Rapport n° 44-2025 relatif à un projet de loi du pays relative au crédit à la consommation et au crédit immobilier Paru in extenso au JOPF n° 12 NA du 10/07/2025 à la page 1460
| Rapport n° 44-2025 relatif à un projet de loi du pays relative au crédit à la consommation et au crédit immobilier Présenté par Mme et M. les représentants Elise Vanaa et Tematai Le Gayic — Présentation du rapport — Le président : Donc, on va poursuivre notre séance avec le rapport 44-2025. Cette fois-ci, je cède la parole à Madame Elise Vanna qui va nous faire lecture du rapport de présentation. Mme Élise Vanaa : Merci, Monsieur le président. Président Moetai, Madame la ministre Vannina, Messieurs les ministres, à tous rassemblés ici ce matin, bien le bonjour à l’occasion de notre rencontre. Le projet de loi du pays relatif aux crédits à la consommation aux crédits immobiliers vise à instaurer un cadre juridique pour l’octroi de crédits à la consommation et de crédits immobiliers dans le pays. Il s’agit ici de codifier, au niveau local, l’ensemble des règles relatives à l’information préalable de l’emprunteur, à la formation du contrat, à l’évaluation de la solvabilité, aux modalités de remboursement et de rétractation, aux obligations des établissements prêteurs ainsi qu’aux sanctions applicables en cas de manquement. Ce texte répond à un vide juridique né en 2017, après l’abrogation des lois métropolitaines précédemment en vigueur, sans qu’aucun cadre local n’ait été mis en place pour les remplacer. À la suite d’un avis de la Cour de cassation rendu en novembre 2023, le pays a l’obligation d’assumer pleinement sa compétence en matière de droits civils liés au crédit. Ce texte est structuré en trois parties. Titre Ier : règles applicables aux crédits à la consommation, aux crédits immobiliers, définition, publicité, formation du contrat, obligation des prêteurs, droit des emprunteurs, modalités de remboursement, regroupement des crédits, etc. Titre II : Régime des sanctions civiles administratives et pénales en cas de manquement aux obligations. Et enfin, le titre III : Dispositions transitoires pour permettre une mise en conformité progressive des établissements de crédit. Parmi les mesures concrètes : encadrement du crédit conso, seuil adapté au pays, fiches d’information obligatoire, droits de rétractation de 14 jours, crédit immobilier, droits de rétractation de 10 jours, fiches comparatrices, mention des coûts annexes, assurances et frais, et règles générales, vérification de la solvabilité, encadrement de la publicité, délai de grâce jusqu’à deux ans, sanctions graduées. Le projet de loi du pays reprend à 95 % les dispositions du code de la consommation nationale, même structure, même définition, mêmes obligations, mêmes sanctions. Les adaptations locales se limitent à la conversion des montants en francs CFP, des seuils de crédit ajustés au marché local, des renvois vers des arrêtés en conseil des ministres au lieu des décrets métropolitains. Ce texte apporte une clarification du droit applicable en matière de crédit, une protection accrue des consommateurs, information précontractuelle, droit de rétractation contre de la solvabilité — on dirait que je suis en train de me répéter —, une responsabilisation des prêteurs assortie de sanctions en cas de manquement et une base juridique solide pour les contrats futurs. Le CÉSEC a émis un avis favorable à l’unanimité, car considérons que le texte est nécessaire pour combler le vide juridique laissé par l’abrogation des anciennes lois et la non-application du nouveau Code national. Il reconnaît que le crédit est un outil structurant de l’économie du pays et qu’une régulation claire est indispensable pour protéger les consommateurs. Donc, voici en quelques mots la présentation très synthétique de ce projet de loi du pays que j’invite mes collègues représentants de l’Assemblée a voté favorablement en faveur de ce projet de loi du pays. Merci de votre attention. Le président : Merci. Donc, le CÉSEC nous informe qu’aucun membre de l’institution n’a été désigné pour représenter son avis sur ce projet de loi du pays. Pour la discussion générale, la conférence des présidents a prévu 60 minutes, dont 36 minutes pour le Tavini, 15 minutes pour le Tapura et 9 minutes pour les non-inscrits. J’invite le Tavini huiraatira à prendre la parole. Monsieur Tematai. M. Tematai Le Gayic : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président du pays, Madame et Messieurs les ministres, chers collègues, Monsieur le président Temaru, bonjour. Le texte que nous examinons aujourd’hui vient répondre à une double nécessité, une nécessité juridique et une nécessité sociale. Pendant plusieurs années, la Polynésie a connu un vide normatif en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. Ce vide a créé une situation d’insécurité tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs, avec des contrats signés sur des bases fragiles dans un flou juridique parfois total. La loi du pays qui nous est soumise vient mettre de l’ordre, poser des repères et protéger nos familles face à des engagements financiers souvent lourds, parfois contractés, sans accompagnement ni information claire. Ce texte est d’abord un acte de souveraineté juridique. Le Conseil d’État en 2016, puis la Cour de cassation en 2023, ont confirmé que la formation des contrats de crédit, l’information de l’emprunteur, les délais de rétractation relèvent bien de notre compétence polynésienne. Nous saluons donc l’initiative du gouvernement, car elle affirme que le pays assume pleinement sa capacité à légiférer dans ce domaine fondamental de la vie économique. Le droit du crédit, ce n’est pas neutre. C’est un levier de développement, mais aussi un espace d’asymétrie de pouvoir entre les particuliers souvent vulnérables et les établissements financiers. Le texte encadre la publicité, le devoir de conseil, les offres standardisées, le délai de réflexion, la solvabilité. C’est une avancée. Aujourd’hui, beaucoup de nos familles signent un contrat sans tout comprendre, par respect peut-être, par gêne parfois ou par précipitation ; qui sait vraiment, parmi nos familles, ce qu’est un taux effectif global ? Qui comprend la différence entre un crédit amortissable et un crédit renouvelable ? Comme le CÉSEC, nous proposons donc au gouvernement de continuer à rendre lisible ces contrats, avec la création de fiches d’informations simplifiées, visuelles, traduites en langue polynésienne, avec scénarios concrets et coût total affichés. Le développement d’un simulateur mobile grand public, simple, en langue polynésienne et le renforcement de la formation des travailleurs sociaux et dans les Fare ora pour qu’ils puissent accompagner les ménages dans la compréhension des contrats de crédit. Parmi les dispositifs encadrés, le crédit renouvelable mérite une vigilance particulière. Cette réserve d’argent, dite souple, proposée sur une carte ou un compte, est souvent la porte d’entrée vers le surendettement, car elle donne l’illusion de liberté, mais enferme dans une spirale de remboursement sans fin. Le texte prévoit quelques garde-fous, c’est un début, mais nous pensons qu’il faut aller plus loin. Le crédit renouvelable ne devrait jamais être proposé par défaut, notamment en magasin. Il doit être exceptionnel et jamais imposé sans alternative amortissable claire. Le texte traite également du crédit immobilier qui reste aujourd’hui inaccessible pour trop de familles. Le rêve d’une maison est encore freiné par des obstacles bancaires, des durées trop longues, des assurances imposées et surtout un manque de transparence dans les montages financiers. Ce projet de loi révèle aussi les limites de notre autonomie institutionnelle. Le pays encadre le contrat, mais ne fixe pas les taux d’usure. Le pays légifère sur l’information, mais n’a aucune visibilité sur les fichiers d’incidents de remboursement. Le pays édicte des sanctions, mais ne régule pas directement les banques. C’est une incohérence juridique, un frein à notre action et un symptôme des zones grises de notre statut. Ce texte doit être l’occasion d’ouvrir une réflexion plus large, une clarification des compétences, récupérer peut-être certains leviers essentiels et construire un droit polynésien lisible, accessible et respecté. Ce texte est un socle, pas un aboutissement. Il doit être suivi, comme le recommande notamment le CÉSEC, de la création d’un code de la consommation polynésien adapté à nos réalités, de la centralisation de l’information sur Lexpol et le renforcement des moyens humains de la DGAE pour contrôler l’application de ce droit. Chers collègues, si nous voulons que le crédit soit un levier d’inclusion et non un vecteur d’exclusion, alors nous devons faire en sorte que chaque famille puisse comprendre avant de signer et choisir en toute conscience. C’est le sens de notre engagement et du vote qui nous incombent aujourd’hui. Merci bien. Le président : Merci, on poursuit avec Teremuura. Mme Teremuura Kohumoetini-Rurua : Oui. Merci bien. Nous avons, aujourd’hui, entre les mains, un texte important, le projet de loi du pays relatif au crédit à la consommation et au crédit immobilier. Il répond à une attente réelle et vient combler un manque. Pendant plusieurs années, l’absence de cadre clair a laissé nos consommateurs dans une zone d’incertitude. Ce texte apporte enfin des règles mieux adaptées à notre réalité polynésienne et le groupe Tavini huiraatira tient à saluer le travail accompli. En commission, il a été précisé qu’il ne s’agissait pas d’un vide juridique au sens strict, mais plutôt d’une absence de texte étendue à notre territoire. Soit, mais pour nos familles, nos jeunes, nos aînés, cela revenait finalement au même. Les protections existantes ailleurs ne s’appliquaient pas ici et lorsqu’aucune règle claire n’encadre un contrat aussi sensible qu’un crédit, ce n’est pas simplement une faiblesse juridique, c’est une source d’insécurité, en particulier pour les publics les plus vulnérables. En Polynésie, le crédit n’est pas toujours un choix. Il peut être une réponse à une difficulté, un imprévu ou un besoin essentiel. Dans ces cas, si les conditions du contrat ne sont pas bien comprises ou si l’information n’est pas claire et adaptée, cela peut accentuer encore davantage la précarité. C’est pourquoi la question de l’accessibilité est centrale. Oui, il faut des supports d’information, mais au-delà de leur existence, c’est leur clarté qui doit être assurée. Et lorsqu’il s’agit de traductions, le tahitien ne suffit pas. Il est nécessaire de proposer ces informations dans l’ensemble de nos langues polynésiennes, car l’accès à l’information est aussi un droit à la dignité et nos langues ne sont pas des options. Ce sont des clés de confiance et de compréhension. Nous devons également rester vigilants sur les pratiques commerciales. Il arrive trop souvent que des messages publicitaires présentent le crédit comme une solution facile, voire miraculeuse. Or, ces messages ciblent parfois directement les foyers les plus fragiles. Renforcer le contrôle de ces pratiques en lien avec les services compétents serait un moyen concret de mieux protéger les consommateurs. Un autre aspect pourrait être envisagé avec davantage d’attention, la question de l’évaluation. Pour qu’une loi soit pleinement vivante et qu’elle puisse évoluer au plus près des réalités du terrain, il est important de pouvoir en mesurer les effets. La mise en place d’un suivi régulier, avec la publication d’un rapport un an après l’entrée en vigueur du texte, constituerait une démarche utile. Ce rapport pourrait inclure des éléments concrets, le nombre de crédits accordés, les situations de surendettement recensées, les zones les plus touchées ou encore l’impact réel des actions d’information menées auprès du public. Disposer de ces données permettrait non seulement d’évaluer l’efficacité du dispositif, mais aussi d’ajuster les actions si nécessaires dans un souci constant d’amélioration et de protection des usagers. Enfin, il convient de rappeler que certains outils essentiels relèvent encore de l’État. Les fichiers d’incident de paiement, les plafonds de taux, entre autres. Nous adoptons ici une loi du pays, mais nous ne maîtrisons pas encore l’ensemble des leviers nécessaires pour assurer une pleine protection économique de notre population. Ce constat appelle à terme une réflexion plus large sur notre capacité à agir pleinement dans ce domaine, dans une perspective d’autonomie et de responsabilité. Nous voterons donc ce texte avec conviction, mais nous formulons aussi une exigence que cette loi soit appliquée, comprise et utile. Qu’elle ne reste pas un texte pensé pour les établissements financiers, mais qu’elle devienne un véritable outil au service des familles, car bien souvent, chez nous, le crédit n’est pas une stratégie d’investissement, mais un moyen de tenir jusqu’à la fin du mois. Notre mission ne s’arrête pas à légiférer, elle consiste à rendre ce droit concret, accessible et juste. Plus largement encore, notre responsabilité politique, c’est de redonner confiance, de redonner du souffle et de redonner de la dignité à notre peuple. Que l’amour règne. Le président : Merci. On poursuit avec l’intervenant du groupe Tapura huiraatira. Tepuaraurii. Mme Tepuaraurii Teriitahi : Merci, Monsieur le président. Donc, mes chers collègues, souscrire un crédit, qu’il soit à la consommation ou à des fins immobilières, contribue à la bonne santé économique d’un pays. Ce recours à l’emprunt répond généralement au désir des consommateurs d’investir dans l’avenir pour divers projets (achat de voiture, maison, etc.), ce qui constitue la vocation même des établissements bancaires. Comme le souligne le CÉSEC dans son exposé des motifs, le montant de l’encours brut de crédit représentait en 2023 la somme de 875 milliards de F CFP, soit, à titre comparaison, le triple du budget modifié de la collectivité de Polynésie française pour l’année en cours. Et encore, je dirai que nous avons connu des jours meilleurs pour investir, compte tenu de la persistance des taux bancaires élevés. C’est donc dans ce contexte de très grande proximité entre les Polynésiens et les banques, mais également pour combler un vide juridique, comme ça a été dit par notre rapporteur — mais moi, je dirai plutôt un flou artistique, selon les interprétations du ministre ou de la DGAE —, que le gouvernement soumet à notre approbation un projet de loi du pays relatif au crédit à la consommation et au crédit immobilier. Sur la forme, tout le monde s’accordera à dire que cet énorme pavé de 249 articles, aussi techniques que complexes, tirés des dispositions du livre III du code de la consommation nationale, avec des adaptations nécessaires, n’est pas à la portée du commun des mortels. Sauf peut-être que chacun pourra au moins se familiariser avec le jargon bancaire en vigueur, à travers la définition donnée à des termes comme « prêteur », « contrat de crédit », « autorisation de découvert », et d’autres. Sur le fond, à présent, nous nous abstiendrons, bien sûr, de commenter l’argumentaire juridique, ainsi que les nombreux rebondissements devant les plus hautes instances nationales, qui confortent aujourd’hui le rôle de la Polynésie dans ce domaine. Mais comme le CÉSEC en émet le souhait, il ne sera pas inutile pour autant de l’inscrire noir sur blanc lors d’une prochaine révision statutaire. Toujours est-il que ce texte a le mérite de renforcer la sécurité des consommateurs — et c’est là le plus important —, principalement des emprunteurs, en les informant avec force, du détail de leurs droits et devoirs en la matière, et tout ça, évidemment, pour les protéger au mieux. Même s’il convient de rappeler — et c’est un peu rassurant, quand même — que les trois enseignes de la place — donc les trois banques qui ont pignon sur rue : la SOCREDO, la Banque de Tahiti et la Banque de Polynésie — appliquent déjà à leurs clients la majorité des dispositions contenues dans ce projet de texte. En conclusion, je m’associerai naturellement aux conclusions et aux recommandations de la société civile, à travers le CÉSEC, afin que tout soit mis en œuvre pour encourager les démarches de simplification et de lisibilité des contrats de crédit, au moyen notamment — et c’est une des choses les plus importantes de ce texte — d’une traduction en langue polynésienne des informations essentielles, pour que tous ceux qui contractent un emprunt puissent avoir accès justement, à toutes les mises en garde nécessaires et à l’information nécessaire pour se mettre en conformité avec leur engagement. Donc, pour toutes ces raisons, évidemment, nous allons soutenir ce texte. Merci. Le président : Merci. J’invite l’intervenant des non-inscrits à prendre la parole. Chaumette. Mme Teave Boudouani-Chaumette : Monsieur le président de l’Assemblée, Monsieur le Président du pays, chers collègues, cher public, bonjour. Monsieur le président, chers collègues, il est soumis à notre approbation un projet de loi du pays relatif au crédit à la consommation et au crédit immobilier en Polynésie française. Ce texte nous permet de créer notre propre cadre juridique pour encadrer le crédit à la consommation et le crédit immobilier. Suite aux jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de cassation, l’ordonnance de 2017 n’ayant pas été étendue à la Polynésie française, le pays vient ainsi combler un vide juridique pour une meilleure protection des consommateurs polynésiens et un meilleur contrôle des pratiques des établissements financiers en matière de crédit. Ce projet étant attendu, car, comme vous le savez, le surendettement touche de nombreuses familles. Par manque d’information, de sensibilisation aux risques, par insouciance ou même par incapacité de gestion, plusieurs de nos concitoyens se retrouvent dans des situations financières difficiles et complexes et la commission de surendettement, mise en place par l’IEOM, observe l’augmentation de dossiers à examiner. L’objectif premier est de garantir la protection des consommateurs dans l’utilisation du crédit avec une définition claire du crédit à la consommation et du crédit immobilier, et une obligation pour les établissements prêteurs de mieux informer sur les différents contrats : ainsi sont précisés dans le texte, le droit de rétractation, la transparence sur les frais, les assurances et les charges induites par les prêts. En commission, le gouvernement a annoncé la traduction des informations essentielles et des notes simplifiées en langue tahitienne. L’emprunteur doit être éclairé et avisé des risques en cas d’impossibilité de remboursement. L’obligation d’évaluation de solvabilité reste aussi un élément décisif avant tout engagement. Cela permet d’affirmer les capacités financières de l’emprunteur afin de garantir le paiement des mensualités. Il est indispensable aussi d’insister sur les possibilités de renégociation des crédits en cas de difficulté. Il relève du devoir des organismes prêteurs de proposer plusieurs solutions aux emprunteurs en cas de difficultés financières, qu’elles soient temporaires ou à long terme. Même si le texte en fait état, nous souhaitons un renforcement de l’obligation d’accompagnement des banques pour pallier ce type de situations. Dans un deuxième temps, ce projet de loi du pays vient encadrer les pratiques bancaires en définissant les obligations d’information à l’élaboration du contrat, en réglementant la communication et en interdisant certaines pratiques commerciales dites agressives. Les sanctions sont clairement édictées et elles sont d’ordre administratif et pénal en cas de manquement. Se pose alors la question du contrôle de la mise en place et de la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Tout comme il est important aussi de prévoir une veille des publicités sur les différents réseaux de communication où on peut facilement être séduits par des offres trompeuses et incitatives. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous renseigner sur la méthode de contrôle choisie ? Le texte prévoit la création d’un registre consultable des incidents de paiement, pour les établissements autorisés. Sur ce sujet, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer que les données personnelles seront bien protégées ? Nous regrettons cependant que le texte ne prévoit pas l’encadrement ou le plafonnement du taux d’effectifs global, les coûts annexes tels que les assurances qui ont subi une inflation importante ces dernières années. Les frais obligatoires du crédit constituent aujourd’hui une somme importante pour l’emprunteur, en plus de l’échéance à rembourser. Et ce texte ne prévoit pas une meilleure transparence de ces coûts. Cela éviterait parfois des écarts importants entre les clauses du contrat et les prélèvements mensuels effectués. Nous espérons que ce projet de loi du pays, que nous soutiendrons, permettra de limiter les cas de surendettement, que les consommateurs s’orienteront vers un crédit responsable. En effet, nous souhaitons protéger les familles polynésiennes, trop souvent victimes du surendettement par ignorance ou par facilité : des taux de crédit trop élevés, des commerciaux malhonnêtes qui forcent à la vente, des achats compulsifs déclenchent des spirales sans fin qui engagent parfois toute la famille. Je vous remercie. Le président : Merci bien. La discussion générale est maintenant close. J’invite le gouvernement à répondre aux différentes interventions. Monsieur le ministre. M. Jordy Chan : Merci Monsieur le président. J’ai retenu, du coup, deux questions qui provenaient de Madame la représentante des non-inscrits. Une question concernant la méthode de contrôle qui sera appliquée. En fait, le contrôle sera exercé par la direction générale des affaires économiques, la DGAE, donc qui exercera les contrôles nécessaires pour l’application du texte, comme elle le fait pour ses autres missions de manière générale. Au niveau de la protection des données personnelles, le pays n’a pas accès aux données bancaires. Donc il n’y aura pas de souci à ce niveau-là, les données personnelles seront préservées. Le président : Merci. Il y a un amendement qui a été déposé dans le cadre de ce texte. Donc je cède la parole à Nicole Sanquer. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Il s’agit d’un amendement de l’article LP. 146 du projet de loi de pays que nous examinons. Au premier alinéa, après les mots : « d’un emprunteur en difficulté et à lui proposer », les mots : « s’il y a lieu » sont supprimés. L’article LP. 146 prévoit la possibilité pour les prêteurs de rechercher des mesures de remédiation avant tout engagement de procédure d’exécution à l’encontre d’un emprunteur défaillant afin de préserver au mieux chaque partie dans leurs droits respectifs. Toutefois, la rédaction proposée dans le projet de loi de pays retient que les prêteurs ont la faculté de déployer ces mesures de remédiation sans en avoir une réelle obligation. Compte tenu des pratiques bancaires souvent décriées par les usagers, il est proposé que cette faculté soit rendue obligatoire à toute fin de préserver un minimum de dialogue entre les parties et favoriser une solution plus consensuelle que l’ajout de nombreux frais liés à la mise en œuvre immédiate de mesures liées aux procédures d’exécution. Donc, en quelques mots, il est vrai que quand un Polynésien est en difficulté pour rembourser son prêt parce qu’il a perdu son emploi, parce qu’il a des dépenses supplémentaires, il est vrai que tout de suite la banque va commencer à appliquer le retrait de la carte bleue, par exemple, et à être insistante pour que l’échéance soit réglée. Aujourd’hui, le texte prévoit qu’il y ait des solutions à apporter, mais que si la banque veut bien. Donc nous, on voudrait que ce soit obligatoire : qu’avant de sanctionner le Polynésien défaillant, on ait examiné toutes les solutions possibles, avant d’engager des sanctions. Je vous remercie, Monsieur le ministre. Le président : Monsieur le ministre. M. Jordy Chan : Merci, Monsieur le président. Bonjour, Madame la députée. Merci pour la proposition d’amendement. En l’état actuel de l’écriture du texte, les dispositions de l’article LP. 146 imposent aux établissements bancaires de mettre en place des procédures adéquates, les incitant à faire preuve d’une tolérance raisonnable avant d’engager une procédure d’exécution, et leur imposent également de proposer, s’il y a lieu, des mesures de renégociation en tenant compte de la situation personnelle du débiteur. L’amendement que vous proposez veut imposer que, dans tous les cas, peu importe les débiteurs, les banques doivent recourir aux mesures de remédiation listées par la loi de pays — donc ça peut être un financement, ça peut être une prolongation de durée de contrat de crédit, etc., etc. — dans tous les cas au débiteur. Le problème, c’est que les banques... En fait, le job des banques c’est de prêter, c’est de prêter aux consommateurs. Et l’intérêt qu’ont les banques, c’est que les consommateurs en question remboursent leurs crédits. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’elles octroient des crédits aux usagers, en général, les banques ont une liste de critères qu’elles essaient de respecter pour éviter de prêter à des débiteurs qui pourraient être en situation de difficulté. Elles n’ont pas intérêt à ce que le débiteur ne rembourse pas le crédit, parce que si c’est le cas, elles perdent de l’argent. Souvent, en fait, ce qui se passe, c’est que les débiteurs peuvent passer en commission de surendettement, et du coup la dette est effacée, et finalement tout le monde est perdant. Ce que nous ne souhaitons pas, c’est systématiser le recours aux mesures de remédiation. Pourquoi ? Parce qu’il y a des cas dans lesquels les débiteurs, en fait — comme les cas que vous citiez dans votre intervention —, il y a des cas où le débiteur, malheureusement, est dans l’impossibilité manifeste de rembourser ses crédits. Quand bien même il y aurait une procédure de remédiation qui serait faite, parce que, par exemple, il est en situation de surendettement. Et si on se met à systématiser le recours à des procédures de remédiation, en fait, on va avoir un effet (incompréhensible) : on va rendre les banques encore plus frileuses à octroyer des crédits. Et du coup c’est toute l’économie qui va en pâtir et il y aura moins d’usagers qui pourront recourir au crédit. C’est la raison pour laquelle on souhaite éviter de systématiser cela. Par contre, comme on l’a déjà évoqué, le projet de loi de pays qui vous est présenté aujourd’hui, il oblige les banques à faire preuve d’une tolérance raisonnable avant d’engager une procédure d’exécution et il impose aux banques de proposer, s’il y a lieu, une procédure de remédiation. Voilà. Merci Le président : Bien. Nicole. Mme Nicole Sanquer : Alors, Monsieur le ministre, c’est vrai, on vient réglementer le crédit à la consommation et le crédit à l’immobilier. Là, on vient déterminer, définir la relation qu’un banquier a avec un client. Donc il est vrai que quand on demande un crédit, en général, il y a des vérifications qui sont en amont, la solvabilité, tout ça. On n’est pas à l’abri d’un accident de la vie ; on n’est vraiment pas à l’abri. Malgré toutes les précautions qu’on va faire avant l’engagement, avant la signature du contrat, on n’est pas à l’abri d’un accident de la vie, perte d’un emploi, perte de l’époux, perte... Enfin, il y a beaucoup de raisons. Là, nous, ce qu’on demande — parce que c’est du vécu, parce qu’on a des témoignages, parce qu’on reçoit des Polynésiens —, c’est presque, parfois avec la banque, on n’a pas le droit à l’erreur. On n’a pas droit à l’erreur : « Voilà, t’as pas payé ta première échéance, donc on va commencer à te dire, la carte bleue, elle est bloquée », il y a ça, il y a ci, voilà. Je suis désolée, des fois, quand tu vas voir ton gestionnaire de banque, lui, il doit fournir des résultats, exactement comme vous avez dit, à partir du moment où il prête, quel que soit le client en face, c’est ce que vous avez dit, Monsieur, il ne faudrait pas que les banques soient défaillantes parce que ça risque d’entraîner des problèmes économiques… Non. Monsieur le ministre, là, on est en train de parler d’une relation humaine entre un banquier et un Polynésien. Donc, qu’est-ce qu’il coûte d’enlever, s’il y a lieu, et de systématiser cette proposition de solution quand une famille se retrouve par un accident de la vie en difficulté de rembourser ? C’est juste trois petits mots qu’il faut enlever et inciter, même obliger l’accompagnement de la banque dans les problèmes d’une famille. M. Jordy Chan : Bien souvent, en fait, la banque va proposer ses mesures de remédiation. C’est dans son intérêt. C’est pour permettre à la fois à la personne qui est concernée de pouvoir s’en sortir et aussi aux banques d’éviter du coup de perdre finalement l’emprunt en question. Comme je le disais tout à l’heure, il y a éventuellement la possibilité de passer en commission de surendettement si vraiment la situation n’est pas tenable. Mais là, c’est une procédure d’exécution alors qui est effectuée. Le président : Nicole. Mme Nicole Sanquer : Comme vous l’avez très bien dit, Monsieur le ministre, bien souvent, mais pas tout le temps. Donc, en enlevant ces trois petits mots, vous obligez… (Réaction inaudible de M. le ministre Jordy Chan.) Vous obligez, si, en cas de souci, d’accompagner, de proposer des solutions. C’est tout ce que ça veut dire, cet amendement, c’est d’obliger à l’accompagnement. Enfin, moi, je ne vois pas ce que ça change. À part obliger, pas s’il y a lieu. Ça dépend du gestionnaire que tu as, il va être très compréhensif. Là, c’est vraiment une obligation. Le président : Thilda. Mme Thilda Garbutt-Harehoe : Bonjour à tous. Messieurs les présidents, bonjour, Mesdames et Messieurs. Alors, je voudrais intervenir au niveau de cette commission de surendettement pour dire que parfois, les crédits sont très lourds, sont énormes, et ce n’est pas juste un côté humain de la personne qui devra accompagner qui suffira. Il y a des fois où les ardoises sont de 60 millions ou plus. On a même des 100 millions qui ont passé devant les commissions. Ce qu’il y a, c’est qu’au niveau de la commission, on donne déjà un certain temps. Par exemple, lorsque la banque décide de saisir la maison, eh bien, avec la commission de surendettement, on peut soit bloquer — on appelle ça donc un moratoire —, laisser au moins deux ans, c’est le maximum en tous les cas, 24 mois, afin que la famille puisse trouver des solutions. Donc, pendant ce temps, les créanciers ne courent plus après ces personnes-là. Donc il y a vraiment une protection du consommateur. Et lorsque vraiment on ne peut pas faire autrement que de vendre la maison, au lieu que la banque, si on lui doit 15 millions, elle ne demande de prendre que 15 millions la maison alors que cette maison elle vaut plus, eh bien avec la commission de surendettement, dans les 24 mois, cette famille-là peut vendre plus cher parce qu’on leur laisse complètement les mains libres pour vendre au-delà de ces fameux 15 millions, par exemple, demandés par la banque, eh bien, elles peuvent vendre beaucoup plus pour qu’il leur reste encore quelque chose. Alors qu’on voit beaucoup de dossiers où la banque ne fait que prendre ce qu’elle a besoin, alors même que le montant, la valeur du bien est au-delà de ce que la banque prend. Donc, je pense qu’avec la commission de surendettement, les consommateurs, en tout cas, peuvent être à l’abri de certains problèmes. Et je voudrais par la même occasion remercier — tout à l’heure, on a dit que c’était l’IEOM qui avait mis en place, non —, peut-être remercier Monsieur Pierre Frébault, qui à l’époque était ministre de l’économie UPLD en 2011, et qui a trouvé les moyens avec la DGAE — donc merci à la DGAE qui se trouve derrière vous —, avec l’IEOM, la DSFE, pour mettre en place cette commission alors même qu’en France elle existait depuis 1972, par exemple. Donc cette commission, elle est vraiment là pour donner une deuxième chance à nos familles. Et elle est présidée par la DGAE et le secrétariat de l’IEOM, qui eux autres peuvent voir — c’est plutôt l’IEOM qui peut voir le fichage de la personne. Donc, lorsque nous sommes en commission, nous n’avons pas la vue sur tout, mais nous avons des informations qui nous permettent en tous les cas d’analyser et d’arbitrer les situations. Donc, voilà un petit peu ce que je voulais apporter. Mais je pense qu’au niveau des crédits, cette commission-là peut aller loin. Merci. Le président : Élise. Mme Élise Vanaa : Merci, Monsieur le président. Merci, Madame Harehoe, pour cette longue explication. Ça, c’est dans le cas alors où ton dossier arrive de l’autre côté, à la commission de surendettement. Là, le dossier est toujours à la banque, le l'emprunt est à la banque. Quand ça arrive là-bas, au surendettement, ça veut dire qu’on est passé par le tribunal. Donc on a des soucis. Donc là-bas, après il y a le moratoire. Alors, là, on est sur le crédit à la banque. Je suis sensible à l’amendement proposé par notre collègue, Madame Nicole Sanquer, justement « s’il y a lieu ». Donc là, quand on retire, c’est vraiment obliger les banquiers à trouver des solutions, parce que des fois les solutions sont radicales. Donc ça dépend. Comme on dit, j’entends aussi « ça dépend de ton conseiller financier bancaire ». Quand tu n’as pas une tête qui plaît, sans doute peut-être alors aussi il y a eu des fois où aussi ce n’était pas bon. Alors voilà, tu reviens encore et l’on me dira : « voilà encore l’autre, là. Non, non, non, cette fois-ci pas de machin, pas de négociation. » Bon, après, il ne faut pas mettre tout le monde à la même enseigne. Donc là, ces trois mots « s’il y a lieu », quel impact, quel incident ça a si on supprime ces trois mots « s’il y a lieu » ? C’est ma question au gouvernement. Merci. Le président : Tapati. M. Tafai, Mitema Tapati : Lorsque je pense à nos ancêtres, ils éprouveraient sans aucun doute aujourd’hui une douleur face à ce que nous avons fait de l’héritage qu’ils nous ont transmis. Parlons de ces chefs qui avaient fait don de notre pays à l’État français. Que stipulait la loi des chefs adressée à l’État français ? « Laissez-nous gérer nous-mêmes nos affaires foncières. Mais aujourd’hui, cette loi édictée par les chefs n’est pas respectée. Et si je parle avec mon cœur de Polynésien, alors je dis que la terre, c’est ma mère. C’est elle, ma mère, celle qui m’a donné la vie. Quel enfant serait indigne au point de vendre sa propre mère ?... C’est nous. Toutes les lois que nous établissons ici encouragent le Polynésien à vendre et à se priver de sa terre. Réunissons-nous, tous les 56 ici présents, pour demander à la France de nous rendre la pleine gestion de nos affaires foncières. Ne voyons-nous pas ce qu’il se passe ? À Maiao, il est strictement interdit de vendre la terre. À Rapa aussi. Pourquoi, ici, nos affaires foncières s’accumulent-elles devant les tribunaux ? Pourquoi, ici, notre population n’a-t-elle pas accès au foncier ? C’est parce que nous mettons en place des lois qui facilitent la vente de la terre. Plus il y aura des amendements, plus il y aura de modifications, et tout cela n’est que du vent. J’avais proposé que la langue polynésienne soit utilisée lors des explications. La langue polynésienne n’est pas faite pour traduire le français. Elle est faite pour organiser la vie de la population. Cette terre est polynésienne, elle a son mode de fonctionnement. Souvenons-nous que ce sont nos ancêtres qui nous ont laissé cette terre en héritage. Nous n’avons aucun droit de la vendre, mais non… Revenons, revenons à notre histoire. Revenons et demandons-nous qui nous sommes, nous qui prétendons organiser la vie de cette population ? Notre langue polynésienne n’est pas une langue de traduction : c’est elle qui structure la vie de notre population depuis jadis. Mais nous avons relégué notre langue, nous l’avons affaiblie, et ce faisant, nous nous sommes nous-mêmes dévalorisés. Merci. Le président : Nicole. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Je voudrais remercier aussi Thilda, parce qu’on sait qu’elle est très active au sein de cette commission de surendettement. Si on parle de l’histoire, moi, je voudrais rendre hommage sur cette commission de surendettement. C’est quand même rendre hommage à Sabrina Birk, parce que c’est grâce à elle que Monsieur Frébault, finalement, a pu créer cette commission. Elle était représentante à l’assemblée et elle a fait plusieurs réunions et elle n’a jamais lâché pour que cette commission de surendettement se mette en place. Ensuite, je voudrais quand même préciser que tout le monde n’a pas accès à la commission de surendettement et vraiment la commission de surendettement, c’est la dernière étape quand on n’a pas trouvé ensemble des solutions. Moi, je vais prendre un cas très concret, Monsieur le ministre, pour que vous me compreniez. J’ai eu des familles qui n’ont pas pu rembourser leur maison et ils ne sont pas passés en commission de surendettement. Par contre, la banque a saisi leur maison et a mis en vente leur maison. Alors eux, ils ne comprennent pas. Ils ont essayé de trouver des solutions, mais la sanction est tombée : ils ont perdu la maison. Ils ont perdu leur maison. On n’est pas passé devant la commission de surendettement. Et puis, je tiens quand même aussi à préciser que là, le crédit à la consommation est limité de 8 millions à 24 millions. C’est précisé dans le texte. Là, Thilda voulait sans doute parler du crédit à l’immobilier. Mais la banque a le droit de saisir sans passer par la commission de surendettement. Donc c’est pour ça que nous voudrions, nous souhaitons réellement enlever ces trois petits mots pour qu’il y ait une vraie procédure de mise en place de différentes solutions afin de sortir la famille de leurs problèmes financiers. Des fois on perd un travail et puis on n’arrive pas à assumer pendant un an, deux ans, et puis finalement on retrouve... Ou bien un enfant trouve un travail, il va venir aider les parents. Il y a tout ça. Ça, c’est la réalité. Et aujourd’hui, négocier avec son banquier, ce n’est pas facile. Avoir un gestionnaire de comptes qui reste, en général, vous changez plusieurs fois de gestionnaire de comptes, il faut tout réexpliquer, le temps passe, les impayés s’accumulent. Donc c’est juste pour obliger la banque, les organismes prêteurs, de trouver des solutions ensemble. Là, c’est « s’il y a lieu », c’est au bon vouloir. Des fois ça marche, des fois ça ne marche pas. C’est tout. Merci. M. Jordy Chan : Merci, Monsieur le président. En fait, si on retire le « s’il y a lieu », la conséquence c’est que les banques vont être encore plus frileuses pour octroyer des crédits. Donc ils vont durcir leurs critères d’octroi, ce qui fait qu’il y aura moins de personnes, moins d’usagers qui pourront bénéficier de crédits. Donc s’il y a moins de crédits, il y aura moins de consommation, moins de consommation, moins d’activité, moins d’activité, moins d’emploi. C’est ça, ce qui va se passer, en fait, si on enlève le « s’il y a lieu ». Dans quelle proportion ? Ça, c’est une autre question. Mais c’est ce qui va se passer. Pour revenir sur l’intervention de Madame la députée, je suis tout à fait conscient et compréhensif vis-à-vis de la situation que vous exposez. C’est effectivement des situations qui ont lieu et qui sont déplorables. Les banques, ce sont avant tout, des professionnels. Ce sont, avant tout, des acteurs économiques dans lesquels travaillent des personnes qui sont formées justement à un métier, celui de prêteur, et qui sont formées pour proposer s’il y a lieu. C’est-à-dire si la situation le permet, si on n’est pas dans une situation où même si je vais prolonger le crédit, même si je vais refinancer le crédit, etc., etc., etc. Même si je fais tout ça, le débiteur, eh bien, il ne sera pas en mesure de me rembourser. Si on est dans cette situation, à ce moment-là, il procédera à des procédures d’exécution et ça pourra éventuellement aller en commission de surendettement. Mais avant d’arriver à ce point, l’intérêt qu’ont les banques vis-à-vis de ces dossiers, c’est d’accompagner justement l’emprunteur pour qu’il puisse rembourser son crédit. Donc elles évitent, autant que faire se peut, lorsqu’elles octroient les crédits, d’octroyer des crédits à des usagers qui risquent, en fait, de se situer dans… Enfin, de tomber dans ce genre de situation. On a inscrit dans le texte en question des mesures pour, justement, obliger les banques à faire appel à ces procédures de remédiation, mais uniquement s’il y a lieu. Si on enlève malheureusement ces trois mots, on oblige les banques à faire des choses qu’en fait, elles ne devraient pas faire, parce que dans ces situations, elles savent que… c’est juste de la peine à tout le monde. Ça rajoute de la peine pour les usagers qui auront l’impression d’en bénéficier mais qui, en réalité, vont juste prolonger leur peine. Ça rajoute de la peine pour les banques, ça rajoute de la peine pour l’économie. Donc la raison pour laquelle on veut conserver le « s’il y a lieu » c’est parce que dans ces situations, en fait, le plus bénéfique pour tout le monde, c’est tout simplement de procéder à la procédure d’exécution et de passer à autre chose, malheureusement. C’est des situations qui sont extrêmement difficiles, on le sait tous, malheureusement, c’est la meilleure des solutions. Mme Nicole Sanquer : Encore une dernière intervention, après on passera au vote. Mais Monsieur le ministre, ce qui me désole finalement, c’est qu’à vous entendre, vous protégez la banque. Si, si, vous allez vous réécouter ! Mais tous les arguments que vous venez de nous donner, en fin de compte…Pourtant nous, on l’a tous dit dans nos interventions, ce texte vient protéger les familles polynésiennes. Il vient remplir un vide juridique. Et en fin de compte, quand vous nous parlez, vous êtes en train de penser plus au banquier qui va se retrouver en difficulté parce qu’un des Polynésiens n’aura pas remboursé son prêt, et je trouve ça bien dommage. Bien dommage. Vous savez qu’avoir un compte à la banque, c’est rémunéré. C’est-à-dire que nous payons notre banquier pour gérer notre argent. Donc, s’il n’y avait pas les familles polynésiennes, il n’y a pas de banque. Nous sommes des clients. Et ça, c’est un service supplémentaire. Il serait intéressant de regarder combien de saisies, le nombre de saisies que la banque opère. Combien de familles ont pu perdre leur maison, leur affaire, leur voiture, parce qu’à un moment donné, ils ont eu un accident de la vie. Et vraiment, ça me désole, en vous écoutant, de voir que vous défendez les banques. Ça pourrait mettre en péril l’activité bancaire, d’enlever trois petits mots et d’obliger les banques à accompagner les Polynésiens quand ils ont des difficultés financières. Merci. Le président : Oui, Elise. Mme Elise Vanaa : Merci beaucoup, Monsieur le président. Monsieur le ministre, je vous entends, mais… Voilà, je suis là, je suis là. Mais c’est dommage que notre ministre Warren Dexter ne soit pas là. C’est une question... Président, c’est un sujet qui est vraiment pertinent parce qu’une solution, on pourrait trouver d’autres solutions. Si l’emprunteur n’a pas les moyens, peut-être la famille peut aider. C’est toujours une solution. Les enfants pourront aider pendant le temps que l’emprunteur retrouve un travail, sa situation s’améliore, mais c’est toujours des solutions aussi à apporter. Donc pour moi, en tant que co-rapporteur de ce texte, je regrette que notre ministre Warren Dexter ne soit pas là, parce que j’ai eu l’occasion de le saisir en 2023 sur la... Je ne sais plus comment on appelle ce truc-là, quand on te saisit tout sur ton compte. L’ATD, voilà. Voilà, en quelques temps, je l’ai expliqué, on est venu prolonger une disposition qui avait été votée en 2022 et qu’on avait oublié une partie. En quelques temps, il a mis en place cette loi du pays, mais qui se résumait à deux articles, seulement, président. Donc voilà. Bon, je pense qu’il est 12 h 10 au risque de... Est-ce qu’on pourrait suspendre et on reprend un peu plus tard pour ce texte-là ? Mais je regrette vraiment que notre ministre de l’économie ne soit pas là pour répondre. Merci. Le président : Nuihau. M. Nuihau Laurey : Oui, merci, Monsieur le président. Monsieur le ministre, je connais un peu la banque, j’y ai travaillé, j’y ai enseigné. Ne vous en faites pas, elles savent bien se débrouiller sans vous. L’inspiration de tous ces textes, c’est effectivement de protéger les emprunteurs. C’est toute cette évolution qui se termine, en tout cas, à ce jour, ici. Et le fait d’obliger, comme vous l’avez si bien dit, finalement, les banques ont intérêt aussi à ce que cette procédure se mette en œuvre. Le fait de supprimer ces trois mots, ça oblige effectivement les banquiers à le faire. Donc si vous dites qu’elles sont déjà dans cette démarche, pourquoi ne pas le dire clairement dans ce texte ? Si vous regardez les bénéfices cumulés des banques polynésiennes, vous vous rendrez compte qu’elles vivent bien. Elles vivent bien. Et c’est bien que le législateur intervienne de temps à autre pour rappeler qu’il y a aussi des personnes qui sont dans la difficulté et qui doivent être accompagnées plus que d’autres. C’est le sens de cet amendement. Le président : Monsieur le président. M. Oscar, Manutahi Temaru : Monsieur le président, merci. Nous posons ici les bases d’une question de très grande importance : celle de la richesse. Depuis hier, les nouvelles venues du monde entier nous annoncent que la Chine est devenue aujourd’hui le pays numéro un mondial en matière de productions de richesse. La Chine, un pays qui était extrêmement pauvre — en 1976 encore — est aujourd’hui numéro un. Concernant leur projet d’élevage de poissons à Hao, ils ont chiffré le tout, et ils savent que ce sont les banques françaises sur place qui vont mettre en place ce projet. Et cela fait trois fois que ce projet est présenté. Ils viennent donc nous demander la permission, mais ils veulent surtout mettre en place leur propre système bancaire ici, chez nous. Nous savons que la question du budget est une compétence de l’État — une compétence qui est contestée. Quand j’écoute nos débats, on emprunte une grosse somme d’argent qu’on n’arrive pas à rembourser. On saisit la maison, on vend les biens, et ainsi de suite… Pourtant, l’euro n’est pas le seul modèle économique dans le monde. D’autres modèles existent. Mais nous, on est comme des animaux enfermés dans un zoo. On ne peut pas sortir pour regarder s’il n’existerait pas un modèle économique moins cher. Si. Cela ne dépend que de nous. Il faut que cette volonté vienne de nous. Aujourd’hui, nous sommes encore enfermés dans le système fiscal de l’État français. Ça, c’est l’État, oui. Quand j’entends ce chiffre de 200 milliards, a, a, a, a… Mais il serait bien de nous dire où va cet argent et surtout qui en profite vraiment ? Moi, je le dis, demain si notre pays devient indépendant, voilà le modèle. Nous n’arriverons même pas à l’épuiser. Ce dicton des Tuamotu est très juste : « Qui profite ? Celui qui agit. » Il y a beaucoup à dire, si nous devions parler de notre pays et des ressources qu’il regorge. Comment se fait-il que ce pays autrefois considéré comme l’un des plus pauvres au monde, soit aujourd’hui devenu le numéro un, devant les États-Unis, devant le Japon ? Quand j’ai rencontré pour la première fois l’ancien Premier ministre japonais, Monsieur Koisumi, nous avons discuté. À l’époque, le Japon était encore le deuxième pays le plus riche du monde. Je lui ai demandé ce qu’il pensait de la Chine. Il m’a répondu : « c’est un éléphant, il ne faut pas la combattre. » Aujourd’hui, nous sommes les partenaires numéro un de la Chine : nos richesses sont là-bas, notre savoir-faire aussi, et c’est ensemble que nous construisons des projets avec ce pays. Et pourtant, ici chez nous, on continue de parler de la Chine. Mais la Chine, elle, n’est jamais venue polluer notre pays, elle n’a jamais fait exploser de bombes atomiques dans notre pays. Ce sont bien ses essais-là qui sont à l’origine des nombreuses maladies dont sont atteintes la population. Non, aujourd’hui la Chine est numéro un. Applaudissons. Le président : Je mets au vote l’amendement, s’il y a plus d’intervention au niveau du gouvernement. Donc qui est pour l’amendement ? 19. Qui s’abstient ? Qui est contre ? 38 contre. Thilda, contre ? Très bien. Donc, 38 contre et 19 pour… 20 pour et 37 contre. Voilà. Et donc, s’agissant d’un texte proposé par la conférence des présidents en procédure simplifiée. Donc je vous propose tout simplement de prendre votre boîtier, c’est une loi de pays, et puis de formaliser votre vote. Donc le vote numérique est ouvert. (Attente de l’affichage des résultats de vote.) Le président : 57 voix pour. Très bien. Donc, je vous propose une suspension de séance pour la pause déjeuner. Donc, on va reprendre à 14 h. Il est 12 h 30 presque. La séance est suspendue. (Suspendue à 12 h 18, la séance est reprise à 14 h 14.) Le président : Bien, la séance est reprise. Il est 14 h 18. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |