Décision n° 1800136 du 31 janvier 2019
Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 31/01/2019 Décision n° 1800136 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Satisfaction partielle Texte modifié ou abrogé : | Décision du Tribunal administratif n° 1800136 du 31 janvier 2019 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 21 avril 2018 et des mémoires enregistrés les 24 octobre et 19 décembre 2018, présentés par la SELARL Vaiana Tang et Sophie Dubau, la fédération polynésienne d'études et de sports sous-marins (FPESSM), l’association nationale des moniteurs de plongée (ANMP) et le groupement des moniteurs de plongée de Polynésie française (GMPP) demandent au tribunal : 1°) à titre principal, de transmettre au Conseil d’Etat, en application de l’article 179 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, la question de la non-conformité de la « loi du pays » n° 2017-44 du 28 décembre 2017 relative à l’exercice de la plongée subaquatique de loisir aux dispositions de cette loi organique relatives à la compétence des institutions de la Polynésie française, et d’annuler l’arrêté n° 199 CM du 15 février 2018 portant mesures d’application de la « loi du pays » n° 2017-44 du 28 décembre 2017 ; 2°) à titre subsidiaire, d’annuler les articles 3 à 5, 13, 15, 19, 23 à 26, 31 et 33, ainsi que les annexes I, II, III et XI de l’arrêté n° 199 CM du 15 février 2018 ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 300 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. La FPESSM et autres soutiennent que : - ils ont intérêt à agir et justifient de leur qualité pour agir ; - la « loi du pays » n° 2017-44 du 28 décembre 2017 est entachée d’incompétence négative car elle revoie de façon trop générale à un arrêté en conseil des ministres pour définir des règles constituant le cadre même de l’activité de plongée subaquatique de loisir, en méconnaissance des dispositions de la loi organique du 27 février 2004 relatives à la compétence des institutions de la Polynésie française, ce qui nécessite la saisine du Conseil d’Etat ; - dès lors que la « loi du pays » du 28 décembre 2017 est entachée d’incompétence négative, l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ; - la commission territoriale des sports de nature n’a pas été consultée sur le projet d’arrêté, en méconnaissance des dispositions de l’article 42-2 de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ; - l’article 3 de l’arrêté renvoie aux qualifications définies par les annexes II et III qui font référence, pour les brevets PADI, SSI et SDI, aux normes ISO qui ne sont pas consultables librement, ce qui pose des problèmes de lisibilité et de conformité ; les normes ISO appliquent des standards minimalistes et posent des problèmes de sécurité, de sorte que l’article 3 et les annexes II et III de l’arrêté, en tant qu’ils incluent les qualifications ISO, sont entachés d’erreur manifeste d'appréciation ; l’article 3 et l’annexe III accordent aux moniteurs titulaire d’un brevet ISO des prérogatives supérieures à celles des moniteurs titulaires de brevets français (BEES1, DEJEPS plongée ou MF1) ou CMAS, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi ; - l’article 4 de l’arrêté ne comporte pas l’espace d’évolution de 0 à 60 m prévu par la réglementation antérieure, correspondant aux certifications à 60 m délivrées par les organismes français et CMAS ; ainsi, il a été pris dans l’intérêt des organismes délivrant les certifications PADI, SSI et SDI qui délivrent des certifications à 50 m ; - l’article 5 de l’arrêté est entaché d’erreur manifeste d'appréciation dès lors qu’il autorise un nombre illimité de plongées en- deçà de 9 m dans la limite de 6 h par jour et que les tables de plongée de référence applicables en France métropolitaine n’autorisent que 2 plongées quotidiennes au-delà de 9 m ; son dernier alinéa est « non avenu » car les opération de secours ne relèvent pas de la plongée subaquatique de loisir ; - les dispositions de l’article 13 de l’arrêté sont inopportunes et difficiles à appliquer ; elles instituent une discrimination injustifiée entre les guides de palanquée et les directeurs de plongée résidant à Tahiti et ceux résidant dans les îles ; en leur imposant une surveillance médicale, elles portent atteinte à la liberté d’entreprendre des personnes handicapées qui ne peuvent pas plonger ; - l’article 15 est inapplicable dès lors qu’il ne définit pas l’anomalie constatée au cours d’une plongée ; - l’article 19 est illégal car il renvoie à la « réglementation en vigueur », constituée par de nombreux textes et prévoit, en méconnaissance des arrêtés préexistants, que l’inspection peut être réalisée par une personne désignée par l’exploitant ; - les articles 23, 24 et 26 avantagent les organismes PADI et SSI qui délivrent des qualifications à 30 m et 50 m, au détriment des écoles de plongée françaises et CMAS qui ne le font pas mais délivrent une qualification à 60 m ; ainsi, ils sont entachés de détournement de pouvoir ; - alors que l’article 25 définit le baptême de plongée comme une plongée de formation, l’annexe XI relative aux conditions d’évolution des plongées de formation à l’air ne limite pas le nombre de plongeurs par moniteur ; ainsi, il est entaché d’erreur manifeste d'appréciation au regard de la sécurité des plongeurs en première immersion ; - en interdisant la plongée avec une pression d’azote de 4,34 bars antérieurement pratiquée, l’article 31 porte atteinte à la sécurité, constitue un frein économique au développement de la plongée au trimix, et impose en Polynésie française les normes des agences anglo-saxonnes, qui y sont inadaptées ; ainsi, il est entaché d’erreur manifeste d'appréciation ; - le cadre juridique fixé par l’article 33 a pour effet d’autoriser un plongeur habilité en recycleur 30 m ayant une qualification trimix en bouteille de plongée pour 70 m à plonger en recycleur jusqu’à 70 m, ce qui l’exposerait à un risque très important, de même que le moniteur de plongée l’accompagnant ; ainsi, l’article 33 est entaché d’erreur manifeste d'appréciation ; - dès lors qu’elle est en contradiction avec les dispositions de l’article 3 de l’arrêté n° 1778 CM du 6 octobre 2017, l’annexe I est illégale en tant qu’elle autorise le titulaire d’un « BPP GAPPN plongée » ou du certificat de spécialisation « directeur de plongée » du « BPP GAPPN plongée » à être directeur de plongée jusqu'à 40 m ; - l’arrêté est entaché de détournement de pouvoir car il a pour objectif affiché de privilégier les systèmes de plongée PADI et SSI au détriment des écoles de plongée françaises et CMAS. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2018, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - l’ANMP, qui n’a pas produit la décision mandatant son secrétaire général pour ester en justice, ne justifie pas de la qualité de ce dernier pour agir en son nom ; - les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la « loi du pays » n° 2017-44 du 28 décembre 2017 ; - la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, rapporteure, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - et les observations de Me Dubau, représentant la FPESSM et autres, et celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française. Une note en délibéré présentée pour la FPESSM et autres a été enregistrée le 30 janvier 2019. Considérant ce qui suit : Sur la fin de non-recevoir partielle opposée en défense : 1. Aux termes de l’article 13 des statuts de l’ANMP : « (…) Un administrateur assure la fonction de secrétaire général (…) ; il représente le syndicat dans tous les actes de la vie civile et peut ester en justice au nom du syndicat sur décision du bureau national (…). » L’ANMP a produit en cours d’instance la décision de son bureau national des 9 et 10 mars 2018 approuvant le dépôt d’un recours contentieux contre la réglementation issue de la « loi du pays » sur la plongée approuvée en Polynésie française. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce qu’elle ne justifierait pas de sa qualité pour agir doit être écartée. Sur la demande de transmission d’une question au Conseil d’Etat : 2. Aux termes de l’article 179 de la loi organique du 27 février 2004 relative au statut d’autonomie de la Polynésie française : « Lorsque, à l'occasion d'un litige devant une juridiction, une partie invoque par un moyen sérieux la contrariété d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" avec la Constitution, les lois organiques, les engagements internationaux, ou les principes généraux du droit, et que cette question commande l'issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites, la juridiction transmet sans délai la question au Conseil d'Etat, par une décision qui n'est pas susceptible de recours. Le Conseil d'Etat statue dans les trois mois. Lorsqu'elle transmet la question au Conseil d'Etat, la juridiction sursoit à statuer. (…). » Dès lors que la FPESSM et autres ne désignent pas les dispositions relatives à la compétence des institutions de la Polynésie française de cette loi organique, dont elles invoquent la méconnaissance par la « loi du pays » du 28 décembre 2017 pour l’application de laquelle l’arrêté attaqué a été pris, leur moyen ne peut être regardé comme sérieux. 3. En tout état de cause, aux termes de l’article 140 de la loi organique du 27 février 2004 : « Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés « lois du pays », sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, (…) ressortissent à la compétence de la Polynésie française (…). » Le 3ème alinéa de l’article 89 de la même loi organique attribue au conseil des ministres la compétence pour prendre les règlements nécessaires à la mise en œuvre des « lois du pays ». La « loi du pays » du 28 décembre 2017 relative à l’exercice de la plongée subaquatique de loisir définit dans son titre Ier, constitué de 12 articles, les organismes et activités auxquels elle s’applique, les obligations générales qui leur incombent, ainsi que les termes techniques employés (aptitudes, encadrant, palanquée, espace aquatique ouvert ou restreint, qualification…). Son titre II définit le rôle et les obligations du directeur de plongée et du guide de palanquée, et pose le principe de la réglementation des aptitudes des plongeurs et des encadrants, des espaces d’évolution, du nombre et de la durée quotidienne des plongées, de la plongée en espace aquatique restreint, du signalement de l’activité, de l’organisation de plongées de nuit et en dérive, de la surveillance médicale et de la mise à disposition d’un plan et de matériels d’assistance et de secours. Il prévoit en outre que l’exercice de la plongée subaquatique à titre professionnel est soumis à des conditions de diplôme et à une déclaration préalable, et définit les cas dans lesquels des sanctions pénales sont encourues. Ces sanctions, ainsi que les « mesures de police ou de sanctions administratives » faisant l’objet du titre V, sont définies par la « loi du pays » ou renvoient à des dispositions préexistantes du code de procédure pénale ou de la délibération du 14 octobre 1999 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques ou sportives en Polynésie française. Les dispositions de la « loi du pays » renvoyant à un arrêté en conseil des ministres ont pour objet de préciser les qualifications requises des encadrants, des directeurs de plongée et des plongeurs utilisant un mélange autre que l’air (articles LP 5, LP 8 et LP 10), la détermination des espaces d’évolution en fonction des gaz utilisés, du niveau de qualification de l’encadrement et des aptitudes des plongeurs (article LP 11), les aptitudes des plongeurs dont le directeur de plongée doit s’assurer (article LP 13), les conditions d’encadrement de la plongée en espace aquatique restreint (article LP 14), les modalités de signalement et de surveillance de l’activité sur les lieux de plongée (article LP 15), les caractéristiques des plongées de nuit et en dérive (article LP 16), les modalités de contrôle de l’aptitude physique des plongeurs et des encadrants (article LP 17), la nature du plan de secours et du matériel de secours et d’assistance (article LP 19), et les caractéristiques techniques des stations de remplissage, des équipements sous pression et de l’équipement des plongeurs, ainsi que de leur entretien (article LP 20). Ainsi, la « loi du pays » du 28 décembre 2017 fixe les règles applicables à l’exercice de la plongée subaquatique de loisir, et ne renvoie à un arrêté en conseil des ministres que pour apporter les précisions techniques nécessaires à son application. L’importance de ces renvois, qui tient à la diversité des éléments nécessitant de telles précisions, ne caractérise, par elle-même, aucune irrégularité. Par suite, la FPESSM et autres ne sont pas fondés à soutenir que la « loi du pays » du 28 décembre 2017 serait entachée d’incompétence négative. 4. Il résulte de ce qui précède que la demande de transmission d’une question au Conseil d’Etat sur le fondement des dispositions de l’article 179 de la loi organique du 27 février 2004 doit être rejetée. Sur les conclusions à fin d’annulation : En ce qui concerne la légalité externe : 5. Dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au point 3, la « loi du pays du 28 décembre 2017 n’est pas entachée d’incompétence négative, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué serait entaché d’incompétence doit être écarté. 6. Aux termes de l’article 42-2 de la délibération du 14 octobre 1999 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives en Polynésie française : « Il est institué une commission territoriale des sports de nature. / (…) / Cette commission : / - donne un avis sur les projets de délibérations et d’arrêtés relatifs aux activités physiques et sportives de nature ; / (…). » Il ressort des pièces du dossier que la commission territoriale des sports de nature, qui ne s’est réunie qu’une fois à l’occasion de son installation le 4 mars 2010, n’a jamais fonctionné et n’existe plus de fait depuis le 30 juin 2012, date d’expiration du mandat de ses membres. Par suite, le fait qu’elle n’a pas été consultée n’a ni eu d’influence sur l’arrêté attaqué, ni privé les intéressés d’une garantie, et, par voie de conséquence, n’est pas de nature à entacher cet arrêté d’illégalité. En ce qui concerne l’article 3 et les annexes II et III : 7. Aux termes de l’article LP 10 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 : « Lorsque la palanquée est dirigée par la personne l’encadrant, celle-ci est titulaire d’une qualification précisée par un arrêté pris en conseil des ministres. (…). » L’article 3 de l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ces dispositions, renvoie, pour la qualification du guide de palanquée, à son annexe II pour les plongées d’exploration et à son annexe III pour les plongées de formation. Ces annexes se présentent sous forme de tableaux indiquant les qualifications minimales requises en fonction de la profondeur (jusqu’à 40 m ou 50 m pour l’exploration, jusqu’à 6 m, 20 m, 40 m et 50 m pour la formation). Les « brevets FFESSM, FSGT, ANMP et SNMP » qualifiés d’écoles françaises par les requérants, les « brevets CMAS » (confédération mondiale des activités subaquatiques) et les « diplômes d’Etat ou de la Polynésie française » sont désignés par les dénominations des brevets ou diplômes. En revanche, les « brevets PADI, SSI et SDI », délivrés respectivement par la « professional association of diving instructors », la « scuba school international » et l’agence « scuba diving international », sont désignés par les normes ISO « guide 24801-3 » et « moniteur 24802-2 », qui ne correspondent à la dénomination d’aucun brevet. Comme le font valoir les requérants, une telle présentation « pose des problèmes de lisibilité » dès lors qu’elle ne permet pas un contrôle immédiat du respect des exigences réglementaires de qualification, mais impose des recherches afin de s’assurer de la norme ISO à laquelle correspond le brevet PADI, SSI ou SDI présenté par un moniteur ou un guide de plongée. Ainsi, les annexes II et III de l’arrêté méconnaissent l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la norme en tant qu’elles ne désignent pas les « brevets PADI, SSI et SDI » admis au titre des qualifications minimales du guide de palanquée en plongée d’exploration et de l’enseignant. Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la FPESSM sont fondés à demander, dans cette mesure, l’annulation de ces annexes. En ce qui concerne l’article 4 : 8. Aux termes de l’article LP 11 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 : « Les espaces d’évolution sont déterminés en fonction des gaz utilisés, du niveau de qualification de l’encadrement et des aptitudes des plongeurs. Ils sont précisés par un arrêté pris en conseil des ministres. » L’article 4 de l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ces dispositions, limite à 50 m la plongée subaquatique à l’air ou au nitrox (mélange d’oxygène et d’azote dans des proportions différentes de celles de l’air), et autorise un dépassement de cette profondeur maximale, dans la limite de 10 m, dans le cadre d’une formation l’exigeant et dans le strict respect des standards de l’organisme de certification. Il ressort du rapport de présentation de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 qu’elle a pour objet de définir un nouveau cadre réglementaire, de répondre aux nécessités d’emplois locaux en permettant à la jeunesse polynésienne d’avoir un accès direct à la formation et aux métiers de la plongée, et de répondre aux attentes exprimées par les opérateurs touristiques pour faire face en toute sécurité aux flux et niveaux d’aptitude des plongeurs internationaux visitant la Polynésie française. L’ouverture de l’encadrement de la plongée subaquatique de loisirs aux qualifications internationales (PADI, SSI et SDI) s’inscrit dans la mise en œuvre de ces orientations politiques. Si les requérants soutiennent que ces qualifications, pourtant largement répandues dans le monde, mettraient en danger la sécurité des pratiquants, leur argumentation relative à la supériorité des qualifications des « écoles françaises et CMAS » n’est pas de nature à le démontrer. Dès lors que la réglementation des activités de plongée subaquatique de loisir relève de la compétence de la Polynésie française au sens des dispositions des articles 13 et 14 de la loi organique du 27 février 2004, les requérants, qui n’avaient aucun droit au maintien de la réglementation antérieure, ne peuvent utilement critiquer l’opportunité des orientations retenues. Ainsi, les circonstances que la limitation à 50 m de l’espace d’évolution correspond aux certifications PADI, SSI et SDI et ne permet plus aux titulaires de diplômes français et « CMAS », à l’exception des formations, d’encadrer des plongées à 60 m, ne caractérisent, par elles-mêmes, aucune illégalité. En ce qui concerne