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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 13/04/2021
Décision n° 2000477

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Désistement

Décision du Tribunal administratif n° 2000477 du 13 avril 2021

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juillet 2020, le 5 février 2021 et le 24 février 2021, la société commerciale de Raiatea, la société commerciale de Tahiti Iti et la société commerciale du Prince Hinoi, représentées par Me Millet, demandent au tribunal :
1°) d’annuler l’article 2 de l’arrêté du conseil des ministres de la Polynésie française du 27 mai 2020, ensemble l’article 1er de l’arrêté du même conseil du 18 juin 2020, ayant modifié la rédaction du premier paragraphe de l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 réglementant la vente des boissons alcoolisées ;
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 500 000 F CFP en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l’arrêté du 27 mai 2020 est entaché d’incompétence en ce qu’il interdit de manière absolue le commerce des boissons alcooliques réfrigérées, alors que l’article 7 de la délibération du 4 septembre 1959 ne donne compétence au conseil des ministres que pour déterminer les heures auxquelles la vente à emporter de boissons alcoolisées est interdite ;
- la réglementation attaquée porte une atteinte injustifiée à la liberté du commerce et de l’industrie ; les restrictions à cette liberté ne se fondent sur aucun fait précis ; la réglementation attaquée a entrainé une importante baisse de l’activité des sociétés requérantes ;
- le premier paragraphe de l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 réglementant la vente des boissons alcoolisées, dans sa rédaction issue des articles 2 de l’arrêté du 27 mai 2020 et de l’article 1er de l’arrêté du 18 juin 2020, introduit une discrimination en défaveur des sociétés requérantes, dans la mesure où ces dernières ne sont pas autorisées à commercialiser des boissons alcoolisées réfrigérées, contrairement à ce qui est prévu pour les magasins spécialisés en vente de boissons alcoolisées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.
Vu les arrêtés attaqués et les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 59-53 du 4 septembre 1959 réglementant le commerce des boissons ;
- l’arrêté n° 2829 AA du 27 novembre 1961 fixant les heures d’ouverture des débits de boissons ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Katz,
- les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteur public,
- et les observations de Me Millet représentant les sociétés requérantes, et celles de Mme Izal représentant la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. Par un mémoire enregistré le 5 février 2021, la société de Tahiti Iti a déclaré se désister de l’instance. Rien ne s’oppose à ce qu’il lui en soit donné acte.
2. Par arrêté n° 624 CM du 27 mai 2020, le conseil des ministres de la Polynésie française a modifié, à compter du 2 juin 2020, le premier paragraphe de l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 susvisé en le rédigeant de la manière suivante : « Etablissements vendant des boissons à emporter (1re et 2e classes) : - pour les boissons alcooliques et les boissons d’alimentation non réfrigérées : la vente est autorisée du lundi au samedi de 8 heures à 18 heures et la vente est interdite le dimanche et les jours fériés ; - pour les boissons alcooliques et les boissons d’alimentation réfrigérées : la vente est totalement interdite ». Par arrêté n° 797 CM du 18 juin 2020, le conseil des ministres de la Polynésie française a complété la rédaction du premier paragraphe de l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 susvisé en ajoutant la phrase suivante : « Néanmoins, les commerces de détail de boissons en magasin spécialisé sont autorisés à vendre à emporter des boissons alcooliques réfrigérées et des boissons d’alimentation réfrigérées du lundi au samedi de 8 heures à 18 heures ; la vente des boissons alcooliques réfrigérées et des boissons d’alimentation réfrigérées est totalement interdite le dimanche et les jours fériés ». Eu égard aux moyens soulevés dans la requête introductive d’instance, réitérés dans le mémoire en réplique enregistré le 24 février 2021, les conclusions à fin d’annulation présentées par la société commerciale de Raiatea et la société commerciale du Prince Hinoi, doivent être regardées comme dirigées contre l’article 2 de l’arrêté du conseil des ministres de la Polynésie française du 27 mai 2020 et l’article 1er de l’arrêté du même conseil du 18 juin 2020 ayant modifié la rédaction du premier paragraphe de l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 susvisé.
3. En premier lieu, aux termes de l’article 7 de la délibération n° 59-53 du 4 septembre 1959 réglementant le commerce des boissons, dans sa rédaction issue de la « loi du pays » n° 2014-4 du 28 janvier 2014 : « Il est interdit de vendre à emporter des boissons alcooliques réfrigérées ou des boissons d’alimentation réfrigérées aux heures fixées par arrêté pris en conseil des ministres ».
4. Par ces dispositions, l’Assemblée de la Polynésie française, à qui il est loisible de définir et de mettre en œuvre une réglementation destinée à satisfaire l’intérêt général qui s’attache à la protection de la santé, a délégué au conseil des ministres le pouvoir de définir seulement la plage horaire durant laquelle peut être interdite la vente à emporter de boissons alcooliques réfrigérées ou de boissons d’alimentation réfrigérées. Dès lors, en interdisant totalement la vente de telles boissons dans les magasins dits « non spécialisés » et en interdisant cette vente les dimanches et jours fériés durant toute la journée dans les magasins dits « spécialisés », le conseil des ministres a méconnu l’étendue de sa compétence.
5. En deuxième lieu, le respect de la liberté du commerce et de l’industrie implique que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
6. L’objectif de la réglementation attaquée est d’assurer la protection de la santé publique en limitant la consommation de boissons alcoolisées. Toutefois, les éléments versés au dossier par la Polynésie française pour justifier les restrictions définies par cette réglementation reposent sur des considérations générales sur la situation de l’alcoolisme en Polynésie française, qui ont été émises par l’Organisation mondiale de la santé en 2010 et n’ont pas été mises à jour, sur les données relatives à l’évolution des accidents de la route sur le territoire entre 2016 et 2019, lesquelles données montrent une diminution constante des accidents graves, ainsi qu’une diminution de la part de l’alcoolémie dans les causes de survenance de ces accidents et, enfin, sur des éléments concernant les jeunes gens âgés de 13 à 17 ans, pour lesquels la vente d’alcool est interdite indépendamment de la réglementation litigieuse. Compte tenu des motifs ainsi avancés par la Polynésie française, les restrictions à la liberté du commerce et de l’industrie apportées par les actes attaqués doivent être regardées comme disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi.
7. En troisième et dernier lieu, l’arrêté du conseil des ministres du 18 juin 2020 a introduit une exception à l’interdiction de commercialiser des boissons alcooliques réfrigérées et des boissons d’alimentation réfrigérées au bénéfice des seuls « commerces de détail de boissons en magasin spécialisé » et uniquement du lundi au samedi, de 8 heures à 18 heures. S’il est vrai qu’une interdiction de commercialiser des boissons alcoolisées réfrigérées peut répondre à l’objectif de santé publique visant à limiter la consommation immédiate d’alcool, la Polynésie française fait valoir que les magasins dits « spécialisés » échappent en grande partie à une telle interdiction car leurs armoires réfrigérées seraient exclusivement destinées à conserver les qualités gustatives des boissons proposées à la vente. Elle indique également que ces magasins vivent du seul commerce de l’alcool et proposent des produits « de sélection ». Toutefois, au regard de l’objectif en vue duquel a été adoptée la réglementation litigieuse, les magasins spécialisés en vente de boissons alcoolisées ne sont pas dans une situation différente de celle des magasins proposant à la vente, outre des boissons alcoolisées, d’autres produits. La différence de traitement résultant de la règlementation attaquée n’est justifiée par aucune considération d’intérêt général. Par suite, l’article 1er de l’arrêté du 27 novembre 1961 susvisé, dans sa rédaction issue des dispositions attaquées des arrêtés du 27 mai 2020 et du 18 juin 2020, méconnaît le principe d’égalité en tant qu’il autorise les seuls magasins dit « spécialisés » à vendre des boissons alcooliques réfrigérées et des boissons d’alimentation réfrigérées du lundi au samedi de 8 heures à 18 heures.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l’article 2 de l’arrêté du conseil des ministres de la Polynésie française du 27 mai 2020 et l’article 1er de l’arrêté du même conseil du 18 juin 2020 doivent être annulés.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 F CFP au titre des frais exposés par la société commerciale de Raiatea et la société commerciale du Prince Hinoi.
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance de la société Tahiti Iti.
Article 2 : L’article 2 de l’arrêté du conseil des ministres de la Polynésie française du 27 mai 2020 et l’article 1er de l’arrêté du même conseil du 18 juin 2020 sont annulés.
Article 3 : La Polynésie française versera à la société commerciale de Raiatea et à la société commerciale du Prince Hinoi, ensemble, la somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société commerciale de Raiatea, à la société commerciale de Tahiti Iti, à la société commerciale du Prince Hinoi et à la Polynésie française.
Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l’audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Devillers, président,
M. Katz, premier conseiller,
M. Retterer, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
Le rapporteur,
D. Katz
Le président,
P. Devillers
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,
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