Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 25/02/2020 Décision n° 1900249 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 1900249 du 25 février 2020 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 17 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 20 août 2019, M. Arihi R. demande au tribunal : 1°) d’annuler les articles 5 et 20 de l’arrêté n° 993 CM du 20 juin 2019 portant diverses dispositions relatives à l’assurance vieillesse et autres mesures d’ordre social ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 50 000 F CFP en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative. Il soutient que : - la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019 a été promulguée en février 2019 ; le conseil d’orientation et de suivi des retraites a rendu un avis le 4 juin 2019 proposant de fixer les taux d’abattement à compter du 1er juillet 2019 et proposant de fixer la date limite pour pouvoir bénéficier d’une retraite sans abattement au 31 mai 2019 ; l’administration ne l’a pas informé de cet avis et du changement de réglementation ; - les dispositions attaquées ont une portée rétroactive ; - les dispositions attaquées méconnaissent le principe de sécurité juridique ; - les dispositions attaquées lui créent un préjudice économique ; Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2019, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - le requérant est à l’origine du préjudice économique qu’il allègue ; il n’a donc pas intérêt à agir contre les dispositions attaquées ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 16 septembre 2019 la clôture d’instruction a été fixée au 4 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code du travail de la Polynésie française ; - la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019 portant diverses dispositions relatives à l’assurance vieillesse et autres mesures d’ordre social ; - la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 portant institution d’un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française ; - la délibération n° 95-180 AT du 26 octobre 1995 instituant un régime de retraite tranche B au profit des ressortissants du régime général des salariés ; - l’arrêté n° 993 CM du 20 juin 2019 portant diverses dispositions relatives à l’assurance vieillesse et autres mesures d’ordre social ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Katz, - les conclusions de M. Retterer, rapporteur public, - et les observations de M. Le Bon représentant la Polynésie française. 1. M. Ahiri R., agent contractuel de la Polynésie française, a atteint l’âge de soixante ans le 31 juillet 2018. A cette date, il avait atteint l’âge légal de mise à la retraite, alors fixé à soixante ans, et acquis une durée de cotisations suffisante pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, soit plus de trente-cinq ans. Il a néanmoins souhaité poursuivre son activité salariée et a obtenu, par courrier du 1er août 2018, l’autorisation de prolonger cette activité jusqu’au 31 juillet 2019. Le 16 mai 2019, M. R. a indiqué vouloir avancer son départ à la retraite au 31 mai 2019, demande à laquelle il a été fait droit par décision du 29 mai 2019. Toutefois, par courrier du 3 juin 2019, M. R. a indiqué à l’administration qu’il souhaitait finalement bénéficier d’une mise à la retraite au 31 juillet 2019. Par courrier du 28 juin 2019, la direction générale des ressources humaines de la Polynésie française a informé M. R. qu’en application des dispositions de l’article LP 1223-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019, il ne pourrait être mis à la retraite au 31 juillet 2019, faute d’avoir atteint, à cette date, l’âge minimum de soixante-deux ans fixé par les nouvelles dispositions de la « loi du pays » pour une mise à la retraire par l’employeur. Par ce même courrier, l’administration a indiqué à l’intéressé qu’il conservait la possibilité de solliciter un départ volontaire à compter du 31 juillet 2019. 2. Par sa requête, M. R. demande l’annulation des articles 5 et 20 de l’arrêté n° 993 CM du 20 juin 2019, pris pour l’application de la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019, fixant les taux d’abattement applicables aux tranches A et B de la pension de retraite versée aux travailleurs salariés de la Polynésie française. Sur les conclusions à fin d’annulation : 3. Aux termes de l’article 5 de l’arrêté susvisé du 20 juin 2019 : « Les dispositions suivantes sont prises pour l’application des articles LP. 4-2 à LP. 4-6, 5 et LP. 5-5 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 modifiée portant institution d’un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française : / 1° Le montant de la pension de retraite du régime de retraite des travailleurs salariés visée à l’article LP. 4-6 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 modifiée est affecté d’un abattement proportionnel au nombre de trimestres manquants, apprécié à la date de l’entrée en jouissance de la pension, pour atteindre l’âge “légal” et la durée d’assurance suffisante, prévus respectivement à l’article LP. 4 et à l’article LP. 4-2 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 modifiée en considérant les fractions de trimestre comme un trimestre entier manquant. 2° (remplacé, Ar 993 CM du 20/06/2019, art. 36) “Cet abattement correspond à la somme des taux suivants par trimestre manquant : - 1,5 % par trimestre manquant pour atteindre l’âge “légal” ; - 0,5 % par trimestre manquant pour atteindre la durée d’assurance suffisante. / L’abattement proportionnel au nombre de trimestres manquants pour atteindre la durée d’assurance suffisante ne peut excéder 30 %. “/ 3° Ne sont affectés d’aucun abattement : - le montant de la pension de retraite prévue à l’article LP. 4-2 ; - le montant de la pension de retraite prévue à l’article LP. 4-3 ; - le montant de la pension de retraite anticipée pour travaux pénibles prévue à l’article 5 ; - le montant de la pension de retraite anticipée pour inaptitude au travail prévue à l’article LP. 5-5 ». 4. Aux termes de l’article 20 du même arrêté : « Les dispositions suivantes sont prises pour l’application des articles LP. 2-2 à LP. 2-6 et LP. 3 de la délibération n° 95-180 AT du 26 octobre 1995 modifiée instituant un régime de retraite tranche B au profit des ressortissants du régime général des salariés : 1°Le montant de la pension de retraite du régime de retraite tranche B prévue à l’article LP. 2-6 est affecté d’un abattement proportionnel au nombre de trimestres manquants, apprécié à la date de l’entrée en jouissance de la pension, pour atteindre l’âge “légal” et la durée d’assurance suffisante, prévus respectivement à l’article LP. 2 et à l’article LP. 2-2 de la délibération n° 95-180 AT du 26 octobre 1995 modifiée en considérant les fractions de trimestre comme un trimestre entier manquant ; / 2° Cet abattement correspond à la somme des taux suivants par trimestre manquant : - 1 % par trimestre manquant pour atteindre l’âge “légal” ; - 0,5 % par trimestre manquant pour atteindre la durée d’assurance suffisante. L’abattement proportionnel au nombre de trimestres manquants pour atteindre la durée d’assurance suffisante ne peut excéder 30 %. / 3°Ne sont affectés d’aucun abattement : - le montant de la pension de retraite prévue à l’article LP. 2-2 ; - le montant de la pension de retraite prévue à l’article LP. 2-3 ; - le montant de la pension de retraite anticipée pour inaptitude au travail prévue à l’article LP. 3 ». 5. En premier lieu, en vertu de l’article 35 de l’arrêté n° 993 CM du 20 juin 2019, « les dispositions du présent arrêté s’appliquent aux divers avantages de retraite et allocations constituant le minimum vieillesse, dont l’entrée en jouissance est fixée à compter du 1er juillet 2019 ». Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées auraient un effet rétroactif doit être écarté. 6. En deuxième lieu, les dispositions attaquées renvoient à « l’âge légal » de départ à la retraite, lequel a été fixé par les articles LP 2 et LP 46 de la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019, modifiant respectivement les articles LP 4 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 et LP 2 de la délibération n° 95-180 AT du 26 octobre 1995, à soixante ans à partir du 1er juillet 2019, avec une augmentation de six mois au 1er janvier de chaque année civile suivante, pour atteindre progressivement soixante-deux ans. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, les taux d’abattement édictés par les textes attaqués, qui sont soumis à un régime transitoire dans leur mise en œuvre, n’ont pas méconnu le principe de sécurité juridique. Par ailleurs, il est vrai que l’article LP 100 de la « loi du pays » du 1er février 2019 a modifié l’article LP 1223-6 du code du travail de la Polynésie française en substituant l’âge de soixante-deux ans à celui de soixante ans, auparavant considéré comme condition de rupture du contrat de travail pour mise à la retraite du salarié, sans prévoir aucune transition ou progressivité dans cette substitution. Cependant, cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, est sans incidence sur la légalité des dispositions attaquées de l’arrêté du 20 juin 2019 qui se bornent à fixer les taux d’abattement applicables aux tranches A et B de la pension de retraite versée aux travailleurs salariés de la Polynésie française. 7. En troisième lieu, M. R. ne peut utilement se prévaloir de ce qu’il n’a pas été informé de l’avis du conseil d’orientation et de suivi des retraites émis avant l’arrêté du 20 juin 2019, ni de ce que l’administration ne l’a pas informé du changement des taux d’abattement qu’elle envisageait d’adopter dans le cadre de la réforme instituée par la « loi du pays » n° 2019-6 du 1er février 2019. 8. En quatrième lieu et enfin, la circonstance alléguée que les articles 5 et 20 de l’arrêté du 20 juin 2019 causeraient un préjudice économique à M. R. est sans incidence sur la légalité desdits articles. Au demeurant, le préjudice allégué ne peut résulter d’une minoration de la pension susceptible d’être servie à M. R., dès lors qu’à la date du 31 juillet 2018 comme à celle du 31 juillet 2019, le requérant se trouvait soumis aux même conditions d’âge et de durée de cotisations pour prétendre à une retraite à taux plein. 9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. R. doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense. Sur les conclusions présentées au titre des frais liés au litige : 10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française la somme demandée par M. R. au titre des frais qu’il a exposés dans la présente instance. DECIDE : Article 1er : La requête de M. R. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. R. et à la Polynésie française. Délibéré après l’audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient : M. Tallec, président, M. Katz, premier conseiller, Mme Theulier de Saint-Germain, première conseillère, Lu en audience publique le 25 février 2020. Le rapporteur, D. Katz Le président, J-Y. Tallec La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |