Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 15/12/2020 Décision n° 1900473 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1900473 du 15 décembre 2020 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 25 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 19 août 2020, Mme Hina T. demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté HC 733 du 7 novembre 2019 en tant qu’il s’appuie sur la matrice cadastrale pour valider l’identité des « propriétaires déclarés d’utilité publique » en son article 4 ; 2°) d’annuler les avis favorables du commissaire enquêteur sur les enquêtes portant sur la protection et l’exploitation du site de captage et délimitation parcellaire de l’article 4 ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 150 000 FCFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme T. soutient que : possédant des droits indivis sur la terre Manua elle a qualité à agir ; le tomite, lui conférant des droits indivis, a une autorité supérieure sur le plan cadastral ; l’avis du commissaire enquêteur méconnait le litige sur le titre de propriété ; le document d’enquête demandé au haut-commissaire ne lui a pas été transmis ; le projet de déclaration d’utilité publique (DUP) n’a pas été présenté à l’instance de gouvernance collégiale, le conseil de gestion de la vallée de la Punaru’u, qui n’a pas été consulté ; le plan géographique de captage de Te Oropaa se situe en fond de vallée où les parcelles ont été déclarées d’utilité publique ; or, la route en aval depuis le portail, à la fin de la zone industrielle est privée jusqu’au fond de la vallée ; l’article 1er de l’arrêté est abusif dès lors qu’il permet de passer par une route privée, exsangue de DUP pour déclarer d’utilité publique des parcelles en fond de vallée. Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2020, le haut- commissaire de la République en Polynésie française conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable dès lors que la requérante ne justifie pas d’un intérêt à agir, et n’est pas fondée. Par une ordonnance du 20 aout 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 4 septembre 2020. Le mémoire du haut-commissaire enregistré le 7 septembre 2020, arrivé après la clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué en application de l’article R 611-1 du code de justice administrative. Vu la décision attaquée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable en Polynésie française ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Retterer, premier conseiller, - les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteur public, - les observations de Mme T., et celles de M. Bakowiez, représentant l’Etat. Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 13 février 2019, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a ordonné deux enquêtes publiques préalables à la déclaration d’utilité publique en vue d’assurer la maitrise foncière des parcelles de terres où se situent les ouvrages de captage et de traitement de l’eau de la rivière Punaruu, au profit du syndicat intercommunal Te Oropaa. L’enquête parcellaire en vue de délimiter exactement les parcelles de terres nécessaires à la réalisation de cette opération portait notamment sur la parcelle K1-1 « Manua-Vaimoora », devenue K1-16. Par arrêté n° HC 733 du 7 novembre 2019, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a déclaré d’utilité publique la protection et l’exploitation du site de captage et de traitement de la rivière Punaruu dans la commune de Punaauia par le syndicat intercommunal Te Oropaa et ordonné la cessibilité en partie des terres « Manua-Vaimoora » nécessaires à la protection et exploitation du site. Mme T. a adressé un recours administratif auprès du haut-commissaire de la République en Polynésie française le 22 novembre 2019. En l’absence de réponse, Mme T. conteste la légalité de cet arrêté du 7 novembre 2019. Sur les conclusions à fin d’annulation : Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense : 2. En premier lieu, il ne résulte d’aucune disposition du code de l’expropriation applicable en Polynésie française, ni d’aucun autre texte, que le haut-commissaire de la République en Polynésie française aurait dû présenter le projet de déclaration d’utilité publique pour consultation à l’instance de gouvernance collégiale du conseil de gestion, de protection et de valorisation de la vallée de la Punaru’u, créé par la commune de Punaauia, par délibération du 30 septembre 2014. Par suite, le moyen ne peut être qu’écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 11-12 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable en Polynésie française : « — Toute personne physique ou morale concernée peut demander communication des conclusions motivées du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête. / Les demandes de communication de ces conclusions doivent être adressées au préfet du département dans lequel se trouve la commune où l'enquête a été ouverte. Celui-ci peut inviter le demandeur à prendre connaissance de ces conclusions à l'une des mairies dans lesquelles une copie de ce document a été déposée, soit lui en adresser une copie, soit assurer la publication desdites conclusions en vue de leur diffusion aux demandeurs ». 4. Mme T. ne peut utilement soutenir, pour contester l’arrêté attaqué, que le rapport d’enquête demandé au haut-commissaire ne lui aurait pas été transmis en méconnaissance des dispositions précitées, dès lors que ce document n’a été demandé que le 22 novembre 2019 par la requérante, soit postérieurement à l’arrêté attaqué. En tout état de cause, le haut- commissaire de la République en Polynésie française a communiqué à Mme T., par courrier du 31 décembre 2019, le rapport du commissaire enquêteur en date du 24 avril 2019 sur la base duquel a été pris l’arrêté litigieux. Par suite, le moyen ne peut être qu’écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable en Polynésie française : « — Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier avec ses conclusions soit au préfet si l'enquête est ouverte à la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est transmis, le cas échéant, par le préfet au sous-préfet avec son avis ». 6. Les dispositions précitées de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation impliquent que le commissaire enquêteur indique, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis favorable ou non à l’opération d’utilité publique. Elles n’impliquent pas que le commissaire enquêteur, lorsqu’il analyse les observations consignées au registre, se prononce sur les litiges de propriété portant sur des parcelles concernées par l’opération, ni sur la fiabilité des titres de propriétés des propriétaires concernant ces mêmes parcelles. Ainsi, le moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur a méconnu le litige sur le titre de propriété de la parcelle K1-1 « Manua » entre les ayants droit Vahinehau a X. et les consorts X., ne peut être, en tout état de cause, qu’écarté. 7. En quatrième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique. 8. Il ressort du dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et d’enquête parcellaire en date de février 2019, et du rapport d’enquête du commissaire enquêteur en date du 24 avril 2019, que le projet en cause, qui vise la maitrise foncière des parcelles des terres où se situent les ouvrages de captage et de traitement de l’eau de la rivière Punaruu, a pour objet la protection et l’exploitation du site de captage et de traitement de la rivière. Il vise à permettre au syndicat intercommunal Te Oropaa, notamment d’implanter de nouveaux ouvrages d’adduction en eau potable nécessaires pour améliorer la qualité de l’eau servie aux usagers. Un projet d’éco-pédagogie vise aussi à la sensibilisation du public à la préservation de la ressource en eau et à la protection de l’environnement. Le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet, « sous réserve de la prise en compte de ses recommandations », le regardant de nature à sécuriser et améliorer la qualité de l’eau potable pour les usagers. En se bornant à alléguer que pour accéder au plan géographique de captage de Te Oropaa situé en fond de vallée, il est nécessaire d’emprunter une route privée en aval, Mme T. n’établit pas que l’article 1er de l’arrêté litigieux qu’elle critique porterait une atteinte excessive à l’intérêt général en incluant dans le périmètre d'expropriation une parcelle sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme T. n’est pas fondée à demander l’annulation, ni de l’arrêté attaqué, ni, en tout état de cause, de l’avis favorable du commissaire enquêteur. Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, dans la présente instance. DECIDE : Article 1er : La requête présentée par Mme T. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme Hina T., et au haut- commissaire de la République en Polynésie française. Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, M. Retterer, premier conseiller, M. Katz, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020. Le greffier, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |