Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 29/03/2016 Décision n° 1500507 Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1500507 du 29 mars 2016 Tribunal administratif de Polynésie française Vu les procédures suivantes : I°) Par une requête enregistrée le 25 septembre 2015, M. Stéphane D. demande au tribunal d’annuler la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015 portant abrogation de la délibération n° 2014-27 APF du 14 mars 2014 sur le haut conseil de la Polynésie française. Le requérant soutient que : - les membres du haut conseil n’ont jamais été consultés sur le projet de suppression du haut conseil et n’en ont pas même été officiellement informés, en méconnaissance du 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; la consultation du conseil supérieur de la fonction publique ne purge pas ce vice de procédure dès lors que certains membres du haut conseil ne sont pas fonctionnaires de la Polynésie française ; - eu égard au contenu du rapport et au caractère outrancier de certains propos tenus lors du débat, l’assemblée de la Polynésie française a été induite en erreur sur la portée de son vote ; - la délibération, qui a des effets directs sur la situation du président et des membres du haut conseil, doit s’analyser comme une mesure de révocation prise en fonction de la personne ; les intéressés auraient dû être informés de leur droit à consulter leur dossier ; - l’assemblée de la Polynésie française s’est crue en situation de compétence liée pour supprimer le haut conseil ; ainsi, la délibération est entachée d’erreur de droit ; - la délibération, qui a pour seul but de mettre fin aux fonctions du président du haut conseil pour des motifs politiques, est entachée de détournement de pouvoir et doit s’analyser comme une décision d’éviction fondée sur des motifs discriminatoires ; - eu égard au rôle du haut conseil dans l’amélioration de la qualité des normes édictées par la Polynésie française et à la fausseté des arguments relatifs à son prétendu coût budgétaire, la délibération est entachée d’erreur manifeste d'appréciation ; - l’absence de mesures transitoires réglant le sort des membres et des agents du haut conseil méconnaît le principe de sécurité juridique et entache la délibération d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation des intéressés. Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2015, l’assemblée de la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - aucune dispositions législative ou réglementaire ne prévoit la consultation des agents d’une entité administrative dont la suppression est envisagée ; - les travaux préparatoires ont apporté aux élus toute l’information nécessaire ; - la délibération n’a pas pour objet d’organiser les modalités de fin de fonction des agents ; les situations des membres du haut conseil et de son président sont régies par des dispositions distinctes relevant du statut de la Polynésie française ou du corps d’origine du personnel détaché ; - la suppression du haut conseil résulte des décisions prises par le Conseil d’Etat et le tribunal administratif de la Polynésie française, ainsi que d’une volonté de rationaliser les moyens de l’administration ; - la délibération ne nécessitait pas de mesures transitoires. Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2015, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - M. D., en position de détachement, ne perd pas son emploi et a été réintégré dans son corps d’origine ; ainsi, son recours est irrecevable ; A titre subsidiaire : - M. D., qui a la qualité de fonctionnaire et non de salarié dans une entreprise, ne peut invoquer le 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; - les allégations relatives à la sincérité des débats devant l’assemblée n’ont aucun caractère juridique ; - la délibération a été prise pour des considérations extérieures à la personne de M. D. et n’a pas vocation à le sanctionner ; - il est loisible aux autorités de la Polynésie française de créer et de supprimer des organes administratifs de conseil et d’expertise ; le haut conseil a été dissous dans un souci de rationalisation des moyens de l’administration ; - M. D. a été reçu dès le 21 juillet 2015 par le président de la Polynésie française et informé de l’engagement du processus de dissolution du haut conseil ; il n’a pas répondu aux demandes de transmission des actes relatifs à la nomination et au recrutement des membres et auditeurs, qui auraient permis d’anticiper les effets de la dissolution ; il a disposé d’un délai de deux mois pour organiser son départ ; la situation des membres, auditeurs et agents administratifs a été réglée ; ainsi, le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique n’est pas fondé. Vu les autres pièces du dossier ; II°) Par une requête enregistrée le 1er octobre 2015, M. Stéphane D. demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n° 1360 CM du 17 septembre 2015, sauf en tant que son article 1er abroge les articles 5, 7 et 13 de l’arrêté n° 1398 CM du 17 octobre 2013 relatif au haut conseil de la Polynésie française ; 2°) d’annuler l’arrêté n° 1390 CM du 23 septembre 2015 constatant la fin de ses fonctions en qualité de président du haut conseil de la Polynésie française. Le requérant soutient que : En ce qui concerne l’arrêté n° 1360 CM du 17 septembre 2015 : - les membres du haut conseil n’ont jamais été consultés sur le projet de suppression du haut conseil et n’en ont pas même été officiellement informés, en méconnaissance du 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; la consultation du conseil supérieur de la fonction publique ne purge pas ce vice de procédure dès lors que certains membres du haut conseil ne sont pas fonctionnaires de la Polynésie française ; - l’arrêté a été délibéré en conseil des ministres avant la publication de la délibération du 8 septembre 2015 portant abrogation de la délibération n° 2014-27 APF du 14 mars 2014 sur le haut conseil de la Polynésie française, ce qui l’entache d’incompétence ratione temporis ; - l’arrêté attaqué est illégal du fait de l’illégalité de la délibération du 8 septembre 2015, par les moyens invoqués dans la requête n° 1500498, dont une copie est jointe ; - l’article 2 de l’arrêté attaqué est inintelligible ; - l’absence de mesures transitoires réglant le sort des membres et des agents du haut conseil méconnaît le principe de sécurité juridique et entache l’arrêté d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation des intéressés ; En ce qui concerne l’arrêté n° 1390 CM du 23 septembre 2015 : - l’arrêté, qui emporte nécessairement des mesures d’exécution, n’est contresigné ni par le ministre chargé de la gestion des ressources humaines, ni par le ministre chargé des finances, en méconnaissance des dispositions de l’article 66 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - l’arrêté est illégal du fait de l’illégalité de la délibération n° 2014-27 APF du 14 mars 2014, par les moyens invoqués dans la requête n° 1500498, dont une copie est jointe. Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2015, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : En ce qui concerne l’arrêté n° 1360 CM du 17 septembre 2015 : - M. D., qui a la qualité de fonctionnaire et non de salarié dans une entreprise, ne peut invoquer le 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; - rien n’empêche l’autorité compétente d’anticiper la mise en application d’une délibération devant être publiée prochainement ; - la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015 n’est entachée ni de détournement de pouvoir, ni d’erreur manifeste d'appréciation ; les moyens tirés de l’erreur de droit et de la discrimination ne reposent pas sur une argumentation juridique ; - le moyen tiré de l’erreur matérielle affectant l’article 2 de l’arrêté n’est pas pertinent au regard de l’objet du recours ; - l’absence de mesures transitoires ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ; En ce qui concerne l’arrêté n° 1390 CM du 23 septembre 2015 : - en vertu du principe de parallélisme des formes, l’arrêté portant fin de fonctions de M. D. n’avait pas à être cosigné ; - l’arrêté n’est pas pris directement pour l’application de la délibération n° 2015-68 du 8 septembre 2015. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - l’absence de M. Reymond-Kellal, nommé sous-préfet de Commercy par décret du 19 février 2016 ; - la décision du président du tribunal administratif désignant M. Retterer pour exercer les fonctions de rapporteur public ; - la décision du premier président de la cour d’appel de Papeete désignant M. Pannetier, président de chambre, pour compléter le tribunal à l’audience du 15 mars 2016. Vu : - la Constitution, notamment son préambule ; - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, première conseillère, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - les observations de M. Lebon, représentant la Polynésie française. Sur la jonction : 1. Considérant que les requêtes n° 1500498 et n° 1500507 présentées par M. D. présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ; Sur les conclusions à fin d’annulation de la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015 : Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française : 2. Considérant que les droits reconnus par le principe exprimé au 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel « tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », s’exercent dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui les régissent ; qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil supérieur de la fonction publique, consulté le 1er juillet 2015 sur le projet de délibération, a émis un avis favorable à l’unanimité ; qu’en se bornant à affirmer, sans invoquer aucun texte, que cette consultation était insuffisante, M. D. n’assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance du principe précité de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d’en apprécier le bien-fondé ; 3. Considérant que le rapport distribué aux membres de l’assemblée de la Polynésie française le 27 août 2015 présente les missions du haut conseil créé par la « loi du pays » n° 2013-17 du 11 juillet 2013 et la délibération n° 2013-49 APF du même jour, les critiques et le recours contentieux dont il a fait l’objet, les motifs de son illégalité déclarée par décision du Conseil d’Etat n° 370850 du 19 février 2014, la refondation de sa base juridique par la délibération n° 2014-27 APF du 14 mars 2014, les recours contentieux à l’encontre de cette délibération et de l’arrêté n° 560 CM du 3 avril 2014 modifiant l’arrêté n° 1398 CM précisant les attributions, l’organisation et le fonctionnement du haut conseil, l’avis du Conseil d’Etat n° 386585 du 10 mars 2015 sur l’incompétence entachant l’arrêté du 3 avril 2014, et le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française n° 1400391 du 25 mars 2015, dont il cite les motifs d’annulation des articles 6, 8 et 13 de cet arrêté ; que ce rapport se conclut par le constat que le haut conseil a été privé de sa mission initiale et que son assise légale se trouve largement compromise, et précise que ses missions d’expertise juridique, notamment pour les projets de « loi du pays », sont désormais confiées au secrétariat général du gouvernement ; que le procès-verbal des débats de la séance du 8 septembre 2015 fait apparaître, outre celle du rapporteur,quatre interventions longues et argumentées de membres de l’assemblée de la Polynésie française, dont deux en faveur de la suppression du haut conseil et deux en sa défaveur ; qu’ainsi, M. D. ne peut sérieusement soutenir que l’assemblée de la Polynésie française aurait été « induite en erreur sur la portée de son vote » ; 4. Considérant que si la suppression du haut conseil implique que des mesures individuelles soient prises pour régler la situation du personnel qui lui était affecté, cette circonstance n’est pas de nature à faire regarder la délibération attaquée, qui se borne à abroger la délibération du 14 mars 2014 créant le haut conseil, comme une mesure de révocation de son président et de ses membres ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que ces derniers n’ont pas été informés de leur droit à consulter leur dossier est inopérant ; 5. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l’assemblée de la Polynésie française ne s’est pas estimée en situation de compétence liée pour supprimer le haut conseil ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté ; 6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport et du compte-rendu des débats mentionnés au point 3, que la délibération attaquée n’a pas pour but de mettre fin aux fonctions de M. D. pour des motifs politiques ; que, par suite, les moyens tiré du détournement de pouvoir et de la discrimination doivent être écartés ; 7. Considérant que le haut conseil a perdu l’essentiel des missions dont il était investi du fait de l’annulation partielle de l’arrêté n° 560 CM du 3 avril 2014 par le jugement n° 1400391 du 25 mars 2015 mentionné au point 3 ; qu’il ne pouvait se les voir restituer par la Polynésie française, dont le Conseil d’Etat a constaté à deux reprises l’incompétence pour créer un organe de conseil et d’expertise obligatoirement saisi sur tous les projets de normes qu’elle édicte ; que si le haut conseil, alors qu’il fonctionnait selon des modalités contraires à la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française fixée par la loi organique du 27 février 2004, a amélioré la qualité des normes édictées par la collectivité d’outre-mer, cette circonstance n’est pas de nature à faire regarder la délibération attaquée comme entachée d’erreur manifeste d'appréciation ; 8. Considérant que la suppression du haut conseil n’a pas pour effet de décharger la Polynésie française de ses obligations envers le président, le conseiller associé, les 2 conseillers, les 5 auditeurs et les 3 secrétaires affectés à cette instance ; qu’ainsi, le fait que la délibération attaquée ne comporte pas de mesures réglant le sort des personnes dont l’emploi se trouve supprimé ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique et ne peut la faire regarder comme entachée d’une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation ; Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté n° 1360 CM du 17 septembre 2015 : 9. Considérant que l’arrêté attaqué ne supprime pas le haut conseil ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’absence de consultation des membres du haut conseil sur cette suppression est, en tout état de cause, inopérant ; 10. Considérant que l’existence d’un acte administratif n’est pas conditionnée par sa publication ; qu’en vertu des dispositions de l’article 171 de la loi organique du 27 février 2004, la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015 et l’arrêté n° 1360 CM du 17 septembre 2015 sont entrés en vigueur à la date de leur publication au journal officiel de la Polynésie française, soit respectivement le 18 et le 22 septembre 2015 ; que le fait que l’arrêté attaqué, dont l’entrée en vigueur est postérieure à celle de la délibération, a été délibéré en conseil des ministres et signé antérieurement à la publication de celle-ci, est sans incidence sur sa légalité ; 11. Considérant que les moyens tirés de l’illégalité de la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015, par référence à la requête n° 1500498, ont été écartés aux points 2 à 8 ; 12. Considérant que l’article 2 de l’arrêté attaqué modifie l’arrêté n° 395 CM du 1er avril 1998 déterminant les emplois pouvant prétendre à une indemnité de sujétions spéciales, en abrogeant ses dispositions relatives à l’emploi de secrétaire de direction au secrétariat général du haut conseil de la Polynésie française ; que l’erreur de références invoquée n’a pas fait obstacle à la publication sur Lexpol, service public de l’accès au droit en Polynésie française, d’une version consolidée de l’arrêté n° 395 CM du 1er avril 1998 dépourvue de toute référence à un emploi affecté au haut conseil, ce qui était la finalité de l’article 2 de l’arrêté ; qu’ainsi, cette erreur est sans incidence sur l’intelligibilité de cet article ; 13. Considérant que la suppression du haut conseil par la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015 faisait obstacle à la poursuite de son activité et de son fonctionnement définis par l’arrêté n° 1398 CM du 17 octobre 2013 modifié, qui se trouvait privé d’objet et devait être abrogé ; que, par suite, les moyens tirés de l’illégalité de l’absence de modulation dans le temps des effets de cette abrogation sont inopérants ; Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté n° 1390 CM du 23 septembre 2015 : 14. Considérant qu’aux termes de l’article 66 de la loi organique du 27 février 2004 : « Les actes du président de la Polynésie française autres que ceux qui sont mentionnés aux articles 39, 65, 73 et 81 sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution. » ; que l’arrêté attaqué constate la fin de fonctions de M. D. en qualité de président du haut conseil à compter du 22 septembre 2015 ; qu’à cette date, la délibération du 8 septembre 2015 supprimant le haut conseil était en vigueur ; que le simple constat effectué par l’arrêté attaqué n’implique aucune mesure d’exécution ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence de contreseing ministériel est inopérant ; 15. Considérant que les moyens tirés de l’illégalité de la délibération n° 2015-68 APF du 8 septembre 2015, par référence à la requête n° 1500498, ont été écartés aux points 2 à 8 ; 16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. D. doivent être rejetées ; DECIDE : Article 1er : Les requêtes de M. Stéphane D. sont rejetées. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Stéphane D., à l'assemblée de la Polynésie française et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 15 mars 2016, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, M. Pannetier, président de chambre à la cour d’appel de Papeete. Lu en audience publique le 29 mars 2016. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |