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Accueil > Justice administrative > Décision n° 1700423 du 12 juin 2018

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 12/06/2018
Décision n° 1700423

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Satisfaction totale

Texte lié
  • Annulant : Arrêté n° 784 PR du 24/10/2017 (texte annulé)
  • Décision du Tribunal administratif n° 1700423 du 12 juin 2018

    Tribunal administratif de Polynésie française


    Vu la procédure suivante :
    Par une requête enregistrée le 28 novembre 2017, présentée par la SELARL MLDC, société d’avocats, la société en nom collectif (SNC) Pharmacie de Papara et M. Frédéric H. demandent au tribunal :
    1°) d’annuler l’arrêté n° 784 PR du 24 octobre 2017 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé à titre dérogatoire M. L. à créer une officine de pharmacie au point kilométrique (PK) 38,3 sur le territoire de la commune de Papara ;
    2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 700 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Ils soutiennent que :
    - ils ont intérêt à agir ;
    - l’administration n’a pas tenu compte des avis défavorables de l’ordre des pharmaciens, du syndicat des pharmaciens et de la commission de régulation ;
    - l’autorisation est entachée d’erreur d'appréciation au regard des besoins de la population.
    Par un mémoire enregistré le 3 janvier 2018, présenté par Me Antz, avocat, le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française s’associe à la requête de la SNC Pharmacie de Papara et de M. H., et demande au tribunal de mettre à la charge solidaire de la Polynésie française et de M. L. une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Il soutient que :
    - la procédure de consultation a été ramenée à une simple formalité, la Polynésie française n’ayant pas tenu compte des avis défavorables ;
    - l’autorisation est entachée d’erreur d'appréciation au regard des besoins de la population.
    Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2018, présenté par Me Antz, avocat, identique à celui du conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française, la SELARL Tamnoun s’associe à la requête de la SNC Pharmacie de Papara et de M. H., et demande au tribunal de mettre à la charge solidaire de la Polynésie française et de M. L. une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Par des mémoires enregistré les 29 mars, 3 avril et 18 mai 2018, présentés par Me Di Vizio et Me Neuffer, avocats, M. Jean L. conclut au rejet de la requête et des interventions volontaires de l’ordre des pharmaciens de Polynésie française et de la SELARL Tamnoun, et demande au tribunal de condamner solidairement M. H., la SNC Pharmacie de Papara, le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française et la SELARL Tamnoun à lui verser une somme de 240 000 F CFP de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que de mettre à leur charge solidaire une somme de 700 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Il soutient que :
    - l’officine exploitée par la SELARL Tamnoun est située à près de 40 km de la pharmacie Taharu’u, dont la création n’a pas d’incidence ni sur ses intérêts, ni sur ceux du conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française qui résultent des dispositions de l’article 3 de la délibération n° 2003-149 APF du 9 septembre 2003 ; ainsi, les interventions volontaires sont irrecevables ;
    - l’administration n’était pas tenue de suivre les avis sollicités dans le cadre de la procédure de consultation ;
    - les besoins de la population justifient la création d’une seconde officine ;
    - le seuil trop élevé fixé par la règlementation en vigueur ne permet pas d’assurer une protection effective de la santé publique ;
    - le recours de M. H. présente un caractère diffamatoire et abusif.
    Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2018, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
    Elle soutient que :
    - la contestation de la légalité d’un arrêté d’autorisation de création d’officine ne relève pas des prérogatives de l’ordre des pharmaciens de Polynésie française et de la SELARL Tamnoun ne justifie pas de son intérêt à agir ; ainsi, les interventions volontaires sont irrecevables ; - la procédure de consultation a été respectée ;
    - les besoins de la population justifient la création à titre dérogatoire d’une seconde officine.
    Vu les autres pièces du dossier.
    Vu :
    - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
    - la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ;
    - la délibération n° 2003-149 APF du 9 septembre 2003 ;
    - le décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017 ;
    - le code de justice administrative.
    Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
    Ont été entendus au cours de l’audience publique :
    - le rapport de Mme Meyer, rapporteure,
    - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public,
    - et les observations de Me Millet, représentant la SNC Pharmacie de Papara et M. Frédéric H., celles de Me Guedikian, substituant Me Antz, représentant le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française et la SELARL Tamnoun, celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française, et celles de Me Charpentier, substituant Me Di Vizio, représentant M. L..
    Une note en délibéré présentée par la Polynésie française a été enregistrée le 2 juin 2018.
    Une note en délibéré présentée pour M. L. a été enregistrée le 4 juin 2018.
    Considérant ce qui suit :
    Sur les interventions :
    1. Le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française, qui représente la profession auprès des pouvoirs publics en vertu du 5 de l’article 3 de la délibération n° 2003-149 APF du 9 septembre 2003, a intérêt à l’annulation de l’arrêté attaqué en tant qu’il méconnaîtrait la réglementation relative à l’ouverture d’officines de pharmacie. Par suite, son intervention est recevable.
    2. La SELARL Tamnoun, qui exploite à Papeete une officine éloignée d’environ 40 km de celle dont la création est autorisée à Papara, n’apporte aucun élément susceptible de justifier son intérêt à l’annulation de l’arrêté attaqué. Par suite, son intervention est irrecevable.
    Sur les conclusions à fin d’annulation :
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête :
    3. Aux termes de l’article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l’exercice de la pharmacie : « Les créations et les transferts d’officines de pharmacie ouvertes au public doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d’accueil de ces officines. / (…).» Aux termes de l’article 26 de la même délibération : « (…) Dans les communes d’une population inférieure à 7.000 habitants, il ne peut être délivré plus d’une licence d’officine de pharmacie. / Dans les communes d’une population supérieure à 7.000 habitants à l’exception de la commune de Papeete et de Faaa, il ne peut être délivré plus d’une licence par tranche entière de 7.000 habitants. / (…). / Si les besoins de la population l’exigent, des dérogations aux règles fixées aux alinéas précédents peuvent être accordées, après avis de la commission de régulation, mentionnée au chapitre IV du présent titre, du président du conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française et des présidents des syndicats professionnels. A l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de l’accusé de réception de la saisine, les avis des présidents de l’ordre et des syndicats professionnels sont réputés favorables. / La population dont il est tenu compte est la population municipale totale, telle qu’elle est définie par le décret ayant ordonné le dernier dénombrement général de la population. Toutefois, il pourra être tenu compte de la population définie par le décret ayant ordonné un dénombrement complémentaire de la population. / (…).»
    4. Il ressort du décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017 que la population de la commune de Papara s’élève, au recensement de l’année 2017, à 11 680 habitants. Dès lors que 2 320 habitants font défaut pour atteindre le seuil de 14 000 habitants, une seconde officine ne peut être légalement créée que si les besoins de la population l’exigent. L’arrêté attaqué motive ces besoins en 7 points examinés ci-après.
    5. La progression de 4,97 % de la population de la commune de Papara entre 2007 et 2012 (point 1), qui s’est infléchie à 2,6 % entre 2012 et 2017, n’est pas en faveur de la nécessité d’une seconde officine à la date de l’arrêté attaqué.
    6. Ni la création depuis mars 2013 d’un libre-service au PK 39, d’un commerce de prêt-à-porter au PK 38,9 et d’un restaurant au PK 38,3 (point 2), ni la présence d’un lycée comprenant 1 284 élèves et personnels (point 3), ne caractérisent, par elles-mêmes, des besoins de la population au regard de la création d’une officine de pharmacie.
    7. La création au PK 38,3 d’un centre médical comprenant 1 médecin, 7 infirmiers, 4 masseurs-kinésithérapeutes et 1 orthophoniste (point 4) n’a pas d’incidence substantielle sur les besoins de la population dès lors que les produits délivrés exclusivement en pharmacie ne peuvent être prescrits que par le médecin, qui était déjà installé sur le territoire de la commune de Papara avant de déplacer son cabinet dans ce centre.
    8. Compte tenu de la rédaction des dispositions de l’article 26 de la délibération du 20 octobre 1988 qui fixent le seuil d’ouverture d’une officine de pharmacie au regard de la population de la commune d’implantation, les besoins de la population de la commune limitrophe de Mataiea (point 5) ne peuvent être pris en considération pour apprécier la nécessité d’une seconde officine sur le territoire de la commune de Papara.
    9. Le fait que la côte Ouest de l’île de Tahiti, entre les PK 18,5 et 56,5, comporte seulement « une pharmacie pour 8 270 habitants et une pharmacie tous les 9,5 km sur la route de ceinture » (point 6), pourrait conduire la Polynésie française à se doter d’une nouvelle réglementation relative aux conditions de création d’une officine. Pour le motif exposé au point précédent, il n’est pas pertinent pour apprécier, au regard des dispositions en vigueur de la délibération du 20 octobre 1988, la nécessité d’ouvrir à titre dérogatoire une seconde officine sur le territoire de la commune de Papara.
    10. La circonstance que la population du quartier prioritaire de la Carrière serait plus faiblement motorisée que la moyenne (point 7) ne suffit pas, en l’absence d’élément plus précis sur les caractéristiques sanitaires de cette population, et au surplus alors que les autorités de la Polynésie française, dans le cadre de leur politique de santé publique, préconisent la marche afin de combattre l’obésité et les pathologies qu’elle favorise, de caractériser la nécessité d’ouvrir une officine à titre dérogatoire.
    11. Il résulte de ce qui précède que les besoins de la population de la commune de Papara n’exigent pas la création d’une seconde officine au sens des dispositions applicables de l’article 26 de la délibération du 20 octobre 1988. Par suite, la SNC Pharmacie de Papara et M. H. sont fondés à demander l’annulation de l’arrêté attaqué, sans que M. L. puisse utilement faire valoir que le seuil trop élevé fixé par la règlementation en vigueur ne permettrait pas d’assurer une protection effective de la santé publique.
    Sur les conclusions reconventionnelles de M. L. :
    12. En raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, les demandes reconventionnelles à fin d’indemnité pour recours abusif présentées dans un tel recours sont irrecevables (CE 24 novembre 1967 n° 66271, A). Par suite, les conclusions de M. L. tendant à ce que M. H., la SNC Pharmacie de Papara, le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française et la SELARL Tamnoun, ces deux derniers n’étant au demeurant pas partie à l’instance, soient condamnés à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, ne peuvent qu’être rejetées.
    Sur les frais liés au litige :
    13. Le conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française, qui n’est pas partie à l’instance, n’est pas recevable à présenter des conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    14. M. L. est la partie perdante et il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la SNC Pharmacie de Papara et M. H.. Par suite, les conclusions présentées par les parties au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
    DECIDE :
    Article 1er : L’intervention du conseil de l’ordre des pharmaciens de la Polynésie française est admise.
    Article 2 : L’intervention de la SELARL Tamnoun n’est pas admise.
    Article 3 : L’arrêté n° 784 PR du 24 octobre 2017 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé à titre dérogatoire M. L. à créer une officine de pharmacie au point kilométrique (PK) 38,3 sur le territoire de la commune de Papara, est annulé.
    Article 4 : L’ensemble des conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
    Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Pharmacie de Papara, à M. Frédéric H., au conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française, à la SELARL Tamnoun, à la Polynésie française et à M. Jean L..
    Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :
    M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère.
    Lu en audience publique le 12 juin 2018.
    La greffière,
    D. Germain
    La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
    Pour expédition, Un greffier,
    X
    Bienvenue.
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