Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 25/04/2019 Décision n° 1800424 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Satisfaction
| Décision du Tribunal administratif n° 1800424 du 25 avril 2019 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 3 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 8 mars 2019, présentés par la SELARL Mikou, la société par actions simplifiée (SAS) Islands Airline demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le président de la Polynésie française lui a délivré une licence de transporteur aérien, en tant que son article 6 prévoit que les conditions d’exploitation de ses lignes régulières seront fixées par un arrêté en conseil des ministres ; 2°) d’enjoindre à la Polynésie française de supprimer la seconde phrase de l’article 6 de l’arrêté du 25 octobre 2018 dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 000 F CFP par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 300 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle justifie que M. M., son président, a qualité pour agir ; - le conseil des ministres n’a pas compétence pour fixer les conditions d’exploitation des lignes régulières d’une compagnie aérienne ; - la phrase contestée de l’article 6 de l’arrêté du 25 octobre 2018 est entachée d’erreur de droit dès lors que l’article 10 de la délibération n° 99-128 APF du 22 juillet 1999 permet seulement au conseil des ministres d’approuver le programme des vols ; - en se réservant le droit de fixer les conditions d’exploitation de ses lignes régulières, la Polynésie française entend contrôler l’activité de la SAS Islands Airline afin de protéger le monopole de fait de la société Air Tahiti, ce qui caractérise un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2019, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la SAS Islands Airline ne justifie pas de la qualité pour agir de M. M. ; - l’article LP 9 de la « loi du pays » n° 2016-3 du 25 février 2016 donne compétence au conseil des ministres pour fixer les conditions d’exécution des services publics de transport et les obligations de service public imposées aux exploitants, et rien ne fait obstacle à ce qu’il fixe les conditions d’exploitation dans un arrêté ultérieur ; - en se réservant le droit de fixer les conditions d’exploitation des lignes régulières de la SAS Islands Airline, le conseil des ministres a agi dans le cadre légal de la « loi du pays » du 25 février 2016 qui prévoit que les licences d’exploitation peuvent être assorties d’obligations de service public ; - aucun détournement de pouvoir n’a été commis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 99-128 APF du 22 juillet 1999 ; - la « loi du pays » n° 2016-3 du 25 février 2016 ; - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, rapporteure, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - et les observations de Me Mikou, représentant la SAS Islands Airline, et celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement n° 1800066 du 16 octobre 2018 dont il n’a pas été fait appel, le tribunal a annulé la décision implicite de rejet de la demande de licence de transporteur aérien présentée le 21 octobre 2017 par la SAS Islands Airline, et a enjoint à la Polynésie française de délivrer cette licence, ce qu’elle a fait par un arrêté du 25 octobre 2018, dont la société requérante demande l’annulation en tant que son article 6 précise que les conditions d’exploitation de ses lignes régulières seront fixées par un arrêté en conseil des ministres. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense : 2. Aux termes de l’article L. 227-6 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social. / (…). » Par suite, M. M., dont la SAS Islands Airline justifie qu’il est son président, a qualité pour la représenter dans la présente instance. Sur les conclusions à fin d’annulation : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : 3. Aux termes de l’article 10 de la délibération du 22 juillet 1999 réglementant l’autorisation donnée aux entreprises de transport aérien établies en Polynésie française d’exercer une activité de transport aérien public : « Les programmes d’exploitation des services réguliers ou programmes répétitifs de vols non réguliers sont soumis, par les entreprises autorisées, à l’approbation préalable du conseil des ministres de la Polynésie française. / Ils doivent comporter des propositions précises concernant pour chaque ligne les escales, les fréquences, les horaires, les tarifs et les différents types d’appareils ainsi que leur aménagement. / (…). » Ces dispositions ne permettent pas au conseil des ministres de fixer les conditions d’exploitation des lignes régulières des entreprises titulaires d’une licence de transporteur aérien, mais seulement d’approuver leurs programmes de vols, ce que fait d’ailleurs l’arrêté du 25 octobre 2018, qui autorise la SAS Islands Airline à desservir les escales mentionnées dans le programme figurant en annexe. 4. Aux termes de l’article LP 5 de la « loi du pays » du 25 février 2016 relative à l’organisation du transport interinsulaire maritime et aérien : « Les obligations de service public ont pour objet, dans le but d'alléger ou de supprimer les contraintes liées à l'enclavement ou l'éloignement, de fournir des services réguliers de transport suffisants au regard des besoins, répondant à des exigences de régularité, de fréquence, de qualité de service, de sécurité, de capacité d'emport et le cas échéant, dans le respect d'une politique tarifaire. / Elles sont définies par délibération de l'assemblée de la Polynésie française pour l'ensemble des opérateurs et sur l'ensemble du territoire de la Polynésie française. Leurs conditions d'exécution sont déterminées dans les licences d'exploitation. » Aux termes de l’article LP 9 de la même « loi du pays » : « L'exécution des services de transport public, réguliers et à la demande, est assurée par des entreprises titulaires d'une licence d'exploitation délivrée par arrêté pris en conseil des ministres, ou en cas de carence des entreprises privées, par une personne publique. / Les licences d'exploitation fixent les conditions d'exécution des services publics de transport et les obligations de service public imposées aux exploitants et elles peuvent être assorties d'une convention qui en précise les modalités. » 5. Il ressort des écritures de la Polynésie française que la mention selon laquelle les conditions d’exploitation des lignes régulières de la SAS Islands Airline seront fixées par un arrêté en conseil des ministres se rapportent au pouvoir conféré au conseil des ministres, par la « loi du pays » du 25 février 2016, d’assortir les licences de transporteur aérien d’obligations de service public. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point précédent, d’une part, que ces obligations doivent être fixées par la licence d’exploitation sans possibilité de renvoi à un arrêté ultérieur, et d’autre part, qu’elles ont pour fondement juridique une délibération de l’assemblée de la Polynésie française qui n’avait pas été prise à la date de délivrance de la licence. Ainsi, la SAS Islands Airline est fondée à soutenir que le conseil des ministres n’avait pas le pouvoir de renvoyer à un arrêté pour fixer les conditions d’exploitation de ses lignes régulières, et, par suite, à demander l’annulation de la seconde phrase de l’article 6 de cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte : 6. L’annulation prononcée au point précédent suffit à faire disparaître de l’ordonnancement juridique la mention contestée par la SAS Islands Airline. Par suite, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 FCP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La seconde phrase de l’article 6 de l’arrêté du 25 octobre 2018 délivrant une licence de transporteur aérien à la SAS Islands Airline, selon laquelle « les conditions d’exploitation de ses lignes régulières seront fixées par un arrêté en conseil des ministres », est annulée. Article 2 : La Polynésie française versera à la SAS Islands Airline une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Islands Airline et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 26 mars 2018, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère. Lu en audience publique le 25 avril 2019. La rapporteure, Le président, La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |