Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 01/10/2021 Décision n° 2100473 Solution : Rejet | Ordonnance du Tribunal administratif n° 2100473 du 01 octobre 2021 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, l’association A Tamau I Te Hono - Gardons Le Contact et 401 autres requérants, représentés par Me Di Vizio, demandent au juge des référés : - à titre principal, de suspendre l’arrêté n° 1749 CM du 25 août 2021 portant application de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19, en ce qu’il repose sur une loi inconstitutionnelle et inconventionnelle ; - à titre subsidiaire, de suspendre l’arrêté n° 1749CM du 25 août 2021 portant application de la loi du pays n° 2021-37du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19, en ce qu’il prévoit l’obligation vaccinale pour les non soignants ; - d’ordonner le versement aux requérants d’une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est recevable ; les 401 requérants ont un intérêt à agir en ce qu’ils sont tous concernés par l’obligation vaccinale, la violation de leur droit à l’intégrité physique est donc imminente ; l’association A Tamau I Te Hono - Gardons Le Contact a un intérêt à agir conformément à ses statuts ; à titre principal : sur la suspension de l’arrêté n°1749CM du 25 août 2021 : - l’urgence est justifiée ; l’arrêté préjudicie de manière grave et immédiate au respect de l’intégrité physique des 401 requérants puisque l’ingérence que constitue cette obligation vaccinale n’est pas licite ; la loi du Pays ne répond à aucun objectif de santé publique puisque les personnes vaccinées peuvent être contaminantes, et elle ne fait aucune distinction en fonction des professions ; parmi les requérants, il existe un nombre inquiétant de personnes qui ne sont même pas en contact physique avec le public et qui ne sont jamais en contact avec des patients ; l’obligation vaccinale à un nombre trop important de métiers, par son caractère général, est complètement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; ll est donc urgent que le Conseil d’Etat se prononce sur la légitimité de l’obligation vaccinale en Polynésie car à compter du 23 octobre 2021 les requérants doivent être en mesure de présenter un justificatif de l’administration d’au moins une des doses des vaccins COVID- 19 ; - les mesures litigieuses portent gravement atteinte et de manière manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales : l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale protège le droit au respect de la vie privée dont le droit à l’intégrité physique des requérants ; la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 est inconstitutionnelle, les article 73 alinéa 4 de la Constitution et les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 sont méconnus ; la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 est inconventionnelle ; la vaccination obligatoire doit être justifiée par des considérations de santé publique, elle doit être proportionnée à l’objectif poursuivi et le rapport bénéfice - risque des vaccins doit être positif, ce qui n’est pas le cas ici ; l’obligation vaccinale est disproportionnée en raison de l’AMM conditionnelle des vaccins covid 19, eu égard à l’objectif poursuivi par le législateur, alors que les vaccins ne constituent pas une protection de la contagion de la covid 19 et par rapport aux données de pharmacovigilance actuelles qui ne permettent pas de conclure sur l’efficacité des vaccins, mais montrent à l’inverse le risque d’effets secondaires graves ; si la partie des requérants qui est à risque sera protégée contre une forme grave, vacciner quasiment toute la population polynésienne, toutes catégories d’âges confondue ne saurait être conforme au principe de proportionnalité ; à titre subsidiaire : sur la suspension de l’arrêté n°1749CM du 25 aout 2021 « à l’égard des personnes non soignantes soumises à l’obligation non en contact avec le public » : - l’urgence est justifiée ; l’obligation vaccinale constitue une ingérence disproportionnée dans le droit à l’intégrité physique des requérants ; l’atteinte est imminente puisqu’ils doivent être en mesure de justifier d’une première dose à l’un des vaccins Covid-19 d’ici le 23 octobre 2021 ; beaucoup ont des fonctions qui ne sont pas en contact avec le public (secrétaire médicale, enseignants, personnels navigants, moniteur de plongée…) ; - les mesures litigieuses portent gravement atteinte et de manière manifestement illégale au droit à l’intégrité physique des requérants protégé par l’article 8 de la CESH ; la mesure est disproportionnée ; elle ne présente aucun bénéfice car il n’est pas démontré de quelle manière ces personnes peuvent diffuser ou attraper le virus ; cette obligation vaccinale inutile présente à ce jour des effets secondaires connus ; Vu : - la Constitution ; - la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 ; - le code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Considérant ce qui suit : 1. Sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, les requérants demandent au juge des référés de suspendre l’exécution, à titre principal, de l’ensemble des dispositions de l'arrêté n° 1749 CM du 25 aout 2021 portant application de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19, à titre subsidiaire, en tant qu’il vise des personnes non soignantes soumises à l’obligation qui ne sont pas en contact avec le public. 2. Aux termes de l'article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée. Sur l’urgence : 3. Le droit à l'intégrité physique, dont le respect est invoqué au titre de l’urgence, fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter. 4. En l’espèce, il est constant que la situation sanitaire en Polynésie française est particulièrement dégradée depuis juillet 2021 en raison de la diffusion croissante du variant Delta du virus de la covid-19 sur le territoire. Il résulte ainsi des données publiques, largement et quotidiennement diffusées dans la presse locale, que les structures hospitalières ont été totalement saturées en août et septembre 2021, les données disponibles montrant seulement récemment une régression des contaminations, corrélée à un fort accroissement de la vaccination, 141 385 personnes complètement vaccinées à ce jour, et à l’adoption de mesures de confinement et de couvre-feu. Néanmoins, à la date de la présente ordonnance, en raison de la contamination, 67 hospitalisations sont encore en cours, dont 20 en réanimation, une personne en est décédée en 24 heures, portant ce chiffre à 621 décès, et les personnes non-vaccinées représentent, sur le territoire polynésien, 87,8 % des personnes dont la contamination par le virus de la covid-19 a nécessité qu’elles soient admises à l’hôpital et, particulièrement, plus de 94 % des personnes admises en réanimation et 87,1 % des personnes décédées. Le risque induit par la vaccination, alors qu’aucune personne n’a été déclarée décédée à ce jour en Polynésie française à la suite de l’administration du vaccin, peut ainsi être regardé comme résiduel en comparaison des bénéfices qu’en retirent les personnes vaccinées. Par ailleurs, eu égard également à l’important coût collectif induit par la prise en charge médicale des patients atteints de la covid 19, avec l’impossibilité pour les structures hospitalières, pendant plusieurs semaine, d’assumer des soins autres que ceux nécessités par la covid 19, compte tenu aussi des importantes répercussions économiques, sociales et en terme de restrictions des libertés publiques de la pandémie, la mesure de vaccination obligatoire imposée, pour elles-mêmes et pour les tiers, à certaines catégories de population davantage exposées à la contamination ne peut, en tant qu’elle porte atteinte à leur droit au respect de leur intégrité physique, être regardée comme présentant un caractère manifestement disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi de protection de la population polynésienne. 5. Dans ces circonstances et alors au demeurant qu’il résulte de plusieurs déclarations du gouvernement de la Polynésie française, abondamment relayées par la presse, que l’obligation vaccinale posée par la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 ne sera pas mise en œuvre avant que le Conseil d’Etat, saisi d’au moins six recours contre ce texte, se soit prononcé sur sa légalité, les arguments invoqués ne sont pas susceptibles de justifier de l’urgence à obtenir la suspension, en totalité ou en tant qu’il vise certaine professions, de cet arrêté par le juge des référés statuant dans les 48 heures. 6. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée en application des dispositions précitées de l‘article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE Article 1er : la requête est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association A Tamau I Te Hono - Gardons Le Contact en application du dernier alinéa de l’article R. 751-3 du code de justice administrative. Copie en sera adressée et à la Polynésie française au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Fait à Papeete, le 1er octobre 2021. Le juge des référés P. Devillers La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |