Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 11/05/2021 Décision n° 2000483 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 2000483 du 11 mai 2021 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2020 et le 15 février 2021, M. Jacques M., représenté par Me Mestre, demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 31 juillet 2020 par laquelle le président de la Polynésie française l’a déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions de président de l’autorité polynésienne de la concurrence, ensemble l’arrêté du 3 août 2020 portant fin de ses fonctions en cette qualité ; 2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 350 000 F CFP en application de l’article L. 7611 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire ; il a été convoqué devant le collège afin de fournir ses explications, sans avoir été en mesure de prendre connaissance du dossier disciplinaire et avoir été assisté par un conseil ; - les membres du collège qui ont délibéré sur la proposition de sa démission d’office ont manqué d’impartialité ; ils ont suivi le rapport de M. X. qui avait fait preuve de partialité à son encontre ; l’avis du collège de l’autorité polynésienne de la concurrence s’en trouve vicié car M. X. est l’auteur du rapport de saisine ; - l’avis émis par le collège de l’autorité polynésienne de la concurrence n’a pas été motivé ; - la décision du 31 juillet 2020 n’est pas suffisamment et correctement motivée ; - la décision du 31 juillet 2020 est entachée d’erreur de fait, car il n’a commis aucune faute professionnelle ; - la décision du 31 juillet 2020 est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; - la décision du 3 août 2020 sera annulée en conséquence de l’illégalité et de l’annulation de la décision du 31 août 2020. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2020 et le 22 avril 2021, la Polynésie française, représentée par Me Dubois, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge du requérant la somme de 200 000 F CFP en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé. Par des mémoires enregistrés le 8 octobre 2020, le 15 février 2021 et le 21 avril 2021, le président par intérim de l’autorité polynésienne de la concurrence conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé. Par ordonnance du 22 janvier 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 15 février 2021. Vu les décisions attaquées et les autres pièces du dossier. Vu, en application de l’article L. 225-1 du code de justice administrative, la désignation de M. Pison, magistrat judiciaire près la cour d’appel de Papeete, pour compléter le tribunal à l’audience du 27 avril 2021 en raison de l’empêchement de M. Retterer. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code de la concurrence de la Polynésie française ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Katz, - les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteur public, - les observations de Me Mestre représentant M. M., de Me Dubois représentant la Polynésie française et de M. X. représentant l’autorité polynésienne de la concurrence. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l’article LP 610-4 du code de la concurrence de la Polynésie française : « Est déclaré démissionnaire d’office par le Président de la Polynésie française, sur proposition du collège, tout membre de l’Autorité qui se trouverait dans une des situations suivantes : (…) 4° S’il méconnaît les obligations résultant des III à V de l’article LP 610-3 ». Aux termes de l’article LP 610-3 du même code : « (…) III.- Le président exerce ses fonctions à temps plein. Les autres membres du collège peuvent exercer leurs fonctions à temps partiel. Ils sont soumis aux règles d’incompatibilités prévues pour les emplois publics. / IV.- Un arrêté pris en conseil des ministres sur proposition de l’Autorité détermine les devoirs et obligations des membres du collège destinés à préserver la dignité et l’impartialité de leurs fonctions ainsi qu’à prévenir les conflits d’intérêts, et notamment : 1° Les règles de déontologie qui leur sont applicables, ainsi qu’aux agents des services de l’Autorité ; 2° Le devoir de réserve dans l’expression publique sur les questions susceptibles d’être étudiées par l’Autorité ; 3° La protection du secret des délibérations et des travaux de l’Autorité. V.- La Polynésie française est tenue de protéger les membres et agents de l’Autorité contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ». Aux termes de l’article A. 610-2-2 du même code : « Lorsqu’il apparaît qu’un membre est dans l’une des situations prévues à l’article LP. 610-4 du code de la concurrence, le président de l’Autorité convoque le collège qui se réunit à huis-clos pour statuer sur la déclaration de démission d’office. / Si cette situation concerne le président, le membre le plus ancien et en cas d’égalité, le plus âgé, procède à cette convocation. / Le membre concerné est mis à même d’exposer son point de vue après avoir pris connaissance du dossier le concernant. Les membres délibèrent à scrutin secret, hors de la présence de l’intéressé. Les votes blancs ou nuls ne sont pas pris en considération pour le calcul de la majorité. Dans le cas où le collège se prononce pour la démission d’office, conformément à l’article précité, il est proposé au Président de la Polynésie française par avis motivé de mettre fin aux fonctions de l’intéressé. / En cas d’impossibilité de participer à une séance de l’Autorité, alors que sa présence était prévue, le membre doit informer le président des motifs sérieux qui l’ont empêché de siéger, conformément aux dispositions de l’article LP. 610-4 du code de la concurrence ». 2. En premier lieu, M. M. soutient que M. X., membre le plus ancien de l’autorité polynésienne de la concurrence (APC) et auteur du rapport de saisine de cette autorité aux fins de prononcer un avis sur sa démission d’office, a fait preuve de partialité à son égard. Il ressort des pièces du dossier que la décision de non-lieu et d’abandon des poursuites du 29 décembre 2019, premier document qui témoignerait de cette partialité de M. X., est fondée sur deux éléments. Tout d’abord le constat que la procédure est viciée, moyen qui était soulevé par les sociétés requérantes et qui tient à la confusion entre les fonctions d’instruction et de décision. Celle-ci est révélée notamment par un mail de la rapporteure générale adressé au président de l’APC, lui demandant la marche à suivre car le rapporteur général adjoint en charge d’un dossier s’apprêtait à faire une proposition de non-lieu qu’elle ne jugeait pas conforme à ses attentes, et demandant à M. M. si elle doit, dans ces conditions, nommer un nouveau rapporteur. Il s’en est suivi une demande d’audition du rapporteur adjoint par M. M.. Le rapporteur adjoint l’a refusée. Il a ensuite été dessaisi du dossier. Ces éléments rapportés chronologiquement et objectivement ne présentent aucun caractère erroné. Ensuite le caractère inapplicable des dispositions du code de la concurrence, entré en vigueur le 1er février 2016, à des faits remontant à octobre 2015. Le deuxième document qui témoignerait de cette partialité de M. X. est le rapport que celui-ci a adressé au collège, en qualité de membre le plus ancien. Les griefs qui y sont repris et décrits s’articulent autour des manquements aux règles de déontologie concernant la confusion des fonctions d’instruction et de décision susmentionnée, les manquements constatés dans les affaires du « gardiennage » ou « des boissons réfrigérées » ayant donné lieu à requête en suspicion légitime qui a abouti à une décision en ce sens de la cour d’appel de Paris le 29 juillet 2020 et un récapitulatif d’articles de presse générale ou spécialisée critiques à l’égard de l’APC en raison de ces faits. Ce récapitulatif de griefs, par nature à charge, ne témoigne pas, en soi, d’un comportement partial de M. X.. Enfin, l’abstention de M. X. de siéger au collège, compte tenu de sa mise en cause personnelle dans des médias locaux « afin de préserver l’institution » et de « protéger l’impartialité et l’indépendance de l’autorité polynésienne de la concurrence dans cette affaire » ne peut être regardée comme témoignant d’un parti pris et de la partialité de l’intéressé. Ce moyen tiré de la partialité de M. X. doit donc être écarté. Il en va de même, par voie de conséquence, les mêmes griefs étant soulevés, en ce qui concerne les membres de l’autorité qui ont siégé lors de la séance concernant la procédure diligentée contre M. M.. 3. En deuxième lieu, l’avis émis par le collège de l’autorité polynésienne de la concurrence comporte l’ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il en est de même de la décision du 31 juillet 2020 par laquelle le président de la Polynésie française a prononcé la démission d’office des fonctions de président de l’autorité polynésienne de la concurrence de M. M.. Par suite, les moyens tirés de ce que cet avis et cette décision ne sont pas motivés manquent en fait et doivent être écartés. 4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. M. a été en mesure dans des délais suffisants de prendre connaissance de son dossier disciplinaire avant la réunion du collège de l’autorité polynésienne de la concurrence et a été assisté par un conseil lors de la procédure diligentée à son encontre. Le moyen tiré de ce que les droits de la défense n’auraient pas été respectés manque donc en fait. 5. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. M. a apporté, en qualité de président de l’APC, autorité administrative indépendante, son témoignage au soutien d’un cadre dirigeant du groupe Y. dans le cadre d’une procédure prud’homale, alors que ledit groupe Y. faisait l’objet d’enquêtes de l’APC. Il est constant que ce témoignage, qui reposait sur la connaissance de ce directeur acquise dans le cadre des opérations de contrôle du groupe, a entrainé qu’il soit fait droit à une requête en suspicion légitime pour ce motif, ainsi qu’il est dit au point 2. Par ailleurs, comme il a également été précisé au point 2, M. M. a porté atteinte au principe de séparation entre l’instruction et la décision régissant la procédure devant l’autorité polynésienne de la concurrence. Ces seuls faits, sans que cette mesure apparaisse disproportionnée au regard de la gravité des griefs précités, justifiaient que l’intéressé soit déclaré démissionnaire d’office de l’APC. 6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de la décision du président de la Polynésie française du 31 juillet 2020 et l’arrêté du 3 août 2020 doivent être rejetées, de même, en conséquence, que les conclusions de M. M. présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 7. Il y a lieu, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. M. la somme de 150 000 F CFP au titre des frais d’avocat engagés par la Polynésie française pour se défendre dans cette instance. DECIDE : Article 1er : La requête de M. M. est rejetée. Article 2 : M. M. versera la somme de 150 000 F CFP à la Polynésie française au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Jacques M. et à la Polynésie française. Copie en sera délivrée au président par intérim de l’autorité polynésienne de la concurrence et au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Délibéré après l’audience du 27 avril 2021, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, M. Katz, premier conseiller, M. Pison, procureur général près la cour d’appel de Papeete. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. Le rapporteur, D. Katz Le président, P. Devillers La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |