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Accueil > Justice administrative > Décision n° 1300474 du 25 février 2014

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 25/02/2014
Décision n° 1300474

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Satisfaction partielle

Texte lié
  • Annulant : Arrêté n° 852 CM du 24/06/2013 (texte abrogé, texte annulé)
  • Décision du Tribunal administratif n° 1300474 du 25 février 2014

    Tribunal administratif de Polynésie française


    Vu la requête, enregistrée le 29 août 2013, présentée par la Confédération syndicale A Tia I Mua, représentée par son secrétaire général à ce dûment autorisé, et dont le siège est domicilié BP 4523 à Papeete (98713) qui demande au tribunal :
    1°) d’annuler l’arrêté n° 852/CM du 24 juin 2013 portant désignation par le président de la Polynésie française de Mme Gisèle T. en qualité de membre du conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat ; 2°) d’enjoindre à la Polynésie française de prendre les dispositions nécessaires à la mise en conformité des textes relatifs à la représentativité syndicale au regard des principes de la représentation syndicale et de la participation des fonctionnaires, de reconnaître la confédération syndicale A Tia I Mua comme seconde organisation syndicale de la Polynésie française, et de lui attribuer en conséquence le second siège au conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat ; 3°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
    La requérante soutient que :
    - l’arrêté porte atteinte au principe de représentativité syndicale dans les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales, dès lors que l’appréciation de la représentativité de A Tia I Mua ne tient pas compte de sa représentativité dans la fonction publique, alors que doit être consacrée la place donnée aux représentants de la fonction publique dans des instances telles que le CESC et l’Office polynésien de l’habitat ; seule la représentativité des syndicats dans le monde des salariés du secteur privé a été prise en compte ; en outre l’audience d’un syndicat doit être mise en relation avec le secteur concerné par la représentativité syndicale, et tel est le cas pour l’Office polynésien de l’habitat, la Caisse de prévoyance sociale, et le CESC ; cette atteinte résulte de l’illégalité des articles LP 2221-2, LP 2221-3, LP 2221-10 et LP 2221-11 du code du travail ;
    - il porte également atteinte au principe constitutionnel de la « participation » à l’égard des fonctionnaires, dès lors que par ses dispositions, la Polynésie française exclut les fonctionnaires de la représentation au sein du CESC de la CPS et de l’OPH ;
    - la Polynésie française doit en conséquence abroger les textes du code du travail devenus illégaux, qui limitent la prise en compte de la représentativité syndicale à celle constatée au sein du secteur privé, à l’exclusion du secteur public ;
    - le poids électoral de la confédération A Tia I Mua conduit à la considérer comme la seconde organisation syndicale du pays, sachant que pour considérer que cette place est revenue à la CSIP du fait de la seule prise en compte des élections des représentants du personnel dans les organisations professionnelles du secteur privé, et alors que les résultats aux élections des commissions administratives paritaires et des comité techniques paritaires font apparaître une grande représentativité de la confédération A Tia I Mua et aucune représentativité à la CSIP ;
    Vu l’arrêté attaqué ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2013, présenté par la Confédération CSIP, représentée par sa secrétaire générale, qui conclut au rejet de la requête, et à la condamnation de confédération A Tia I Mua à lui verser la somme de 120 000 F CFP en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
    La CSIP fait valoir que :
    - la confédération A Tia I Mua est forclose pour contester les articles LP 2221-2, 3, 10 et 11, ces articles étant issus d’une loi de pays votée le 4 mai 2011 et publiée au journal officiel de la Polynésie française le même jour ;
    - au fond, aux termes de l’article LP 111-2 du code du travail, le dit code ne s’applique qu’aux salariés du secteur privé, la représentativité des syndicats au sein du secteur public étant appréciée par d’autres textes, telle la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ; en tout état de cause, les missions des représentants du personnel sont différentes selon qu’il s’agit des délégués du personnels ou des membres des CAP ou CTP ;
    - la désignation des syndicats les plus représentatifs a fait l’objet de l’arrêté n° 206 CM du 21 février 2013, qui a placé la CSIP en deuxième position, et qui n’a pas été contesté par la confédération requérante ;
    - enfin, la désignation des représentants du personnel au conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat est régie par l’arrêté n° 167 CM du 27 janvier 2000 qui ne mentionne que les représentants des organisations syndicales, syndicats ou unions de salariés reconnus les plus représentatifs, et au regard de ce texte, c’est bien la CSIP qui est en seconde position ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2013, présenté par la Polynésie française représentée par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête, et à la condamnation de la confédération A Tia I Mua à lui verser la somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
    La Polynésie française fait valoir que :
    - la demande tendant à ce que soit constatée, par voie d’exception, l’illégalité des dispositions du code du travail est irrecevable, dès lors que l’arrêté contesté n’a pas été pris en application de ces dispositions ;
    - la demande tendant à ce que soit constatée, par voie d’exception, l’illégalité des dispositions de l’article 2 de l’arrêté n° 167 CM du 27 janvier 2000 est tout aussi irrecevable, le délai pour attaquer ces dispositions étant expiré ; en outre, la prise en compte des sièges obtenus par la requérante exclut la prise en compte des sièges obtenus dans les autres fonctions publiques existant en Polynésie française ;
    - sur le fond, le code du travail exclut les fonctionnaires de son champ d’application ; il ne peut donc être fait reproche à ses dispositions d’exclure de l’appréciation de la représentativité d’un syndicat ceux de ses membres appartenant à la fonction publique ; et c’est dans le statut de la fonction publique que devrait être prévue et appréciée la représentativité des syndicats de fonctionnaires devant siéger dans les organismes publics ;
    - il n’y a pas d’atteinte disproportionnée, à l’égard des fonctionnaires, au principe à valeur constitutionnelle de la participation, dès lors que l’absence dans le statut de la fonction publique de la Polynésie française, de dispositions prévoyant la représentation des fonctionnaires au sein d’instances telles que l’Office polynésien de l’habitat, n’est pas par elle-même illégale ;
    - enfin, et en conséquence, la Polynésie française n’est pas dans l’obligation d’abroger les articles LP 2221-10 et 2221-11 du code du travail dès lors qu’ils ne sont pas illégaux ;
    Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2013, présenté par la confédération A Tia I Mua, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d’autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ;
    Vu l’acte dénommé « loi du pays » n° 2011-15 du 4 mai 2011 relative à la codification du droit du travail, ensemble, l’arrêté n° 925 CM du 8 juillet 2011 relatif à la codification du droit du travail ;
    Vu l’arrêté n° 167/CM du 27 janvier 2000, portant organisation et fonctionnement de l’établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Office polynésien de l’habitat » ;
    Vu le code de justice administrative ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 :
    - le rapport de Mme Lubrano, première conseillère,
    - les conclusions de M. Mum, rapporteur public,
    - les observations de M. Lebon, représentant la Polynésie française ;
    1. Considérant que par arrêté du 24 juin 2013 pris en conseil des ministres, le président de la Polynésie française a désigné Mme Gisèle T. comme membre du conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat (OPH), en tant que représentante de la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie (CSIP), seconde organisation syndicale de salariés reconnue la plus représentative ; que par cette requête, la confédération A Tia I Mua demande l’annulation de cet arrêté en tant qu’il n’a pas nommé un de ses membres pour faire partie du dit conseil d’administration ;
    Sur la recevabilité :
    2. Considérant que la requête de la confédération A Tia I Mua tend à l’annulation de l’arrêté du 24 juin 2013 supprimant le siège qui lui était précédemment attribué au sein du conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat, pour l’attribuer à une autre organisation syndicale ; que ces conclusions sont recevables tant au plan du délai que de l’intérêt à agir ; que les exceptions d’illégalité soulevées contre les articles du code du travail et contre l’arrêté portant organisation et fonctionnement de l’Office polynésien de l’habitat doivent être regardées comme des moyens et ne sont pas de nature à entacher la requête d’irrecevabilité ; qu’en revanche, et en l’absence de conclusions recevables tendant à l’annulation des dites dispositions, la demande d’injonction relative à la modification des textes concernés est irrecevable ;
    Sur les conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté n° 852 CM :
    En ce qui concerne les exceptions d’illégalité relatives aux articles LP 2221-10 et LP 2221-11 du code du travail et à l’arrêté du 27 janvier 2000 :
    3. Considérant en premier lieu qu’aux termes de l’article LP 111-2 du code du travail de la Polynésie française, issu de l’acte dénommé « loi du pays » n° 2011-15 du 4 mai 2011 relative à la codification du droit du travail susvisée : « Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s’applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d’un statut de droit public, aux collaborateurs exerçant au sein des cabinets du président de la Polynésie française, des membres du gouvernement de la Polynésie française et aux agents recrutés pour occuper un emploi fonctionnel. Il ne s’applique pas non plus aux collaborateurs des représentants à l’assemblée de la Polynésie française. » ;
    4. Considérant qu’il résulte tant de ces dispositions que de celles des articles LP 2221-10 et LP 2221-11 du code du travail, relatives au bénéfice de l'attribution de sièges dans les organismes, institutions ou commissions pour lesquels il est prévu une représentation des organisations de salariés à certaines organisations syndicales de salariés, dont la représentativité est reconnue au niveau de la Polynésie française en vertu des dispositions du même code, qu’elles ne concernent que la représentativité des syndicats des salariés soumis au code du travail ; que la représentation des fonctionnaires et agents non titulaires de l’assemblée de la Polynésie française, de la Polynésie française, des communes et de leurs groupements, ainsi que de leurs établissements publics administratifs et des autres institutions publiques de la Polynésie française relève de réglementations spécifiques, et a d’ailleurs notamment été prévue, comme le relève la requérante, dans la délibération n° 95-215 du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ; que l’exception d’illégalité soulevée contre les articles sus mentionnés du code du travail, en ce que ces dispositions portent atteinte au principe de la représentativité syndicale ne peut donc qu’être écartée ;
    5. Considérant en second lieu qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté sus visé relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Office polynésien de l’habitat » : « L’Office est administré par un conseil d’administration de dix (10) membres qui comprend (…) deux représentants des organisations syndicales, syndicats ou unions de salariés reconnus les plus représentatifs sur le plan territorial, désignés par le conseil des ministres après consultation des organismes intéressés. » ;
    6. Considérant qu’eu égard à l’objet de ces dispositions, qui est d’assurer la représentation au conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat de l’ensemble des salariés, qu’ils soient de droit privé ou bien fonctionnaires ou agents publics, une organisation syndicale de salariés représentative dans le champ de la fonction publique a vocation à être représentée à ce conseil d’administration alors même qu’elle ne serait pas représentative dans le seul champ relevant du droit du travail ; qu’en conséquence, en elles-mêmes, ces dispositions, qui ne se réfèrent pas expressément à la notion de représentativité telle qu’interprétée par le code du travail, ne sauraient avoir pour ni pour objet ni pour effet d’exclure dudit conseil d’administration une organisation syndicale dont la représentativité au sein du secteur public est reconnue; que ces dispositions telles qu’interprétées comme il vient d’être dit, ne sont donc pas illégales ;
    En ce qui concerne la légalité de l’arrêté du 24 juin 2013 :
    7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il n’est pas contesté, que la confédération A Tia I Mua a obtenu, en additionnant le nombre de voix obtenues lors des élections des délégués du personnel ressortissants du code du travail et celles obtenues lors des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires, un total de 7 316 voix, contre 5 751 voix pour la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie ; que si le nombre de voix obtenues par la requérante dans le seul champ du secteur privé était insuffisant pour la placer au deuxième rang des organisations syndicales représentatives, la totalisation des voix obtenues tant dans le champ de la fonction publique que dans le champ des salariés du secteur privé conduit à lui conférer le deuxième rang, aux lieu et place de la CSIP ; qu’ainsi, la confédération A Tia I Mua est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 24 juin 2013 en tant qu’il a supprimé le siège qui lui était précédemment attribué pour le donner à la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie ;
    Sur les conclusions à fin d’injonction :
    8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; que l’exécution de la présente décision implique nécessairement, comme le demande l’union requérante, que la Polynésie française désigne pour siéger au conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat comme représentant de la seconde organisation syndicale reconnue la plus représentative au plan territorial une personne désignée par la confédération A Tia I Mua ; qu’il y a lieu d’enjoindre à la Polynésie française de modifier en ce sens l’arrêté litigieux ;
    Sur l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
    9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la Polynésie française à verser à la confédération A Tia I Mua la somme de 50 000 F CFP au titre des frais qu’elle a exposés dans l’instance et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à la condamnation de la requérante à verser à la Polynésie française et à la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie la somme que ces dernières demandent sur ce même fondement ;
    DECIDE :
    Article 1er : L’arrêté n° 852/CM du 24 juin 2013 portant désignation de Mme T. en qualité de membre du conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat est annulé.
    Article 2 : Il est enjoint à la Polynésie française de nommer au conseil d’administration de l’Office polynésien de l’habitat un membre désigné par la confédération A Tia I Mua, au titre de représentant de la seconde organisation syndicale la plus représentative.
    Article 3 : La Polynésie française est condamnée à verser à la confédération A Tia I Mua la somme de 50 000 F CFP en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
    Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Article 5 : Les conclusions de la Polynésie française et de la confédération CSIP relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
    Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la confédération syndicale A Tia I Mua, à la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie et à la Polynésie française.
    Copie en sera adressée, pour information, au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
    Délibéré après l'audience du 11 février 2014, à laquelle siégeaient :
    M. Tallec, président, Mme Lubrano, première conseillère, M. Reymond-Kellal, conseiller.
    Lu en audience publique le 25 février 2014.
    La greffière,
    D. Germain
    La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
    Pour expédition, Un greffier,
    X
    Bienvenue.
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