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Rapport n° 153-2025 relatif à un projet de délibération portant approbation des comptes annuels de l'exercice 2023 de l'établissement public Office des postes et télécommunications – Rapport n° 154-2025 relatif à un projet de délibération portant approbation des comptes annuels consolidés de l'exercice 2023 du groupe public Office des postes et télécommunications

Paru in extenso au JOPF n° 13 NA du 07/08/2025 à la page 1539

Rapport n° 153-2025 relatif à un projet de délibération portant approbation des comptes annuels de l’exercice 2023 de l’établissement public Office des postes et télécommunications – Rapport n° 154-2025 relatif à un projet de délibération portant approbation des comptes annuels consolidés de l’exercice 2023 du groupe public Office des postes et télécommunications


Présentés par Mmes les représentantes Béatrice Flores-Le Gayic et Elise Vanaa

Le président : Je vous demande de passer à l’examen des textes relatifs à l’Office des postes et télécommunications. Il s’agit des rapports 3 et 4 et la conférence des présidents de groupes politiques de l’assemblée a décidé d’une discussion commune.

Et donc, pour cette discussion commune, je demande au rapporteur de ce texte, Madame Elise de…

Mme Elise Vanaa : Merci bien, Monsieur le président. Madame la ministre, aux dirigeants de notre Office des postes et télécommunications, à toutes et à tous, Madame la ministre Nahema, à toutes et à tous en cet après-midi, merci pour cette occasion qui nous est donnée de nous rencontrer.

Par lettres n° 7916 et n° 7917/PR du 2 décembre 2024, le Président de la Polynésie française a transmis aux fins d’examen par l’assemblée de la Polynésie française, deux projets de délibération portant approbation des comptes annuels et consolidés de l’exercice 2023 de l’établissement et du groupe public Office des postes et télécommunications.

Ces deux projets de délibération ont été examinés en commission de l’économie et des finances et du budget le 18 décembre 2024. Donc cela remonte à six mois, président, et Mesdames et Messieurs les représentants.

L’année 2023 a été marquée par l’augmentation du capital de la SAS Marara Paiement, chargée d’exploiter l’activité des services financiers, d’un montant de 168 millions F CFP, portant le nouveau capital à 563 millions F CFP, et la réduction du capital de la SAS Fare Rata, d’un montant de 635 millions F CFP, portant le nouveau capital à 3,6 milliards F CFP. La subvention d’équilibre octroyée à la SAS Fare Rata pour 2023, par l’OPT, s’élève à 1 milliard F CFP.

S’agissant du câble domestique Natitua Sud, il a été mis en service le 4 juillet 2023, date d’ouverture des offres commerciales aux populations de l’archipel des Australes.

S’agissant du câble sous-marin Chili-Tahiti, une mission a été organisée en juin 2023 au Chili avec la présentation du modèle économique qui a radicalement évolué puisqu’il est question de faire rentrer un nouveau partenaire, Google.

En juillet 2023, Google a organisé une mission en Polynésie française pour présenter son projet de câbles sous-marins dans la région du Pacifique, dont cinq passeraient par la Polynésie. C’est ainsi que des échanges ont démarré avec la filiale Tahiti Nui télécom pour la mise à disposition d’une assise foncière à Papenoo destinée à la construction des stations terminales et d’un datacenter.

Enfin, le projet immobilier de la SCI Hinoi a été suspendu au regard du coût trop élevé qu’il représentait, de la situation financière du Groupe et du manque de rentabilité. Un nouveau projet, redimensionné et davantage orienté vers la recherche de revenus externes, devra être présenté.

S’agissant de l’établissement public OPT, les produits de l’exercice s’élèvent à 5,6 milliards F CFP répartis soit 3 milliards F CFP de produits d’exploitation, 1,382 milliard F CFP en produits financiers et 1,138 milliard F CFP pour les produits exceptionnels.

Les charges atteignent 6,5 milliards F CFP soit 3,4 milliards F CFP de charges d’exploitation, 2,2 milliards F CFP en charges financières, 862 millions F CFP pour les charges exceptionnelles et 4 millions F CFP d’impôts sur les bénéfices.

Le résultat de l’établissement public OPT s’établit par conséquent à – 914 millions F CFP.

S’agissant du groupe public OPT, les produits de l’exercice s’élèvent à 26,7 milliards F CFP soit 24,4 milliards F CFP de produits d’exploitation, 256 millions F CFP en produits financiers et 963 millions F CFP pour les produits exceptionnels.

Les charges atteignent 28 milliards F CFP soit 27 milliards F CFP de charges d’exploitation, 169 millions F CFP en charges financières, 267 millions F CFP pour les charges exceptionnelles et un peu plus de 128 millions F CFP d’impôts sur les bénéfices.

Considérant la quote-part des entreprises mises en équivalence et les dotations aux amortissements des écarts d’acquisition, le résultat net consolidé du groupe public OPT est déficitaire de 2,3 milliards F CFP (contre – 2 milliards F CFP en 2022).

Ces deux projets de délibération, comme je l’avais rappelé tantôt, ont été examinés en commission de l’économie le 18 décembre 2024.

À cette occasion, l’équipe dirigeante de l’établissement a présenté les comptes de l’exercice et les faits de 2023, marqués par de nouvelles nominations, des mouvements sociaux et des projets redimensionnés et réorientés vers la rentabilisation.

Le résultat déficitaire de l’ÉPIC OPT est principalement dû aux résultats d’exploitation et financiers déficitaires en raison des subventions octroyées aux filiales.

À cet égard, la situation financière de l’OPT et de ses filiales a été mise en perspective avec la concurrence installée en Polynésie française depuis quelques années. Des audits et plusieurs réflexions sont actuellement menés notamment sur l’évolution du statut d’ÉPIC, sur des mesures à envisager pour réduire les déficits de Fare Rata et Marara Paiement et leur dépendance aux subventions octroyées par l’établissement, et sur les activités bancaires et postales dans les îles.

Un point a par ailleurs été effectué sur le recours lié à la délégation de service public relative aux télécommunications. Un nouveau PREF tiendra compte de la décision rendue et sera présenté en conseil d’administration, et je pense qu’il a été fait en début 2025.

À l’issue des débats, les présents projets de délibération ont recueilli un vote favorable unanime des membres de la commission. En conséquence, j’invite les représentants à l’assemblée à adopter ces projets de délibération ci-joints. Il s’agit de l’exercice 2023 et nous sommes en 2025.

Merci. Merci de votre attention.

Le président : Voilà. Merci bien au rapporteur.

Pour discuter de ce rapport, la conférence des présidents a réparti le temps de parole comme suit : 36 minutes pour le groupe Tavini, 15 minutes pour le groupe Tapura et 9 minutes pour le groupe des non-inscrits.

J’invite donc le représentant sur groupe Tavini huiraatira de donner lecture de son rapport.

Madame Béatrice, la parole est à vous.

Mme Béatrice Flores-Le Gayic : Merci bien, Monsieur le président. Veuillez recevoir mes salutations.

Le compte financier de l’OPT que nous examinons aujourd’hui n’est pas une mauvaise surprise. Il est la suite logique d’un affaiblissement progressif, documenté, signalé par plusieurs rapports, dont celui de la Cour des comptes, les analyses du CÉSEC, et nos propres débats en commission permanente l’année dernière.

En 2023, l’établissement public OPT a enregistré une perte nette de 914 millions F CFP. Le groupe dans son ensemble, en intégrant les résultats des filiales, présente un déficit consolidé de 3,03 milliards F CFP, confirmant l’aggravation des déséquilibres structurels.

Ce sont les symptômes d’un modèle à bout de souffle.

Depuis 2021, les comptes du groupe OPT se dégradent. En 2022, le groupe avait terminé l’exercice avec une perte de 2,6 milliards F CFP. En 2023, on atteint 3 milliards F CFP. Le chiffre d’affaires consolidé a chuté à 22,3 milliards F CFP, avec une baisse de 2,1 %, notamment portée par la décroissance du chiffre d’affaires d’ONATi et la stagnation de Fare Rata.

L’établissement public a tenté de sauver l’équilibre de ses filiales avec des subventions d’équilibre massives : 1,051 milliard F CFP pour Fare Rata et 1,1 milliard F CFP pour Marara Paiement.

Résultat : les dividendes sont en baisse. Et l’OPT, privé de sa capacité d’investissement, est acculé à reporter ou suspendre ses projets structurants.

Cette situation découle directement d’une décision stratégique prise en 2019 : transformer l’OPT en holding et filialiser ses missions essentielles. L’argument à l’époque était d’aligner l’OPT sur les standards de gestion privée pour gagner en efficacité, mais la réalité fut toute autre : multiplication des fonctions support, duplication des coûts RH et logistiques, absence de mutualisation entre les entités, et surtout, éclatement des responsabilités, rendant la gouvernance globale illisible.

Lors de la commission permanente du 22 février 2024, plusieurs élus ont souligné les effets pervers de cette structuration. Le CÉSEC va plus loin : il qualifie cette stratégie de « désarticulée » et rappelle que la réforme a été engagée sans étude d’impact sérieuse, ni évaluation des effets sociaux dans les archipels.

Pire encore : pour permettre à l’OPT de déléguer ses missions à ses propres filiales sans mise en concurrence, la loi du pays de 2009 a été modifiée en 2018. Cette modification a été partiellement censurée par le Conseil d’État, car elle violait les principes de libre concurrence.

Résultat : les conventions de DSP signées avec ONATi et Fare Rata sont désormais fragiles. L’État, via le Tribunal administratif, a déclaré illégale cette dérogation. Aujourd’hui, le Pays est sommé de revoir en profondeur le modèle.

Les rapports n° 34 et n° 35-2024 du CÉSEC alertent également sur ce point : la séparation entre missions de service public et activités concurrentielles est trop floue. Elle nuit à la lisibilité de l’action publique et expose le groupe à des risques juridiques majeurs.

Le projet immobilier Hinoi est le symbole de cette période. Engagé pour 11,5 milliards F CFP, il visait à reloger des filiales dans un nouveau bâtiment suréquipé. Il reposait sur des hypothèses de revente optimistes — un terrain estimé à 2,2 milliards F CFP, qui n’en valait que 1,6 milliard F CFP selon le Port autonome. Le projet a été suspendu in extremis en mars 2024 par le nouveau conseil d’administration.

Cette suspension n’est pas une faiblesse, c’est un acte de lucidité. Elle témoigne d’un début de recentrage sur les missions fondamentales de l’OPT. Mais elle démontre aussi combien l’argent public a été mobilisé sans garanties de viabilité.

Le Plan de rétablissement des équilibres financiers lancé en 2023 tablait sur une stabilisation des recettes dès la fin d’année. Or, en réalité, c’est près d’un milliard de francs de recettes qui manquent à l’appel par rapport aux prévisions internes du groupe.

Ce plan a été élaboré dans une logique comptable, mais il manque cruellement d’une vision d’ensemble, d’un cadre politique qui réaffirme le rôle de l’OPT au service du Pays.

Chers collègues, le déficit que nous examinons n’est pas une anomalie. Il est la conséquence d’un modèle désorganisé, d’une perte de cap, d’une sous-estimation des réalités territoriales.

Ce que j’ai tenté de montrer ici, c’est que les chiffres ne suffisent pas. Il faut les replacer dans leur trajectoire, dans leurs causes, et surtout dans leur signification politique.

Ce qui se joue ici, ce n’est pas simplement un redressement financier. C’est la possibilité de faire de l’OPT un vrai service public : efficace, juste, transparent, et utile.

Cette crise ne se résoudra pas par un simple ajustement comptable. Elle impose de réinterroger notre façon de gouverner, de répartir les responsabilités et de redéfinir les priorités.

Le déficit que nous examinons aujourd’hui ne tombe pas du ciel. Il n’est pas seulement le reflet d’une baisse d’activité ou d’un aléa budgétaire. Derrière les chiffres, il y a un mode d’organisation devenu contre-productif, illisible et insoutenable à moyen terme.

Depuis la réforme engagée en 2019, l’OPT fonctionne comme une holding publique à la tête d’un réseau de filiales spécialisées : ONATi pour les communications, Fare Rata pour les activités postales, Marara paiement pour les services bancaires numériques. Cette structuration visait une modernisation. Elle a débouché sur une fragmentation.

Chaque filiale a sa propre direction, sa propre convention collective, ses propres objectifs, ses propres indicateurs. Les fonctions supports sont dupliquées. La coordination est lente, coûteuse et inefficace.

L’OPT, maison mère, a perdu la maîtrise stratégique de ses filiales. Il n’est plus un chef d’orchestre, mais un guichet central de redistribution budgétaire.

Le CÉSEC, dans ses avis, parle d’une désarticulation profonde du pilotage, d’un empilement d’entités mal coordonnées et d’une perte d’agilité dans la conduite des politiques publiques. Cette critique n’est pas nouvelle. Plusieurs élus l’ont formulée, dès février 2024, en commission permanente, lors de l’adoption des comptes financiers de l’exercice 2022.

Ce dysfonctionnement institutionnel a des conséquences concrètes. ONATi opère dans un environnement concurrentiel. Fare Rata cumule les pertes sur les dessertes dans les îles. Marara paiement est encadré par des règles prudentielles.

Résultat : l’OPT est contraint chaque année de combler les déficits :

- 1,51 milliard F CFP injecté dans Fare Rata en 2023,

- 1,1 milliard F CFP dans Marara paiement, des dotations complémentaires aux structures support.

Ces transferts se font sans contrat d’objectif, sans cadre pluriannuel, sans indicateur. Ils obéissent à une logique d’urgence et non de stratégie.

Pendant ce temps, les services aux usagers se dégradent : fermeture de comptes en milieu insulaire, suppression des découverts bancaires, allongement des délais postaux.

Le CÉSEC le souligne. Le passage en filiale bancaire a précarisé l’accès aux services pour les populations les plus éloignées. Et dans certains cas, c’est la fonction sociale de l’OPT, pourtant centrale dans nos archipels, qui a tout simplement disparu. Il est temps de reconnaître que le service public ne peut pas reposer uniquement sur un montage financier interne.

Si le pays souhaite garantir une présence postale numérique et bancaire dans les îles, alors il doit s’y engager politiquement et budgétairement. Le modèle actuel repose en partie sur un socle juridique incertain.

La loi du pays de 2018, modifiant celle de 2009, pour permettre des DSP internes, a été partiellement censurée par le Conseil d’État. Le CÉSEC rappelle que cette décision jette le doute sur la légalité des conventions entre le pays et les filiales du groupe OPT. À cela s’ajoute une absence d’études d’impact préalable lors de la réforme, aucune évaluation des effets sur le personnel, les coûts ou l’accessibilité dans les archipels.

Aujourd’hui, la séparation entre activités concurrentielles et missions d’intérêt général est floue et cette ambiguïté affaiblit le groupe autant qu’elle expose le pays à des contentieux futurs.

Merci bien de votre attention. Que l’amour règne.

Le président : Merci bien.

Odette.

Mme Odette Homai : Depuis 2023, les choses bougent. Le projet immobilier Hinoi a été suspendu. Un nouveau conseil d’administration a été nommé. Des audits internes ont été lancés. Et un suivi trimestriel du Plan de rétablissement des équilibres financiers (PREF) est désormais en place.

Ce PREF contient des mesures concrètes : révision des charges, recentrage des investissements, redéploiement de missions. Il engage des choix structurants, tant sur l’avenir du groupe que sur sa capacité à assurer ses missions dans les archipels.

Ce sont des signaux encourageants. Ils traduisent une volonté de rupture avec les erreurs passées. Mais pour être crédibles, ces efforts doivent être transparents. Et surtout, ils doivent s’inscrire dans un cadre démocratique.

Nous souhaiterions que le PREF soit présenté aux élus de la commission de l’économie et du budget.

Ce plan engage l’avenir d’un service public stratégique. Les représentants du peuple doivent pouvoir en débattre, en suivre l’évolution, et veiller à ce qu’il reste au service de l’intérêt général.

Il ne s’agit pas de tout reconstruire. Il s’agit de remettre de la clarté et du sens dans l’organisation du groupe OPT.

Nous proposons :

- la présentation régulière du PREF en commission, pour assurer la transparence du redressement ;

- la signature d’un contrat d’objectifs et de performance, entre le Pays et l’OPT avec un budget pluriannuel dédié, des indicateurs clairs, et un suivi politique ;

- la révision du Code des postes et télécommunications, pour clarifier le cadre juridique des opérateurs publics, sécuriser les DSP, et garantir les missions non rentables.

Chers collègues, la gouvernance éclatée de l’OPT n’est pas une fatalité. Elle est le fruit de choix politiques passés, que nous pouvons aujourd’hui corriger.

Nous avons l’occasion de transformer cette crise en opportunité : pour clarifier les responsabilités, renforcer la transparence, et réaffirmer le rôle du service public dans la construction d’un Pays plus juste, plus connecté, plus solidaire.

Ne ratons pas ce rendez-vous. Ce n’est pas simplement d’administration qu’il s’agit. C’est de souveraineté.

Au-delà des chiffres, des équilibres financiers et des ratios de gestion, nous devons poser une question politique, une question de fond. À quoi sert encore l’OPT dans notre société ? Elle est une entreprise de service comme les autres, ou bien un levier d’aménagement du territoire, d’équité sociale et de souveraineté numérique pour notre pays ? Est-il un outil de profit ou un service public incarné ? Ce débat, nous ne l’avons pas encore véritablement ouvert. Et pourtant, la situation du groupe OPT en 2023 nous y oblige.

Les constats sont connus. Ils ont été formulés avec force dans les avis du CÉSEC, dans les commissions et sur le terrain.

Dans les archipels, le service public postal et bancaire se délite : les guichets ferment plus tôt, les retraits sont plafonnés, les découvertes supprimées, des comptes sont fermés faute d’activité et les envois postaux mettent parfois plus de deux semaines à atteindre leur destination.

Cette dégradation n’est pas due à la seule conjoncture. Elle est le fruit d’un choix structurel, celui d’avoir filialisé les missions essentielles sans prévoir de mécanisme pérenne pour garantir le financement dans les zones non rentables.

Fare Rata en charge de la Poste, cumule les pertes depuis plusieurs exercices. Marara paiement, en charge de l’activité bancaire, est soumise à des règles prudentielles qui l’empêchent de maintenir une offre sociale.

Résultat : les usagers des archipels sont de plus en plus exclus d’un service pourtant fondamental. L’OPT, qui était jadis une présence humaine, un trait d’union entre les îles devient une coquille vide.

Le CÉSEC parle de rupture, de continuité territoriale, et il alerte, sans intervention publique, certaines communes ne seront bientôt plus desservies que par la loterie du marché.

En 2023, l’OPT a injecté 1,51 milliard F CFP dans Fare Rata, 1,1 milliard F CFP dans Marara paiement. Mais ces subventions d’équilibre ne sont ni contractuelles, ni pluriannuelles, ni corrélées à des objectifs mesurables. Elles viennent combler les trous, mais ne réparent rien. Pire encore, aucune compensation budgétaire n’est prévue par le pays pour couvrir les obligations de services universels dans les archipels.

On demande à l’OPT de continuer à servir les zones déficitaires sans soutien pérenne, sans pilotage stratégique et sans que cela ne figure dans un contrat formel avec la puissance publique. Ce modèle est à bout de souffle. Il crée de la tension dans les équipes, il précarise les services, il alimente les déficits et il nourrit un sentiment d’abandon chez nos populations les plus éloignées.

Je propose un changement de paradigme. Il est temps de construire un pôle public dédié aux missions de proximité dans les archipels, appuyé sur l’expertise, les ressources et le maillage territorial du groupe OPT.

Ce pôle aura pour vocation de regrouper trois fonctions : le service postal de base, courrier, colis, transfert simple. Le service bancaire de proximité : dépôt, retrait, micro-épargne, le relais numérique de première ligne, accès Internet, assistance administrative, médiation digitale.

Il ne s’agit pas de créer une nouvelle filière. Il s’agit de recentraliser ses fonctions au sein d’une entité pilotée par l’OPT avec un mandat clair du pays, financé de manière transparente et soumis à un contrat d’objectif.

Cette entité pourrait être cofinancée par le budget du pays par le fonds pour le service universel et par une péréquation interne au groupe. Elle aurait un statut spécifique avec un personnel stabilisé, des objectifs territorialisés et un suivi parlementaire annuel. Mais il ne s’agit pas uniquement de services de proximité. L’OPT peut aussi devenir un acteur majeur de notre souveraineté numérique.

Dans son avis, n° 35-2024, le CÉSEC regrette l’absence d’ambition publique sur les enjeux stratégiques du numérique, câbles sous-marins, cybersécurité, cloud souverain, interconnexion régionale.

L’OPT a les moyens, les compétences et le réseau pour devenir l’opérateur du cloud souverain polynésien, le garant de la sécurité des échanges numériques de l’administration, l’interlocuteur technique de nos ambitions satellitaires ou sous-marins, à condition qu’on lui donne un cap et que ce cap soit fixé politiquement.

Cela suppose un changement de gouvernance, un conseil d’administration resserré, stratégiquement armé et représentatif des enjeux du pays. Cela suppose aussi un engagement de l’exécutif : utiliser l’OPT non plus comme un amortisseur financier, mais comme un bras armé de la souveraineté territoriale, sociale et numérique. Les défis sont nombreux.

Le groupe OPT n’est pas une entreprise en concurrence avec d’autres. Il est encore le seul réseau logistique et numérique unifié du pays. Il couvre les cinq archipels. Il dispose d’agents formés, d’infrastructures établies et d’une présence dans chaque commune. Ce potentiel ne doit pas être gaspillé. Il doit être recentré, réorienté et placé au cœur d’une stratégie publique assumée.

Chers collègues, il est temps de choisir ce que nous voulons faire de l’OPT. Si nous voulons un simple holding de filiales déficitaires, continuons comme avant. Mais si nous voulons un outil public moderne au service des habitants des archipels et du développement souverain de notre pays, alors il faut agir. Créer un pôle public pour les archipels, confier à l’OPT les missions stratégiques du numérique, clarifier les financements, réformer la gouvernance, ce n’est pas une utopie, c’est une nécessité. Et c’est surtout une responsabilité politique, la nôtre.

Merci et que l’amour règne.

Le président : Merci.

Vahinetua.

Mme Vahinetua Tuahu : Merci bien, Monsieur le président. Je vais prendre la suite.

Comme l’ont dit mes collègues, disons-le tout de suite que la situation vraiment du groupe OPT est catastrophique et il y a urgence à agir, c’est vrai, avec les 3,3 milliards de francs CFP de déficit en 2003 pour les comptes consolidés.

Le groupe OPT traverse une période vraiment charnière, cruciale pour son avenir, marquée par une dégradation continue de ses résultats financiers qui a nécessité un soutien croissant du pays, comme en témoigne l’allocation de 400 millions F CFP de subventions en ce début d’année.

Les 1300 agents de l’OPT expriment depuis plusieurs années, maintenant, leurs inquiétudes face à cette situation et leurs préoccupations légitimes et compréhensibles méritent toute notre attention collective. Ces agents engagés au service de notre peuple à Tahiti et dans les îles jouent un rôle essentiel en maintenant les liens téléphoniques, postaux et bancaires indispensables à la cohésion de notre pays. La dégradation de leur perspective professionnelle au sein de leur entreprise a provoqué une grève en octobre 2023.

Nous avons cru à un renouveau avec la nomination d’une nouvelle PDG à la tête de notre groupe OPT en février 2024. Nous sommes en juin 2025, plus d’un an après, et nous n’avons toujours pas obtenu de présentation d’une quelconque stratégie de redressement et de développement pérenne du groupe OPT. Alors que l’assemblée est sollicitée pour décider de subventionner le groupe OPT, Les élus ont réclamé depuis l’an passé une présentation de la nouvelle direction du groupe OPT et n’ont toujours aucun retour.

Rappelons que la dernière présentation du Plan de rétablissement des équilibres financiers, le PREF, a été faite en janvier 2024 par le précédent PDG du groupe OPT, juste avant son remplacement. Depuis, rien. Cette absence d’une stratégie claire avec des objectifs définis et un calendrier réaliste nuit nécessairement à la visibilité des élus sur l’action du groupe OPT et nourrit les craintes quant à l’avenir de cette entreprise publique qui fait partie de l’histoire de notre pays, car elle a contribué à bâtir notre pays avec ses infrastructures télécom et postales, sans oublier la crainte des agents de perdre leur emploi sous trois ans.

Disons-le clairement, nous ne souhaitons pas être la majorité qui aura mené le groupe OPT au plan social. Ce scénario n’est ni acceptable, ni envisageable. Et pourtant, c’est celui vers lequel les chiffres du groupe OPT semblent pointer.

Lors de l’examen de ces comptes 2023 en commission législative le 18 décembre 2024, le PDG du groupe OPT a indiqué qu’elle avait, je cite : « lancé depuis le début d’année — 2024 donc — un audit financier pour la période 2018-2022 qui est toujours en cours. Nous en aurons les résultats en 2025 ». Nous sommes en 2025, pouvons-nous connaître les résultats de cet audit ? La PDG de l’OPT avait indiqué également, je cite « nous avons eu également un courrier de la part du Président, mandatant la DMRA pour un audit de gouvernance pour les années 2022-2024. Nous aurons très certainement le retour de cet audit de gouvernance à la fin de cette année voire janvier 2025 ». Nous sommes en juin 2025, pouvons-nous connaître également les résultats de cet audit ?

Pour répondre à ces enjeux, il est essentiel de travailler ensemble à la définition d’une stratégie pluriannuelle claire, capable de redresser les comptes de l’OPT et de projeter cet établissement vers un avenir durable. Cette stratégie pourrait s’appuyer sur des projets novateurs permettant non seulement de diversifier les activités de l’OPT, mais aussi de remotiver le personnel et de redonner confiance aux usagers.

Le groupe OPT, en tant qu’acteur historique et vital de notre pays doit continuer de jouer pleinement son rôle, notamment dans les archipels éloignés, où ces services sont essentiels. Garantir sa pérennité est une responsabilité que nous partageons tous et c’est pourquoi, en tant qu’élus, nous avons sollicité la présentation par la Direction de l’OPT, d’une stratégie de redressement des comptes, afin de nous inscrire dans cette voie.

Nous espérons que le gouvernement pourra nous répondre aujourd’hui et nous indiquer quelles pistes sont envisagées pour le groupe OPT. Y aura-t-il un plan social ou un démantèlement ? Y aura-t-il une privatisation, même partielle, du groupe OPT ? Y aura-t-il une transformation de Marara Paiement en véritable banque ? Nous restons convaincus que par un dialogue ouvert et transparent nous pourrons œuvrer ensemble à des conditions porteuses d’avenir pour l’OPT et ses agents, et bien évidemment dans l’intérêt du plus grand nombre, sur un espace aussi vaste que l’Europe. Aussi, nous voterons favorablement pour l’adoption de ces deux textes.

Merci bien.

Le président : Merci bien. Plus d’interventions pour le groupe Tavini huiraatira ?

J’invite l’intervenant du groupe Tapura à présenter son intervention. Pascale.

Mme Pascale Haiti-Flosse : Merci, Monsieur le président de l’assemblée. Madame la vice-présidente, Monsieur le ministre, Madame le ministre.

J’ai cru entendre l’intervention de notre amie Vahinetua. C’était l’opposition, parce qu’elle vient de dire clairement ce que, bien sûr, nous avions à dire, et elle a tout dit. Mais nous avons préparé quand même une intervention. Merci Vahinetua pour la clarté de ton intervention. Tout a été dit.

Comme chaque année et l’exercice 2023 ne fait pas exception, l’assemblée de la Polynésie française est destinataire des comptes de l’Office des postes et télécommunications sous deux formes distinctes : un premier bilan relatif à la situation financière de l’établissement, la Holding OPT ; suivi d’un second présentant une image globale et consolidée du groupe public au travers de ses différentes filiales. Version sur laquelle, si vous le voulez bien, nous concentrerons toute notre attention.

Sur les chiffres, le constat est sans appel : après avoir accusé une perte historique de 2 milliards F CFP en 2022, ce résultat négatif net de l’entreprise est consolidé, s’est encore creusé l’année suivante pour atteindre 2 371 895 806 F CFP.

Les raisons de cette dégringolade observée depuis 2019 malgré les subventions du Pays sont connues de tous. Par le passé, c’est la société ONATi, avec les revenus abondants de la téléphonie mobile qui constituait, si vous me permettez l’expression, « la vache à lait » du groupe. Mais la concurrence et la guerre des prix sont passés par là, ce dont personne ne s’est plaint jusqu’ici — au point de remettre en cause l’existence même de tout cet édifice. Un équilibre précaire comparable, par exemple, à la situation d’Air Tahiti condamné, si je puis dire, à opérer des lignes très rentables pour financer d’autres qui ne le sont pas.

En outre, l’OPT a un positionnement particulier en tant qu’établissement public ayant également pour mission d’assurer le service postal ainsi que les transactions financières jusque dans les îles les plus reculées de notre archipel, au travers les filiales Fare Rata et Marara Paiement. Ces missions, certes très coûteuses, sont indispensables au maintien des populations dans les archipels éloignés, mais la réalité, c’est qu’« aucun des bureaux de postes n’est rentable, même à Tahiti, ils sont tous déficitaires » comme l’a justement rappelé la nouvelle directrice.

Le gouvernement Brotherson, par la voix de sa ministre de tutelle, Madame Crolas, n’a eu de cesse de crier au loup. Au même titre que l’OPH, l’OPT faisait figure de soldat à sauver. On allait voir ce qu’on allait voir… Résultat, au premier collectif adopté le 2 avril dernier, un complément de 400 millions de F CFP a été approuvé par votre majorité, car, apparemment, les salariés du groupe n’auraient pas consenti autant d’efforts qu’espéré.

Nous avons encore en mémoire le très médiatique courrier adressé fin juin 2023 à l’ex-dirigeant Jean-François Martin, juste avant que celui-ci ne fasse valoir ses droits à la retraite, pour lui demander des comptes sur la situation financière du groupe. Comble de la bassesse, vous alliez jusqu’à lui réclamer « le montant des 10 plus hautes et des 10 plus basses rémunérations nettes du groupe », avant de lui intimer l’ordre de « suspendre tous recrutements de cadres et actions visant à augmenter la masse salariale ». Gageons que la même exigence s’applique à l’actuelle direction en poste depuis le 1er février 2024 !

Qu’en est-il de la mission d’enquête portant sur la gestion de l’établissement ? Et malgré les échanges que nous avons eus lors de l’étude préliminaire de ce dossier, aucune piste sérieuse ni solution miracle ne semble se dégager aux fins de « réinventer » l’OPT. Pire, tout porte à croire que nous nous retrouverons l’an prochain ici même pour arriver aux mêmes conclusions…Et ce, pour la simple et bonne raison qu’« il faut être lucide sur nos activités… » comme l’a reconnu Madame Delva en commission législative.

Oui, mes chers collègues, il y a toujours matière à mutualiser les moyens humains, à loger certains bureaux de postes dans des abris de survie ou dans de futurs Fare Ora… Mais il faudra davantage que des économies de bouts de chandelle pour remettre l’OPT sur les bons rails. C’est pourquoi, vous devriez prendre l’exemple sur La Poste en métropole qui, après des déboires comparables, renoue avec les bénéfices grâce à une profonde diversification de ses activités.

L’ancien directeur général prévoyait en outre la cession d’une partie des biens immobiliers de l’OPT ainsi que la mise en place d’un plan de rigueur au sein de toutes les entités. Cette ambition va-t-elle se matérialiser et quel en est le gain escompté ? Aujourd’hui, on nous parle d’alliance stratégique ou avec une banque de la place pour la gestion des distributeurs de billets. Ou carrément, d’ouvrir le capital de certaines filiales…Pourquoi pas ! Mais à notre sens, il convient aussi et surtout de remotiver le personnel pour insuffler parmi les équipes un véritable esprit d’entreprise.

En revanche, et en conclusion, permettez-moi de sourire face aux tergiversations qui vous caractérisent concernant le projet immobilier de la SCI Hinoi. Par deux fois en effet — la dernière en date du 27 mars 2024 — la construction de cet ensemble a été renvoyée aux calendes grecques en raison d’un coût de construction jugé trop élevé. Avec, à la clé, de nouvelles études en perspective, pour finalement aboutir au même résultat, à savoir : tendre la recherche de revenus externes (hors Groupe), ce qui, je vous le rappelle, était l’objectif initial.

Je vous remercie.

Le président : Merci bien.

Je poursuis avec les non-inscrits. Nuihau.

M. Nuihau Laurey : Oui, merci, Monsieur le président.

Monsieur le ministre, je suis un peu embêté, pour deux raisons. D’abord, j’ai l’impression que tout a été dit sur l’établissement OPT : sa situation financière, les défis auxquels il est confronté. Et puis, un peu comme ma collègue Pascale, je ne savais plus trop si j’étais dans l’opposition ou dans la majorité, parce que, finalement, les interventions de mes collègues étaient, je trouve, plus sévères que ce que j’avais l’intention de dire. Pourtant, moi, on me dit souvent que je suis très critique sur le fonctionnement des établissements publics, des satellites du Pays. Donc oui, effectivement, tout ce qui a été dit par nos collègues est tout à fait vrai.

Après, c’est vrai que si on examine l’OPT en faisant une comparaison avec une structure purement privée, on ne peut pas comprendre les choses, parce que pendant des années, l’OPT a fait, a mis en œuvre des actions qui relevaient plus du service public. Donc, c’est vrai que si on ne comptabilise pas cet aspect, bah, l’établissement sera toujours déficitaire. Ouvrir un bureau de poste aux Tuamotu, aux Marquises, c’était déficitaire il y a 10 ans, ça l’est aujourd’hui, ça le sera dans 10 ans. Donc, il faut se poser les vraies questions, il faut que le propriétaire de l’OPT, le Pays, se pose des vraies questions, et je pense que ça a commencé à être fait. C’est pour ça que je me dis, tout l’aspect critique a été dévoilé par nos collègues. Moi, je ne vais pas poursuivre dans cette voie, parce que je n’ai pas envie de décourager la directrice qui a accepté de relever le défi, qui relève un peu du suicide, j’ai l’impression.

Par contre, je souhaiterais que le président de l’assemblée, qui a souhaité que deux établissements présentent régulièrement leur situation d’exécution, stratégique, changement de gouvernance, plan de développement, puisse continuer à le faire. Je pense à ATN, puisque le nouveau président a présenté à la commission de l’économie son plan de réinvention de la compagnie aérienne. Je n’ai pas tout compris, en fait, dans cette présentation, mais bon, on a l’impression que les choses se poursuivent. Donc, j’espère qu’à l’ouverture de la session budgétaire, Monsieur le président pourra écouter à nouveau ses responsables nous expliquer où on en est.

Je comprends tout à fait le choix qui a été fait par le président de l’assemblée, puisque ces deux établissements à eux seuls représentent, cumulés annuellement, une perte de plus de 5 milliards F CFP pour le Pays, en termes de subventions qui sont versées chaque année. Donc moi, je souhaite que cette présentation continue à se faire.

Maintenant, sur les choix qui vont être faits, j’ai entendu des mots très durs et pourtant vrais, la question de l’existence même de l’OPT, qui a été posée par ma collègue. C’est une vraie question qu’il faut se poser. Le fait de bien distinguer les activités qui relèvent du service public, ça aussi, c’est quelque chose dont on parle depuis des années et des années, mais qui ne s’est pas traduit par des actes concrets, y compris l’organisation en filiales de l’OPT, qui n’a pas facilité la compréhension de la gouvernance. Et ensuite, bah, des choix un peu hasardeux, ils ont été cités, celui de l’immeuble qui se situe à l'avenue Prince-Hinoi, dont le coût est passé de plus de 10 milliards, finalement, a été suspendu, remis en place, supprimé, finalement. On ne sait même pas où ça en est en réalité. Donc, il y a eu des choix qui ont été faits aussi par le passé qu’on ne peut plus faire aujourd’hui.

Donc, nous, on souhaite être informés à l’assemblée, puisque c’est nous qui votons les budgets, les collectifs et finalement, qui, permettant au gouvernement de verser les sommes qui permettent à ces établissements de continuer à exister. Parce que sans ces subventions, aussi bien l’OPT qu’ATN, n’existeraient pas. Et donc, je pense que les premiers à se poser les vraies questions, de mon point de vue, c’est nous, élus à l’assemblée : Qu’est-ce qu’on veut faire ? Qu’est-ce qu’on veut continuer à faire ? Comme je le disais, il y a des activités que l’OPT exerce dans les îles qui seront toujours déficitaires. Donc, ce sont des choix qu’on doit faire.

Dans le secteur aérien, ça a été fait. Il y a une loi qui a été votée sur les délégations de services publics qui permettent, maintenant, aux compagnies aériennes qui se déploient dans les îles de bénéficier d’interventions publiques parce qu’elles desservent des destinations qui sont structurellement déficitaires. On est dans la même situation. Donc, on doit d’abord se poser des questions avant de critiquer telle ou telle nouvelle direction qui viendra, parce que si celle-là ne réussit pas, je pense que ça voudra dire qu’on n’a pas réussi, nous, le travail qu’on doit faire depuis longtemps. Et on pourra changer chaque année de directeur. Je pense que la situation restera la même jusqu’au jour où quelqu’un viendra et se posera la question qu’a posée ma collègue Odette en se disant : Est-ce que cet établissement doit continuer à exister ? Et là, la réponse sera non, parce que le pays n’aura plus d’argent pour financer ces déficits.

Donc, avant qu’on arrive à ce stade, je pense qu’on doit se poser les vraies questions. J’avais évoqué ça quand on a eu la présentation qui s’est faite en commission de l’économie. Ce dispositif de financement des activités et des services à caractère public, on doit aussi l’inventer — là, oui, pour le cas, oui, puisque c’est de l’ordre du législatif — et mettre en place quelque chose qui permette d’aller à un équilibre.

Après, il y a un sujet qui a été évoqué aussi, celui de Marara Paiement. Je crois que c’est un établissement, enfin une structure, qui est né déficitaire, qui est déficitaire aujourd’hui, qui est en concurrence avec des structures privées qui existent et qui essayent elles-mêmes de se vendre à des banques. Donc là aussi, sur ce sujet, je pense qu’il faut faire un choix maintenant. La question de l’exercice du métier financier par l’OPT, elle se pose depuis quasiment 15 ans. En 15 ans, la puissance publique n’a pas encore réussi à dire oui ou non, on doit continuer. L’OPT pourra faire tous les audits qu’il veut. Si la puissance publique ne tranche pas, on ne va pas bouger.

Il y a un mot qui a été évoqué aussi, qui est un mot presque tabou ici : plan social. On entend ça à ATN, on a entendu ça à Air Tahiti. À Air Moana, je pense que c’est depuis le départ. Donc là aussi, il y a presque un millier de personnes qui travaillent dans cette structure, dans ces filiales, avec des salaires qui, en moyenne, excèdent la moyenne des salaires dans ce pays. Je sais que c’est encore plus tabou d’évoquer ce point-là, mais c’est à la puissance publique aussi de dire ce qu’elle veut. Parce que si cette structure était mise entre les mains d’un vrai privé, le plan social, il aurait été exécuté depuis longtemps. Aucun doute là-dessus. Donc, je pense que si vous voulez, si nous voulons tous aider la nouvelle direction à trouver un chemin pour éviter que la vraie question qui a été posée par ma collègue se pose à nouveau, bah je pense que toutes ces questions de l’exercice du métier financier avec, autour de l’OPT, des banques qui, elles, sont des vrais acteurs financiers, est-ce qu’elle peut continuer à perdurer ? Et le fait que la puissance publique demande à cet établissement d’exercer des activités qui relèvent du service public, là aussi, il faut que nous tranchions. Ça a été fait pour le secteur aérien, pourquoi ça n’est pas fait pour ce secteur ?

Donc voilà, moi, je ne souhaite pas participer. Nous n’allons pas voter pour l’approbation ou la désapprobation de ces comptes. Ces comptes, ils existent. Ils sont là. On ne peut rien y faire. Par contre, ce que je souhaitais savoir, Monsieur le ministre, c’est pourquoi l’OPT présente ses comptes chaque année avec un an de retard ? On a une réglementation, quand même, qui prévoit que les comptes des établissements sont présentés avant le 30 juin de l’exercice qui suit celui qui est clos. Et l’année dernière, c’était la même chose. Et l’année précédente, c’était la même chose. Il y a une dérogation qui existe pour cet établissement ? Qu’est-ce qui explique ?... Bah techniquement, il y a peut-être des explications. Donc là aussi, année après année, on pose la question. Et année après année, cet établissement, présente ses comptes avec un an de retard. C’est un des plus grands établissements du pays, quand même.

Donc nous, nous n’allons pas participer à ce vote. Nous allons nous abstenir, puisque ce n’est pas la question d’approuver ou de désapprouver ces comptes. Ils existent, d’autant plus que la nouvelle direction n’est pas responsable de ces comptes, puisqu’ils ont été établis avant le changement de gouvernance. Mais nous souhaitons que tout ce travail qu’on a commencé à mener avec la commission de l’économie, aussi bien pour l’OPT que pour ATN, se poursuive cette année et l’année prochaine. Et puis là, si on peut accompagner cette évolution nécessaire, nous accompagnerons. Voilà.

Donc, si, Monsieur le ministre, si tu peux m’expliquer pourquoi on a cette présentation chaque année avec un an de retard ; moi, je suis preneur de cette explication.

Merci.

Le président : Voilà. Merci. La discussion générale est close. Je rends maintenant la parole au gouvernement. Monsieur le ministre.

M. Warren Dexter : Merci, Monsieur le président. Merci à tous pour toutes vos interventions très intéressantes. C’est vrai que j’ai pris la tutelle de l’OPT depuis maintenant 4 mois. Effectivement, c’est ressorti de toutes les bouches, la situation financière de l’OPT est particulièrement dégradée.

Résultat net consolidé du groupe, on est passé de + 3,5 milliards de F CFP en 2008 à - 2,3 milliards de F CFP pour l’exercice 2023, et c’était en escalier. Quand on regarde les comptes, c’est une dégradation progressive, et on a l’impression que c’est inexorable.

Alors à quoi on doit cette situation ? Je crois que c’est parce que — c’est important de le rappeler —, pendant longtemps, l’Office des Postes a investi à tour de bras, sans compter, sans considération de rentabilité, en particulier dans les îles. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à l’époque, il avait les moyens (situation de monopole, situation confortable, pas de souci, il avait des moyens de le faire).

Ensuite, il y a eu l’ouverture de la concurrence à partir de 2003 où, là, on a continué à ne pas s’inquiéter, parce qu’effectivement, la concurrence amène du temps à se manifester. Ce n’est que vers 2012-2013, avec l’arrivée de Pacific Mobile Telecom, Vodafone, que les warnings ont commencé à s’allumer, puisque progressivement, ils ont commencé à prendre des parts de marché. Donc on s’est aperçu que... C’est Madame Flosse qui parlait justement de « vache à lait » la structure Vini de l’époque qui finançait toutes les activités déficitaires, les résultats ont commencé à s’éroder. Et si vous ajoutez à cela la diminution également de l’activité postale due à l’explosion du numérique, si vous ajoutez à cela les dividendes que le Pays a prélevés sur l’OPT de 2006 à 2016 — je rappelle qu’il s’agit quand même de 14 milliards de F CFP en cumulé — eh bien, vous avez aujourd’hui l’explication à la situation désastreuse dans laquelle on se trouve.

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est ce que vous attendez. Quelle est la stratégie du pays pour remédier à cette situation ? Moi, je crois — j’ai partagé ça avec Hina — on est d’accord sur le diagnostic : c’est que le caillou dans la chaussure, c’est le service dans les îles. C’est structurellement déficitaire. On peut faire tout ce qu’on veut, jamais on ne va être… même à l’équilibre, parce que les surcoûts sont inexorables. Pour tout investissement d’envergure avec clientèle captive, vous n’aurez jamais un bon retour, vous n’aurez même pas un retour sur investissement dans ce que vous faites dans les îles. Vous avez les contraintes liées à l’insularité en elle-même. Vous avez des îles qui sont peu habitées — ça veut dire peu de consommateurs, peu de clients et en plus, généralement, ce sont des gens qui sont à faible pouvoir d’achat. Donc il n’y a absolument aucune chance de rentabiliser les opérations que vous faites là-bas. Ça veut dire que maintenant que tout ça a été fait au niveau de l’OPT, parce que ce sont des surcoûts tous les ans, il faut entretenir tous ces actifs avec des rentrées qui sont bien inférieures à ce que ça coûte, eh bah, l’OPT est condamné à supporter ça comme surcoût chaque année.

Moi, je suis lucide. Je considère qu’il n’y a aucun moyen de rentabiliser les investissements dans les îles tels qu’ils existent actuellement et c’est pour ça que je me dis, qu’à partir du moment où on est… où je vous demande de convenir avec moi qu’à partir du moment où l’on considère que tout investissement structurant dans les îles avec clientèle captive, on ne peut pas rentabiliser, eh bien, à un moment donné, il faut bien considérer ça comme du service public. D’ailleurs on en parlait, je pense que la solution, c’est dans ce sens-là. Il faut qu’on puisse se dire que toutes les activités qui sont déployées dans les autres archipels, c’est du service public, parce que jamais ça pourrait être rentable. Et effectivement, je voulais aussi citer dans mon propos — mais Nuihau l’a fait avant moi — d’autres exemples qui démontrent que le déploiement d’activités dans les îles, ce n’est pas rentable est effectivement l’exemple de la DSP dans les îles parce que pour les compagnies aériennes, ce n’est pas rentable. Le problème ici, il est le même. Et j’ai même envie de dire que ça devrait être la même chose pour l’activité bancaire. On parle beaucoup d’inclusion bancaire. Quand vous regardez bien, les banques sont très, très peu installées dans les îles parce qu’elles savent que ce n’est pas rentable. Mais là, la question — je ne veux pas m’avancer sur le service public — parce que, comme vous le savez, activité bancaire, c’est compétence de l’État. Donc, il y a en ce moment un jeu de consultations. On va rencontrer l’IEOM pour savoir qu’est-ce qu’on peut faire. Est-ce qu’on peut aller dans ce sens-là pour considérer que les investissements, activités bancaires dans les îles, ça peut aussi être considéré comme…, sinon du service public, du moins, des obligations d’intérêt général ? Mais l’idée, c’est vraiment d’arriver à un schéma de DSP.  En tous les cas — Nuihau va peut-être sauter en l’air — mais je pense qu’on est condamné à continuer à subventionner l’OPT pour ces activités qui sont d’intérêt général. Et je crois que tout le monde critique, mais je pense qu’on aime tous notre OPT, et personne n’imagine un seul instant qu’on va supprimer cette OPT dans nos îles. C’est un instrument indispensable. Je crois qu’on fait même mieux que certains villages du Midi de la France en termes d’offres de services dans nos petites îles. On est allés jusque-là. Maintenant, il faut garder ce cap et effectivement, cela a un coût. Voilà.

On n’a pas de recette miracle. Encore une fois, moi, je pense que, d’ailleurs, dans la stratégie 2020 qui a conduit à la structuration aujourd’hui, holding, filiales, SAS, on a fait comme si ça pouvait être une entreprise rentable. Mais moi, je crois qu’on a occulté totalement les surcoûts que cela représentait, les îles représentent. Pour moi, c’est impossible à rentabiliser. Le schéma, effectivement, il n’est peut-être pas forcément à repenser, mais malheureusement, je pense qu’on ne pourra pas se faire l’économie d’un soutien récurrent du Pays, et ça doit se faire dans le cadre d’une DSP pour que ça soit garanti chaque année, parce que jamais ça pourrait être rentable, même avec les économies de bouts de chandelle qu’on va faire ici et là (réduire les avantages des salariés, petit plan social, optimisation des dépenses), on ne va jamais y arriver. Moi, je suis lucide. En tout cas, c’est ce que je pense.

Ah pardon — répondre à la question de Nuihau. Eh bien, je crois qu’on a progressé cette année. L’exercice 2023, on l’a produit début décembre 2024, pardon, et on l’a présenté plus tôt que l’exercice 2022, sauf erreur.

Le président : Voilà. Merci bien.

Nous allons commencer par examiner la délibération du troisième rapport (NDC, relatif à projet de délibération portant approbation des comptes annuels de l’exercice 2023 de l’établissement public OPT).

Article 1er

Le président : L’article 1, qu’en pensez-vous ?... On passe au vote ? Pour ?... Qu’en pensez-vous ?... On vote ?... Voilà. Qui votent pour l’article 1er ? ... 38… Ah, abstention. 19 s’abstiennent et 38 votent pour.

Article 2

Le président : On passe à l’article 2, même vote ?... Même vote.

Article 3

Le président : On passe à l’article 3. Même vote.

Pour l’ensemble de la délibération n° 3 (NDT, selon l’ODJ), même vote. Merci.

Le président : On passe au rapport n° 4 (NDC, relatif à un projet de délibération portant approbation des comptes annuels consolidés de l’exercice 2023 du groupe public OPT).

Article 1

Le président : Pour l’article 1er, qu’en pensez-vous ? Pas d’interventions ? … Concernant le vote, qui est pour ?... 38 ?... Même vote. Qui s’abstiennent ? ... 19. Adopté.

Article 2

Le président : On passe à l’article 2. Même vote ?... Même vote.

Pour l’ensemble de la délibération ?... Même vote. Merci bien.

Voilà, Monsieur le ministre, je vous remercie pour ce troisième dossier.



Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf
Les interventions en langues polynésiennes ont fait l’objet d’une traduction surlignée en gris.

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