Rapport d'activité 2024 de la Commission de contrôle budgétaire et financier Paru in extenso au JOPF n° 13 NA du 07/08/2025 à la page 1566 | Rapport d’activité 2024 de la Commission de contrôle budgétaire et financier Présenté par Mmes les représentantes Tahia Brown et Maurea Maamaatuaiahutapu Le président : Voilà, nous allons poursuivre avec le dernier rapport et laisser la proposition de délibération sur la commission d’enquête juste après que celui-ci soit examiné. En effet, il s’agit là du rapport d’activité de la Commission de contrôle budgétaire et financier de 2024. Je demande à Madame Tahia Brown de faire une présentation du rapport d’activité de la commission. Mme Tahia Brown : Merci, Monsieur le président. Monsieur le président de l’assemblée, Madame la vice-présidente, Monsieur le ministre, chers collègues élus, représentants de l’assemblée, nous tous qui sommes rassemblés ici, et les internautes qui nous suivent à distance, bonjour à toutes et à tous. C’est avec honneur, responsabilité et beaucoup d’humilité que je prends la parole aujourd’hui en ma qualité de présidente de la commission de contrôle budgétaire et financier. Je souhaite saluer ma prédécesseure et l’ensemble des membres de la commission de contrôle budgétaire et financier 2024, en l’occurrence, la présidente Madame Maurea Maamaatuaiahutapu, Madame Thilda Garbutt-Harehoe, vice-présidente, Madame Vahinetua Tuahu, Madame Pauline Niva, Monsieur Allen Salmon, ainsi que les membres de la commission qui siègent encore aujourd’hui, Madame Cathy Puchon, Madame Pascale Haiti, Monsieur Edwin Shiro-Abe Peu et Monsieur Vincent Maono. Ces membres ont œuvré avec rigueur, intégrité et sens du service public. Leur engagement a permis d’assurer des délibérations de qualité fondées sur l’écoute, la collégialité et l’équité. Je leur laisserai le soin de vous présenter le rapport de la CCBF un peu plus tard. Je tiens à remercier tout particulièrement les quatre membres qui siègent encore dans la nouvelle commission, leur expérience, leur conseil ainsi que leur esprit d’analyse acquise nous sont précieuses pour nous accompagner dans nos missions. Aussi, c’est avec joie, enthousiasme et confiance que j’encourage la nouvelle équipe de la CCBF, en les personnes de Madame Hinamoeura Morgant, vice-présidente, Madame Béatrice Flores-Le Gayic, Madame Elise Vanaa, Madame Cathy Puchon, Madame Pascale Haiti-Flosse, Monsieur Edwin Shiro-Abe Peu, Monsieur Tafai, Mitema Tapati, Monsieur Vincent Maono et moi-même, la présidente Madame Tahia Brown. Il est essentiel de rappeler que la mission de la CCBF est d’assurer un suivi rigoureux et transparent de l’utilisation des deniers publics en renforçant la fonction de contrôle de notre assemblée. Les avis que nous rendons prennent en compte, au-delà des critères réglementaires, des indicateurs qualificatifs tels que la création de l’emploi, le respect de notre culture polynésienne, la primauté des intérêts de notre population, la pérennité et retombées économiques à moyen et long terme, la transparence dans la gestion des fonds publics et l’alignement avec les priorités stratégiques du pays. J’invite la commission de la CCBF à poursuivre cette dynamique de rigueur et de vigilance, mais également à accompagner activement les ministères dans la structuration et la présentation de leurs projets. Il ne s’agit pas seulement de contrôler, mais aussi de contribuer dans un esprit de partenariat à l’efficacité de l’action publique. Nous aurons à cœur de continuer à garantir une gestion saine, équitable et transparente des ressources du pays dans l’intérêt de toutes les Polynésiennes et de tous les Polynésiens. En ce sens, la CCBF apporte son soutien au gouvernement dans ses efforts pour impulser une politique publique ambitieuse, responsable et alignée avec les attentes profondes de notre société. Dans un esprit de responsabilité partagée, de dialogue et de respect mutuel, nous continuerons à faire avancer ensemble les projets au service de notre pays et de notre peuple. Je vous remercie sincèrement pour votre attention. Je laisse dès à présent Madame Maurea Maamaatuaiahutapu présenter le rapport de la CCBF de l’année 2024. Le président : Attendez ! Il y a une discussion générale d’abord après… Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Non. Le président : Non ? Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : En fait, elle me laisse faire la présentation du rapport. Le président : Ah, allez-y. Mme Maurea Maamaatuaiahutapu : Merci bien, Monsieur le président. Avant d’entrer dans la présentation de ce rapport d’activité, je tiens à réitérer mes remerciements, puisque je les ai faits en off, à l’actuelle présidente, Madame Tahia Brown, qui m’a confié la présentation des éléments principaux de ce rapport, et adresser un mot de reconnaissance aux membres de l’ancienne équipe de la CCBF, notamment aux deux élues du Tapura huiraatira, Mesdames Pascale Haiti-Flosse et Cathy Puchon, qui ont fait preuve d’un véritable esprit de collaboration. L’implication de tous les membres, leur rigueur et la qualité des échanges que nous avons partagés ont largement contribué à faire évoluer notre manière de travailler. Malgré nos appartenances à des groupes politiques différents, nous avons su construire un espace de travail constructif, respectueux et exigeant au service d’un objectif commun, un contrôle rigoureux, éclairé et juste de la dépense publique. Nos discussions ont parfois été longues, mais elles ont toujours été riches, utiles et menées avec sérieux. Elles nous ont permis d’avancer ensemble, de mieux organiser notre travail, de rendre nos analyses plus claires et nos conclusions plus faciles à comprendre. Le rapport d’activité 2024, tout comme celui de 2023, est donc le fruit d’un travail collectif conduit au sein de la CCBF. Cette dynamique nous a permis de dégager une feuille de route que nous poursuivons aujourd’hui au-delà de la commission. Ce rapport n’est pas qu’un compte-rendu. Il met en lumière les dynamiques profondes de l’action publique. Il éclaire ce que nous avons financé, mais aussi ce que nous avons contourné ou ignoré. Avec près de 780 dossiers examinés, l’activité de la commission a été plus soutenue que jamais, mais ce rythme soutenu a aussi révélé une zone de fragilité. Près de la moitié des saisines ont été traitées en procédure d’urgence. Ce chiffre interroge notre manière de faire, car derrière l’efficacité apparente se pose une vraie question démocratique : avons-nous encore le temps de débattre collectivement des choix budgétaires structurants ? Et c’est précisément là que se situe le rôle de la CCBF, entre efficacité et exigence, entre réactivité et responsabilité, et c’est dans cet équilibre que réside le sens de notre travail. Pour ce rapport d’activité, j’ouvrirai cette séquence avec un bilan général du travail accompli par la commission au cours de l’année écoulée. Puis, au titre du groupe Tavini huiraatira, Monsieur Vincent Maono apportera une lecture plus technique, centrée sur la typologie des dossiers examinés et les effets de seuil. Enfin, Madame Vahinetua Tuahu viendra proposer une lecture politique, en interrogeant notamment la répartition des aides entre les secteurs, les territoires et les bénéficiaires. Conformément à l’article 144-2 de la loi organique, le rapport a été transmis au gouvernement et à l’assemblée dans les délais impartis (soit le 31 mai 2025), accompagné de ses annexes réglementaires. Je tiens d’ailleurs à remercier le SGG, Monsieur Philippe Machenaud, et son équipe pour la publication du RAA au JOPF en date du 11 juin 2025 — donc c’était hier. En 2024, la CCBF a tenu 29 réunions, examiné 777 dossiers, pour un total de près de 35,8 milliards de francs. Cette activité record reflète un appareil d’aide publique qui tourne à plein régime, mais cette dynamique s’accompagne d’une pression croissante : plus de 42 % des saisies ont été traitées en procédure d’urgence. Ce recours massif à l’urgence interroge : voulons-nous faire de l’exception la norme au détriment du débat démocratique et de la rigueur ? Notre mission première est précisément d’assurer l’équilibre entre efficacité et transparence, entre rapidité et responsabilité. Le rapport d’activité introduit pour la première fois une partie 4 analytique. Et je remercie Tevaite, notre juriste, pour sa précieuse collaboration et la rédaction de cette partie. Cette partie rend compte de l’évolution pluriannuelle de l’octroi des aides publiques en Mā'ohi Nui (NDT, Polynésie française) depuis 2022. On observe donc une hausse globale des aides octroyées, notamment pour des dépenses de fonctionnement. En effet, en 2022, 12,2 milliards F CFP ont été octroyés pour le fonctionnement contre 17,2 milliards en 2024. Le rapport introduit également une classification des aides par thématique (culture, sport, santé, environnement, etc.) et par archipel, permettant désormais une lecture croisée et plus fine de la répartition des subventions. Celles-ci révèlent des déséquilibres persistants. Les îles du Vent concentrent la majorité des aides avec 32,8 milliards F CFP, dont 8,4 milliards attribués aux SEMS. À l’inverse, les archipels comme les Australes, les Tuamotu-Gambier ou les Marquises apparaissent moins représentés même si des efforts ciblés ont été constatés : agriculture et équipements sportifs aux Australes, transformation agroalimentaire aux Marquises, abris de survie et réseaux électriques dans les Tuamotu. Parmi les bénéficiaires, les sociétés captent 43 % des aides, avec des montants conséquents : plus de 3,1 milliards F CFP pour Air Tahiti Nui, 1,8 milliard F CFP pour la SEM Assainissement et plus d’un milliard F CFP pour TNTV. À l’opposé, ce secteur associatif ne reçoit que 5,4 % alors même qu’il joue un rôle clé dans le tissu social et culturel du pays. Avant de passer la parole à mes collègues, je souhaite adresser mes sincères remerciements à toutes les équipes, collaborateurs et services, qui ont permis la réalisation de ce rapport dans un esprit de rigueur, de complémentarité et d’engagement collectif. Mes anciens collaborateurs, Heipua Firuu-Maitere pour la production de bilans intermédiaires, ayant facilité l’identification des grandes tendances et le traitement des synthèses chiffrées ; Mihiroa Lecomte pour la qualité de l’animation visuelle des rapports durant les séances et la coordination des commissions et des visites sur site. À Nainoa Le Caill pour son appui graphique, notamment dans la réalisation d’infographie et de présentations adaptées. Mes nouveaux collaborateurs, Tevaite Gibal pour la finesse de ses analyses, la clarté de ses lectures juridiques et sa relecture attentive du rapport. Et Hauma Tuhi pour la coordination générale, le suivi du calendrier, le lien avec les services de l’assemblée et sa relecture continue jusqu’à la version finale. Tekakuita Saint-Saëns, Viniura Wong et Herenui Paiea pour leur soutien ponctuel mais précieux en appui à la relecture des documents et au suivi logistique. Je remercie également les services de l’assemblée, avec une mention particulière pour Madame Sylvie Varet, pour son accompagnement constant des membres de la commission 2024, sa disponibilité, sa réactivité et la précision de ses appuis. Mes remerciements à Monsieur Andy Makitua et à l’équipe du SAJCE pour leur contribution essentielle à la consolidation des données et leur professionnalisme dans le traitement des documents. Merci également au service de la communication de Madame Rumia Atai et ses agents pour leur soutien fidèle et la coordination de l’élaboration graphique du rapport d’activité, malgré un calendrier particulièrement contraint. Je n’oublie pas le service informatique pour sa disponibilité ainsi que nos services logistiques et du protocole pour la sécurité et la préparation des salles. Enfin, merci à Monsieur Christophe Abraham de l’Agence Pile Poil Design Tahiti pour une création graphique conforme à nos exigences, réalisée avec écoute, réactivité et grande qualité dans un calendrier extrêmement resserré. Pour conclure, une pensée qui résume l’esprit de notre démarche collective en 2024 : le contrôle n’est pas une contrainte, c’est une forme d’engagement envers le peuple. Il ne suffit pas de voir les chiffres, il faut écouter ce qu’ils taisent et entendre ce qu’ils révèlent. Merci. Que l’amour règne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Tavini huiraatira.) Le président : Voilà, merci bien. Maintenant, nous allons entamer notre discussion générale où chacun interviendra. J’invite le Tavini, qui dispose de 36 minutes, à présenter leur intervention. Pour le Tavini huiraatira, Monsieur Maono. M. Vincent Maono : Monsieur le président de l’assemblée, Madame la vice-présidente, chers ministres, Madame la député, Mesdames et Messieurs les membres de notre assemblée, mes salutations une nouvelle fois. Cette intervention vise à éclairer le travail d’analyse technique mené par la commission sur l’ensemble des 777 dossiers examinés en 2024, pour un montant total d’environ 35,8 milliards F CFP. Nous avons adopté une méthode de lecture directe des arrêtés, sans traitement automatisé centralisé, ce qui a nécessité une mobilisation exceptionnelle des membres et de nos collaborateurs. Ce travail a reposé sur la structuration progressive de tableaux de suivi et d’outils internes développés spécifiquement pour rendre ces données intelligibles. Sur la base de cette lecture exhaustive, un travail de retraitement manuel a permis d’identifier : les grandes tendances par type de porteurs, la nature des aides, les secteurs d’activité et la répartition géographique. Le rapport distingue plusieurs typologies concernant les aides publiques : - par nature juridique (subvention, dotation, participation) ; - par destination (fonctionnement, investissement, capitalisation) ; - et par statut du bénéficiaire (société, commune, association, établissement public). En 2024, la répartition des aides selon le statut des bénéficiaires révèle des dynamiques différenciées : les communes, qui ont une grande variété de projets, ont bénéficié de 4,3 milliards de francs d’aides publiques pour 82 projets d’arrêtés examinés. Les sociétés restent les principales destinataires d’aides, notamment en matière de fonctionnement, avec 15 milliards de francs pour 199 projets d’arrêtés. Ensuite, les établissements publics se sont vus octroyer un montant important de financements publics avec 13,5 milliards de francs, souvent de financements ponctuels à caractère exceptionnel. Les associations bénéficient de 1,9 milliard de francs d’aides pour 207 projets examinés. Elles reçoivent ainsi des subventions globalement plus modestes, souvent concentrées sur les champs socioculturel et éducatif. De manière globale, le montant des aides publiques octroyées au titre du fonctionnement et de l’investissement sont assez comparables. On voit ainsi que 17,4 milliards de francs d’aides ont été accordés au titre de l’investissement et 17,2 milliards de francs ont été octroyés en faveur des dépenses de fonctionnement. Cependant, il y a eu un nombre plus élevé de projets d’arrêtés examinés au titre du fonctionnement avec 393 projets d’arrêtés contre 249 projets d’arrêtés examinés en faveur de l’investissement. Les aides aux sociétés représentent ainsi la majorité des projets examinés en CCBF (pour un montant de 15 milliards F CFP), devant les communes (soit 4,3 milliards F CFP), et les associations (1,9 milliard F CFP). Le reste se répartit entre établissements publics, coopératives, fondations et autres entités. Il existe des disparités concernant les secteurs financés au titre des aides publiques : dans l’énergie et le tourisme, les dépenses publiques en faveur de projets d’investissement sont majoritaires, tandis que dans le secteur social, le fonctionnement reste prédominant. La nouvelle analyse, la partie 4 du rapport, constitue une avancée majeure en proposant des pistes de réflexion sur l’évolution et la répartition des aides publiques accordées depuis 2022. Il existe ainsi une progression continue des aides octroyées au titre du fonctionnement et des aides exceptionnelles et une variabilité des aides accordées en faveur de l’investissement. Le rapport final propose aussi une lecture croisée de plus de 400 dossiers recodifiés selon une nomenclature thématique sectorielle (agriculture, jeunesse, culture, santé, tourisme), et constitue une avancée importante. Il permet une lecture plus transversale des politiques réellement soutenues, au-delà des intitulés administratifs. Ces outils ouvrent des perspectives. À l’avenir, on pourrait intégrer des indicateurs sociaux par archipel, une typologie selon l’impact réel des projets, et un encadrement plus rigoureux des urgences. On peut aussi envisager un plafond sectoriel pour limiter la concentration excessive des financements. L’objectif : rendre les aides publiques plus lisibles, plus équitables, et mieux mesurables. La répartition par archipel a également été retraitée manuellement. Ce retraitement a permis de faire apparaître des disparités fortes : les îles du Vent ont reçu plus de 32 milliards de financements publics contre environ 223 millions de francs pour l’archipel des îles Australes. Ces tendances montrent certaines inégalités d’accès aux aides publiques en fonction des archipels. Ces écarts interrogent les mécanismes d’allocation actuels. Enfin, cette démarche a mis en évidence les limites d’un système sans base de données partagée ni nomenclature commune : le croisement des données, l’identification des doublons et le suivi de l’efficacité restent aujourd’hui très complexes. Nous recommandons à l’avenir une démarche structurée de normalisation des données, un archivage accessible aux élus et la création d’une nomenclature commune aux services instructeurs et à la commission. C’est une condition essentielle pour améliorer l’efficience et la traçabilité des politiques publiques financées. Ces constats appellent, au-delà de l’analyse technique, une réflexion sur l’équité territoriale, que portera maintenant notre collègue Vahinetua Tuahu. Merci. Que l’amour règne. Mes salutations. Le président : Merci. La parole est à vous. Mme Vahinetua Tuahu : Merci bien. Monsieur le président de l’assemblée, Madame la vice-présidente du gouvernement, Madame la députée ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues élus de l’assemblée, mes salutations. Après la présentation des grandes données par Maurea et l’éclairage technique de Vincent, il me revient de porter une lecture politique de ce rapport d’activité. Ce rapport d’activité 2024, tel que nous le présentons aujourd’hui, ne se limite pas à un inventaire. C’est un miroir. Un miroir de nos priorités collectives, de nos arbitrages budgétaires, mais aussi de nos déséquilibres structurels. Il nous oblige à regarder en face ce que nous finançons réellement, secteur par secteur, archipel par archipel, porteur par porteur. Ce constat est clair : sur les 35,8 milliards F CFP examinés cette année, avec plus de 15 milliards de francs qui ont été attribués à des sociétés. À titre de comparaison, les communes ne reçoivent que 4,3 milliards de francs d’aides publiques et les associations 1,9 milliard. Faut-il y voir un choix assumé de soutenir la relance économique via le secteur privé ? Peut-être. Mais alors, où sont les garde-fous ? Où sont les critères de transparence ? Quand certaines aides atteignent plusieurs centaines de millions, et d’autres seulement un à deux millions, que dit-on aux territoires périphériques ? Aux petites communes ? Aux initiatives citoyennes ? La répartition géographique révèle elle aussi des disparités. L’archipel des Îles-du-vent regroupe à lui seul plus de 32 milliards de francs d’aides publiques tandis que seulement 121 millions de financements sont octroyés à l’archipel des Marquises. Certains territoires restent donc sous-dotés. D’autres, surreprésentés, sans que l’on puisse toujours en retracer la logique. En 2023, une lecture croisée des aides rapportées à la population par archipel avait permis de visualiser plus finement les déséquilibres territoriaux. En 2024, les aides par habitant s’élevaient à : - 156 470 F CFP dans les îles du Vent ; - 51 660 F CFP dans les îles Sous-le-Vent ; - 42 300 F CFP aux Tuamotu-Gambier ; - 33 910 F CFP aux Australes ; - et 12 790 F CFP aux Marquises. Ces chiffres, bien qu’indicatifs, mettent en évidence une concentration des aides dans les zones les plus peuplées. Ils s’inscrivent dans une analyse plus large, qui interroge la logique de répartition entre les archipels et l’équité du soutien public apporté aux différents bassins de vie. Ce travail, rappelons-nous, ne s’appuie sur aucun outil automatisé : il a été intégralement retraité par le bureau de la commission. Dans les Tuamotu-Gambier, les subventions ont surtout porté sur les équipements essentiels : abris de survie, réseaux d’électricité, infrastructures sportives. Aux Marquises, ce sont les projets liés à l’agriculture et à l’agroalimentaire qui dominent. Ces orientations peuvent sembler cohérentes, mais elles soulignent aussi une difficulté persistante : celle de rendre visibles les critères de répartition et d’harmoniser les priorités entre les archipels. La nouvelle partie 4 du rapport propose une analyse des évolutions de l’octroi des aides publiques depuis 2022. Aussi, la création de plus de 400 dossiers thématiques, nous éclaire davantage : des secteurs comme le transport, le tourisme, l’énergie concentrent une part importante des montants. Pendant ce temps, la jeunesse et la culture sont à la marge. Et l’on parle ici de secteurs qui fondent la cohésion sociale, qui nourrissent le lien, la mémoire et l’avenir. Ce rapport n’est donc pas qu’un outil administratif. Il doit devenir un levier politique. Il doit nous permettre de questionner nos arbitrages, d’évaluer la cohérence entre nos ambitions affichées et nos financements réels. Il ne s’agit pas de pointer du doigt, mais d’inviter au débat. Ce rapport, construit de façon rigoureuse et partagée, est une base de travail pour toutes les commissions. Les présidents de commissions ont d’ailleurs été invités à participer aux travaux de la CCBF, et leurs apports ont été précieux. Pour 2025, je formule un vœu : que ce rapport continue à irriguer la réflexion collective, que chaque élu, chaque archipel, chaque commission puisse y puiser matière à corriger, à équilibrer, à mieux répartir. Car derrière les lignes budgétaires, il y a des besoins. Et derrière ces besoins, il y a des vies. Les chiffres, en eux-mêmes, ne décident de rien. Mais entre nos mains, ils peuvent devenir des outils de transformation. À condition que ce travail ne reste pas dans les tiroirs. Il faut en faire un support de délibération publique, un point d’appui pour chaque politique sectorielle. À nous de les faire parler. À nous de leur donner du sens. Il nous revient, en tant qu’élus, d’assumer la portée politique de chaque ligne budgétaire. Ce rapport n’est pas un document de constat : c’est un appel à la lucidité et à la responsabilité. En 2025, il faudra poursuivre ce travail d’analyse. Il faudra aller plus loin : renforcer la traçabilité des aides, objectiver les critères d’attribution, et proposer des clés de lecture partagées avec les citoyens. C’est ainsi que nous pourrons redonner sens à l’action publique. Je vous remercie. Le président : Voilà, merci bien. Plus d’intervention au niveau du Tavini ?... Je demande donc à l’intervenant du Tapura huiraatira de présenter son intervention. Pascale. Mme Pascale Haiti-Flosse : Merci, Monsieur le président. Moi, je ne vais pas m’éterniser sur le rapport. Simplement pour dire, comme je vois que la majorité a bien détaillé le rapport, je remercie Vahinetua, et surtout Maurea parce que je sais qu’elle a fait un travail fabuleux sur ce rapport d’activité. C’est vrai que pendant les deux années où nous avons siégé, Cathy et moi, nous étions une opposition beaucoup plus constructive, à savoir bien sûr que nous sommes pour que nos sociétés, nos entreprises locales, les agriculteurs, tout ce qui a été émis dans ce rapport, soient soutenus par le Pays. On voit qu’il y a un réel soutien de toutes les entreprises et de ceux qui veulent développer dans notre pays. Et bien sûr, remercier la nouvelle présidente qui, elle, a une autre manière d’effectuer sa présidence, et on voit qu’il y a un changement. Encore merci, parce qu’on voit que le timing est respecté. C’est vrai que nous restons uniquement sur les rapports présentés, qui est différent, qui est une bonne chose, qui voit qu’on souhaite avoir la rapidité. Mais bien sûr, cela demande à chacun d’étudier les dossiers. Et bien sûr que la différence avec la première présidence, qui n’est pas du tout négative, au contraire, qui est différente, mais qui est riche aussi, où on balaye un peu l’activité sur son ensemble. Nous avons une vision complètement différente, mais c’est pour dire encore une fois que cette CCBF marche très bien et que nous sommes conscients qu’il est important de veiller aux bons deniers publics qui sont bien attribués, pour l’intérêt d’abord de la Polynésie et pour les Polynésiens. Merci. Le président : Voilà, merci bien. Nicole, à vous la parole. Mme Nicole Sanquer : Merci, Monsieur le président. Madame la vice-présidente, mes chers collègues, bonsoir. Comme chaque année, il est soumis à l’examen de notre assemblée le rapport d’activité de la CCBF, commission intérieure en charge de donner un avis consultatif portant principalement sur les aides financières allouées par le gouvernement aux associations, communes, établissements publics ou encore aux sociétés conformément à la législation et au budget du Pays. Ses avis portent également sur les acquisitions et cessions foncières du Pays, les nominations au sein de ses établissements publics ainsi que la prise de participation au capital de sociétés ou encore les garanties d’emprunt qui leur sont accordés par le Pays. Comme nous le savons, l’activité de la CCBF se concentre essentiellement sur les aides financières allouées. Elle permet d’informer notre assemblée sur les montants des projets que l’exécutif entend soutenir dans le cadre des différentes politiques publiques qu’il mène. La lecture du rapport nous permet de constater que l’année 2024 est marquée par une augmentation générale des financements accordés auprès de l’ensemble des bénéficiaires, avec un soutien public toutefois nettement plus accentué au bénéfice des entreprises, des satellites du Pays et des communes dont le montant alloué a doublé, passant de 2 à 4 milliards. S’agissant des aides accordées aux SEM, on relève une très importante augmentation de l’appui financier du Pays en sus de celui déjà accordé au sein du budget primitif, ce qui, par la même, démontre l’accroissement de la dépendance financière de nos satellites et le renforcement de notre rigidité budgétaire. Deux principaux exemples l’illustrent. La subvention d’équilibre attribuée à notre compagnie aérienne pour un montant de plus de 3 milliards afin de garantir la poursuite de son activité dans un secteur de plus en plus concurrentiel. Mais également une aide de plus de 1,8 milliard à la SEM VAITAMA en supplément du précédent milliard alloué pour pallier la défaillance d’un constructeur pourtant condamné pour ces faits et pour lesquels le Pays devait engager une procédure mettant en jeu la garantie décennale. Qu’en est-il ? Et enfin, près de 2 milliards aux OLSP pour soutenir l’offre de logements des programmes immobiliers. S’agissant de la défiscalisation, le bilan fait état d’une baisse du montant des crédits d’impôts octroyés en 2024, même s’ils demeurent toujours principalement orientés vers le secteur du tourisme concernant deux projets hôteliers pour 1,4 milliard, portant sur des travaux de rénovation et un complément de financement à la construction confirmant ainsi la baisse de son attrait suite aux dernières modifications législatives apportées à son régime. Pour ce qui concerne le régime des aides au secteur primaire, si le rapport fait état d’un renforcement du soutien public au secteur agricole, ces aides restent concentrées sur l’acquisition d’équipements au détriment de la création sur de nouvelles filières agricoles qui peut s’expliquer par la faiblesse du seuil du montant plafond des aides. Quant à la pêche, la répétition de l’orientation du soutien public à l’exportation du thon pour les mêmes montants auprès des mêmes bénéficiaires doit nous interpeller, en ce qu’il favorise la baisse de l’offre sur le marché local et renchérit son coût. La suppression progressive de ces aides pourrait participer à lutter contre la cherté de la vie sachant que le thon reste l’aliment privilégié des Polynésiens. S’agissant du dispositif d’aide AEPE-ACPR, nous relevons que la CCBF s’est prononcée défavorablement au regard de l’importance du CA réalisé par le demandeur, ce qui sous-tend l’absence d’un réel besoin du soutien public. Nous notons également que le dispositif d’aide au digital n’a bénéficié qu’à une seule entreprise, ce qui sous-tend, sous-entend que son régime doit être très certainement évolué, doit certainement évoluer. Cette question d’importance doit nous interpeller, encore une fois, sur le régime des aides financières. Faut-il accorder une aide publique à une entreprise qui n’en a pas besoin ? Si oui, dans quelles conditions et pour obtenir quels résultats ? Compte tenu de leurs effets d’aubaine et des avantages concurrentiels qu’elles procurent aux bénéficiaires quels que soient les secteurs économiques concernés. Il en va de même concernant l’aide pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, qui, comme chaque année, est octroyée au seul et même bénéficiaire, ce qui ne participe pas à accroître l’insertion dont d’autres associations spécialisées dans ce champ, pourraient également bénéficier si une réglementation adaptée était soumise à notre assemblée. Enfin, nous ne pouvons omettre de relever que plusieurs entités bénéficient d’aides financières sans cadre législatif spécifique ou pour répondre à des appels à projets dont il conviendrait très certainement de mieux encadrer pour éviter des effets de pure aubaine. Le rapport CCBF 2024 justifie ainsi pleinement l’initiative du président de la commission en charge de l’économie, Monsieur Tematai Le Gayic, de créer une mission d’information portant sur l’efficacité des aides financières aux sociétés récemment adopté et n’hésitera pas à s’appuyer sur ces bilans pour nos futurs travaux. Et en conclusion, évidemment, je voudrais remercier l’ancienne présidente de la CCBF, Maurea, pour son engagement, son investissement, le travail accompli, ainsi que tous les membres, et puis souhaiter tous nos encouragements à la nouvelle présidente, puisque c’est vraiment la commission qui examine des dossiers chaque semaine, qui a quand même une activité très intense. Donc, bon courage. Merci. Le président : Voilà, merci bien. La discussion générale est désormais terminée. Mesdames et Messieurs les ministres, souhaitez-vous réagir par rapport à ce dossier ? Mme Minarii Galenon-Taupua : Merci bien, Monsieur le président. Non, je voulais aussi remercier tous les membres de la CCBF, comme vient de nous le dire l’ancienne présidente aussi, Maurea. Merci pour le travail qui a été accompli ; la nouvelle présidente. Comme vient de nous le dire notre représentante et députée Nicole Sanquer, c’est vraiment la commission dans laquelle on se réunit le plus, enfin, ce n’est pas évident. Je sais que j’ai été membre aussi de la CCBF à un moment, et je vous dis que c’est du travail. En tous les cas, du fond du cœur, merci pour ce que vous faites, pour vos analyses, parce que ce sont des analyses vraiment bien détaillées et puis très précises. Je vous remercie au nom du gouvernement pour le travail qui a été effectué. Merci bien. Le président : Voilà, merci bien. Les rapports peuvent être consultés sur le site internet de l’assemblée de la Polynésie française à l’adresse www.assemblee.pf |