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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 08/03/2016
Décision n° 1500296

Solution : Rejet

Décision du Tribunal administratif n° 1500296 du 08 mars 2016

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2015 et un mémoire enregistré le 20 janvier 2016, présentés par la SELARL Polyavocats, le syndicat polynésien des énergies renouvelables (SEPR) demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) avant dire droit, de désigner la commission de régulation de l’énergie en qualité d’expert et d’ordonner une enquête sur l’emprise de la société anonyme Electricité de Tahiti (SA EDT) sur le marché de la production électrique solaire en Polynésie française ;
2°) d’annuler la convention entre la Polynésie française et la SA EDT, ainsi que la prolongation de la délégation de service public conclue entre la Polynésie française et la SA EDT ;
3°) d’annuler l’arrêté n° 2526 PR du 17 août 2011, la « délibération n° 96-312 du 12 avril 1996 », l’arrêté n° 249 CM du 22 février 2013 et l’arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 ;
4°) d’enjoindre à la Polynésie française de faire cesser le trouble provoqué par la SA EDT contre les adhérents du syndicat polynésien des énergies renouvelables du chef des abus de position dominante ;
5°) d’enjoindre à la Polynésie française et au délégataire de service public de distribution électrique de réaliser la séparation de tous liens avec les toutes sociétés dont l’activité est rattachée à la délégation de service public ;
6°) d’enjoindre à la Polynésie française de faire cesser le trouble provoqué par la SA EDT du chef de la doctrine relative au déplacement d’une installation photovoltaïque rompant l’égalité au profit du concessionnaire ;
7°) d’enjoindre à la Polynésie française de mettre en œuvre une adaptation tenant compte des producteurs marginaux ou non marginaux en matière de dispositif d’échange d’informations d’exploitation (DEIE) ;
8°) d’enjoindre à la Polynésie française de remédier au standard de communication avec les appareils DEIE retenus en Polynésie française ;
9°) d’enjoindre à la Polynésie française de faire cesser le trouble provoqué par la doctrine fiscale du service des contributions ;
10°) d’enjoindre à la Polynésie française de lancer un appel d’offre pour déterminer le bénéficiaire du service public de distribution d’électricité ;
11°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 904 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat requérant soutient que :
- le service des contributions de la Polynésie française ne tient pas compte des principes directeurs de la politique énergétique fixés par la « loi du pays » n° 2013-27 du 23 décembre 2013 ; du fait de l’application d’une doctrine illégale, les producteurs d’électricité d’origine solaire font l’objet de redressements fiscaux en matière de patente, et la fabrication de générateurs solaires est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; cette fiscalité rompt le principe d’égalité ;
- la délégation de service public conclue entre la Polynésie française et la SA EDT a été prorogée sans mise en concurrence ; la SA EDT est en situation d’abus de position dominante ;
- il n’a pas été invité à prendre part aux discussions relatives à l’arrêté n° 249 CM du 22 février 2013 fixant le taux de pénétration des énergies renouvelables dans le réseau EDT pour les producteurs d’énergie marginale, alors qu’il représente la seule organisation professionnelle concernée par ce dispositif ; le taux de 30 % compromet le développement des énergies renouvelables, et en particulier de l’énergie photovoltaïque ; l’arrêté doit être abrogé pour violation de la loi car il favorise la SA EDT au détriment des producteurs indépendants ;
- l’ensemble de la réglementation applicable en Polynésie française, qui contrevient au libre choix du fournisseur d’énergie, est entaché d’erreur manifeste d'appréciation au titre de la protection des consommateurs, de l’environnement, de la libre concurrence et des droits de l’homme ;
- la Polynésie française a commis une faute en s’abstenant d’établir un tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité ; les frais de renouvellement du réseau, payés par les usagers, doivent être identifiés dans la comptabilité de la SA EDT ; le producteur solaire ne doit pas supporter les frais d’extension, de renouvellement ou de renforcement du réseau ; ainsi, il doit être enjoint à la Polynésie française de réglementer la notion de frais d’extension du réseau ;
- l’arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 ne fait pas mention d’une certification électrique ; la SA EDT se substitue aux organismes chargés d’établir un certificat de conformité pour une installation électrique solaire et menace de couper des raccordements en invoquant des problèmes de conformité ; il doit être enjoint à la Polynésie française de faire cesser ce trouble ;
- l’attitude de la SA EDT vis-à-vis des producteurs d’énergie provoque des déséquilibres dans le traitement des usagers et constitue une concurrence déloyale ; il doit être enjoint à la Polynésie française de mettre fin à la situation de position dominante de la SA EDT ;
- selon la SA EDT, tout déplacement d’une installation photovoltaïque équivaut à l’annulation du contrat de rachat de l’électricité, ce qui méconnaît le principe d’égalité de traitement ; il doit être enjoint à la Polynésie française de faire cesser ce trouble ;
- la SA EDT impose aux producteurs d’électricité dont la production est marginale d’installer un appareil DEIE coûteux et d’utilisation complexe ; il doit être enjoint à la Polynésie française de mettre en œuvre une adaptation tenant compte des producteurs marginaux et non marginaux ; - la SA EDT a opté unilatéralement pour un standard de communication DEIE incompatible avec plus de 50 % des générateurs solaires installés en Polynésie française, ce qui discrimine l’énergie électrique photovoltaïque ; il doit être enjoint à la Polynésie française d’y remédier ;
- afin de mettre fin à la situation de monopole de la SA EDT, il est demandé d’annuler le renouvellement de la convention entre la Polynésie française et la SA EDT, et d’enjoindre à la Polynésie française de lancer un appel d’offre pour déterminer le bénéficiaire du service public de distribution d’électricité ;
- Les explications de la Polynésie française et de la SA EDT ne sont pas sérieuses ; il appartient à la commission de régulation de l’énergie de donner un avis d’expert sur le dispositif mis en cause, y compris en ce qui concerne le conflit d’intérêts existant entre la SA EDT et la Polynésie française.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2015, présenté par la SELARL Jurispol, société d’avocats, la SA EDT conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge du syndicat polynésien des énergies renouvelables une somme de 452 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les accusations du syndicat polynésien des énergies renouvelables à son encontre sont mensongères ;
- les demandes d’annulation de l’arrêté du 19 août 1911, de la « délibération n° 96-312 du 12 avril 1996 », de l’arrêté n° 249 CM du 22 février 2013 et de l’arrêté n° 2128 du 22 novembre 2010 sont tardives ; le syndicat polynésien des énergies renouvelables ne justifie d’aucun intérêt lui donnant qualité pour agir contre la convention de service public et les actes réglementaires dont il demande l’annulation ; les demandes d’injonction adressées à titre principal au juge administratif sont irrecevables ; la requête tendant à l’annulation d’actes distincts et autonomes est irrecevable ; A titre subsidiaire :
- aucune violation de la loi ne justifie l’annulation de la convention de concession, qui n’avait pas à être remise en concurrence ;
- l’acte que le syndicat requérant désigne tantôt comme une délibération, tantôt comme un arrêté, est en réalité la loi organique n° 96- 312 du 12 avril 1996, qui a été abrogée par l’article 196 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l’autorité réglementaire n’a pas à consulter les professionnels avant d’adopter une norme les concernant ; le seuil de 30 % fixé par l’arrêté n° 249 CM du 22 février 2013, identique à celui adopté au niveau national et pour la Corse et l’outre mer, tient compte des caractéristiques techniques du réseau ;
- la demande d’annulation de l’arrêté n° 2128 CM du 22 novembre 2010 n’est assortie d’aucun moyen ;
- le syndicat polynésien des énergies renouvelables n’apporte aucune preuve de l’existence des abus qu’il lui reproche.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2015, la Polynésie française conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge du syndicat polynésien des énergies renouvelables une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le syndicat polynésien des énergies renouvelables, tiers à la convention de concession de distribution d’énergie électrique, ne peut être recevable qu’à en contester que les dispositions réglementaires, contre lesquelles il n’a aucun intérêt à agir ; la réception du recours préalable du 29 janvier 2015 n’est pas démontrée, de sorte que le contentieux n’est pas lié ; les conclusions à fin d’annulation sont en tout état de cause tardives ; la requête est en outre irrecevable à raison de l’insuffisance de lien entre les actes attaqués ; A titre subsidiaire :
- elle se réfère au mémoire en défense de la SA EDT ; - les demandes d’injonction sont infondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Meyer, première conseillère,
- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,
- les observations de Mme Mallet-Maurel, représentant la Polynésie française, et de Me Quinquis, représentant la SA EDT .
Sans qu’il soit besoin d’ordonner des mesures avant dire droit :
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :
1. Considérant que le syndicat polynésien des énergies renouvelables demande l’annulation de l’arrêté n° 2526 PR du 17 août 2011 portant modification de l’arrêté n° 1692 PR du 7 avril 2011 relatif aux attributions du ministre de l’environnement, de l’énergie et des mines, de la « délibération n° 96-312 du 12 avril 1996 », de l’arrêté n° 249 CM du 22 février 2013 fixant le taux de pénétration des énergies nouvelles et renouvelables à caractère aléatoire de l’île de Tahiti, de l’arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 portant modification de l’arrêté n° 606 CM du 29 avril 2010 fixant les conditions techniques, administratives, commerciales et financières des raccordements et de l’achat de l’électricité solaire photovoltaïque, de la convention n° 60-10 du 27 septembre 1960 relative à la concession de distribution publique d’énergie électrique de Tahiti, et de la convention n° 1117 du 24 février 2015 portant avenant n° 16 C à cette convention ;
2. Considérant que la production de la « délibération n° 96-312 du 12 avril 1996 » révèle qu’il s’agit de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, abrogée par la loi organique du 27 février 2004 ; que les conclusions tendant à son annulation sont ainsi, en tout état de cause, irrecevables ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 3 de ses statuts, le syndicat polynésien des énergies renouvelables a pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des « personnes visées par ses statuts », notamment pour resserrer les liens professionnels entre ses membres, défendre les intérêts moraux et professionnels de « ce secteur d’activité », faciliter toutes études d’ordre général et économique relatives au « secteur professionnel concerné », assurer la promotion des énergies renouvelables, informer les membres du syndicat et répondre aux questions professionnelles qui lui seraient posées ; que les personnes visées par les statuts sont les membres du syndicat qui, selon l’article 9, peuvent être des personnes physiques ou des entreprises dans la mesure où leur activité professionnelle entre dans l’objet du syndicat ; que toutefois, aucun article n’explicite la nature du secteur professionnel concerné ; que les professions des 16 membres fondateurs du syndicat, lorsqu’elles sont mentionnées, sont diverses (avocat, électricien, industriel, informaticien, consultant, producteur sans précision sur la nature de la production) ; que la présence de l’expression « énergies renouvelables » dans le nom du syndicat et une seule fois à l’article 3 des statuts, s’agissant de la promotion de ces énergies, ne suffit pas à caractériser l’activité professionnelle qu’il représente ; qu’ainsi, ces statuts ne permettent pas d’identifier les intérêts susceptibles d’être lésés par les actes attaqués ; que, par suite, la SA EDT est fondée à soutenir que le syndicat polynésien des énergies renouvelables ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par le syndicat polynésien des énergies renouvelables sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; qu’aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu’il résulte de ces dispositions que le pouvoir d’injonction du juge administratif se limite aux mesures d’exécution de ses décisions ; que le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par le syndicat polynésien des énergies renouvelables, n’implique aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les demandes d’injonction présentées par le syndicat polynésien des énergies renouvelables ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que le syndicat polynésien des énergies renouvelables est la partie perdante ; que la Polynésie française ne justifie pas avoir exposé des frais dans le cadre de la présente instance ; que, par suite, il y a seulement lieu de mettre à la charge du syndicat polynésien des énergies renouvelables une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SA EDT ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat polynésien des énergies renouvelables est rejetée.
Article 2 : Le syndicat polynésien des énergies renouvelables versera à la SA EDT une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au syndicat polynésien des énergies renouvelables, à la Polynésie française et à la SA EDT.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, M. Retterer, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 mars 2016.
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition, Un greffier,
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Bienvenue.
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