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Accueil > Justice administrative > Décision n° 2000273 du 15 décembre 2020

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 15/12/2020
Décision n° 2000273

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet

Texte attaqué

Décision du Tribunal administratif n° 2000273 du 15 décembre 2020

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 avril 2020 et le 3 novembre 2020, M. René Georges X. demande au tribunal :
1°) d’annuler l’article 1er de l’arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 18 avril 2020, en tant qu’il prolonge jusqu’au 29 avril 2020 les mesures portant interdiction de déplacement hors du domicile sur les îles de Tahiti, Moorea et Maiao ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 500 001 F CFP en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir contre l’arrêté attaqué car il réside à Tahiti ;
- l’arrêté attaqué a été pris sur le fondement d’un décret d’application de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2020, alors que cette loi ne vise que les préfets et les départements ; le premier ministre ne pouvait légalement étendre cette loi à la Polynésie française, comme il l’a fait par son décret n° 2020-432 du 16 avril 2020, car l’article 3 de la même loi prévoit la possibilité d’habiliter le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures d’adaptation destinées à adapter le dispositif de l’état d’urgence sanitaire en Polynésie française, dans le respect des compétences de cette collectivité ;
- à supposer que l’article L. 3131-17 du code de la santé publique puisse s’appliquer à la Polynésie française, les mesures concernées ne doivent s’appliquer que lorsque le champ géographique qu’elles visent n’excède pas le territoire d’un département ; or, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national ; par ailleurs, aucun décret en conseil des ministres, pris sur le fondement du 2ème alinéa de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, n’en a limité l’application à certaines circonscriptions territoriales ;
- pour toutes ces raisons, le haut-commissaire de la République en Polynésie française était incompétent pour prendre l’acte attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2020, le haut-commissaire de la République en Polynésie française conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête.
Il fait valoir que l’arrêté du 18 avril 2020 a été abrogé par l’article 15 de l’arrêté du 28 avril 2020.
Par ordonnance du 20 octobre 2020, la clôture d’instruction a été fixée au 20 novembre 2020.
Vu l’arrêté attaqué et les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifié ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Katz,
- les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteur public,
- et les observations de M. Bakowiez représentant le haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° n° 2020-290 du 23 mars 2020 : « Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions. / Lorsque les mesures prévues aux 1° à 9° de l’article L. 3131-15 et à l’article L. 3131-16 doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, les autorités mentionnées aux mêmes articles L. 3131-15 et L. 3131-16 peuvent habiliter le représentant de l’Etat dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé ». Aux termes de l’article 3 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures d’adaptation destinées à adapter le dispositif de l’état d’urgence sanitaire dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, dans le respect des compétences de ces collectivités (…) ». Selon le 2ème alinéa de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 : « L’état d’urgence sanitaire entre en vigueur sur l’ensemble du territoire national ».
2. Aux termes du III de l’article 3 du décret 2020-293 du 23 mars 2020, dans sa version issue du décret n° 2020-432 du 16 avril 2020, en vigueur à la date de l’arrêté attaqué : « Le représentant de l’Etat dans le département est habilité à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent. / Toutefois, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le représentant de l’Etat est habilité à prendre des mesures d’interdiction proportionnées à l’importance du risque de contamination en fonctions des circonstances locales, après avis de l’autorité compétente en matière sanitaire, notamment en les limitant à certaines parties du territoire ».
Sur l’exception de non-lieu :
3. Si le haut-commissaire de la République en Polynésie française fait valoir que l’article 15 de son arrêté du 28 avril 2020 a abrogé l’arrêté attaqué du 18 avril 2020, ce dernier n’a pas disparu rétroactivement de l’ordonnancement juridique et a reçu exécution. Il en résulte que, contrairement à ce qu’il est soutenu en défense, les conclusions à fin d’annulation présentées par M. X. n’ont pas perdu leur objet. Il y a donc lieu d’y statuer.
Sur les conclusions de la requête :
4. En premier lieu, les dispositions précitées de l’article 3 de la loi du 23 mars 2020 ont prévu la possibilité d’habiliter le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures d’adaptation destinées à adapter le dispositif de l’état d’urgence sanitaire en Polynésie française, dans le respect des compétences de cette collectivité. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le premier ministre habilite le haut-commissaire de la République en Polynésie française à prendre les mesures générales ou individuelles d’application des dispositions mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16 et ce, sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique qui, en visant « le représentant de l’Etat territorialement compétent », ne s’applique pas exclusivement aux préfets des départements. Par suite, le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité du III de l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifié par le décret n° 2020-432 du 16 avril 2020, doit être écarté.
5. En second lieu, la circonstance que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur tout le territoire français ne fait pas obstacle à ce que le premier ministre habilite, sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique, le haut-commissaire de la République en Polynésie française à prendre, pour le seul territoire de la Polynésie française, toutes les mesures générales ou individuelles d’application des articles L. 3131-15 et L. 3131-16 et ce, alors même qu’aucun décret en conseil des ministres n’a limité l’application de l’état d’urgence sanitaire à la Polynésie française.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le haut-commissaire de la République en Polynésie française, dûment habilité par le III de l’article 3 du décret du 23 mars 2020 modifié par le décret du 16 avril 2020, était compétent pour édicter l’article 1er de l’arrêté du 18 avril 2020 prolongeant jusqu’au 29 avril 2020 les mesures portant interdiction de déplacement hors du domicile sur les îles de Tahiti, Moorea et Maiao. Par suite, les conclusions à fin d’annulation présentées par M. X. doivent être rejetées de même que, en conséquence, celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X. est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. René Georges X. et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l’audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Devillers, président,
M. Katz, premier conseiller,
M. Retterer, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le rapporteur,
D. Katz
Le président,
P. Devillers
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,
X
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