l’article 5 : 9. Aux termes de l’article LP 12 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 : « Le nombre et la durée quotidienne des plongées sont précisés par un arrêté pris en conseil des ministres. » L’article 5 de l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ces dispositions, précise, d’une part, que le nombre de plongées est déterminé sous la responsabilité pleine et entière du directeur de plongée et du moniteur de plongée, sans pouvoir excéder 3 plongées quotidiennes à l’air ou au nitrox lorsque l’espace d’évolution est au-delà de 9 m, et d’autre part, que la durée quotidienne des plongées est déterminée sous la responsabilité pleine et entière de l’exploitant, du directeur de plongée et du moniteur de plongée, de telle façon qu’elle ne mette pas en danger la vie d’autrui, sans dépasser 6 h réparties au cours d’une ou plusieurs plongées, y compris le temps de décompression dans l’eau. Il n’est pas démontré que cette durée serait excessive, ni que l’absence de réglementation du nombre de plongées en-deçà de 9 m serait de nature à mettre en danger la sécurité des plongeurs ou des encadrants. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d'appréciation ne peut être accueilli. 10. La circonstance que les opérations de secours ne relèvent pas de la plongée subaquatique de loisir est sans incidence sur la légalité du dernier alinéa de l’article 5 de l’arrêté attaqué, selon lequel, dans la mesure où il n’y a pas de mise en danger de la vie d’autrui, le nombre et la durée quotidienne des plongées définis par cet article ne sont pas applicables aux cas d’interventions de secours visant à préserver la vie d’autrui. En ce qui concerne l’article 13 : 11. Aux termes de l’article LP 17 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 : « (…) / Les personnes encadrant la plongée doivent justifier d’une surveillance médicale renforcée, et ainsi présenter soit un certificat médical de non contre-indication, soit un certificat médical d’aptitude, conformément à un arrêté pris en conseil des ministres. » L’article 13 de l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ces dispositions, impose une surveillance médicale annuelle, d’une part, pour les salariés et leurs employeurs, par le médecin du travail, d’autre part, pour les non-salariés (entrepreneurs individuels ou bénévoles), par un médecin fédéral de plongée subaquatique ou titulaire d’un diplôme de médecine de la plongée sous-marine, de médecine hyperbare, de médecine de la plongée subaquatique ou hyperbare ou de médecine du sport, et par dérogation, dans les îles où aucune de ces spécialisations n’est accessible, par un médecin généraliste. La FPESSM et autres, qui ne peuvent utilement ni contester l’opportunité de ces modalités de surveillance médicale, ni faire valoir qu’elles seraient difficiles à mettre en œuvre, ne sont pas fondés à soutenir que cette dérogation constituerait une « discrimination injustifiée » au détriment des non-salariés résidant à Tahiti, qui ne se trouvent pas dans la même situation que ceux résidant dans les îles. Contrairement à ce qu’affirment les requérants, les dispositions contestées ne sont pas applicables aux employeurs qui n’effectuent eux-mêmes aucune plongée. En ce qui concerne l’article 15 : 12. La FPESSM et autres ne peuvent sérieusement soutenir que le premier alinéa de l’article 15 de l’arrêté attaqué, selon lequel toute anomalie constatée au cours ou à l’issue d’une plongée doit être considérée comme un accident de plongée, serait inapplicable faute de définition du terme « anomalie ». En ce qui concerne l’article 19 : 13. Aux termes de l’article LP 20 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017 : « Les stations de remplissage, les équipements sous pression et l’équipement des plongeurs sont conformes à la réglementation en vigueur en Polynésie française. Les caractéristiques techniques et leurs entretiens sont précisés par un arrêté en conseil des ministres. » Dès lors que l’article 19 de l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ces dispositions, définit les personnes et organismes chargés de l’inspection périodique des équipements sous pression, il doit être regardé, dans cette mesure, comme abrogeant et remplaçant les dispositions antérieures contraires. La circonstance que, pour le surplus, l’article 19 se borne à renvoyer à la « réglementation en vigueur » pour les modalités du contrôle, ne caractérise, par elle-même, aucune irrégularité. Par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que la « réglementation en vigueur » est constituée de nombreux textes, ce que la Polynésie française admet d’ailleurs en précisant qu’elle est en cours de réécriture. En ce qui concerne les articles 23, 24 et 26 : 14. Les articles 23, 24 et 26 de l’arrêté attaqué fixent de manière identique, respectivement pour les plongées d’exploration encadrées, les plongées en autonomie et les plongées de formation définies à l’article LP 4 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017, les 5 profondeurs d’évolution autorisées, à savoir 12 m, 20 m, 30 m, 40 m et 50 m, en fonction des aptitudes correspondantes des plongeurs. Ainsi qu’il a été dit au point 8, la prise en compte des qualifications internationales (PADI, SSI et SDI) s’inscrit dans la mise en œuvre des orientations politiques définies par la Polynésie française. En se bornant à faire valoir que les dispositions contestées avantagent les organismes PADI et SSI qui délivrent des qualifications pour les profondeurs de 30 m et 50 m, au détriment des écoles de plongée françaises et CMAS qui ne le font pas, et que la fixation de la profondeur maximale autorisée à 50 m empêche ces dernières de valoriser leur qualification à 60 m, la FPESSM et autres ne démontrent pas l’existence d’un détournement de pouvoir. En ce qui concerne l’article 25 : 15. Aux termes de l’article LP 4 de la « loi du pays » du 28 décembre 2017, le baptême de plongée est la « première immersion d’un plongeur », le débutant est un « plongeur ayant déjà effectué un baptême de plongée », l’espace aquatique restreint (EAR) est une « piscine dont le profondeur n’excède pas 6 mètres ou [un] milieu naturel protégé présentant des conditions similaires », une plongée d’enseignement ou de formation « concerne l’initiation, le perfectionnement, l’entrainement, le recyclage ou l’évaluation et est conduite par un enseignant de plongée », et les qualifications sont « des aptitudes reconnues par les organismes de plongée, en marge de leurs brevets. Les qualifications regroupent généralement une ou plusieurs aptitudes ». Aux termes de l’article LP 14 de la même « loi du pays » : « Les conditions d’encadrement d’une plongée en EAR sont précisées par un arrêté pris en conseil des ministres. » Il résulte des dispositions de l’article LP 11 de cette « loi du pays citées au point 8 que le conseil des ministres de la Polynésie française est également tenu de réglementer l’ensemble des combinaisons possibles entre les espaces d’évolution, les gaz utilisés, le niveau de qualification de l’encadrement et les aptitudes des plongeurs. 16. Aux termes de l’article 25 de l’arrêté attaqué, intitulé « du baptême de plongée » : « La première immersion d'un plongeur est une plongée de formation. Elle est communément appelée "baptême de plongée". / Cette première immersion peut être la première plongée de formation, conduisant à une certification. / Sous la responsabilité directe d'un titulaire de la mention "plongée subaquatique" du brevet professionnel polynésien de guide d'activités physiques de pleine nature (BPP GAPPN) ou au minimum d'un enseignant à 6 mètres (ENS-06) tel que mentionné à l'annexe III, la profondeur ne peut excéder 6 mètres. » Il résulte de ces dispositions que le baptême de plongée peut soit être intégré à la première séance d’une formation conduisant à une qualification, soit faire l’objet d’une séance de formation unique, hors de tout parcours de qualification, à l’issue de laquelle le plongeur aura acquis la qualité de débutant. 17. Dès lors que le baptême de plongée constitue une formation d’initiation des plongeurs dont les aptitudes nulles sont distinctes de celles des débutants ayant bénéficié de cette initiation, l’arrêté d’application de la « loi du pays » doit en définir les conditions d’encadrement. La circonstance qu’il peut être intégré à la première séance d’une formation conduisant à une qualification n’est pas de nature à dispenser le conseil des ministres de la Polynésie française de cette obligation. En l’espèce, le premier niveau d’aptitude des plongeurs pour lequel l’annexe XI de l’arrêté attaqué, relative aux conditions d’évolution en plongée de formation à l’air, fixe les conditions d’encadrement (nombre de plongeurs par encadrant) dans l’espace de 0 à 6 m, est celui de débutant. Par suite, la FPESSM et autres sont fondés à invoquer l’illégalité de cette annexe en tant qu’elle ne limite pas le nombre de plongeurs en baptême de plongée par encadrant, et, dans cette mesure, à en demander l’annulation. En ce qui concerne l’article 31 : 18. L’article 27 de l’arrêté attaqué définit les gaz et mélanges respiratoires, dont le trimix, constitué d’oxygène, d’azote et d’hélium. Aux termes de l’article 31 de cet arrêté : « Au trimix et à l’héliox, compte tenu des profondeurs importantes accessibles, le plongeur en immersion doit disposer d’une vigilance accrue par rapport aux plongées à l’air ou au nitrox : la valeur de la pression partielle maximale d’azote inspirée par le plongeur en immersion est ainsi limitée à 4 000 hectopascals (4 bar). » La circonstance que ces dispositions interdisent d’utiliser le trimix avec une pression d’azote de 4,34 bars, dont la FPESSM et autres affirment que certains plongeurs en font usage « dans le sens de la sécurité », n’est pas de nature à démontrer que la limite de 4 bars porterait atteinte à la sécurité. Si les requérants invoquent un « frein économique au développement de la plongée au trimix » et une inadaptation, non explicitée, des normes des agences anglo-saxonnes à la plongée en Polynésie française, ces considérations, qui relèvent de l’opportunité de la réglementation contestée, sont sans incidence sur leur légalité. En ce qui concerne l’article 33 : 19. Aux termes de l’article 33 de l’arrêté attaqué : « Lorsque la plongée est réalisée avec des recycleurs, ceux-ci font l’objet d’une formation qualifiante par un organisme de certification reconnu. / Après avoir suivi cette formation qualifiante et adaptée au recycleur considéré, l’utilisateur du recycleur peut accéder aux prérogatives de profondeur et d’autonomie s’il justifie des aptitudes correspondant à l’espace d’évolution et aux mélanges gazeux utilisés, telles que précisées par les annexes V, VI, XII, XIII, XIV et XV. » Les affirmations des requérants sur les dangers auxquels ces dispositions exposeraient les plongeurs ne sont pas assorties de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d’en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne l’annexe I : 20. D’une part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté n° 1778 CM du 6 octobre 2017 portant création et organisation de la mention « plongée subaquatique » du brevet professionnel polynésien de guide d’activités de pleine nature (« BPP GAPPN plongée »), la possession de ce diplôme « permet l’exercice professionnel dans les espaces d’évolution suivants : / - encadrement, en exploration, d'une palanquée jusqu'à une profondeur de 40 mètres maximum, selon les modalités définies par arrêté pris en conseil des ministres ; / (…) / Le guide de plongée subaquatique exerce son activité en autonomie sur le lieu de plongée, sous l'autorité d'un directeur de plongée, titulaire d'une qualification prévue par la réglementation en vigueur, présent au sein de l'établissement. » D’autre part, l’annexe I de l’arrêté attaqué permet au titulaire du « BPP GAPPN plongée » ou du certificat de spécialisation « directeur de plongée » du « BPP GAPPN plongée » d’exercer les fonctions de directeur de plongée jusqu’à une profondeur de 40 m. Le moyen tiré de l’existence d’une contradiction entre cette annexe et l’article 3 de l’arrêté du 6 octobre 2017, qui impose la même limite de profondeur aux titulaires d’un brevet professionnel polynésien, n’est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d’en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne le détournement de pouvoir : 21. Ainsi qu’il a été dit au point 8, les requérants n’avaient aucun droit au maintien de la réglementation antérieure. La circonstance que l’ensemble de l’arrêté attaqué privilégierait les certifications PADI et SSI au détriment des écoles françaises et CMAS n’est pas de nature à caractériser un détournement de pouvoir. 22. Il résulte de tout ce qui précède que la FPESSM et autres sont seulement fondés à demander l’annulation des annexes II et III de l’arrêté attaqué en tant qu’elles ne désignent pas les « brevets PADI, SSI et SDI » admis au titre des qualifications minimales du guide de palanquée en plongée d’exploration et de l’enseignant, et son annexe XI en tant qu’elle ne limite pas le nombre de plongeurs en baptême de plongée par encadrant. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 100 000 FCP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les annexes II et III de l’arrêté n° 199 CM du 15 février 2018 sont annulées en tant qu’elles ne désignent pas les « brevets PADI, SSI et SDI » admis au titre des qualifications minimales du guide de palanquée en plongée d’exploration et de l’enseignant. Article 2 : L’annexe XI de l’arrêté n° 199 CM du 15 février 2018 est annulée en tant qu’elle ne limite pas le nombre de plongeurs en baptême de plongée par encadrant. Article 3 : La Polynésie française versera à la FPESSM et autres une somme totale de 100 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la fédération polynésienne d'études et de sports sous-marins, à l’association nationale des moniteurs de plongée, au groupement des moniteurs de plongée de Polynésie française et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère. Lu en audience publique le 31 janvier 2019. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |