Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 28/06/2018 Décision n° 1700388 Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1700388 du 28 juin 2018 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017, présentée par Me Eftimie-Spitz, avocate, Mme Jeanne T., M. Louis F., M. Milton T. F., M. Wilfrid T. F., M. Wandy Joakim P. et M. Henri M. F. demandent au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n° 1421 CM du 21 août 2017 réglementant la pêche sur le domaine public maritime au droit de l’atoll de Manihi ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l’arrêté n’a pas été pris sur proposition du ministre chargé de la mer, en méconnaissance des dispositions de l’article 17 bis de la délibération n° 88-183 AT du 8 décembre 1988 ; - en l’absence de preuve de l’amenuisement des ressources halieutiques, l’arrêté est entaché d’erreur de fait et d’erreur de droit au regard de l’article 17 bis de la délibération du 8 décembre 1988 ; - l’arrêté est entaché d’erreur manifeste d'appréciation car il autorise la pêche de larves de poissons, en contradiction avec l’objectif de préservation des ressources halieutiques, et réserve l’exploitation de parcs à poissons à la commune, au détriment du secteur privé. Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2018, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 88-183 AT du 8 décembre 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Meyer, rapporteure, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - et les observations de Me Eftimie-Spitz, représentant les requérants, et celles de Mme Maurel, représentant la Polynésie française. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l’article 17 bis de la délibération du 8 décembre 1988 portant réglementation de la pêche en Polynésie française : « Dans le but d'assurer la protection des ressources de la mer, des rivières et de l'aquaculture, et d'une manière générale, de toute activité d'intérêt économique, éducatif ou de recherche, le conseil des ministres peut, sur proposition du ministre chargé de la mer, et pour des parties du domaine public précisément délimitées, fixer par arrêté, les restrictions ou les prohibitions permanentes ou temporaires concernant l'emploi de certains moyens et techniques de pêche. » 2. En vertu de l’article 1er de l’arrêté n° 28 PR du 16 janvier 2017 relatif à ses attributions, le ministre du développement des ressources primaires, des affaires foncières, de la valorisation du domaine et des mines est chargé, notamment, de concevoir la stratégie de développement du secteur maritime et de ses activités annexes, et de veiller à la préservation de la qualité des produits de la mer. Par suite, il avait compétence pour proposer l’arrêté attaqué, qui a été pris sur son rapport. 3. Il ressort des pièces du dossier que la maire de la commune de Manihi, mandatée à cet effet par une délibération du conseil municipal du 19 juin 2014, a demandé à la directrice des ressources marines de la Polynésie française, par lettre du 1er août suivant, d’organiser une mission en vue de la mise en place d’une zone de pêche réglementée, au motif que la population observait un affaiblissement des stocks de certaines espèces de poissons. Lors de la première réunion publique organisée le 28 août 2014, la majorité des participants a admis la nécessité de mieux gérer les ressources marines de l’île compte tenu de la disparition progressive du mérou marbré, de l’agrégation beaucoup moins marquée des poissons en période de frai, et de la baisse des volumes de pêche. Ces observations sont corroborées par les statistiques du transport interinsulaire par caboteur, faisant apparaître que le poids du poisson en provenance de Manihi a été approximativement divisé par deux entre 2012 et 2016 sans qu’il soit démontré que cette baisse aurait été compensée par une progression du transport aérien. Les requérants, qui n’apportent aucun élément sérieux de nature à mettre en cause la nécessité de préserver les ressources halieutiques au droit de l’atoll de Manihi, ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué serait entaché d’erreur de fait et d’erreur de droit au regard des dispositions citées au point 1. 4. L’arrêté attaqué définit pour une durée limitée, jusqu’au 31 décembre 2022, une zone de pêche réglementée dans laquelle sont interdites la pêche au moyen d’un parc à poissons, la pêche au filet, à l’exception de la pêche aux alevins de gobiidés (ina’a) et la pêche à la nasse, ainsi qu’une sous-zone dite zone de réserve dans laquelle sont en outre interdites la pêche au fusil sous-marin et la pêche à la ligne à partir d’une embarcation. Il autorise la poursuite des exploitations de parcs à poissons jusqu’au terme des autorisations d’occupation du domaine public en cours de validité et prévoit la possibilité d’autoriser à titre dérogatoire un parc à poissons à usage communautaire, c’est-à-dire destiné à la population locale, dont la gestion serait confiée à la commune de Manihi. En l’absence de tout élément tendant à démontrer que la population de gobiidés serait en régression, Mme T. et autres ne peuvent sérieusement soutenir que l’autorisation de la pêche des ina’a, pratique saisonnière largement répandue en Polynésie française, irait à l’encontre de l’objectif de préservation des ressources halieutiques. Il ressort de la rédaction même de l’arrêté attaqué qu’il ne prévoit pas de réserver l’activité d’exploitation de parcs à poissons à la commune au détriment des exploitants du secteur privé. Par suite, le moyen tiré de ce qu’il serait entaché d’erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme T. et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme T. et autres est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme Jeanne T., à M. Louis F., à M. Milton T. F., à M. Wilfrid T. F., à M. Wandy Joakim P., à M. Henri M. F. et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, Mme Meyer, première conseillère, Mme Zuccarello, première conseillère. Lu en audience publique le 28 juin 2018. La rapporteure, Le président, La greffière, D. Riveta La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |