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Accueil > Justice administrative > Décision n° 1300462 du 22 avril 2014

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 22/04/2014
Décision n° 1300462

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Satisfaction totale

Texte lié
  • Annulant : Délibération n° 2013-49 APF du 11/07/2013 (texte annulé)
  • Décision du Tribunal administratif n° 1300462 du 22 avril 2014

    Tribunal administratif de Polynésie française


    Vu la requête, enregistrée le 21 août 2013, présentée pour M. Oscar T., demeurant (98704), par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocats aux Conseils, qui demande au tribunal d’annuler la délibération n° 2013-49 APF du 11 juillet 2013 relative au Haut conseil de la Polynésie française ;
    Le requérant soutient que la délibération doit être annulée par voie de conséquence de la déclaration d’illégalité de la loi du pays n° 2013-17 du 11 juillet 2013 ; que, dès lors que la délibération vise un arrêté du 20 juin 2013, antérieur à l’acte soumettant le projet de loi du pays, la délibération attaquée a été prise au terme d’une procédure irrégulière ; que l’article 38 de cette délibération est illégal en tant qu’il prévoit une rémunération fixée par voie contractuelle sans critère ou plafond précis ; que cet article méconnait le principe d’égalité ; que le mode de désignation et de rémunération méconnaît le principe d’indépendance ;
    Vu la délibération attaquée ;
    Vu la mise en demeure adressée le 21 février 2014, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
    Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2014, présenté pour M. T., qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
    Le requérant soutient, en outre, que la loi du pays a été « invalidée » par le Conseil d’Etat selon la décision qu’il produit ; que le Haut conseil ne peut être un « co-législateur » ;
    Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2014, présenté pour M. T., qui maintient ses précédentes écritures ;
    Le requérant soutient, en outre, que, comme l’a jugé le Conseil d’Etat, la Polynésie française est incompétente pour créer, au moyen d’une délibération, une institution concourant à l’équilibre institutionnel de la collectivité ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2014, présenté par la Polynésie française, représentée par son président en exercice, qui conclut :
    1°) au non lieu à statuer ;
    2°) au rejet de la requête, subsidiairement à ce que les effets de l’annulation soient modulés dans le temps ;
    3°) à ce que la somme de 150 000 F CFP soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
    La Polynésie française soutient qu’en raison de l’abrogation de la délibération attaquée, par la délibération n° 2014-27 APF du 14 mars 2014, les conclusions à fin d’annulation ont perdu leur objet ; que le requérant ne fait état d’aucun intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée ; que le moyen tiré du défaut de base légale du fait de la déclaration d’illégalité de la loi du pays du 11 juillet 2013 n’est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu’il en est de même du moyen tiré de l’erreur dans les visas et de celui tiré de ce que « l’assemblée n’aurait pas exercé l’intégralité de ses pouvoirs en ne fixant le nombre des membres du Haut conseil » ainsi que de celui-tiré de la mise en place d’une rémunération fixée contractuellement ; qu’une simple erreur dans les visas de l’acte est sans influence sur sa légalité ; qu’en l’absence de lien direct entre la loi du pays et la délibération attaquée, la décision du Conseil d’Etat est sans influence sur l’issue du litige ; que, dès lors qu’elle peut créer des organes administratifs de conseil et d’expertise, les autres disposition de la délibération, qui sont divisibles de celles censurées par le Conseil d’Etat, sont légales ; qu’il en est ainsi des articles 1er à 3, 6 , 12 (dernier alinéa) et 29 (dernier alinéa) de la délibération attaquée ; qu’aucun principe général du droit, ni aucun principe constitutionnel n’interdit de fixer par la voie contractuelle les éléments de rémunération des membres d’un organe consultatif ; que ce mode de rémunération est justifié par la diversité des membres de cet organe ; que cette rémunération s’inscrira dans le cadre des crédits ouverts par l’assemblée ; qu’aucun principe ne protège l’indépendance des membres d’un organe consultatif ; qu’il appartient aux institutions de la Polynésie française d’en définir les limites ; qu’il appartient au conseil des ministres de fixer, par arrêté, les règles relatives aux conflits d’intérêt ; qu’aucune règle n’oblige à définir par une délibération le nombre des membres du Haut conseil ; qu’eu égard au risque d’illégalité des textes pour lesquels cet organe est intervenu et des conséquences excessives sur la situation personnelle des membres de cet organe, il y a lieu de moduler les effets dans le temps d’une éventuelle annulation ;
    Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2014, non communiqué, présenté pour M. T. ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la Constitution ;
    Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d’autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ;
    Vu la décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004 du Conseil constitutionnel ;
    Vu le code de justice administrative ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :
    - le rapport de M. Reymond-Kellal, conseiller ;
    - les conclusions de M. Mum, rapporteur public ;
    - les observations de Me Neuffer, substituant Me Waquet, avocat de M. T., et celles de Me Quinquis, avocat de la Polynésie française ;
    Sur le non-lieu à statuer :
    1. Considérant qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ; que, dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive ;
    2. Considérant que si, en application de l’article 8 de la délibération n° 2014-26 APF du 14 mars 2014, la délibération attaquée doit être regardée comme ayant été abrogée à compter du 3 avril 2014, il est constant, d’une part, que cette dernière a reçu exécution jusqu’à cette date et, d’autre part, que la décision portant abrogation n’est pas devenue définitive ; que, par suite, le recours de M. T. n’a pas perdu son objet ;
    Sur la fin de non recevoir opposée en défense :
    3. Considérant que la qualité de représentant siégeant à l’assemblée de la Polynésie française confère à M. T. un intérêt à agir à l’encontre de la délibération n° 2013-49 APF du 11 juillet 2013 par laquelle cette institution a créé le Haut conseil de la Polynésie française ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée en défense doit être écartée ;
    Sur les conclusions à fin d’annulation :
    4. Considérant qu’aux termes de l’article 74 de la Constitution : « Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui (…) est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe : (…) les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité (…) » ; qu’aux termes de l’article 13 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat par l’article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française » ; qu’en application du 1°) de l’article 90 de la loi organique du 27 février 2004, le conseil des ministres du gouvernement de Polynésie française fixe les règles applicables à la « création et organisation des services, des établissements publics et des groupement d’intérêt public de la Polynésie française » ;
    5. Considérant que l’article 1er de la délibération attaquée crée une « autorité consultative indépendante » dénommée « Haut conseil de la Polynésie française » ; qu’aux termes de ce même article, celui-ci « contribue à la sécurité juridique (…) à l’amélioration de la qualité et l’accessibilité du droit applicable en Polynésie française, ainsi qu’à sa diffusion (et) exerce une mission de prévention des conflits d’intérêts et de protection des règles déontologiques applicables aux titulaires de fonctions publiques. (…) » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même délibération, il « participe à la confection des lois du pays » en étant saisi pour avis par le président de la Polynésie française ou, selon l’article 3 de ladite délibération, par le président de l’assemblée de la Polynésie française ;
    6. Considérant que, eu égard à son champ d’intervention, qui couvre l’ensemble des domaines de compétence de la Polynésie française et toutes les catégories d’actes normatifs, et aux conditions dans lesquelles elle doit ou peut être saisie, aussi bien par le président de l’assemblée que par le président de la Polynésie française ou par le gouvernement, « l’autorité » ainsi créée doit être regardée, même si elle ne dispose d’aucun pouvoir de décision, comme concourant à l’équilibre institutionnel de la Polynésie française ; que, s’il est loisible à l’autorité compétente de la Polynésie française de créer des organes administratifs de conseil et d’expertise dans les différents domaines de compétence de la Polynésie française, la création du Haut conseil constitue ainsi un acte relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, qui relève de la compétence du seul législateur organique ;
    7. Considérant que si la délibération attaquée confère au Haut conseil de la Polynésie française d’autres missions que celles qui ont été analysées ci-dessus, ainsi que des dispositions relatives aux statuts de ses membres, elles constituent un ensemble indivisible ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. T. est fondé à soutenir que la délibération attaquée est entachée d’illégalité et à en demander l’annulation ;
    Sur les conséquences de l’illégalité de la délibération attaquée :
    8. Considérant qu’eu égard à l’importance du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, la circonstance que l’annulation de la délibération attaquée serait susceptible de « fragiliser la régularité des nombreux projets d’acte sur lesquels le Haut conseil s’est prononcé » n’est pas suffisante pour établir que sa disparition rétroactive entraînerait des conséquences manifestement excessives sur l’intérêt public allégué ; qu’il en est de même de la circonstance invoquée quant aux potentiels effets sur « la situation personnelle des membres et des agents » affectés au Haut conseil qui n’est pas d’une importance telle qu’elle justifie qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses ; que, par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la Polynésie française tendant à ce que les effets de l’annulation de la délibération attaquée soient modulés dans le temps ;
    Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
    9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de M. T., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la Polynésie française au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
    DECIDE :
    Article 1er : La délibération n° 2013-49 APF du 11 juillet 2013 relative au Haut conseil de la Polynésie française est annulée.
    Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
    Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Oscar T., au président de l’assemblée de la Polynésie française et à la Polynésie française.
    Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, à laquelle siégeaient :
    M. Tallec, président, Mme Lubrano, première conseillère, M. Reymond-Kellal, conseiller.
    Lu en audience publique le vingt-deux avril deux mille quatorze.
    La greffière,
    D. Germain
    La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
    Pour expédition, Un greffier,
    X
    Bienvenue.
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