Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 10/05/2022 Décision n° 2100522 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 2100522 du 10 mai 2022 Tribunal administratif de Polynésie française Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 2 novembre 2021, et un mémoire enregistré le 2 février 2022, Mme F... S..., Mme E... S..., Mme G... H..., Mme O... N..., M. X... et M. T... R..., représentés par Me Paméla Ceran- Jerusalemy, demandent au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n°2233 CM du 12 octobre 2021 ; 2°) de condamner la Polynésie française à payer aux requérants la somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : ils ont intérêts à agir en qualité d’avocats ressortissants de la CPS ; M. R... a intérêt pour agir en sa qualité de médecin, soumis à l’obligation vaccinale ; la requête est recevable ; la création d’OBLIVACC relève de la compétence de l’Assemblée de la Polynésie française ; l’arrêté contesté ne se réfère pas dans ses visas à la loi du pays du 21 avril 2020 ; le Pays a méconnu l’obligation de présenter à la CNIL une demande d’autorisation fondée sur l’article 66 de l’ordonnance du 12 décembre 2018 dès lors que l’arrêté contesté ne vise aucun référentiel établi par la CNIL et n’est conforme à aucun référentiel ; le Pays a méconnu l’obligation de réaliser une analyse d’impact préalable à la création du traitement de données litigieux ; l’arrêté litigieux ne mentionne pas l’existence du registre des activités de traitement ni celle du délégué à la protection des données à qui toute personne concernée par « OBLIVACC » est susceptible de s’adresser pour faire valoir ses droits ; dès lors que l’article 3 de l’arrêté contesté prévoit une collecte indirecte de données auprès des employeurs, le traitement est illicite au regard du code du travail polynésien et de la loi du pays relative à l’obligation vaccinale contre le covid-19 qui n’imposent aucune obligation aux employeurs, lesquels sont tenus de respecter le droit à la vie privée de leur salariés. Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 27 novembre 2021, Mme D... V..., Mme M... B... épouse P..., Mme Z... J... épouse W..., Mme Q... K... épouse C..., Mme Y... I..., représentés par Me S..., demandent au tribunal d’annuler l’arrêté n° 2233 CM du 12 octobre 2021 et de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : ils ont intérêts à agir en qualité d’avocats ressortissants de la CPS ; la création d’OBLIVACC relève de la compétence de l’Assemblée de la Polynésie française ; l’arrêté contesté ne se réfère pas dans ses visas à la loi du pays du 21 avril 2020 ; le Pays a méconnu l’obligation de présenter à la CNIL une demande d’autorisation fondée sur l’article 66 de l’ordonnance du 12 décembre 2018 dès lors que l’arrêté contesté ne vise aucun référentiel établi par la CNIL et n’est conforme à aucun référentiel ; le Pays a méconnu l’obligation de réaliser une analyse d’impact préalable à la création du traitement de données litigieux ; les finalités poursuivies par la loi du pays, tendant à identifier et sanctionner les personnes non vaccinées ne sont pas définies dans l’article 3 de l’arrêté litigieux ; l’arrêté litigieux n’assure aucune garanties des droits des personnes concernées et ne mentionne pas l’existence du registre des activités de traitement ni celle du délégué à la protection des données à qui toute personne concernée par « OBLIVACC » est susceptible de s’adresser pour faire valoir ses droits ; dès lors que l’arrêté contesté prévoit une collecte de données auprès des employeurs, le traitement est illicite au regard du code du travail polynésien et de la loi du pays relative à l’obligation vaccinale contre le covid-19 qui n’imposent aucune obligation aux employeurs, lesquels sont tenus de respecter le droit à la vie privée de leur salariés. Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2022, la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française conclut à l’irrecevabilité de la requête dès lors que la décision attaquée n’est pas produite, que les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir. Elle conclut en outre au rejet de la requête et en cas d’annulation, de ne prononcer l’annulation qu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de la décision à venir. Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2022, la Polynésie française conclut au rejet comme étant irrecevables de la requête et de l’intervention volontaire dès lors que les requérants et les intervenants n’établissent ni leur qualité, ni leur intérêt pour agir. Elle conclut en outre au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 200 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 7 février 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la loi du pays n°2020-11 du 21 avril 2020 ; - la loi du pays n°2021-37 du 23 août 2021 ; - l’arrêté n°1749 CM du 25 août 2021 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Retterer, premier conseiller, - les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteure publique, - les observations de Mme Izal, pour la Polynésie française et celles de Mme Dreano, pour la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française. Considérant ce qui suit : 1. La loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 met en place la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19. L’arrêté n°2233 CM du 12 octobre 2021 crée un traitement de données à caractère personnel dénommé OBLIVACC, relatif au suivi de la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de l’épidémie de la covid-19. L’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale (ARASS) est chargée de la gestion de ce traitement, l’amenant notamment à identifier les personnes concernées par la vaccination obligatoire et contrôler le respect de leur obligation. Les données et informations enregistrées dans le traitement sont énumérées par l’article 4 de l’arrêté et sont principalement collectées, soit auprès des employeurs, soit directement auprès de la personne concernée. L’ARASS délivre une attestation de conformité à l’obligation vaccinale. Les requérants demandent l’annulation de cet arrêté. Sur les fins de non-recevoir dirigées contre les requérants : 2. Aux termes de l’article 2 de l’arrêté n° 1749 CM du 25 août 2021 portant application de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19 : « Conformément à l'article LP 5 de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 susvisée, les secteurs d'activité, les lieux d'exercice, les personnes ou les professions concernés par l'obligation vaccinale contre la covid-19 sont : / En application du deuxième alinéa l'article LP 1 : - L'ensemble des professionnels de santé exerçant dans le secteur public, privé ou à titre libéral ; - Les personnes travaillant en établissements soumis à la réglementation relative aux autorisations sanitaires ; -Les personnes travaillant dans les formations sanitaires relevant de la direction de la santé telles que définies par arrêté n° 673 CM du 15 avril 2004 modifié portant organisation de la direction de la santé ; - Les personnes travaillant en structures de santé publiques ou privées ; - Les personnes travaillant en laboratoires d'analyses de biologie médicale publics ou privés ; - Les personnes travaillant en officines de pharmacie ; - Les personnes travaillant chez les prestataires d'oxygène et gaz médicaux ; - Les personnes travaillant chez les prestataires de matériel orthopédique ; -Les personnes travaillant en magasins d'optique-lunetterie ; - Les personnes travaillant en établissements en charge d'enfants et d'adultes handicapés ; - « Les personnes travaillant en établissements d’accueil ou d’hébergement de personnes âgées, médicalisés ou non ; » - Les personnes travaillant dans les services de maintien à domicile ; - Les personnes travaillant en entreprises de transport sanitaire ; - Les personnes travaillant en entreprises funéraires ; - Les personnes exerçant une activité d'aide à domicile auprès de personnes âgées, malades ou handicapées ; - Les pompiers ; - Les personnes travaillant en établissements recevant des enfants et des adolescents (…) ; - Les chauffeurs de bus et assimilés ; - Les personnels navigants des compagnies aériennes et maritimes. / En application du troisième alinéa l'article LP 1, les personnes travaillant : - Dans tout commerce et activités de prestation de services : caissiers, vendeurs, guichetiers, livreurs à domicile ; - Dans les établissements d'hébergement touristique et prestataires d'activités : agent d'accueil, de caisse, de services de restauration, de transport des bagages, d'entretien et de ménage, de SPA, de bar, guides touristiques, chauffeurs des transports touristiques ; -Dans tout restaurant, bar, snacks, roulottes : caissiers, serveurs ; - Dans les services, établissements et organismes exerçant une mission de service public : agents d'accueil, de guichets, de sécurité et d'entretien ; - Dans les entreprises de prestations de services opérant sur sites multiples pour le compte d'entités chargées d'une mission de service public ou privé. / En application de l'article LP 3 : - « Les personnes travaillant dans un établissement de préparation, de vente en gros ou de distribution en gros de gaz médicaux, de médicaments, produits et objets visés aux articles 1er-1 et 1er-4 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 modifiée relative à certaines dispositions concernant l’exercice de la pharmacie ; » - Les personnels travaillant sur la plateforme aéroportuaire de Tahiti-Faa'a, ainsi que les aérodromes des îles, dont la profession est réglementée ou dont l'absence risque d'entraîner un blocage de l'activité et/ou une impossibilité de gérer le trafic ; - Dans les entités chargées d'une mission de service public dont la défaillance potentielle présente un risque systémique pour le territoire ; Les acteurs de la navigation aérienne (contrôleurs aériens) ; - Les personnels des opérateurs de sureté des aéroports ; - Les personnels des opérateurs et transporteurs de fret maritime ; - Les personnels de la manutention portuaire / En application de l'article LP 4 : - « Les personnes exerçant en tant que moniteur de plongée ; » - Les personnes réalisant des tatouages, des soins d'esthétique ou des massages ». 3. Dans leur requête les six requérants soutiennent qu’ils ont intérêt à agir. Pour le justifier, les cinq avocats indiquent qu’ils sont ressortissants de la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française (CPS) et employeurs. M. R..., se prévaut pour sa part de sa qualité de médecin. En défense, la Polynésie française et la CPS estiment que les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir. Ils indiquent que les avocats ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale au sens de l’article 2 de l’arrêté n°1749 du 25 août 2021, et le seul fait d’être ressortissant de la CPS est étranger à l’obligation vaccinale. La Polynésie française indique que si le docteur R... justifie par principe d’un intérêt à agir, « ce-dernier ne justifie toujours pas être en activité ». En réponse, les requérants n’apportent aucun élément supplémentaire pour contester sérieusement ces fins de non-recevoir. D’une part, il ne ressort pas de l’arrêté n°1749 du 25 août 2021 susvisé que les avocats sont concernés par l’obligation vaccinale. De plus en se bornant à produire un document attestant que leurs salariés relèvent de la CPS ainsi qu’un contrat de travail d’une salariée de Me N... indiquant que cette salariée du cabinet est susceptible de recevoir des clients, les requérants ne justifient pas en leur qualité d’avocats de leur intérêt à agir à l’encontre de l’arrêté litigieux. D’autre part, le Dr R... ne justifie, en réponse à la fin de non- recevoir opposée, ni être en activité, ni d’ailleurs être concerné par cette obligation vaccinale. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir contre l’arrêté en litige. Par suite, leur requête est irrecevable. En conséquence, l'intervention collective à l'appui de la requête, présentée par Mme V..., Mme B... épouse P..., Mme J... épouse W..., Mme K... épouse C..., Mme I..., est également irrecevable. 4. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée. Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En outre, la Polynésie française ne justifie pas avoir exposé des frais non compris dans les dépens à l’occasion de la présente instance. Par suite, les conclusions qu’elle présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : L’intervention de Mme D... V..., Mme M... B... épouse P..., Mme Z... J... épouse W..., Mme Q... K... épouse C... et Mme Y... I... n’est pas admise. Article 2 : La requête présentée par Mme S... et autres est rejetée. Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F... S..., Mme E... S..., Mme G... H..., Mme O... N..., M. X..., M. T... R..., Mme D... V..., Mme M... B... épouse P..., Mme Z... J... épouse W..., Mme Q... K... épouse C..., Mme Y... I..., à la Polynésie française et à la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française. Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, M. Retterer, premier conseiller, M. Graboy-Grobesco, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022. La greffière, D. Germain La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, |