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Accueil > Justice administrative > Ordonnance n° 2000277 du 11 mai 2020

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 11/05/2020
Décision n° 2000277

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet

Texte attaqué

Ordonnance du Tribunal administratif n° 2000277 du 11 mai 2020

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2020, et un mémoire récapitulatif enregistré le 8 mai 2020, présentés par Me Aureille, M. Jean- Paul T., M. Michel G., M. Thierry S. et M. Philippe C. demandent au juge des référés:
- sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté n°394/CM du 8 avril 2020, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les conclusions de leur requête tendant à son annulation ; d’interdire au président de la Polynésie française, à titre provisoire, de restreindre la liberté de prescription des médecins libéraux ;
- sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la Polynésie française à leur verser la somme de 200.000 F CFP.
Ils soutiennent que :
- ils disposent d’un intérêt à agir, en leur double qualité de médecins et de citoyens ;
- l’urgence est caractérisée, eu égard à la restriction apportée au libre exercice de la médecine et à la liberté de prescription qui lui est inhérente, aux conséquences pour la santé de la population et au délai de jugement de la demande d’annulation ;
- la référence à la théorie des « circonstances exceptionnelles » n’est pas pertinente ;
- le gouvernement de la Polynésie française a excédé sa compétence en prenant les dispositions litigieuses, dès lors notamment que le décret n°2020-314 ne visait que le Plaquenil, alors que l’arrêté ajoute la Nivaquine et le Kaletra ; la délibération n°88-153 AT du 20 octobre 1988 ne peut justifier la compétence de la Polynésie française, dès lors que la distribution des médicaments n’a rien à voir avec la liberté de prescription des médecins ;
- le décret n°2020-314 est illégal, le Premier ministre ne pouvant prendre dans le cadre défini par l’état d’urgence sanitaire des mesures restreignant la liberté de prescription des médecins ;
- l’arrêté est illégal du fait de son caractère arbitraire et du défaut de lisibilité et d’intelligibilité de la norme.
Par un mémoire enregistré le 8 mai 2020, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- il y a lieu de faire application de la théorie jurisprudentielle des « circonstances exceptionnelles » résultant de la crise sanitaire qui a contraint la collectivité d’outre-mer à adopter les mesures contestées ; - la condition d’urgence n’est pas remplie ; en effet, la motivation des requérants est insuffisante, générale, abstraite et imprécise ; il importe de faire la balance des intérêts en jeu ;
- concernant la compétence de la Polynésie française, une omission ou une erreur affectant les visas est sans incidence ; la Polynésie française n’a fait qu’exercer ses compétences propres, fixées par la loi organique statutaire, en réglementant la prescription et la dispensation de médicaments , et elle peut fixer des dispositions plus contraignantes que celles édictées par la réglementation en vigueur en métropole ; le décret n°2020-293 et l’arrêté litigieux présentent des rédactions proches ; la « loi du pays » n°2020-11 du 21 avril 2020 renforce le cadre juridique d’intervention du conseil des ministres en la matière ; - le moyen tiré de l’exception d’illégalité du décret n°2020-314 du 25 mars 2020 est inopérant ; - l’article 1er de l’arrêté contesté n’a pas pour objet d’interdire aux médecins, de manière absolue, de prescrire les spécialités concernées, mais d’encadrer leurs prescriptions en les limitant aux termes de leur AMM ; les patients atteints du covid-19 peuvent se voir prescrire ces spécialités au CHPF ; l’efficacité du traitement n’est pas établie par les dernières études.
Vu la décision attaquée, la requête enregistrée sous le n°2000276 tendant notamment à son annulation et les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la « loi du pays » n°2020-11 du 21 avril 2020 ;
- la délibération n°88-153 AT du 20 octobre 1988 ;
- la délibération n°96-115 APF du 10 octobre 1996 ;
- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
- le décret n°2020- 293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n°2020-314 du 25 mars 2020 ;
- l’arrêté n°394 CM du 8 avril 2020 portant dispositions relatives à la mise à disposition de certains médicaments dans le cadre de la lutte contre la propagation du covid-19 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique, Me Aureille, représentant M. T. et autres, et M. Le Bon, représentant la Polynésie française, qui ont repris les moyens et arguments sus analysés.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience, le lundi 11 mai 2020 à 15h30.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) »
2. Par arrêté n°394 CM du 8 avril 2020, le président de la Polynésie française a édicté diverses dispositions relatives à la mise à disposition de certains médicaments dans le cadre de la lutte contre la propagation du covid-19. L’article 1er de cet arrêté précise : « Les spécialités pharmaceutiques PLAQUENIL, NIVAQUINE, KALETRA, ainsi que les préparations à base d’hydroxychloroquine, de chloroquine ou à la base de l’association lopinavir/ritonavir, ne peuvent être prescrites que dans le strict respect de leurs autorisations de mise sur le marché ». Il résulte de l’article 2 du même texte que les spécialités et préparations mentionnées à l’article 1er ne peuvent être dispensées par les pharmaciens d’officine « que dans le cadre d’une prescription initiale hospitalière annuelle ou émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie, ou dans le cadre d’un renouvellement de prescription émanant de tout médecin ». Enfin l’article 3 dudit arrêté définit les modalités de prescriptions aux patients atteints par le covid-19, de l’hydroxychloroquine et de l’association lopinavir/ritonavir.
3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que l’exécution de la décision soit suspendue.
4. Pour justifier l’urgence qu’il y aurait à suspendre l’exécution de l’arrêté litigieux, M. T. et autres se bornent à invoquer l’atteinte à la liberté de prescription des médecins libéraux et l’impact pour la santé de la population, sans apporter le moindre élément précis à l’appui de leur pétition de principe. Or, d’une part, si les dispositions en cause restreignent effectivement la prescription des spécialités et préparations mentionnées au point 2, elles ne les interdisent pas. Et d’autre part, les dernières données sanitaires communiquées par les autorités compétentes permettent d’établir la maîtrise de l’évolution de l’épidémie de covid-19 en Polynésie française, où, à la date de la rédaction de la présente ordonnance, quatre personnes font encore l’objet d’un suivi médical à raison d’une infection par le virus, dont une seule en hospitalisation, et où aucun décès n’est à déplorer. Dans ces conditions, et alors que le contexte de rareté et de difficulté d’approvisionnement desdites spécialités et préparations invoqué par la Polynésie française n’est pas sérieusement contesté par les requérants, la condition d’urgence exigée par les dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative, que le juge des référés, juge des évidences, doit apprécier objectivement et globalement, ne peut en l’espèce être regardée comme remplie.
5. Il résulte de ce qui précède que M. T. et autres ne sont pas fondés à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté n°394 CM du 8 avril 2020 portant dispositions relatives à la mise à disposition de certains médicaments dans le cadre de la lutte contre la propagation du covid-19 . Par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter leurs conclusions aux fins d’injonction, ainsi que celles présentées au titre de l’article L.761-1 du même code.
ORDONNE
Article 1er : La requête de M. Jean-Paul T., M. Michel G., M. Thierry S. et M. Philippe C. est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. T., M. G., M. S. et M. C., et à la Polynésie française.
Fait à Papeete, le 11 mai 2020.
Le président, Le greffier,
J.-Y. Tallec M. Estall
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme, Un greffier,
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