Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 06/05/2022 Décision n° 2200151 Solution : Rejet | Ordonnance du Tribunal administratif n° 2200151 du 06 mai 2022 Tribunal administratif de Polynésie française Juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 20 avril 2022, complétée par un mémoire enregistré le 4 mai 2022, l’association des habitants de Tema’e Moorea, représentée par Me Rezgui, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L 521-3 du code de justice administrative : - d’ordonner au président de la Polynésie française, au vice- président de la Polynésie et au maire de la commune de Moorea de communiquer dans les 8 jours les documents demandés au sein du courrier du 13 janvier 2022, sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, en application des dispositions de l’article L.911-1 du Code de la justice administrative ; - de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est recevable : le point 7° de l’article 7 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant « statut d’autonomie de la Polynésie française » y a rendu applicables de plein droit les dispositions législatives et règlementaires relatives aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’Administration de l’Etat et les communes et leurs établissements publics ; le Conseil constitutionnel a confirmé l’application en Polynésie française des dispositions légales relatives à l’accès aux documents administratifs ; son objet est conforme aux statuts de l’association et son président a été habilité à agir par une décision en date du 14 novembre 2021 du bureau exécutif de l'association ; - l’urgence est justifiée : dans le cadre d’une procédure pendante devant le tribunal administratif, (dossier n° : 2100539) visant à obtenir l’annulation partielle de l’arrêté du gouvernement de Polynésie française n°2009 CM du 10 septembre 2021, elle a sollicité la communication d’un certain nombre de documents auprès des autorités suivantes, par lettre en date du 13 janvier 2022 ; aucune réponse n’a été apportée à cette demande alors que leur transmission immédiate est nécessaire à la protection ou à la sauvegarde de ses droits ; elle se trouve bloquée dans sa procédure au fond ; compte tenu de l’exception introduite dans le PGEM par le gouvernement, il sera désormais possible de construire sur le lagon, en violation des orientations dégagées lors de la révision du PGEM et de la convention RAMSAR, constituant une urgence et un péril grave justifiant de passer outre la décision implicite de rejet opposée à sa demande ; - la mesure sollicitée est utile et justifiée ; il n’existe pas d’autre voie de droit qui permette l’accès auxdits documents administratifs ; elle a justifié l’intégralité de sa demande de sept documents au sein du courrier du 13 janvier 2022 ; - il n’y a d’obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative en prescrivant à l’administration de prendre les mesures indispensables concernant l’autorisation d’accès aux documents administratifs à tout citoyen ou association, puisque aucune décision n’a jamais été prise à cet égard ; - l’existence des documents a été établie par des éléments concrets tels que des interviews de la présidence et de la vice-présidence, des documents administratifs existants et des documents graphiques ; Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2022, la Polynésie française conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - à titre principal la requête est irrecevable ; l’association n’a pas justifié son intérêt pour agir au regard de ses statuts ; - la condition d’urgence n’est pas satisfaite ; il n’est pas démontré que la transmission immédiate des documents est nécessaire à la protection ou à la sauvegarde des droits de la requérante ; - la mesure n’est pas utile ; le lien que pourraient avoir les multiples documents listés par la suite avec le recours no 2100539 actuellement pendant ou avec ledit PGEM de Moorea n’est pas établi ; - faire droit à la mesure ferait obstacle à à l’exécution d’une décision implicite de rejet née de la demande de communication de pièces du 13 janvier 2022 ; - les éléments sollicités par l'association requérante sont manifestement déjà en sa possession ou disponibles en mairie de Moorea et à la direction de la construction et de l’aménagement ou celle des affaires foncières ; Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Après avoir convoqué à une audience publique l’association requérante, la Polynésie française et la commune de Moorea ; Ont été entendus lors de l’audience publique du 5 mai 2022, à 10 heures 30 : - le rapport de M. Devillers, juge des référés, - Me Rezgui, avocat de l’association des habitants de Tema’e Moorea; - M. Lebon, représentant de la Polynésie française ; - Me Chapoulie représentant la commune de Moorea à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ». 2. Saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, citées ci-dessus, d’une demande qui n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d’injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En raison du caractère subsidiaire du référé régi par l’article L. 521-3, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 521-1 et L 521-2. Il peut, en particulier ordonner, lorsque les conditions posées par l'article L. 521-3 sont réunies, la communication de documents administratifs, sans qu'il soit besoin que le requérant ait au préalable saisi la commission d'accès aux documents administratifs. Les pouvoirs qu’il tient de ces dispositions ne peuvent toutefois le conduire à faire obstacle à l’exécution de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l’autorité administrative a rejeté la demande de communication de documents qui lui a été présentée. Il en résulte, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave, qu’il appartient au juge des référés de rejeter la demande dont il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 dès lors qu’une telle décision est intervenue, que ce soit antérieurement à l’enregistrement de la demande ou en cours d’instance. 3. Il résulte de l’instruction que le président de l’association requérante a, le 14 janvier 2022, transmis par courriel à la présidence et à la vice-présidence de la Polynésie française ainsi qu’à la commune de Moorea et au maire délégué de la commune de Teavaro, le courrier daté du 13 janvier 2022 par lequel il sollicitait la communication de documents. En l’absence de réponse des administrations concernés, il est né une décision implicite de rejet de cette demande le 14 mars 2022, antérieure à l’enregistrement de la présente requête, décision susceptible de recours au fond et de référé suspension et à laquelle, ainsi qu’il a été dit, il n’appartient pas au juge des référés saisis sur le fondement de l’article L. 521-3, sauf péril grave, de faire obstacle. 4. Pour justifier d’un tel péril grave justifiant de déroger à la condition imposée au juge des référés de ne pas « faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative », l’association requérante expose que la transmission immédiate des documents dont la communication est sollicitée est nécessaire à la protection ou à la sauvegarde de ses droits afin de lui permettre d’alimenter la procédure au fond qu’elle a introduite contre l’arrêté du 10 septembre 2021 modifiant le plan de gestion de l’espace maritime (PGEM) de Moorea et parce que, compte tenu de l’exception introduite dans le PGEM par le gouvernement, il sera désormais possible de construire sur le lagon de la baie de Nuarei à Tema'e dans le cadre d'une zone de développement prioritaire, en violation des orientations dégagées lors de la révision du PGEM et de la convention de Ramsar. Toutefois, d’une part, il appartient au tribunal d’ordonner, le cas échéant, de sa propre initiative ou à la demande des parties, le versement au dossier des pièces ou informations qui peuvent lui apparaître nécessaires à l’instruction de la requête enregistrée le 16 novembre 2021 dirigée contre l’arrêté du 10 septembre 2021 révisant le PGEM. D’autre part, la modification litigieuse de ce document ne peut, à elle seule, porter atteinte aux droits défendus par l’association requérante dès lors, qu’ainsi que l’expose en défense la Polynésie française, toute construction envisagée à Temae supposera la délivrance préalable de diverses autorisations, toutes susceptibles d’être déférées devant le juge administratif. Dans ces circonstances, l’association des habitants de Tema’e Moorea ne peut être regardée comme justifiant que l’absence de communication immédiate des documents visés l’exposerait à un péril grave. 5. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association des habitants de Tema’e Moorea, à la Polynésie française et à la commune de Moorea. Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française. Fait à Papeete, le 6 mai 2022. La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier, |