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Accueil > Justice administrative > Ordonnance n° 2200066 du 21 avril 2022

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 21/04/2022
Décision n° 2200066

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet

Ordonnance du Tribunal administratif n° 2200066 du 21 avril 2022

Tribunal administratif de Polynésie française

Juge des référés


Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 1 avril 2022, complétée par un mémoire enregistré le 13 avril 2022, Mme H.., représentée par Millet, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre la décision du président de la Polynésie française n°501664 (ou EU1664) en date du 11 mars 2022, notifiée le 14 mars 2022, décidant sa suspension de fonctions à titre conservatoire et ordonnant l’ouverture d’une enquête.
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 FCFP à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire en observation de la présidente de l’autorité polynésienne de la concurrence est irrecevable ; M. A.. D.., qui entend se désolidariser de cette intervention, a confirmé que le collège n’a pas été informé de cette démarche, alors que l’article LP 610-7 du code de la concurrence exige une délibération même lorsque le président se borne à intervenir dans une procédure ;

- la condition d’urgence est satisfaite ; la décision préjudicie gravement et directement aux trois intérêts susceptibles d’être protégés par une mesure de suspension :
- l’intérêt public : car l’enquête que menace d’ouvrir de manière imminente le président de la Polynésie française, impliquant nécessairement un examen, par un service gouvernemental extérieur, des éléments internes à l’Autorité dont certains concernent des dossiers en cours, remettrait en cause l’indépendance et l’impartialité de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), avec pour conséquence irréversible de vicier gravement les procédures en cours et de conduire à l’annulation des décisions rendues ; M. D.., ancien président par intérim, trouve inacceptable cette enquête par les services du Pays ; cette atteinte est imminente dans la mesure où elle a été convoquée à un entretien qui est fixé au 21 avril 2022 – les intérêts qu’elle entend défendre : car en remettant en cause l’indépendance et l’impartialité de l’APC, qui sont les gages de validité de ses productions, cette décision les fragilise alors qu’elle-même a pour mission de les sécuriser
– sa situation personnelle : car cette décision affecte son honneur et sa réputation professionnelle, circonstance aggravée par sa notoriété ;
- des moyens sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée :
*un défaut de base légale dès lors qu’il n’existe aucun fondement juridique à la suspension provisoire d’un agent contractuel ; dans le silence des textes, les membres des autorités administratives indépendantes, et il doit en être de même de la rapporteure générale de l’APC, doivent par principe être considérés comme irrévocables et hors hiérarchie ;
*l’incompétence du président de la Polynésie française pour suspendre la rapporteure générale de l’APC ; l’autorité de nomination du rapporteur général est le conseil des ministres après avis du collège de l’APC, et absolument pas le président du Pays ; l’urgence ne saurait être invoquée par l’administration pour tenter de « sauver » cette décision, dans la mesure où lorsqu’elle a été prise, le 11 mars 2022, elle était déjà en congé maladie, pour une durée d’un mois ;
*l’enquête confiée à la direction de la modernisation et des réformes de l’administration porterait une atteinte directe et grave au principe d’indépendance de l’APC, dès lors qu’elle impliquerait nécessairement un examen des éléments internes à l’Autorité dont certains concernent des dossiers ; l’absence de texte organisant un pouvoir disciplinaire à l’égard du rapporteur général doit s’interpréter comme instaurant implicitement un principe d’irrévocabilité et d’absence de soumission à une quelconque hiérarchie ;
*la décision n’est en rien justifiée ; elle ne s’est rendue coupable d’aucun fait de harcèlement moral ; elle ne peut combattre les allégations en ce sens dès lors qu’en dépit d’une demande expresse de son conseil, aucun des signalements, qui semblent avoir été adressés au président du Pays, ne lui a encore été communiqué ; les mails de récriminations que lui ont adressés les rapporteurs V.. et M.. ne comportent aucun élément caractérisant un tel harcèlement ; ils ne traduisent aucune intention de nuire, ne sont pas répétitifs, et ne sauraient impacter la santé de personnes sensées et responsables ; les faits incriminés n’excédent en rien les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; la jurisprudence ne reconnaît pas de harcèlement moral du fait d'un contexte organisationnel et relationnel dégradé au sein d'un service en général ; loin de dégrader les conditions de travail de ses collaborateurs, elle a été élogieuse à l’égard de deux des possibles auteurs de signalement et fait ses meilleurs efforts pour assurer leur formation ; ces griefs sont en fait apparus postérieurement à l’émergence de ses désaccords avec Mme N.. concernant la séparation des fonctions et l’exigence d’indépendance et d’impartialité de l’institution ; à l’appui de son mémoire de référé, le Pays ne produit toujours pas le moindre signalement, ni la moindre plainte des agents qui seraient soi-disant victimes de harcèlement, mais seulement un mail de la chef de la cellule Santé au travail, Mme Y.., qui est daté du 6 avril 2022, soit postérieurement à la décision contestée datée du 11 mars 2022 dont il ressort qu’il n’est identifié aucun fait réel et avéré de harcèlement ;
*cette affaire traduit en fait la volonté de Mme N.. de réduire ses prérogatives et l’évincer de l’autorité ; elle-même a subi la virulence et l’impertinence des critiques totalement déplacées qui ont été proférées à son encontre, en particulier par le rapporteur M.., critiques qui répondent quant à elles aux caractéristiques du harcèlement moral, et qui ont fini par impacter sérieusement sa santé ;
Par des mémoires en observations enregistrés les 11 et 14 avril 2022, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), représentée par sa présidente, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la présidente de l’APC a qualité pour intervenir dans la présente instance, ainsi qu’il résulte de la délibération n° 2021-DC-08 du collège ;
- la condition d’urgence n’est pas remplie eu égard au caractère purement conservatoire des mesures contestées, sans que la situation matérielle de l’intéressée ne soit en rien affectée ; la continuité de l’action de l’APC est pleinement assurée par un rapporteur général par intérim ;
- aucun des moyens n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, la Polynésie française, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la condition d’urgence n’est pas satisfaite ; il n’est pas question ici pour les pouvoirs publics polynésiens d’intervenir dans l’instruction d’un ou de plusieurs des dossiers traités par l’APC mais uniquement de déterminer si ses agents peuvent travailler dans des conditions satisfaisantes, notamment au regard des plaintes reçues ; la continuité du fonctionnement du service d’instruction est assurée car l’article A 610-5 du code de la concurrence prévoit expressément qu’en cas d’empêchement du rapporteur général, celui-ci est remplacé par le rapporteur le plus ancien dans la fonction et, à défaut, le plus âgé ; aucune atteinte n’a été portée à l’honneur ou à la réputation de la requérante puisque l’enquête administrative demeure interne et confidentielle ; la suspension provisoire de ses fonctions n’empêche pas la requérante de continuer à publier ni de participer à des colloques sur le droit de la concurrence ; il y a inversement urgence à ne pas replacer la requérante au sein d’une entité dont plusieurs des autres membres placés directement sous son autorité ont dénoncé le comportement de harcèlement ;
- aucun des moyens développés n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 modifiée ;
- le code de la concurrence polynésien ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Theulier de Saint Germain et M. Graboy-Grobesco pour statuer sur les demandes de référés.
Après avoir convoqué à une audience publique Mme H.., la Polynésie française et l’Autorité polynésienne de la concurrence ;
Ont été entendus lors de l’audience publique du 14 avril 2022, à 10 heures 30 :
- le rapport de M. Devillers, juge des référés ;
- Me Millet, avocat de Mme H..;
- M. Lebon, représentant de la Polynésie française ;
- M. Lallemant-Moe, représentant l’Autorité polynésienne de la concurrence ; à l’issue de laquelle les juges des référés ont informé les parties de la clôture de l’instruction reportée au mercredi 20 avril 2022 à 12h00 ;
Un mémoire de production de pièces a été déposé par la Polynésie française le 14 avril 2022, postérieurement à l’audience ;
Un mémoire a été enregistré le 20 avril 2022, postérieurement à la clôture de l’instruction, présenté pour Mme H.. par Me Millet.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Sur la recevabilité des mémoires présentés par l’Autorité polynésienne de la concurrence :
2. Aux termes de l’article 1er de la délibération n° 2021-DC-08 du 21 septembre 2021 du collège de l’Autorité polynésienne de la concurrence : « La présidente de l'Autorité est autorisée, à compter du 21 septembre 2021 et jusqu’au 14 juillet 2027. à agir, intervenir ou défendre devant toute juridiction et notamment exercer toutes voies de recours contre les décisions juridictionnelles qui se prononcent sur la légalité des décisions de l’Autorité ». Les mémoires par lesquels la présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence a présenté des observations sur le litige sont donc recevables.
Sur la suspension de la décision du président de la Polynésie française du 11 mars 2022 :
3. En l’état de l’instruction, aucun des moyens de légalité externe et de légalité interne invoqués par la requérante à l’appui de sa demande et tels qu’ils sont analysés dans les visas de la présente ordonnance n’apparaît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension présentées par Mme H.. ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Mme H.. est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme H.., à la Polynésie française et à l’Autorité polynésienne de la concurrence.
Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Fait à Papeete, le 21 avril 2022.
Les juges des référés
P. Devillers A. Graboy-Grobesco E. Theulier de Saint-Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme, Un greffier,
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