Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 07/03/2017 Décision n° 1600158 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Satisfaction partielle
| Décision du Tribunal administratif n° 1600158 du 07 mars 2017 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 20 avril 2016 et un mémoire enregistré le 20 décembre 2016, présentés par Me Eftimie-Spitz, avocate, la fédération tahitienne de rugby et le comité olympique de la Polynésie française demandent au tribunal : 1°) d’annuler les arrêtés n° 1142 MEE du 12 février 2016 et n° 1965 MEE du 10 mars 2016 en tant que la fédération tahitienne de rugby ne figure pas parmi les fédérations bénéficiaires d’une prorogation de leur délégation de service public ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les requérants soutiennent que : En ce qui concerne l’arrêté n° 1142 MEE du 12 février 2016 : - il est entaché d’incompétence ; - il n’est pas signé ; - il n’est pas motivé ; - il est en contradiction avec l’arrêté n° 80 CM du 28 janvier 2016 qui proroge jusqu’au 15 février 2016 les délégations de service public accordées aux fédérations sportives, ce qui l’entache d’erreur de droit ; - les motifs du refus de proroger la délégation de service public de la fédération tahitienne de rugby sont entachés d’erreur manifeste d'appréciation ; - le refus de proroger la délégation de service public de la fédération tahitienne de rugby est entaché de détournement de pouvoir ; En ce qui concerne l’arrêté n° 1965 MEE du 10 mars 2016 : - il est entaché d’incompétence ; - il n’est pas signé ; - il est illégal car il repose sur les mêmes motifs illégaux que l’arrêté n° 1142 MEE du 22 février 2016. Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2016, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le comité olympique de la Polynésie française, qui a pour objet de défendre les intérêts collectifs du mouvement sportif, n’a pas intérêt à agir ; - la ministre chargée des sports était compétente ; - il est justifié de la signature des arrêtés attaqués ; - l’arrêté n° 1142 MEE du 22 février 2016 a été pris en application de l’arrêté n° 80 CM du 28 janvier 2016 dont l’application a été confiée à la ministre chargée des sports ; - les manquements de la fédération tahitienne de rugby constatés à l’occasion de son assemblée générale du 24 novembre 2015 étaient incompatibles avec le maintien de la délégation de service public ; - le détournement de pouvoir allégué repose sur des considérations étrangères au refus de prorogation de la délégation de service public de la fédération tahitienne de rugby. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ; - l’arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, première conseillère, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - les observations de Mme Maurel, représentant la Polynésie française. Sur la fin de non-recevoir partielle opposée en défense : 1. Considérant qu’il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la requête en tant qu’elle est présentée pour le comité olympique de Polynésie française, dès lors que ce dernier ne se prévaut d’aucun intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre des arrêtés attaqués en tant qu’ils ne prorogent pas la délégation de service public de la fédération tahitienne de rugby ; Sur les conclusions à fin d’annulation : En ce qui concerne l’arrêté n° 1142 MEE du 22 février 2016 : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : 2. Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la délibération du 14 octobre 1999 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives de la Polynésie française : « Dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, une seule fédération reçoit délégation du Président du gouvernement pour organiser les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes (…) / Cette fédération définit, dans le respect des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline. (…) » ; qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 31 mars 2000 fixant les conditions d’attribution et de retrait de la délégation aux fédérations sportives en Polynésie française : « La délégation est accordée pour une période de quatre ans qui débute le 1er janvier de l’année suivant les derniers jeux du Pacifique Sud. » ; qu’en vertu de ces dispositions, les délégations de service public accordées aux fédérations sportives de Polynésie française ont pris fin le 31 décembre 2015 ; 3. Considérant que sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision (CE Assemblée 26 octobre 2001 n° 197018, A) ; qu’en faisant valoir que l’arrêté attaqué est « en contradiction avec l’arrêté n° 80 CM du 28 janvier 2016 qui proroge jusqu’au 15 février 2016 les délégations de service public accordées aux fédérations sportives, ce qui l’entache d’erreur de droit », la fédération tahitienne de rugby doit être regardée comme invoquant l’illégalité de l’arrêté attaqué en tant qu’il retire une décision créatrice de droits ; 4. Considérant que par un arrêté n° 80 CM du 28 janvier 2016, le président de la Polynésie française a prorogé à titre exceptionnel jusqu’au 15 février 2016 les délégations de service public de l’ensemble des fédérations sportives ; que cette prorogation constitue une décision créatrice de droits dès lors qu’elle délègue aux intéressées, pour une durée supplémentaire d’un mois et demi, les prérogatives de puissance publique définies à l’article 9 de la délibération du 14 octobre 1999 ; que l’arrêté n° 1142 MEE du 12 février 2016, publié le 19 février suivant au journal officiel de la Polynésie française, accorde la même prorogation aux seules fédérations énumérées à son article 1er, parmi lesquelles la fédération tahitienne de rugby ne figure pas ; qu’il retire ainsi à la fédération requérante la prorogation accordée par l’arrêté du 28 janvier 2016 ; que la Polynésie française n’invoque aucune illégalité susceptible de fonder ce retrait ; que, par suite, la fédération tahitienne de rugby est fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué en tant qu’il retire la prorogation de sa délégation de service public accordée jusqu’au 15 février 2016 ; En ce qui concerne l’arrêté n° 1965 MEE du 10 mars 2016 : 5. Considérant que l’arrêté attaqué proroge du 16 février au 15 mai 2016 les délégations de service public des fédérations sportives énumérées par son article 1er ; que par un arrêté n° 683 PR du 17 septembre 2014 relatif à ses attributions, la ministre chargée des sports a reçu délégation de pouvoir pour la gestion de la mise en œuvre des dispositions de la délibération du 14 octobre 1999 ; que selon l’article 9 de cette délibération, le président de la Polynésie française accorde la délégation de service public aux fédérations sportives ; que, par suite, la délégation de pouvoir accordée pour la mise en œuvre de la délibération du 14 octobre 1999, qui est suffisamment précise, habilite la ministre à accorder la délégation de service public, et par voie de conséquence à proroger à titre exceptionnel sa validité ; que, dès lors, Mme Sanquer-Fareata, ministre chargée des sports, avait compétence pour prendre l’arrêté attaqué ; 6. Considérant que le moyen tiré de l’absence de signature de l’arrêté attaqué manque en fait ; 7. Considérant que la prorogation à titre exceptionnel d’une délégation de service public arrivée à expiration n’est pas un droit pour la fédération sportive concernée ; que la Polynésie française indique dans son mémoire en défense qu’elle n’a pas prorogé la délégation de la fédération tahitienne de rugby en raison des manquements constatés à l’occasion de l’assemblée générale du 24 novembre 2015 consacrée au renouvellement du conseil fédéral ; qu’il ressort des pièces du dossier que deux agents de la direction de la jeunesse et des sports y étaient présents en qualité d’observateurs du bon déroulement de ces élections ; qu’il ressort du compte-rendu établi le 1er décembre 2015 par ces observateurs que le président de la fédération tahitienne de rugby a accordé le droit de vote à certains clubs et l’a refusé à d’autres sans communiquer aux membres de l’assemblée les documents sur lesquels il indiquait fonder ces décisions, qu’il a écarté la liste d’opposition et refusé de donner la parole tant aux membres de cette liste qu’à la juriste de la direction de la jeunesse et des sports, et que le vote a porté sur l’unique liste du conseil fédéral sortant après le départ des opposants ; que ces faits, dont la matérialité n’est pas contestée, sont de nature à mettre en cause la légitimité des représentants nouvellement élus de la fédération tahitienne de rugby et la régularité de son fonctionnement ; que, par suite, l’absence de prorogation à titre exceptionnel de la délégation de service public de la fédération requérante n’est entachée ni d’erreur manifeste d'appréciation, ni de détournement de pouvoir ; 8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la fédération tahitienne de rugby est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté n° 1142 MEE du 12 février 2016 en tant qu’il retire la prorogation de sa délégation de service public accordée jusqu’au 15 février 2016 ; Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme à la charge de la Polynésie française au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la fédération tahitienne de rugby ; que, par suite, les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; DECIDE : Article 1er : L’arrêté n° 1142 MEE du 12 février 2016 est annulé en tant qu’il retire la prorogation de la délégation de service public de la fédération tahitienne de rugby accordée jusqu’au 15 février 2016. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la fédération tahitienne de rugby, au comité olympique de la Polynésie française et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère. Lu en audience publique le 7 mars 2017. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |