Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 31/08/2021 Décision n° 2100389 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Ordonnance du Tribunal administratif n° 2100389 du 31 août 2021 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 9 août 2021, présentée par Me Millet, M. Teva X. et autres demandent au juge des référés : - sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’article 3 de l’arrêté n° 525 CM du 13 mai 2020 modifié du conseil des ministres de la Polynésie française portant mesures d’entrée et de surveillance sanitaire des arrivants en Polynésie française dans le cadre de la lutte contre la covid-19 : - de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 150 000 F CFP au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - ils ont intérêt à agir contre cette mesure qui limite leurs déplacements ; - l’urgence résulte de la nécessité de faire cesser l’atteinte permanente qui est portée au droit à la protection de la vie privée, ainsi qu’au droit à la protection des données personnelles, et afin d’éviter à l’une des requérantes de subir une atteinte illégale à ses droits fondamentaux ; - la collecte des données personnelles litigieuses par les autorités polynésiennes ne répond à aucune nécessité, dès lors que la Polynésie française n’a pas compétence pour restreindre les droits d’entrée en Polynésie française, ni pour contrôler l’existence d’éventuels motifs impérieux ou placer, le cas échéant, des personnes en quarantaine ; le traitement des données ETIS n’est encadré par aucun texte, ce qui ne permet pas de garantir le respect des prescriptions du règlement général sur la protection des données (RGPD) issu du règlement européen n° 2016/679 du 27 avril 2016, indirectement rendu applicable en Polynésie française par l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 publiée au JOPF le 21 décembre 2018, rendue applicable en Polynésie française par son article 125 ; sont notamment méconnus les principes de minimisation des données (Article 4, 3° Ord du 12/12/18) et protection des données contre le traitement non autorisé ou illicite, contre la perte, la destruction ou les dégâts d'origine accidentelle, ou contre l'accès par des personnes non autorisées ; aucune analyse d’impact portant notamment sur les protections adéquates des données personnelles des déclarants et précisant l’intérêt public qui peut le rendre nécessaire, n’a été effectuée alors qu’une telle analyse conditionne la licéité d’un tel traitement de données ; il n’est pas justifié de ce que seuls des professionnels de santé soumis au secret professionnel pourraient avoir accès aux données collectées sur la plateforme ETIS, et cette plateforme étant hébergée sur le site du ministère du tourisme, il apparaît au contraire que du personnel non soignant y aura accès ; aucune information sur les données dévoilées par le « QR code » généré par la plateforme ETIS n’est apportée par la réglementation ; ainsi, le système ETIS ne garantit pas la protection des données collectées et ne permet pas de relier ce traitement de données personnelles et médicales à un motif d’intérêt public dont la Polynésie française a la charge ; l’obligation de s’enregistrer sur la plateforme ETIS, prévue par l’article 3 de l’arrêté, porte ainsi une atteinte manifestement illégale au droit à la vie privée et au droit à la protection des données personnelles ; Par un mémoire enregistré le 27 août 2021, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - à titre principal, la requête est irrecevable : les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ; ils ne prouvent pas qu’ils seraient résidents en Polynésie française ; 47 d’entre eux ne justifient pas envisager un déplacement ; le requête est tardive car l’obligation de s’inscrire sur la plateforme Etis a été posée par l’article 3 de l’arrêté 832CM du 24 juin 2020 publié le 25 juin, dont les termes n’ont pas été modifiés depuis ; - la condition d’urgence n’est pas remplie ; l’urgence qu’il y aurait à adapter la réglementation et notamment le régime de différenciation entre vaccinés et non vaccinés n’est pas établie alors que les données recueillies par la plateforme Etis ne sont pas particulièrement sensibles et qu’elle contribue à enrayer la progression de la contamination et à surveiller l’apparition de nouveaux variants ; le règlement général sur la protection des données n’est pas méconnu ; le déplacement envisagé d’une résidente est déjà effectué ; - aucun des moyens invoqués n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; Vu : - la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi n°2021-689 du 31 mai 2021 ; - l’ordonnance n°2018-1125 du 12 décembre 2018 ; - le décret n°2021-699 du 1er juin 2021 ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Le président du tribunal a désigné M. Graboy-Grobesco et Mme Theulier de Saint-Germain pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique, à la suite du rapport de M. Devillers, juge des référés, les observations de Me Varrod, représentant les requérants, ainsi que les observations de M. Lebon, représentant la Polynésie française, qui ont repris les moyens et arguments sus analysés. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Considérant ce qui suit : Sur les conclusions à fins de suspension : 1. Sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, les requérants demandent au juge des référés de suspendre l’exécution de l’article 3 modifié de l’arrêté du 13 mai 2020 du conseil des ministres de la Polynésie française, en ce qu’il prévoit l’obligation de se faire enregistrer sur la plateforme ETIS avant tout déplacement en direction de Polynésie française. 2. Aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ». Lorsque la demande d’annulation d’une décision administrative faisant l’objet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative est entachée d’une irrecevabilité insusceptible d’être couverte en cours d’instance, il appartient au juge des référés, saisi en défense d’un moyen tiré de cette irrecevabilité ou soulevant d’office un tel moyen dans le cas où elle ressort des pièces du dossier qui lui est soumis, de rejeter la demande de suspension comme non fondée. Sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française : 3. Il ressort des pièces du dossier qu’en tant qu’il met en place et précise les conditions de mise en œuvre de la plateforme Etis, l’article 3 de l’arrêté du 13 mai 2020 du conseil des ministres de la Polynésie française est issu de l’arrêté 832CM du 24 juin 2020 publié le 25 juin 2020. Le recours en annulation introduit par M. X. et autres contre cette disposition a été enregistré le 9 août 2021, après l’expiration du délai contentieux de deux mois prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative et est donc tardif. Par suite, la demande de suspension de l’exécution de ces dispositions ne peut qu’être rejetée. Sur les conclusions au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative : 4. Dans les circonstances de l’espèce, les conclusions présentées par M. X. et autres au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. ORDONNE Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Teva X., représentant désigné pour l’ensemble des requérants et à la Polynésie française. Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Fait à Papeete, le 31 août 2021. Le juge des référés Le juge des référés La juge des référés P. Devillers A. Graboy-Grobesco E. Theulier de Saint-Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |