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Accueil > Justice administrative > Décision n° 1200639 du 8 avril 2014

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 08/04/2014
Décision n° 1200639

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Satisfaction totale

Texte lié
  • Annulant : Arrêté n° 1555 CM du 15/10/2012 (texte abrogé, texte annulé)
  • Décision du Tribunal administratif n° 1200639 du 08 avril 2014

    Tribunal administratif de Polynésie française


    Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 9 novembre 2012 sous le n° 1200639, la requête présentée par M. Yves C., dont l’adresse postale est BP 12079, à Papara (98712) ;
    M. C. demande au tribunal :
    - d’annuler l’arrêté n° 1555/CM du président de la Polynésie française en date du 15 octobre 2012 constatant le prix de l’énergie électrique distribuée par la société Electricité de Tahiti (SA EDT) ;
    - de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 1 FCP en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
    M. C. soutient que l’arrêté est illégal en ce que :
    - au plan externe, il est entaché d’un vice de procédure, car pris en application d’un avenant n° 16 à la convention de concession de la distribution électrique de Tahiti, qui n’existe pas;
    - il est aussi illégal au plan interne, car entaché en premier lieu de détournement de pouvoir, le conseil des ministres ayant agi dans un but étranger à l’intérêt général, puisqu’un petit consommateur paie plus cher qu’un consommateur classique, en deuxième lieu, il est entaché de violation de la loi et d’illégalité d’objet, l’avenant n° 16 à la convention de concession ayant été mis en application en violation de l’article 171-1 de la loi organique du 27 février 2004 modifiée, en troisième lieu, d’erreur de droit, dès lors que l’autorité administrative a pris un arrêté n° 1555 ayant le même objet que l’arrêté n° 308 du 28 février 2012, lequel a été annulé car basé sur l’avenant n° 16, lequel n’a été approuvé que par arrêté n° 309/CM, et d’erreur de fait compte tenu de l’évidence de la charge supplémentaire imposée à l’usager consommateur ;
    Vu l’arrêté n° 1555/CM attaqué ;
    Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2012, présenté par M. C., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens et qui fait en outre valoir que l'avenant n° 16 n'a été publié au Journal officiel de la Polynésie Française que le 16 novembre 2012, soit bien après la date d'effet au 1er novembre 2012 des nouveaux tarifs fixés par l'arrêté attaqué ; qu'en outre, le tribunal doit se déporter, compte tenu de ce qu'il s'est déjà prononcé favorablement en faveur de la régularité de l'avenant n° 16,ainsi qu'à l'égard des défendeurs ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2012, présenté pour la société Électricité de Tahiti, représentée par son président directeur général, qui conclut au rejet de la requête, et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 250 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative;
    La Société Electricité de Tahiti fait valoir que l'arrêté est bien intervenu après la signature de l'avenant qui a eu lieu les 7 et 14 mars 2012, en application de l'article 64 de la loi organique statutaire ; que c'est la signature de cet avenant qui lui donne son existence légale, et non sa publication; qu'il a été compétemment pris par le conseil des ministres et signé par le président de la Polynésie française ; en outre, les moyens mettant en cause le bien-fondé de la nouvelle grille tarifaire objet de l'arrêté ont été rejetés par le tribunal ;
    Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2012, présenté pour la société Électricité de Tahiti, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, et qui fait en outre valoir qu'il n'y a pas matière à déportation du tribunal ; la société réfute l'argumentation du requérant sur la partialité du tribunal, qui a pourtant annulé l'arrêté précédent ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2012, présenté par la Polynésie française, représentée par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête, et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 250 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
    La Polynésie française fait valoir que :
    - à titre principal, la requête est irrecevable, M. C. n'ayant aucun intérêt à agir, un intérêt éventuel ne permettant pas de saisir le juge de l'excès de pouvoir ;
    - à titre subsidiaire, la requête est infondée : il n'y a aucune obligation de publier l'avenant n° 16 à la convention liant EDT à la Polynésie française préalablement à l'adoption de l'arrêté du 15 octobre 2012, cet avenant n'étant pas un acte règlementaire ; de plus la convention publiée le 16 novembre 2012 est rigoureusement identique au projet de convention publié en annexe à l'arrêté n° 309/CM ; sur le détournement de pouvoir allégué, tiré de la disparité des prix entre les usagers, le requérant ne démontre pas en quoi cette disparité répondrait à un objectif autre que celui poursuivi par le conseil des ministres, à savoir l'économie d'énergie, et l'établissement d'une solidarité entre les gros consommateurs et les petits consommateurs ;
    Vu le mémoire, enregistré le 15 janvier 2013, présenté par M. C., qui maintient ses conclusions, et qui ajoute que l'avenant contenant des dispositions tarifaires revêtait nécessairement un caractère réglementaire qui obligeait à sa publication avant de prendre l'arrêté qui en est une mesure d'exécution ;
    Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif en date du 12 mars 2013 qui transmet à la Cour administrative d’appel de Paris les conclusions de M. C. tendant au renvoi de sa demande pour cause de suspicion légitime ;
    Vu l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 31 décembre 2013 rejetant la demande de M. C. de renvoi pour cause de suspicion légitime ;
    Vu, enregistré le 20 février 2014, le mémoire présenté pour la SA Electricité de Tahiti, par Me Quinquis, qui conclut au rejet de la requête ;
    La SA Electricité de Tahiti fait valoir que :
    - par arrêté n° 1311 du 1er octobre l’arrêté attaqué a été abrogé à compter du 1er octobre 2013 ; il n’a donc été en vigueur que du 1er novembre 2012 au 1er octobre 2013 ;
    - au principal, la demande de M. C. ne peut aboutir, compte tenu des moyens qu’il invoque, qui ont déjà été écartés lors de précédentes décisions du tribunal ;
    - subsidiairement ; il est demandé au tribunal, en cas d’annulation, de moduler cette annulation dans le temps, donc de faire application de la jurisprudence « AC ! » et dès lors qu’une annulation de cet arrêté est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets produits et des situations qui ont pu se constituer lorsque l’acte était en vigueur, l’annulation ayant pour effet de contraindre EDT à reprendre des milliers de factures , et souvent à la hausse pour les consommateurs les plus modestes, entraînant des difficultés de paiement pour ces derniers ;
    Vu, enregistré le 3 mars 2014, le mémoire présenté par M. C., qui déclare s’en remettre à ses dernières écritures ;
    Vu, enregistré le 6 mars 2014, le mémoire présenté par la Polynésie française qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans son mémoire précédent ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française modifiée, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ;
    Vu la délibération 60-47 du 5 août 1960 portant approbation de la convention et du cahier des charges relatifs à la concession de distribution publique d’énergie électrique de Tahiti, ensemble la convention n° 60-10 du 27 septembre 1960 ;
    Vu le code de justice administrative ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2014 :
    - le rapport de Mme Lubrano, première conseillère,
    - les conclusions de M. Mum, rapporteur public,
    - les observations de M. Lebon, représentant la Polynésie française, et de Me Quinquis, avocat de la société EDT ;
    1. Considérant que par arrêté n° 1555/CM du 15 octobre 2012, le président de la Polynésie française a « constaté » les prix de l’énergie électrique distribuée par EDT, fixés en vertu de l’avenant n° 16 à la convention de concession relative à la distribution d’énergie électrique sur l’île de Tahiti signée entre la Polynésie française et la SA EDT, et au visa de l’avenant susmentionné, lui-même signé les 14 et 16 mars 2012 ; que M. C. demande l’annulation de cet arrêté ;
    Sur la fin de non recevoir soulevée par la Polynésie française :
    2. Considérant que M. C., usager du service public de distribution d’énergie électrique, est recevable à ce titre à contester par la voie du recours pour excès de pouvoir un arrêté de nature règlementaire du Président de la Polynésie française relatif au prix de l’électricité ; que la fin de non recevoir soulevée par le défendeur doit donc être écartée ;
    Sur les conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté n° 1555/CM du 15 octobre 2012 :
    3. Considérant que le requérant soutient que l’arrêté portant le n° 1555/CM est illégal en ce qu’il a été pris au vu d’un avenant n° 16 à la convention de concession de distribution d’électricité qui « n’a pas d’existence légale » ; qu’il doit être regardé comme soulevant le moyen tiré du défaut de fondement de l’arrêté en raison de l’inexistence de l’avenant au vu duquel l’administration a établi, par l’arrêté contesté, les prix de l’électricité ; que par jugement du 3 juillet 2013, le tribunal a annulé les clauses de cet avenant relatives à la fixation du prix de référence ; qu’en conséquence, l’arrêté constatant les tarifs issus de ce « prix de référence » et applicables aux différentes catégories d’usagers de l’énergie électrique est dépourvu de fondement et doit être annulé ;
    4. Considérant que l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ; que, toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause - de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation ; qu’il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l’annulation contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine ;
    5. Considérant, d’une part, que l’arrêté du 15 octobre 2012 a fait bénéficier les usagers du service public de la distribution d’énergie électrique, et plus particulièrement les plus modestes d’entre eux, qui sont les plus nombreux, à compter de son entrée en vigueur le 1er novembre 2012, de tarifs avantageux tant en ce qui concerne le tarif de l’abonnement, que le prix au kW/h pour les cent premiers kilowatts consommés ; qu’une annulation rétroactive de l’arrêté ferait revivre, pour ces mêmes « petits consommateurs » un tarif plus élevé les contraignant à supporter une charge lourde eu égard à leur niveau de revenu, et contraindrait la SA EDT à gérer, en sus de la reprise de plus d’un million de factures, des échéanciers de paiement pour le recouvrement des arriérés ainsi créés ; que, compte tenu de la date à laquelle cette annulation est prononcée, une annulation rétroactive de l’arrêté attaqué aurait, dans les circonstances de l’espèce, des conséquences manifestement excessives ;
    6. Considérant, d’autre part, que par un arrêté en date du 1er octobre 2013, a été constaté un nouveau tarif fondé sur un avenant 16B à la convention de concession de service public, publié au journal officiel de la Polynésie française le 30 septembre 2013, dont les clauses se sont ainsi substituées, à celles de l’avenant n° 16 à la dite convention de concession ;
    7. Considérant qu’eu égard à ce qui précède, et compte tenu de ce que l’arrêté litigieux n’a produit effet que du 1er novembre 2012 au 1er octobre 2013 et n’est, dès lors, plus susceptible de donner lieu à régularisation, il n’y a pas lieu de prévoir que l’annulation prendra effet à une date antérieure à celle de la décision l’ayant prononcée, soit le 8 avril 2014, mais seulement de disposer que, sous réserve des actions contentieuses engagées à cette dernière date contre les actes pris sur son fondement, les effets de l’arrêté litigieux doivent être regardés comme définitifs ;
    Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
    8. Considérant que ces dispositions font obstacle à la condamnation de la M. C., qui n’est pas la partie perdante, à verser à la Polynésie française et à la société EDT la somme que celles-ci réclament au titre des frais qu’elles ont exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’est pas inéquitable, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de M. C. le franc symbolique que ce dernier réclame sur ce même fondement ;
    DECIDE :
    Article 1er : L’arrêté n°1555/CM en date du 15 octobre 2012 constatant les prix de l’énergie électrique distribuée par la SA EDT dans sa concession est annulé.
    Article 2 : Il n’y a pas lieu de reporter la date d’effet de l’annulation de l’arrêté du conseil des ministres du 15 octobre 2012 ; toutefois, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du 8 avril 2014 contre les actes pris sur son fondement, les effets de cet arrêté antérieurs à cette annulation doivent être réputés définitifs.
    Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française, de la société EDT et de M. C. relatives à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
    Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Yves C., à la Polynésie française et à la société Electricité de Tahiti.
    Délibéré après l'audience du 11 mars 2014, à laquelle siégeaient :
    M. Tallec, président, Mme Lubrano, première conseillère, M. Reymond-Kellal, conseiller,
    Lu en audience publique le huit avril deux mille quatorze.
    La greffière,
    D. Germain
    La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Papeete, le La greffière en chef,
    D. Germain
    X
    Bienvenue.
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