicole.

Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président.

Monsieur le ministre,

Il nous est transmis pour examen un projet de loi de pays modifiant la loi de pays n° 2020-6 du 29 janvier 2020 qui organise le titrement de certaines terres à Rurutu et Rimatara.

Comme le rappelle l’exposé des motifs, la promulgation de cette loi en 2020 a permis de titrer les terres de ces deux îles afin que les propriétaires terriens puissent bénéficier d’un titre de propriété en bonne et due forme et ainsi pallier ce vide juridique.

Pour rappel, sur l’archipel des Australes, il existe trois régimes fonciers différents. Un régime coutumier à Rapa, un régime instauré pour le royaume Pomare avec les tōmite (NDT, titres de propriété) et une prescription inquisitive pour Rurutu et Rimatara, car le décret du 24 août 1887 n’a jamais été étendu à ces deux îles et aucun texte spécifique n’a été adopté.

Le jugement dit « Puarau », en 2008, va affirmer que les biens fonciers sur Rurutu sont des biens sans maître et par conséquent rentrent dans le patrimoine domanial du Pays. C’est en 2018, lors d’un jugement rendu par le tribunal foncier, qu’il va être statué que le procès-verbal de bornage qui renseignait une rubrique attributaire ne suffisait pas à établir la présomption de propriété, puisqu’il était nécessaire qu’à ce dernier soit ajoutée une condition de possession concordante. Le gouvernement d’Édouard Fritch a donc instauré une procédure exceptionnelle et temporaire pour une durée de cinq ans, unique et spécifique aux îles de Rurutu et Rimatara, en soumettant à l’assemblée cette loi de pays du 29 janvier 2020 et qui fut adoptée à l’unanimité.

Cette loi a figé une procédure afin de reconnaître un titre à chaque personne physique qui a porté la preuve de propriétaire. Ainsi, les services de la DAF ont pu commencer à rechercher les propriétaires et à instruire les dossiers de chaque demandeur. Comme le déclarait Madame la directrice de la DAF « étant un dispositif inédit, les difficultés sont apparues au fur et à mesure du temps avec les demandes de chacun. Au bout de cinq ans, le titrement n’a pu être réalisé dans son intégralité et on ne peut laisser les revendications des familles sans suite ». C’est pourquoi le texte qui nous est soumis aujourd’hui propose de proroger le dispositif de titrement de trois années.

Les principales difficultés rencontrées dans le parcours du titrement sont les procédures de vérification des filiations, vérification du procès-verbal de bornage, vérification des occupations. Le suivi est complexe, car il y a parfois plusieurs demandes d’attributaires pour une même parcelle, et les déclarations sont multiples. La terre en question ne doit pas faire l’objet d’un recours au tribunal. Les délais sont rallongés. Et pour éviter toute contestation, toute demande de titrement doit être publiée au JO pour une durée d’un an.

Les marchés cadastraux, les extraits du titrement, les parcelles occupées par le Pays, routes, bâtiments publics, sites culturels, accès public à la mer, n’ont pas été simples à mettre en place et ont pris beaucoup de temps. Il s’agit là d’un point important pour la suite.

En effet, selon les explications de Madame Loyana Legall, en commission, le gouvernement doit statuer sur les parcelles dites domaniales identifiées que l’on doit retirer du titrement et donc des biens des familles requérantes. Si aucune décision claire et précise n’est prise par le Pays, le délai de trois ans ne suffira pas à finir le process de titrement, car pour les propriétaires concernés, il s’agit d’une cession partielle ou totale définitive.

Les sites culturels et les terrains en bord de mer sont les parcelles au cœur même des arbitrages gouvernementaux. Et sans concertation avec les familles, les maires, il est difficile de pouvoir prendre une décision unanime ou générale pour tous.

Le foncier en Polynésie française marque l’identité et l’origine de toutes les familles. C’est l’attachement à la terre. Priver une famille de sa terre ou d’une partie de sa terre, c’est les priver d’un héritage de leurs ancêtres. Et tout cela peut provoquer de l’incompréhension, de la colère, de la violence et voire même du rejet.

Cette question d’actualité m’amène, Monsieur le Président, Monsieur le ministre, à vous interpeller plus précisément sur un sujet, car la question doit être aujourd’hui clairement posée dès lors que la surface conservée par le Pays est prévue d’être plus importante.

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, envisagez-vous, tout comme vous vous y étiez engagés pour la plage publique de Temae, de consulter la population des Australes sur les biens fonciers que le Pays entend conserver sur Rimatara et Rurutu pour faciliter l’accès public au littoral de ces îles à l’instar de ce que vous aviez annoncé pour la plage publique de Temae à Moorea ? Et à ce propos, qu’en est-il du devenir de cette consultation, faute d’accords trouvés entre la population et le propriétaire actuel, sur les conditions de rachat par le Pays de l’emprise ER22 à Moorea, telles qu’initialement prévues dans le PGA de la commune ?

Je vous remercie.

Le président : Merci.

On poursuit cette discussion générale avec les intervenants du Tavini huiraatira.

Qui intervient pour le Tavini ?... Béatrice.

Mme Béatrice Flores-Le Gayic : Bien le bonjour à toutes et à tous en cette rencontre. Ceci sera la première intervention. Il semble qu’il y en aura deux pour le Tavini huiraatira.

Un homme sans terre est semblable à une pirogue sans balancier qui se renverse et cela sans cesse. On retrouve le même schéma s’agissant de la situation du peuple Polynésien avec sa Terre-mère (NDT, pays) : dès notre naissance, le Polynésien est lié à sa terre d’origine. Lorsqu’un nouveau-né voit le jour, son placenta est enterré sous terre matérialisant ainsi la filiation qu’il y a entre lui et la terre de ses parents. Et lors de la mise en terre du placenta, une plante y est également enterrée et c’est celle-ci qui nourrira cet enfant grâce aux fruits qu’elle produira. Ceci est la conception d’origine que se fait le Polynésien de sa terre (NDT, son lien à sa terre).

Ainsi, ce projet de loi du pays, malgré qu’il n’y ait que deux articles, n’est pas un texte règlementaire simple, ni un ornement. Par contre, c’est un moyen de restituer les biens ancestraux n’appartenant pas au Pays à leurs véritables propriétaires.

Le préambule que je viens de lire en langue tahitienne met en exergue d’une part, le lien ancestral entre le peuple polynésien et sa terre, et d’autre part, le besoin urgent de rendre les terres « sans titre » de son ancêtre à leurs descendances.

Pour mémoire, le décret du 24 août 1887 relatif à la délimitation de la propriété foncière dans les Établissements français de l’Océanie (EFO), instaure et spécifie pour tout revendiquant d’une terre, la procédure de déclaration de terres.

Sauf que ce décret n’a jamais été étendu aux îles de Rurutu et Rimatara et aucune règlementation spécifique à ces deux îles, pour la matière foncière, n’a été adoptée.

Ce manquement est une aubaine pour les ayants-droits des terres « sans titre » des îles de Rimatara et Rurutu.

Pour ce faire, le vide juridique créé pour la non-application du décret référencé ci-dessus, le 29 janvier 2020 une loi du pays n° 2020-6 a été adoptée par l’assemblée de la Polynésie pour pallier le « vide juridique historique » salvatrice pour notre population des Australes.

Le rapport présenté par notre collègue Patricia Pahio-Jennings est très explicite sur la reconnaissance du droit à la propriété individuel voire familial des ayants droits sur les terres « sans titre » de Rimatara et de Rurutu par les autorités compétentes, en l’occurrence le Pays.

La loi du pays du 29 janvier 2020 a instauré une procédure exceptionnelle et temporaire pour une période de cinq années à compter de l’entrée en vigueur dudit texte, spécifique aux îles de Rurutu et Rimatara, tendant à la délivrance de titres de propriété.

Aujourd’hui, le projet de loi du pays qui nous est soumis à notre approbation, est une demande de prolongation de trois années supplémentaires de la procédure exceptionnelle initiée en 2020 et qui expire le 18 juin 2025.

Le pragmatisme des chiffres nous renvoie à notre lucidité. En effet, sur plus de 2300 terres à titrer, à peine 474 ont été effectivement cédées à ce jour. C’est moins de 20 %, et pourtant, plus de 1900 déclarations ont déjà été déposées.

Deux questions que je voudrai poser à notre gouvernement :

La première question : est-ce que les trois années supplémentaires sont suffisantes pour résorber toutes les 2 300 terres à titrer alors que 5 années d’exercices ont fait que seuls 20 % des demandes ont été satisfaites ? Il faut rappeler que les terres non déclarées dans le délai prévu, resteront domaniales. Et c’est une information essentielle à faire passer : la loi ne prévoit pas une ouverture indéfinie. Elle prévoit huit années. Ensuite, les voies de revendication classiques reprendront leurs droits.

La seconde question : est-ce qu’il est possible d’abroger le décret du 24 août 1887 pour une nouvelle loi du pays qui instaurera une procédure non exceptionnelle mais simplifiée pour avoir accès aux terres plus facilement de nos ancêtres, où la lourdeur administrative ne vienne entraver le bon déroulement du processus du droit à la propriété ?

Monsieur le Président de Mā'ohi Nui (NDT, Polynésie française), nous sommes conscients que le foncier est un sujet sensible et complexe, mais une procédure allégée et simplifiée adaptée à notre population serait la bienvenue. Ne nous demandez pas le pourquoi du comment, on vous donne quitus pour faire en sorte que le processus de l’accès à la propriété soit plus humaine qu’administratif et juridique.

Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi du pays du 29 janvier 2020, force est de constater que nous n’avons pas atteint l’objectif souhaité, à savoir la restitution totale des terres aux ayants droits.

Au-delà, de l’aspect juridique, administrative de l’énigme du foncier, la terre est un sujet sensible au sein de chaque famille polynésienne qui fait que la division prime sur l’indivision. Comme dirait l’autre : « il faut arrêter l’immobilisme ! »

Pendant les cinq années, la mobilisation de la population de ces deux îles fut indiscutable. Est-ce à dire que c’est la faute de la lourdeur administrative qui ne facilite pas les différentes démarches de nos citoyens ? Pourquoi ? Comment faire ? C’est tout le bien que l’on souhaite à notre gouvernement pour accompagner au mieux nos revendiquants.

Certes, comme mentionné plus haut, le foncier en Māʹohi Nui (NDT, Polynésie française) est un sujet complexe, sensible et coûteux.

La récolte d’informations ne peut se faire convenablement que si vous êtes une passionnée des affaires de terre, entre :

– l’établissement de la filiation entre les déclarants d’aujourd’hui et les attributaires figurant dans les anciens documents cadastraux ;

– la demande de vérification généalogique, génération par génération, souvent sur des noms dont l’orthographe a varié, ou dont les traces dans l’état civil sont parfois incomplètes ;

– les conflits d’usage ou d’occupation des terres : certains se sont installés sans attendre le titrement, d’autres contestent la représentation familiale, et d’autres encore sont en contentieux au tribunal.

De plus, il faut noter que certaines parcelles concernées accueillent aujourd’hui des infrastructures publiques, comme des routes, des forages d’eau, des stations de pompage, ou bien des sites culturels (des marae (NDT, plate-forme construite en pierres sèches et où se déroulaient le culte ancien et les cérémonies à caractère social ou politique), des paepae (NDT, plateformes en pierres)). Ces terres ne peuvent pas être titrées sans réflexion préalable, car elles répondent à un intérêt collectif ou patrimonial qui dépasse la seule question de la propriété privée.

La direction des affaires foncières, service du Pays, doit être soutenue et renforcée en moyens humains et en moyens financiers, et nous comptons sur notre jeune ministre du foncier de donner une part de son énergie pour que toutes les difficultés liées au foncier soient résolues dans les meilleurs délais, et l’autre part de son énergie pour le logement.

Si la rétrocession des terres « sans titre » par le Pays est effective pour notre population des Australes, il est souhaitable que cette démarche puisse se réaliser sur l’ensemble de Māʹohi Nui (NDT, la Polynésie française), c’est un vœu pieux de notre population.

Il est d’usage de dire ou de faire : une terre « sans titre » devient une terre dite « domaniale ».

Connaissant l’humour du peuple polynésien, il est fréquent d’entendre dire sur le terme « dite domaniale », des réflexions généalogiques :

– de quelle famille vient « Domaniale » ? Car il est demandé le nom du revendiquant de la terre ;

– quel est l’ancêtre de « Domaniale » ? Car il est demandé au revendiquant de la terre, son affiliation à la terre et à sa généalogie.

Si cet aspect humoristique est bien de chez nous, il n’en demeure pas moins que chaque polynésien revendiquant une terre doit faire des démarches extrêmement fastidieuses alors que le bénéficiaire « Domaniale » se restitue sans effort des terres qui furent jadis cultivées, travaillées et habitées par les ancêtres de Māʹohi Nui (NDT, la Polynésie française).

Aussi, on ne peut que féliciter ceux et celles qui se sont battus et qui se battent encore pour les terres de leurs ancêtres.

Concernant le vote du texte, je souhaite que notre vote soit identique aux membres de la commission, à savoir un vote favorable unanime.

Que l’amour règne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Tavini huiraatira)

Le président : Merci bien.

Y a-t-il d’autres intervenants ? Sinon, je cède la parole au gouvernement.

M. Moetai Brotherson : Merci bien à tous les intervenants.

Je vais me contenter de répondre sur le dossier Temae, et sur le reste, je laisserai notre excellent ministre en charge du foncier apporter les réponses.

Sur ce dossier de Temae, comme sur d’autres, je n’ai pas changé dans mes propos et dans mes intentions. Nous sommes actuellement dans l’attente d’une dernière rencontre avec la fédération Tāhei ʹAutī ia Moorea, qui a demandé donc à nous voir. Ils seront reçus d’abord par le ministre. Également, il recevra les promoteurs puisqu’il faut entendre tout le monde sur l’état de ces discussions et, ensuite, on les recevra ensemble pour voir qu’est-ce que l’on fait par la suite.

La consultation peut prendre plusieurs formes. On peut organiser une consultation, un peu comme ce qui s’est fait à Maupiti à une autre époque, pour savoir s’ils voulaient des hôtels ou pas. Une autre façon, peut-être plus simple, ce serait que des candidats aux municipales se positionnent et inscrivent dans leur programme des positions tranchées, et puis on verra qui gagnera ces élections. Non, non, mais je dis ça, c’est plus sur le ton de la boutade qu’autre chose. Voilà.

Et sur le reste, je laisserai Oraihoomana vous répondre.

M. Oraihoomana Teururai : Merci, Monsieur le Président du pays. Monsieur le président de l’assemblée, les représentants de notre assemblée, bonjour à tous.

Plusieurs interventions, mais en réalité, ce que je constate, c’est qu’au-delà des échanges prévus par la réglementation sur ce projet de texte, ce que je remarque, c’est que cela fait l’unanimité. En réalité, on est tous d’accord de dire que l’on ne va pas priver les habitants de Rimatara et de Rurutu de cette procédure exceptionnelle qui a été instituée. Quel que soit le gouvernement, je pense qu’il ne faut pas, là, faire de la récupération politique sur ce texte-là. C’est un texte qui est entré en vigueur en 2020, qui est prorogé par notre mandature. Et donc, nous avons tous à prendre part, à se féliciter, à se…, à être heureux pour les habitants de Rurutu et de Rimatara.

Merci pour vos mots qui ont été bienveillants sur ce projet de texte.

Je reviendrai en revanche sur certaines des interventions, certaines des questions qui m’ont été posées. Je grouperai les interventions de notre représentant et maire de Rurutu, que je salue, et que l’on aura bientôt l’occasion de venir visiter dans quelques jours, dans quelques semaines, mais également notre députée, qui exhortait le gouvernement, un petit peu, à prendre ses responsabilités. À savoir que, lors des auditions de la commission en charge du foncier notamment, la directrice des affaires foncières vous avait indiqué qu’il y avait des décisions qui devaient être prises. Ces décisions, elles ne vont pas être prises uniquement à notre niveau, le gouvernement, puisqu’en 2020, on ne s’est pas préoccupé de venir identifier les parcelles, les bouts de parcelles qui accueillaient des infrastructures routières, publiques, des captages d’eau, des centres de pompage, des cimetières, des plages. On ne s’était pas préoccupé à cette époque de venir identifier ces infrastructures qui existaient et de les sortir du dispositif du titrement.

Et donc, en 2020, lorsqu’on a présenté le dispositif, on n’a pas du tout fait la part des choses, on n’a pas du tout regardé dans ce niveau de détail. Ce n’est qu’à l’occasion de missions en 2021, qu’en réalité, ce point a été soulevé et il y a eu des discussions entre les conseils municipaux, les maires et le précédent gouvernement sur la nécessité de venir sortir un certain nombre de parcelles du dispositif de titrement. On se voit mal titrer les cimetières, on se voit mal titrer des routes, etc., etc. Pour autant, après avoir dit cela, il faut avoir le…il faut prendre la décision, effectivement. Il faut prendre la décision, mais avant de prendre la décision, et Madame la députée, vous m’y exhortiez, il faut aller devant la population.

Des échanges de lettres sont intervenus entre la DAF et les deux communes concernées, Rimatara et Rurutu, sur la confirmation par les communes de retirer les parcelles concernées du dispositif et donc, de ne pas titrer sur un certain nombre de parcelles. Il n’y a pas forcément eu de réponse affirmée de l’équipe communale, mais il ne s’agit pas de venir mettre chacun en porte-à-faux. Il s’agit surtout de faire ce travail ensemble, le gouvernement et les maires, les conseils municipaux.

Lorsqu’on s’était rendu à Rimatara, c’était le discours que j’ai tenu au maire de Rimatara, lui indiquant que s’il fallait retirer certaines parcelles du dispositif de titrement, il ne faudra pas dire que c’est le gouvernement qui a décidé à Papeete de retirer ces parcelles du dispositif du titrement. C’est une décision en responsabilité et commune entre le Pays et la commune concernée. Et donc, l’idée, c’est que chacun prenne ses responsabilités, et je prendrai les miennes pour ce qui concerne le Pays sur ce sujet-là.

À l’occasion du conseil des ministres délocalisé de Rimatara, j’avais indiqué au maire que je reviendrai pour discuter de cela avec la population, de tenir des réunions pour justement identifier les parcelles sur lesquelles on peut néanmoins titrer, moyennant certaines mesures de protection, et il y a notamment les sites culturels. Il n’y a pas forcément besoin de venir sortir ces parcelles du dispositif de titrement. Il y a simplement des précautions à prendre et une sensibilisation à faire au niveau des familles qui seraient concernées, de ne pas porter atteinte et respecter un petit peu cet héritage culturel.

Vous parliez également, Madame la députée, des plages publiques. Effectivement, cela va être un véritable sujet. Lorsqu’on était à Rimatara, il y avait de très belles plages publiques et on gage que si demain l’on venait titrer, on verrait fleurir des clôtures pour venir un petit peu empêcher les habitants de venir profiter, ce qui serait vraiment dommage. Donc, c’est un travail que l’on doit faire, Pays et communes. Ce n’est pas moi tout seul qui prendra la décision de venir titrer ou de ne pas titrer. Chacun de nous prendra nos responsabilités.

Le Président a répondu aux questions sur la plage de Temae.

Je répondrai aux questions de notre représentante Béatrice Le Gayic, qui s’interrogeait de savoir si trois années supplémentaires suffisent. J’ai envie de vous dire que oui, puisqu’il n’y a que des décisions à prendre, prenons-les dans les semaines à venir, prenons-les dans les mois à venir et la procédure pourra continuer. À Rimatara, la majorité des terres qui ne sont pas encore titrées, c’est parce qu’il y avait une décision qui était attendue par la DAF. La DAF, si demain je lui dis « Tu titres, titrez, allez, ce n’est pas grave, on regardera après », j’ai 300, 500 dossiers qui arrivent sur mon bureau, sur mon bureau. Donc, le travail opérationnel a été réalisé, maintenant, il faut que le politique prenne ses responsabilités, et ces responsabilités seront prises avec la commune.

Je vous ferai également remarquer que sur le nombre de terres qui ne sont pas encore titrées, ce n’est pas forcément et uniquement parce qu’il y a des décisions qui doivent être prises, c’est aussi parce que les personnes ne se sont pas manifestées, tout simplement. Pour venir un petit peu vous rappeler certains chiffres : sur Rurutu, par exemple, sur les 1 503 terres à titrer, il y en a encore 559 qui n’ont pas encore fait l’objet de déclarations. Et donc, la DAF continue à aller voir les familles, à les sensibiliser sur ce dispositif de titrement. Sur Rimatara, également, on a toujours... Pour vous donner un exemple, il y a ces grandes parcelles de terres que sont les tarodières à Rimatara. Il y a quatre grandes tarodières à Rimatara qui devraient être titrées. Il y a 247 parcelles qui composent les tarodières et il n’y en n’a que 55 qui ont fait l’objet d’une déclaration. Donc, ce n’est pas tout le monde qui vient faire cet exercice de déclaration.

Et enfin, je me permettrai simplement, puisque la perche m’a été un petit peu tendu par notre représentante, Le Gayic, qui s’interrogeait de savoir, en réalité, d’où vient le mot « domanial », qui c’est « Domaniale », de quel titre de propriété se revendique-t-il pour pouvoir revendiquer ou, en tout cas, avoir la maîtrise foncière. Alors, je m’adonnerai simplement à ce petit exercice de pédagogie, puisque, vous le savez ou vous ne le savez peut-être pas, je suis juriste, et j’ai fait une thèse en matière foncière notamment. Le mot « domanial », en réalité, vient du mot « domaine », du mot « dominium », du latin « dominium », qui voulait dire la propriété, la puissance. Voilà ce que cela voulait dire. Donc, nous avons hérité de ce terme latin jusqu’à chez nous, par héritage de notre droit français qui prévaut aujourd’hui. Donc le mot « domanial » vient du mot latin « dominium ».

Et, pourquoi est-ce que « Domanial » peut avoir la propriété ? C’est une question de responsabilité. On ne peut pas laisser un bien sans maître. Sans maître, cela veut dire sans personne vers qui se retourner si toutefois ce bien pouvait causer un préjudice à quelqu’un. C’est la raison pour laquelle, par défaut, c’est domanial.

Voilà. Merci. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Tavini huiraatira)

Le président : Merci bien. Je pense qu’il n’y a plus d’intervention ?... Nicole.

Mme Nicole Sanquer : Oui, merci Monsieur le ministre et d’entrer dans ce dialogue avec tous les acteurs pour pouvoir trouver des solutions, ce n’est pas une chose facile, notamment pour les marae (NDT, plate-forme construite en pierres sèches et où se déroulaient le culte ancien et les cérémonies à caractère social ou politique) et pour les plages publiques. Par contre, j’avais une question parce qu’en me rendant sur Rimatara et Rurutu, j’ai parfois une question que j’aimerais vous poser : est-il vrai que lorsque le titrement est fait, y a-t-il une clause qui interdit la famille pendant 30 ans de vendre ou quoi que ce soit ? Est-ce qu’il y a cette clause-là dans le titrement fait ?

M. Oraihoomana Teururai : Dans le dispositif en lui-même, il n’y a pas inscrit directement cette obligation de ne pas revendre, mais dans les actes, effectivement, l’idée, c’est de ne pas revendre. On est venu redonner, enfin, je ne peux pas dire redonner, parce que c’est comme si l’on se disait qu’en fin de compte, c’était de la propriété du Pays qu’on vient... Il s’agit de venir conforter la propriété ancestrale de ces personnes, donc on souhaite quand même que le dispositif qui a été mis en place, ne soit pas afin de reventes dont on ne sait pas qui pourrait se porter acquéreur.

Mme Nicole Sanquer : Donc c’est inscrit ou ce n’est pas inscrit ?

M. Oraihoomana Teururai : Dans le dispositif réglementaire, non. Dans la loi du pays, il n’y a pas ce dispositif-là. Dans les actes de titrement, effectivement, on demande aux personnes de ne pas procéder à la vente de ces terres.

Mme Nicole Sanquer : Pendant 30 ans.

M. Oraihoomana Teururai : Alors, ce n’est pas une période… Je n’ai plus la période en tête, mais ce n’est pas aussi long.

Mme Nicole Sanquer : OK. Non, parce que la plupart des familles, ce n’est pas pour s’enrichir, mais par exemple, des fois, ils héritent de propriétés pour entretenir, pour désenclaver, pour… Ils ont besoin un peu d’argent et ils souhaiteraient vendre une partie de leurs terres pour pouvoir avoir cet argent-là et c’est vrai que c’est bloquant pour eux parce qu’ils manquent de moyens pour pouvoir exploiter leurs terres. Voilà. Merci.

Le président : Bien.

Plus d’interventions ?

Article LP 1er

Le président : Je vous propose de passer à l’examen de la LP 1er. Qui est pour ?... À l’unanimité. Merci.

Article LP 2

Le président : LP 2, la même chose ? Très bien.

Je vous propose de prendre votre boîtier électronique et le vote électronique est ouvert.

(Attente de l’affichage des résultats du vote.)

Le président : Très bien. Donc, le vote est acquis par 56 voix pour. 



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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