Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 14/12/2018 Décision n° 1800212 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1800212 du 14 décembre 2018 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 14 juillet 2018, présentée par la SELARL Jurispol, la confédération des syndicats des travailleurs Polynésie - Force ouvrière (CSTP-FO) demande au tribunal : 1°) d’annuler les articles 1 à 9 de la délibération n° 2018-35 APF du 21 juin 2018 ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a intérêt à agir car la délibération attaquée réduit le nombre de ses conseillers au conseil économique, social et culturel de la Polynésie française (CESC) ; - en l’absence d’éléments chiffrés ou concrets sur l’évolution des secteurs d’activité économiques, sociaux et culturels, les membres de l’assemblée n’ont pas bénéficié d’une information convenable ; - les dispositions attaquées, qui réduisent la représentation au CESC des organisations syndicales représentatives des salariés au bénéfice de celle des travailleurs indépendants et des entrepreneurs, sont entachées d’erreur manifeste d'appréciation ; - la délibération attaquée est entachée d’erreur de droit en tant que ses auteurs se sont estimés tenus par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris n° 17PA03142 pour attribuer un siège du collège des salariés au syndicat de la fonction publique ; - sa représentativité aurait dû être prise en compte en ce qui concerne non seulement les salariés de droit privé, mais aussi les agents de droit public. Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2018, l'assemblée de la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - dès lors que la qualité de M. G. pour saisir le tribunal au nom de la CSTP-FO n’est pas démontrée, la requête est irrecevable ; A titre subsidiaire : - l’article 147 de la loi organique n’impose ni une répartition paritaire du CESC entre les représentants des salariés et les entrepreneurs, ni l’application de la règle de représentativité territoriale des organisations de salariés prévue par le code du travail pour désigner le nombre de membres de chaque collège ; - la CSTP-FO conserve le plus grand nombre de sièges au sein du collège des salariés, et le nouveau collège n’a pas pour objet de représenter les organisations patronales, qui restent affectées dans le collège des entrepreneurs, mais d’ouvrir l’institution à de nouveaux représentants agissant dans le domaine du développement de la Polynésie française. Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2018, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la CSTP-FO ne justifie pas de la qualité pour agir de son « secrétaire général en exercice » ; les dispositions dont l’annulation est demandée ne sont pas divisibles ; les conclusions à fin d’annulation des articles 8 et 9 ne sont assorties d’aucun moyen ; ainsi, la requête est irrecevable ; A titre subsidiaire : - il convenait de tirer les conséquences de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en permettant au syndicat de la fonction publique d’être représenté au CESC ; - les motifs et la pertinence des choix retenus pour la création du 4ème collège ont été explicités dans le rapport présenté devant l’assemblée, qui a été informée et a débattu ; - la création du 4ème collège, qui a affecté le nombre de représentants des 3 collèges préexistants, n’induit aucun déséquilibre dans la composition du CESC ; - l’article 147 de la loi organique, qui laisse une grande latitude pour déterminer la composition du CESC, n’impose pas une parité entre salariés et entrepreneurs ; - le moyen tiré de la représentativité de la CSTP-FO n’est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Par un mémoire présenté par la SELARL Jurispol, enregistré le 7 décembre 2018, la confédération syndicale Otahi s’associe à la requête de la CSTP-FO. Elle soutient que l’application de l’arrêté attaqué lui fait perdre un siège au CESC. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 2005-64 APF du 13 juin 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, rapporteure, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - et les observations de Me Quinquis, représentant la CSTP-FO et la confédération syndicale Otahi, et celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française. Considérant ce qui suit : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense : 1. Aux termes de l’article 147 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française : « Le conseil économique, social et culturel de la Polynésie française est composé de représentants des groupements professionnels, des syndicats, des organismes et des associations qui concourent à la vie économique, sociale ou culturelle de la Polynésie française. / Cette composition assure une représentation de l'ensemble des archipels. / Chaque catégorie d'activité est représentée, au sein du conseil économique, social et culturel, par un nombre de conseillers correspondant à l'importance de cette activité dans la vie économique, sociale et culturelle de la Polynésie française. » aux termes de l’article 149 de la même loi organique : « Dans le respect du deuxième alinéa de l'article 147, des délibérations de l’assemblée de la Polynésie française (…) fixent : / 1° Le nombre des membres du conseil économique, social et culturel, sans que celui-ci puisse excéder cinquante et un ; / 2° La liste des groupements, organismes et associations représentés au sein du conseil économique, social et culturel ; / 3° Le mode de désignation de leurs représentants par ces groupements et associations ; / 4° Le nombre de sièges attribués à chacun d'eux ; / (…). » Les dispositions attaquées modifient la délibération du 13 juin 2005 portant composition, organisation et fonctionnement du CESC, prise pour l’application de ces dispositions, qui définissait précédemment 3 collèges (représentant respectivement les salariés, les entrepreneurs et travailleurs indépendants et la « vie collective ») de 16 membres chacun, en créant un 4ème collège dit « du développement », en répartissant les 48 membres du CESC à raison de 12 par collège, et en fixant la liste des groupements, organismes et associations représentés dans chacun d’eux. 2. La confédération syndicale Otahi a intérêt à l’annulation de l’arrêté attaqué, dont l’application réduit sa représentation au CESC. Par suite, son intervention est recevable. 3. Il ressort des travaux préparatoires que la modification exposée au point 1 a pour objet d’adapter l’institution aux évolutions économiques et sociales locales, en assurant ou en améliorant la représentation des prestataires touristiques, de l’économie numérique, de « l’économie bleue », de la protection et de la valorisation de l’environnement et de la culture polynésienne, secteurs d’activité dont le concours non sérieusement contestable à la vie économique, sociale et culturelle de la Polynésie française ne nécessite pas, pour être reconnu, la production d’éléments chiffrés. Eu égard à la rédaction des dispositions de l’article 147 de la loi organique du 27 février 2004, qui laissent à la Polynésie française une grande latitude pour déterminer la composition du CESC, le moyen tiré de ce que les membres de l’assemblée n’auraient pas « bénéficié d’une information convenable » en l’absence d’élément « chiffré » ou « concret » ne peut qu’être écarté. 4. Il résulte des dispositions de l’article 147 de la loi organique du 27 février 2004 que le CESC n’a pas vocation à représenter de manière paritaire les entrepreneurs d’une part, et les salariés d’autre part. Par suite, la circonstance que les dispositions attaquées réduisent le nombre de représentants des salariés ne caractérise, par elle-même, aucune irrégularité. 5. Par un arrêt n° 17PA03142 du 2 mai 2018, la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement n° 1600480 du 19 septembre 2017 par lequel le tribunal avait rejet la requête du syndicat de la fonction publique tendant à l’annulation du refus de la Polynésie française de modifier la délibération du 13 juin 2005 afin de l’inclure parmi les représentants des salariés, au motif que les règles de représentativité des organisations syndicales que la Polynésie française entendait suivre pour désigner les représentants des salariés au CESC lui imposaient de retenir ce syndicat pour représenter les salariés de la fonction publique. Par suite, la CSTP-FO n’est pas fondée à soutenir que l’exécution de cet arrêt n’impliquait pas d’attribuer un siège au syndicat de la fonction publique. 6. La CSTP-FO, à laquelle les dispositions attaquées de l’article 3 de la délibération du 21 juin 2018 accordent le quart des sièges du collège des salariés, n’assortit pas le moyen tiré de l’absence de prise en compte de sa représentativité de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d’en apprécier le bien-fondé. 7. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : L’intervention de la confédération syndicale Otahi est admise. Article 2 : La requête de la CSTP-FO est rejetée. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la CSTP-FO, à la Polynésie française, à l'assemblée de la Polynésie française et à la confédération syndicale Otahi. Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère. Lu en audience publique le 14 décembre 2018. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |