Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 02/09/2021 Décision n° 2100426 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Ordonnance du Tribunal administratif n° 2100426 du 02 septembre 2021 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021, M. Jean-Paul T., M. Michel G., M. Thierry S. et M. Philippe C., représentés par Me Aureille, demandent au juge des référés de : -suspendre l’exécution de l’arrêté du conseil des ministres en date du 25/08/2021 en tant qu’il porte application des mesures fixées par la loi du Pays votée par l’APF le 20/08/2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au covid-19 ; -dire que cet arrêté ne pourra entrer en vigueur que sous condition de modification selon les termes précités et dans les délais prévus par la loi organique statutaire du 27/02/2004 modifiée en son article 176 ; -condamner la Polynésie française à verser au Dr Jean- Paul T. la somme de 200 000 FCP au titre des frais irrépétibles ; I ls soutiennent que : - la requête est recevable ; en sa qualité de soignant, le Dr T. est concerné par cette obligation vaccinale qu’il conteste ; -l’urgence est justifiée ; des soignants se verront exposés, s’ils ne déferrent pas à ces prescriptions, à des amendes d’un montant important (175 000 FCFP), qui sont de nature à porter atteinte à leur patrimoine ; l’arrêté empiète sur les compétences de l’assemblée de Polynésie française pour fixer la liste des professions et porte ainsi une atteinte grave et manifestement illégale, du fait de sa généralité, à l’exercice d’une activité professionnelle, ainsi qu’au droit à la protection de la santé ; - les mesures litigieuses portent gravement atteinte et de manière manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales : au patrimoine, au libre exercice d’une profession, au droit au travail, au droit à la protection de la santé dès lors qu’une vaccination durant une épidémie fragilise les défenses immunitaires naturelles, qui sont perturbées par l’intervention du vaccin ; l’obligation vaccinale est contraire aux stipulations des conventions internationales qui prohibent cette obligation (code de Nuremberg de 1947) ; elle enfreint le code de la santé publique, en ses articles L1 111 4, qui prescrit un consentement libre et éclairé ; l’acte de promulgation a été pris en violation des articles 176 et suivants de la loi statutaire ; l’arrêté contesté est entaché d’incompétence, dès lors qu’il fait application de dispositions qui touchent aux libertés publiques, qui restent de la compétence de l’Etat ; la loi du pays est illégale, dès lors que par sa généralité, elle ne régit pas seulement les conditions sanitaires ; ses dispositions touchent aux libertés publiques et échappent à la compétence de la Polynésie française ; elle n’est pas proportionnée au but recherché et injustifiée au regard de l’objectif de la loi ; elle ne respecte pas le libre choix du patient, la nécessité d’un consentement libre et éclairé et méconnait l’article 5 DDHC de 1789 « nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas ». Vu : - la Constitution ; - la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi n°2021-689 du 31 mai 2021 ; - la loi du pays n°2021-37 du 23 août 2021 ; - le décret n°2021-699 du 1er juin 2021 ; - le code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) » En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée. 2. Sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, les requérants demandent au juge des référés de suspendre l’exécution des articles 1, 2 et 3 de l'arrêté n° 1749 CM du 25 aout 2021 portant application de la loi du pays n° 2021- 37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19. 3. Il est constant que la situation sanitaire en Polynésie française est particulièrement dégradée depuis juillet 2021 en raison de la diffusion croissante du variant Delta du virus de la covid-19 sur le territoire. Il résulte ainsi des données publiques, largement disponibles et quotidiennement diffusées dans la presse, qu’à la date du 31 août 2021, en raison de la contamination, 412 hospitalisations sont en cours, dont 62 en réanimation, 13 personnes en sont décédées en 24 heures, que les personnes non-vaccinées représentent, sur le territoire polynésien, 87,8 % des personnes dont la contamination par le virus de la covid-19 nécessite qu’elles soient admises à l’hôpital et, particulièrement, plus de 94 % des personnes admises en réanimation et 87,1 % des personnes décédées. Dans ce contexte sanitaire particulièrement grave, et alors, d’une part, qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques et compte tenu des statistiques mentionnées ci-dessus, le risque induit par la vaccination apparaît totalement résiduel en comparaison des bénéfices qu’en retirent les personnes vaccinées, d’autre part, eu égard à l’important coût collectif induit directement par la prise en charge médicale des patients atteints de la covid 19 et indirectement par ses répercussions économiques, sociales et en terme de restrictions des libertés publiques, la mesure de vaccination obligatoire imposée à certaines catégories de population davantage exposées à la contamination apparaît nécessaire. Il importe également de relever que cette vaccination est gratuite et que plusieurs types de vaccins sont disponibles, avec ou sans ARN messager, en Polynésie française. Dès lors, les circonstances invoquées par les requérants tenant à ce que, d’une part, des soignants se verront exposés, s’ils ne déferrent pas dans les deux mois aux prescriptions de l’arrêté contesté, à des amendes d’un montant de 175 000 FCFP, d’autre part, à ce que l’arrêté empièterait sur les compétences de l’assemblée de Polynésie française pour fixer la liste des professions et porterait ainsi une atteinte grave et manifestement illégale, du fait de sa généralité, à l’exercice d’une activité professionnelle, ainsi qu’au droit à la protection de la santé, ne sont pas susceptibles de justifier de l’urgence à obtenir la suspension de cet arrêté par le juge des référés statuant dans les 48 heures. 4. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée en application des dispositions précitées de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Paul T., M. Michel G., M. Thierry S. et M. Philippe C.. Copie en sera adressée à la Polynésie française et au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Fait à Papeete, le 2 septembre 2021. La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |