Rapport n° 50-2025 relatif à un projet de loi du pays portant modification du code polynésien des marchés publics et fixant les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics Paru in extenso au JOPF n° 12 NA du 10/07/2025 à la page 1475
| Rapport n° 50-2025 relatif à un projet de loi du pays portant modification du code polynésien des marchés publics et fixant les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics Présenté par M. le représentant Bruno Flores — Présentation du rapport — Le président : On poursuit avec le rapport n° 50-2025 sur le projet de loi de pays portant modification du code polynésien des marchés publics et fixant les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics. Je demande donc au rapporteur du rapport de présentation, Monsieur Bruno Flores, de bien vouloir prendre la parole. M. Bruno Flores : Merci, président. Madame et Messieurs les ministres, bonjour. À toutes et à tous, bonjour. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les représentants, par lettre n° 2190 PR du 3 avril 2025, le Président de la Polynésie française a transmis aux fins d’examen par l’Assemblée de la Polynésie française, un projet de loi du pays portant modification du code polynésien des marchés publics et fixant les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics. Pour mémoire, aux termes des articles 28-1 et 49 de la loi organique statutaire, la Polynésie française est compétente pour fixer les règles relatives à la commande publique pour elle-même, ses établissements publics, les communes, leurs groupements et leurs établissements publics, dans le respect des principes de valeur constitutionnelle de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d’efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics. C’est ainsi, dans l’objectif de satisfaire à une obligation légale, que la loi du pays n° 2017-14 du 13 juillet 2017 portant Code polynésien des marchés publics (CPMP) a été adoptée, instituant ainsi le cadre règlementaire qui détermine les conditions dans lesquelles les commandes publiques donnent lieu à une procédure de publicité et de mise en concurrence transparente. Pour tenir compte de la réalité des besoins des collectivités et des opérateurs économiques, le CPMP a nécessairement évolué pour s’adapter aux nouvelles pratiques. À cet effet, le projet de texte qui nous est aujourd’hui soumis s’inscrit pleinement dans le cadre de la stratégie de transformation numérique du service public engagée par le gouvernement. Celui-ci s’articule autour de quatre grands axes déclinés comme suit : – la dématérialisation ; – la simplification ; – la performance ; – la transparence. En effet, il est aujourd’hui proposé de mettre en œuvre la stratégie de dématérialisation, visant ainsi des objectifs de réduction des coûts et de simplification des procédures de passation des marchés publics, en tirant profit des possibilités offertes par le numérique. Pour mener à bien ces objectifs, il est prévu le déploiement d’outils numériques permettant la mise en œuvre des nouvelles obligations en matière de dématérialisation des marchés publics. D’abord, une plateforme numérique, appelée « plateforme polynésienne des achats publics », sera l’interface privilégiée entre acheteurs publics et opérateurs économiques pour échanger informations et documents lors de la procédure de passation du marché mais également dans sa phase d’exécution. Également, le portail de facturation « Chorus Pro » sera le point d’entrée principal pour le dépôt des factures électroniques de marchés publics. Celui-ci permettra aux entreprises de déposer gratuitement leurs factures de marchés et de pouvoir suivre l’état d’avancement dans leurs traitements. Plusieurs mesures de simplification, comme la suppression de l’obligation de signer l’acte d’engagement au moment du dépôt de l’offre et l’allègement du dossier de candidature dans les procédures formalisées, sont également prévues. Des modifications liées à la recherche constante de performance et de transparence sont traitées par le projet de texte qui nous est soumis. Enfin, plusieurs modifications substantielles sont également introduites. Le présent projet de loi du pays a été examiné en commission de l’équipement, de l’aménagement du territoire et des transports le 5 mai 2025. À cette occasion, plusieurs points ont été abordés : – pour les archipels ne disposant pas de connexion internet, il a été souligné que le projet de texte prévoyait un régime dérogatoire à l’obligation de dématérialisation ; – en termes d’accompagnement, des sessions de formations ont été planifiées aussi bien à destination des acheteurs publics que des opérateurs économiques dans le but de les familiariser à la commande publique mais également à la nouvelle plateforme numérique qui sera exploitée dans le cadre de la dématérialisation des procédures ; – pour simplifier et faciliter davantage les procédures, la plateforme mettra à disposition des opérateurs économiques un coffre-fort numérique au sein duquel ces derniers pourront téléverser leurs documents (attestations fiscales et sociales, etc.), avec une durée de validité d’un an. – enfin, un comité de pilotage regroupant l’ensemble des acteurs de la commande publique sera chargé du suivi du dispositif durant les quatre premières années du contrat et éventuellement de proposer des pistes d’amélioration. Examiné en commission, le projet de loi du pays portant modification du code polynésien des marchés publics et fixant les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics a recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission. En conséquence, la commission de l’équipement, de l’aménagement du territoire et des transports propose à l’Assemblée de la Polynésie française d’adopter le projet de loi ci-joint. Merci bien de votre attention. Le président : Merci. Le CÉSEC n’ayant prévu aucun intervenant au titre de leur institution, donc pour la discussion générale, la conférence des présidents a prévu 60 minutes : 36 minutes pour le Tavini, 15 minutes pour le Tapura et 9 minutes pour les non-inscrits. J’invite le premier intervenant du Tavini huiraatira à prendre la parole. Frangélica. Mme Frangélica Bourgeois-Tarahu : Merci, président. Juste pour indiquer que dans cette intervention, nous sommes trois intervenants : moi, Madame Le Gayic et Odette. Mais bon, là, Madame Le Gayic est absente, donc je vais prendre son intervention. Merci. Je vous présente mes salutations. Le projet de loi du pays que nous examinons aujourd’hui constitue un tournant majeur dans la modernisation de notre commande publique. Il engage Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française) dans une transition numérique ambitieuse, finement ajustée aux réalités insulaires qui font notre force autant que notre singularité. S’étendant sur une vaste zone maritime de plus de 5 millions de kilomètres carrés, notre territoire, composé de 118 îles disséminées à l’échelle d’un continent, présente une configuration unique. Cette immensité, source de notre richesse et de notre fierté, impose cependant un impératif majeur : celui de garantir un accès équitable, fluide et moderne, à la commande publique, tant pour notre Administration que pour nos communes et nos entreprises locales. Jusqu’à présent, de nombreuses entreprises polynésiennes devaient envoyer leurs dossiers volumineux par voie postale ou les déposer physiquement dans les mairies au prix de plusieurs heures de trajet, parfois étalés sur plusieurs jours en raison de la rareté des liaisons aériennes ou maritimes. Les travaux menés en commission de l’équipement ont révélé toute la lourdeur des procédures, notamment dans le cas des marchés de travaux. Il n’était pas rare qu’une seule réponse à un appel d’offres nécessite la constitution de plusieurs classeurs, parfois jusqu’à quatre, de documents à imprimer, classer et acheminer. Ce système, hérité d’une logique administrative aujourd’hui dépassée, ralentissait significativement l’action publique et dissuadait bien des entreprises locales, surtout celles implantées dans les archipels les plus éloignés, de participer à la commande publique. Face à ce constat, le pays a fait le choix d’une réponse structurelle, ambitieuse et concrète. Avec la création de la plateforme unique des achats publics, dénommée Te Ariari, un terme polynésien qui évoque transparence et clarté, nous marquons une avancée déterminante, gratuite, ergonomique et intégralement financée par le pays à hauteur de 5 millions de francs par an. Cette plateforme permettra désormais à toutes les entreprises de consulter les appels d’offres, d’accéder aux dossiers et de déposer leurs offres en ligne de manière simple et sécurisée. Le choix d’une plateforme unique n’est pas anodin. Il découle d’un retour d’expérience précieux observé dans d’autres territoires, notamment en métropole et en Nouvelle-Calédonie, où la coexistence de multiplateformes a généré confusion, complexité d’usage et d’inégalité d’accès. Ces dispositifs morcelés ont souvent obligé les opérateurs économiques à naviguer entre plusieurs interfaces, à répéter les mêmes démarches et à mettre en place des systèmes de veille coûteux et chronophages. Face à ces constats, le gouvernement de Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française) a fait un choix clair : celui d’un cliché numérique unique garant d’une meilleure lisibilité, d’une gestion plus harmonisée des démarches et d’une accessibilité optimale pour nos communes, nos services et nos entreprises. En concentrant les efforts sur un outil unique, à la fois robuste et intuitif, le pays s’assure une meilleure maîtrise technique, une cohérence réglementaire accrue et une réduction notable des coûts de déploiement, de maintenance et de formation sur le long terme. Au-delà de ces dimensions techniques, cette réforme porte une ambition plus large encore : celle d’ouvrir réellement et équitablement l’accès à la commande publique à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, leur statut ou leur localisation. Dans cette mesure, le gouvernement du Tavini huiraatira a pris une décision forte et pleinement assumée : ne faire peser aucun coût sur les opérateurs économiques. L’accès à la plateforme est et restera entièrement gratuit. Il ne saurait être question d’instaurer un péage numérique à l’entrée de la commande publique. Imposer une contribution financière, même modeste, aurait constitué un frein, notamment pour les patentés, les petites entreprises ou celles des archipels éloignés qui doivent déjà composer avec des contraintes logistiques et technologiques. Ce principe de gratuité est donc plus qu’un geste, c’est une garantie d’égalité des chances. Mais garantir l’égalité, ce n’est pas seulement lever les barrières financières, c’est aussi s’assurer que chacun, où qu’il se trouve, puisse effectivement se connecter. C’est pourquoi je veux croire que cette réforme constituera un signal fort, un appel à garantir un accès réel aux réseaux Internet sur l’ensemble du territoire. Nous encourageons donc notre gouvernement à poursuivre et intensifier les efforts déjà engagés en s’appuyant sur les solutions existantes, mais aussi en explorant toutes les voies d’amélioration possibles afin que chaque île, chaque commune, chaque entreprise, même les plus isolées, puissent bénéficier sans entrave de cette avancée majeure, car la commande publique ne doit pas être l’apanage des zones bien desservies. Elle doit, au contraire, devenir une opportunité réelle pour tous, un levier de développement équitable et un vecteur d’émancipation économique pour Mā'ohi Nui (NDT, la Polynésie française). Merci. Je prends la suite de l’intervention de Madame Le Gayic. Chers collègues, vous venez d’entendre la première intervenante. Elle vous a décrit les difficultés d’accès au marché pour les communes isolées et les patentés des archipels face à la fracture numérique. Me concernant, je mettrai en exergue les risques de la concurrence extérieure et de la complexité administrative pour les petites entreprises locales sur les règles relatives à la dématérialisation des marchés publics. Quand on parle de simplifier la commande publique, tout le monde est d’accord de dire : le code des marchés publics actuels est compliqué, lourd administrativement, difficilement assimilable pour ne pas dire qu’il est indigeste. Une fois de plus, nous sommes unanimes pour modifier ce code des marchés publics. Il faut le dépoussiérer, il faut l’adapter. Il faut alléger les procédures, il faut introduire les outils numériques, il faut faciliter l’accès à la commande publique pour nos entreprises, etc., etc. Comme dirait l’autre : y a qu’à, faut que. Il me semble que le texte qui nous est présenté aujourd’hui va dans le sens des souhaits directs précédemment. Notre soutien aux textes présentés par notre gouvernement s’est exprimé en commission et nous ferons de même en séance plénière. Ce nouveau code polynésien des marchés publics, si je puis m’exprimer ainsi, doit servir à toutes les entreprises du pays et nous savons que nos entreprises, nos patentés, nos TPE, nos prestataires installés ici, n’ont pas les mêmes moyens et les mêmes marges de manœuvre que les grands groupes extérieurs. C’est pourquoi nous devons être vigilants face à cette concurrence extérieure. Notre code des marchés publics doit servir en priorité à nos entreprises du pays. Il en va de la bonne santé de notre économie. Avec la dématérialisation, le principe est simple : tout se fait en ligne, plus besoin de se déplacer à Papeete ni d’envoyer un pli par recommandé. Reconnaissons-le, c’est une avancée, mais cette ouverture se doit être encadrée et accompagnée avec attention. Sans cette vigilance, la concurrence extérieure pourra se positionner sur des marchés qui étaient toujours assurés par nos entreprises locales. Certes, la direction de la commande publique nous rassure, les marchés de travaux, de nettoyage, de services logistiques ne sont pas concernés. Peu probable dit-on, qu’une entreprise de Montpellier envoie son équipe pour repeindre une école aux Tuamotu. Un exemple parmi d’autres, quoique, peut-être que non, mais il reste des zones d’ombre qui peuvent nous porter préjudice, notamment de tout ce qui relève des prestations intellectuelles, du développement informatique, de la formation, de la communication, du conseil au conseil, etc. C’est sur ces segments d’activité que la concurrence nationale est vive et structurée. Et ce sont précisément ces marchés qui sont porteurs de nouveaux emplois. Comme je le disais tantôt, notre vigilance sur la concurrence extérieure doit être permanente et réactive. Deux points demandent une attention accrue de notre part, à savoir : un, la prise en charge des frais de déplacement dans certains marchés publics ; et deux, la fameuse retenue à la source de 15 %. Le premier point a été soulevé par la commission de l’équipement et par le CÉSEC sur le dérapage qui peut y avoir. Je ne reviendrai pas sur le contenu des discussions tenues à cet effet. En effet, la prise en charge des frais de déplacement dans certains marchés publics, il arrive que les cahiers des charges prévoient que le maître d’ouvrage prenne en charge les billets d’avion, les indemnités journalières et les frais de mission des prestataires venus de métropole. Au-delà de l’aspect technique et financier du processus, il ne faudrait pas que notre Administration soutienne la concurrence extérieure par des mécanismes administratifs et financiers qui puissent favoriser les entreprises extérieures. Comme par exemple la prise en charge d’une partie de ces frais par la collectivité, tous les frais de déplacement devraient être inclus dans le prix total proposé. Et s’ils sont exceptionnellement pris en charge par l’Administration, ils ne doivent pas entrer dans la comparaison des prix. Sinon, cela avantage les prestataires extérieurs. Le deuxième point qui heurte, c’est la fameuse retenue à la source de 15 %. Une entreprise du pays qui travaille avec un prestataire extérieur dans un contrat sous-traité ou co-traité se retrouve pénalisée. En effet, si elle doit retenir 15 % sur la part de son sous-traitant alors que ce même sous-traitant, s’il passait le marché lui-même, ne serait pas soumis à cette retenue, l’application de cette règle vise à lutter contre la fraude. Mais si nous l’appliquons mécaniquement, elle pénalise les groupements mixtes, les partenariats locaux externes, alors que nous devons encourager nos entreprises à créer des alliances pour monter en compétence. Pour ce faire, nous demandons à ce que le Pays s’inspire de la recommandation du CÉSEC qui prévoit des exceptions à cette retenue dès lors que le marché est exécuté localement. Le mot d’encouragement que nous adressons au gouvernement : protégeons et favorisons nos entreprises locales sans pour autant mettre en péril la qualité des travaux exécutés est rendue par nos entreprises. La simplification est le tube du printemps, de l’été, de l’automne et même de l’hiver. La simplification administrative n’est plus demandée, elle est exigée. Simplifier, alléger, fluidifier, c’est l’exigence du secteur privé pour faire gagner du temps et de l’énergie à nos entreprises locales. La simplification, ce n’est pas uniquement remplacer 12 feuilles de papier par 12 feuilles à scanner. Aussi, pour accompagner nos entreprises, on se doit être ambitieux. Le coffre-fort numérique qui permettra de déposer chaque année, en une seule fois, les attestations fiscales et sociales serait vénéré. Ce qu’attendent les entreprises et ce qu’elles nous demandent, ce n’est pas juste de pouvoir télécharger un document, c’est de ne plus avoir à le fournir du tout. La création du passeport numérique de candidature qui permettra à l’Administration de vérifier en direct la régularité d’une entreprise va dans ce sens. Nous encourageons notre gouvernement à accéder ce chantier pour que l’effort de simplification soit effectif et ce, dans des délais raisonnables. La plateforme proposée sera gratuite. Bravo ! L’idée d’un fonds d’appui à la transition numérique des entreprises, subvention à l’équipement, accès gratuit à des lieux de connexion, exemple espace numérique dans les communes, accompagnement personnalisé, serait un plus que sauront apprécier nos entrepreneurs du pays. De plus, la fracture numérique ne doit pas être amplifiée par la mise en place de la dématérialisation. Cette dématérialisation ne doit pas être un tri sélectif entre ceux qui la maîtrisent et les autres qui peinent à la dominer. La modernisation de notre commande publique ne doit pas se transformer en un outil de déracinement économique et financier. Le risque, ce n’est pas seulement l’arrivée de nouveaux concurrents extérieurs. Le risque, c’est que nos petites entreprises décrochent, faute d’avoir les outils, les moyens ou simplement l’énergie de faire face à une machine trop lourde pour elles. Ce que nous devons défendre ici, c’est un modèle économique vivant, enraciné dans le pays, fait de proximité, de réactivité et de lien social. Une économie qui nous ressemble et qui nous rassemble. Pour clore mon propos, je dirais, une commande publique doit être comprise de tous. Elle doit être accessible à tous. Et notre Administration, avec un grand A, doit être opérante et non irritante. Elle devrait incarner l’intelligence réelle et non être une IA. Nous avons besoin d’une intelligence réelle administrative nécessaire au bon fonctionnement de notre économie en Mā'ohi Nui (NDT, Polynésie française). Merci. Que l’amour règne. Le président : Merci. On poursuit avec la troisième intervenante. Mme Odette Homai : Merci, Monsieur le président. Je vous présente mes salutations. Mon intervention vient compléter les précédentes. Il y a des réformes qui font l’unanimité sur le principe, mais qui méritent d’être questionnées sur les conditions de leur mise en œuvre. Celle qui nous réunit aujourd’hui en fait partie. La dématérialisation de la commande publique est une avancée, mais elle n’est pas neutre. Elle modifie nos habitudes, nos outils, nos rapports aux entreprises, notre façon même de gérer l’agent public. Et elle appelle de notre part un double engagement : un engagement d’efficacité, mais aussi un engagement de justice. Je veux d’abord insister sur un point qui, à mes yeux, n’a pas été suffisamment discuté : la traçabilité des procédures et des paiements. Le texte prévoit l’utilisation du Chorus Pro pour la transmission et le suivi des factures. C’est une bonne chose. Cela permettra à nos partenaires de ne plus être dans un flou une fois leurs factures déposées. J’ai trop entendu des témoignages d’entrepreneurs qui, après avoir livré un chantier, ne savaient plus où étaient leur dossier, à quel bureau il était bloqué ni à quel horizon ils pouvaient espérer un paiement. Ces retards ne sont pas anecdotiques. Ils mettent en danger des trésoreries déjà fragiles. Et derrière une trésorerie, il y a des familles, des emplois, des engagements à tenir. Chorus Pro donne de la visibilité sur l’état d’une facture. Cette transparence doit devenir un droit pour chaque entreprise : un droit à l’information, un droit à la transparence, un droit à être payé dans un délai raisonnable et de percevoir des indemnités de pénalité en cas de retard. Aujourd’hui, le texte rappelle les délais de mandatement : 30 jours pour Tahiti et Moorea, 60 jours dans les archipels. Mais soyons honnêtes, entre le mandatement et le virement effectif, il se passe parfois deux, trois mois, voire plus. L’OPT, le CHPF ou encore l’OPH, trois des plus grands établissements publics du pays restent malheureusement connus pour leur retard de paiement, qui mettent à mal la trésorerie des entreprises du pays, ceci alors même que leur organisation, plus souple que celle des services administratifs classiques, devrait leur permettre une meilleure réactivité. Et cela, malgré les subventions exceptionnelles qui leur ont été accordées dès notre arrivée aux responsabilités. Je ne parle pas ici de mauvaise volonté. Je sais que les services sont souvent débordés, parfois en sous-effectifs, mais cette situation fragilise les petites entreprises, décourage les patentés et sape la confiance dans la commande publique. Je souhaite que l’on aille plus loin, qu’un délai global de paiement effectif — c’est-à-dire un délai entre la réalisation de la prestation et le moment où le paiement est effectivement reçu — soit intégré dans notre droit, au même titre que le mandatement. Ce n’est pas en écrivant 30 jours dans un article de loi qu’on résout le problème. Ce qui compte, c’est le délai réel, celui qu’attend l’entreprise entre la fin de sa mission et le moment où le paiement tombe. Et si cela nécessite des ajustements dans le code des finances publiques en préparation, alors posons la question ici ensemble. Faire simple, c’est bien. Mais payer à temps, c’est mieux. Je ne reviendrai pas sur la fracture numérique. Mes collègues l’ont dit, un outil ne vaut que s’il est accessible. Mais je veux souligner une autre forme de fracture : la fracture entre ceux qui savent utiliser les outils numériques et les autres. Les plateformes numériques, les signatures électroniques, les formats PDF sécurisés, tout cela est très bien sur le papier. Mais dans les faits, nous avons des entreprises, petites, familiales, éloignées des centres qui n’ont ni l’habitude ni parfois la capacité technique de répondre à des marchés dématérialisés. Alors oui, le coffre-fort numérique est un progrès. Oui, le passeport numérique de candidature prévu pour 2026 simplifiera beaucoup de choses. Mais entretemps, il faudra écouter les retours du terrain, adapter, accompagner, former, corriger si besoin. Et je le dis simplement, la dématérialisation ne doit pas devenir un filtre social. Je voudrais maintenant aborder un sujet moins technique, mais plus stratégique. La souveraineté numérique. Aujourd’hui, la plateforme de dématérialisation est opérée par une société extérieure et les données sont hébergées en France hexagonale. Je comprends que des garanties existent. Redondance, sauvegarde, clause de réversibilité, mais cela ne répond pas à une question politique de fond. Jusqu’à quand allons-nous externaliser nos données sensibles à 20 000 kilomètres ? Les candidatures au marché, les offres financières, les informations fiscales des entreprises locales, tout cela transite par des serveurs que nous ne maîtrisons pas. Je ne dis pas qu’il faut tout rapatrier demain, mais je demande qu’une stratégie claire de souveraineté numérique du pays soit engagée dès maintenant. D’ici à 2029, date de fin du contrat actuel, le pays doit être en capacité de disposer d’un data center sécurisé localement, héberger sa propre plateforme et assurer lui-même la gestion de ses données stratégiques. Ce chantier politique, il touche à notre souveraineté, à notre capacité à maîtriser notre Administration, notre économie, nos outils. Enfin, je soutiens la proposition de pérenniser le comité de pilotage en un véritable comité de suivi, avec une composition publique des comptes-rendus disponibles et un rapport annuel transmis à notre assemblée. Ce comité devra suivre l’évolution du taux de réponse des entreprises locales, le respect des délais de paiement, la progression des formations à la plateforme et les retours sur l’utilisation de Chorus Pro. Un tel outil mérite une vigilance continue, pas un simple bilan en fin de contrat. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas ici de remettre en cause le numérique. Il s’agit de le mettre au service de notre vision de la commande publique, une commande plus fluide, plus juste, plus transparente, mais aussi plus enracinée dans les besoins réels de notre population. Ce texte est une promesse, à nous d’en faire une réalité. Je soutiens ce texte et je soutiens la volonté du gouvernement d’avancer vers une commande publique plus moderne, plus juste, plus efficace. Mon rôle ici est de contribuer à ce que cette réforme tienne ses promesses pour tous les territoires, y compris les plus éloignés. Merci. Que l’amour règne. Le président : Merci. Donc on poursuit avec l’intervenant du groupe Tapura huiratira. Oui, Yseult. Mme Yseult Butcher-Ferry : Merci, Monsieur le président. Je vous renouvelle mes salutations en cet après-midi. La commande publique est un des moteurs de l’économie polynésienne. Elle génère chaque année des marchés totalisant plusieurs dizaines de milliards de francs pacifique entre, d’une part, les acteurs publics, et d’autre part, les opérateurs économiques. Le projet de loi du pays que vous soumettez à notre approbation vise à stimuler et à simplifier les procédures d’attribution des marchés et ce, si nous en croyons le rapport, conformément « à la stratégie de transformation numérique du service public engagée par le gouvernement ». Disons qu’il s’agit plutôt ici de poursuivre les actions menées depuis plusieurs années pour mettre notre Administration à la page et au plus près des usagers. Les nouvelles dispositions qui nous sont proposées, tirées d’un retour d’expériences huit ans après la création du code polynésien des marchés publics, constituent le premier chantier d’envergure mené par la direction de la commande publique. Il était temps, en effet… Au-delà, elles découlent d’un comité de pilotage réunissant diverses parties prenantes allant de l’établissement G2P à la Chambre de commerce et en passant par le Syndicat pour la promotion des communes et bien d’autres. Ainsi, ce projet de loi du pays prévoit le déploiement d’une plateforme polynésienne des achats publics, entièrement gratuite pour ses utilisateurs avec en prime la mise à disposition d’un « coffre-fort numérique » dans lequel pourront être déposées une fois par an les attestations fiscales et sociales nécessaires pour répondre aux appels d’offres. Sans parler du recours au portail de facturation « Chorus Pro » afin d’accélérer les délais de paiement des entreprises sollicitées. Sujet sur lequel l’assemblée devrait être saisie prochainement pour améliorer cet aspect des choses. Mais à n’en pas douter, la perspective d’une dématérialisation des marchés publics risque certainement de refroidir — et je pèse mes mots — certains de nos maires moins bien formés que d’autres à l’emploi des outils numériques. En cause principalement, la faiblesse de connexion Internet sur les sites les plus isolés du pays pourrait bien freiner cette marche en avant. Raison pour laquelle le texte prévoit quand même, dans certaines circonstances, de déroger à l’obligation de passer par la plateforme numérique. Dans quelles proportions ? Nous le verrons à l’usage. Toujours est-il que pour celles et ceux qui oseront franchir le pas, qu’ils sachent malgré tout que ces sessions de formation seront organisées d’ici fin juillet pour se familiariser avec de nouvelles pratiques. Ce qui, nous l’espérons, viendra compléter les 1ers annonces faites sur le sujet lors des rencontres de l’achat public qui se sont tenues le 19 mai dernier au Grand Théâtre de la Maison de la culture. Merci de votre attention. Le président : Merci. On poursuit avec l’intervenant du groupe des non-inscrits. Nuihau. M. Nuihau Laurey : Oui. Merci, Monsieur le président. Nous examinons aujourd’hui un projet de loi, vous l’avez bien compris, qui vise à moderniser la commande publique en Polynésie, en rendant progressivement obligatoire la digitalisation des procédures de passation des marchés publics, avec essentiellement quatre points : d’abord l’obligation de publier les avis d’appel d’offres, les documents de consultation sur une plateforme numérique ; l’obligation de dépôt électronique des candidatures et des offres pour les marchés supérieurs à un certain seuil et des dispositions transitoires pour permettre une montée en charge progressive ; et enfin un objectif d’une meilleure transparence, traçabilité et efficacité des procédures, comme l’ont indiqué déjà tous les intervenants qui se sont succédés. Nous reconnaissons que cette réforme est attendue. Elle répond à des standards déjà en vigueur en métropole, dans d’autres collectivités, et l’objectif, comme je l’ai indiqué, est d’améliorer finalement la performance des achats publics. Cependant, plusieurs risques et difficultés doivent être anticipés — certains de mes collègues l’ont déjà évoqué. D’abord, la fracture numérique territoriale : toutes les communes, toutes les entreprises, notamment aux zones éloignées ou aux ressources limitées, ne sont pas prêtes à basculer vers le tout numérique. Ensuite, sur la sécurité des données : les informations transmises doivent bien évidemment être protégées contre des intrusions ou des fuites potentielles, ce qui remettrait en cause les marchés. Et enfin, la charge administrative accrue pour les petites entreprises qui doivent souvent faire appel à des prestataires externes pour la dématérialisation. Nous proposons donc des mesures d’accompagnement technique et financier pour les communes, les petites communes notamment et les PME. Nous souhaitons aussi que soit prévue une clause de souplesse permettant le dépôt de papier dans certaines conditions, conditions avec les cas de panne, d’isolement ou de force majeure. Et enfin, l’introduction d’un dispositif de formation obligatoire pour les agents publics et les sous-missionnaires avant chaque échéance réglementaire majeure. Le groupe A Here ia Porinetia est bien évidemment favorable à la modernisation numérique de l’action publique et nous souhaitons éviter une modernisation à deux vitesses qui laisserait de côté les petites communes, les communes éloignées et l’ensemble de nos TPE. Nous voterons pour ce texte en espérant que les adaptations proposées soient progressivement prises en compte dans la mise en œuvre de cette évolution réglementaire. Merci. Le président : Merci. Y a-t-il d’autres intervenants ? Il n’y a plus d’intervenant. Très bien, donc on poursuit avec les réponses du gouvernement sur les différentes interventions. M. Jordy Chan : Merci. Merci, Monsieur le président. Je tenais juste à remercier l’ensemble des représentants pour leur intervention et le soutien vis-à-vis de ce texte. On a bien pris en compte l’ensemble de vos remarques par rapport à la concurrence externe, la traçabilité des procédures des paiements, le fait qu’il faut éviter d’accentuer la fracture numérique et sociale, et également les enjeux de souveraineté et de sécurité des données. Donc, c’est un ensemble de points sur lesquels on travaille activement au sein du gouvernement, pas uniquement au sein du ministère de l’économie et des finances, mais également à la présidence pour ce qui concerne le numérique, etc., etc. Et sachez qu’on va accompagner les différentes personnes, les différents acteurs qui seront impactés par cette mesure. On va procéder à des formations. On a également des aides à la numérisation des entreprises qui sont disponibles, comme l’a évoqué notre représentant tout à l’heure. Donc c’est des enjeux qu’on garde en tête. Et l’objectif justement du projet de loi du pays que l’on vous soumet pour adoption, c’est d’y aller progressivement et d’atteindre notre objectif de dématérialisation à terme. Merci. Le président : Merci. Procédure simplifiée ici également, il n’y a pas d’amendement. Pardon, il y a une intervention. Nicole. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. J’ai juste une question à Monsieur le ministre, parce que c’est vrai que nous avons été sollicités par aussi bien des petites entreprises qui n’arrivent pas à accéder au marché public par manque de connaissances, de maîtrise du dispositif ou bien même par des acheteurs publics qui se rendent compte que finalement, dans cette réforme, celle qui a été mise en place par l’ancien gouvernement, il y a des entreprises qui se sont spécialisées pour pouvoir répondre aux différents marchés publics. Et je soutiens tout ce qui a été dit par Odette, par Madame Le Gayic et lu par Frangélica, parce qu’il ne faudrait pas que cette fracture numérique empêche nos petites entreprises de postuler. Je voulais juste savoir : est-ce qu’il y a eu une consultation avant ce texte, aussi bien des acheteurs publics comme des acteurs économiques ? Je sais que c’est passé au CÉSEC. Mais est-ce qu’il y a eu un travail de consultation du gouvernement ? M. Jordy Chan : Merci, Madame la représentante et Madame la députée, pour votre question. Il y a une large consultation qui a été effectuée. C’est la raison pour laquelle on a mis en place une application progressive, en fait, de la loi du pays. D’abord, une application qui concernera les marchés passés selon des procédures formalisées. Donc ça concerne les appels d’offres ouverts ou restreints, les procédures négociées avec les publicités, les mises en concurrence, le dialogue compétitif et le concours ouvert ou restreint. Et ensuite, à plus long terme, l’application de ce texte sera effectuée sur des procédures qui sont généralement appliquées pour des montants qui sont relativement plus faibles. Le président : Merci. Bien. J’ai oublié de vous dire qu’il y a un amendement. On vient de résoudre le problème parce qu’on nous a donné deux et on n’arrivait pas à trouver un terrain d’entente. Donc il y a un seul amendement, c’est celui qui va nous être lu par celui qui porte cet amendement, c’est-à-dire Bruno Flores. M. Bruno Flores : Merci, président. L’article LP. 47 du projet de loi du pays est rédigé comme suit : Article LP. 47 : Les dispositions des articles LP. 15 et LP. 16 de la présente loi du pays entrent en vigueur, en fonction de la valeur estimée hors taxes du marché, selon un calendrier échelonné fixé par arrêté pris en conseil des ministres, et au plus tard le 1er janvier 2027. Exposé sommaire : Afin d’anticiper toute difficulté technique ou retard imprévu dans la prise en main de l’outil de dématérialisation par nos acheteurs publics ou nos opérateurs économiques, il est proposé, sur le modèle de ce qui est prévu à l’article LP. 45 de la présente loi du pays pour la mise en œuvre de la dématérialisation des factures de marchés publics, de confier au conseil des ministres le soin de fixer par arrêté, selon un calendrier échelonné en fonction de la valeur estimée hors taxes du marché, les dates d’entrée en vigueur des obligations de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. Le renvoi à un arrêté du conseil des ministres garantit la flexibilité opérationnelle indispensable à la réussite de cet ambitieux projet de dématérialisation. Il permettra de lancer le processus dès la rentrée de septembre, tout en préservant la possibilité d’ajuster, de reporter ou d’accélérer les échéances en fonction du degré de préparation des acteurs de la commande publique. Merci. Le président : Merci. Une discussion est ouverte sur l’amendement. Y a-t-il des interventions ? S’il n’y a pas d’intervention, je mets aux voix l’amendement : qui est pour ? Unanimité. Merci. Là également, il n’y a pas d’intervenant du CÉSEC. La procédure adoptée étant celle de la procédure simplifiée, je vais ouvrir le vote. Oui, Nicole. Mme Nicole Sanquer : Pardon. J’avais une dernière question, Monsieur le ministre, j’en profite que nous parlions des marchés publics. J’ai une demande de la commune de Taiarapu-Ouest, parce qu’ils attendent depuis les Jeux olympiques, il y a la pointe Riri qui n’a toujours pas de gestionnaire. Je sais qu’il y a eu un marché public, donc là je sais que ce n’est pas trop votre domaine mais plutôt celui du tourisme. Mais par contre, la gestion de la marina de Teahupoo, apparemment il y a aussi un souci, puisqu’ils attendent désespérément qu’il y ait un gestionnaire de cette marina. Est-ce que vous avez des réponses à nous apporter ? M. Jordy Chan : Merci, Monsieur le président. Madame la députée, en fait, sur la marina de Teahupoo, la procédure d’affectation de la marina à la commune, elle est en cours de traitement par la direction des affaires foncières. Le président : Merci. Donc je vous propose de vous reporter à votre boîtier numérique. Le vote numérique est ouvert. (Attente de l’affichage des résultats de vote.) Donc 57 pour. Le vote est clos. La loi du pays est adoptée. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |