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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 24/05/2022
Décision n° 2100462

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet

Décision du Tribunal administratif n° 2100462 du 24 mai 2022

Tribunal administratif de Polynésie française


Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2021, le syndicat des agents publics de Polynésie (SAPP), les confédérations syndicales Otahi et O Oe To Oe Rima et le syndicat SNETAA-FO, représentés par Me Usang, demandent au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté n° 1749/CM du 25 août 2021 portant application de loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19 ;
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 252 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- la requête est recevable ;
- la loi du Pays n° 2021-37 du 23 août 2021 est entachée d’illégalité pour ne pas avoir déterminé précisément elle-même les professions visées par l’obligation vaccinale et l’article 140 de la loi 2004-192 du 27 février 2004 est ainsi méconnu ;
- les illégalités entachant la loi du pays entachent par exception d’illégalité l’arrêté critiqué ; promulgation anticipée du dispositif ayant fondé la prise de l’arrêté en cause, en méconnaissance de l’article 177 de la loi organique du 27 février 2004 ; non consultation du conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française et des organismes paritaires concernés ;
- la loi du Pays précitée est entachée d’illégalité pour incompétence négative au regard de la répartition des compétences entre le conseil des ministres et l’assemblée de la Polynésie française ;
- les vaccins présentent un caractère expérimental ;
- l’amende envisagée présente un caractère illégal ;
- le contrôle du statut vaccinal des salariés et agents publics est entaché d’une incompétence « rationae materiae » ;
- le droit à la vie privée et au secret médical est méconnu ;
- la loi du Pays précitée méconnaît certains articles de la Constitution et les « engagements internationaux de la France » tenant au droit syndical, au droit de propriété, à la liberté de religion et de culte dès lors que certaines religions interdisent la vaccination, au principe d’égalité devant la loi, au principe de non-discrimination, au respect des droits de la défense, au respect du principe d’impartialité et de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du Pays précitée est entachée d’une erreur manifeste d'appréciation ;
- les contrôles envisagés par le même texte en cas de manquement à l’obligation vaccinale sont impossibles à réaliser notamment dès lors que les médecins et les pharmaciens de l’agence de régulation de l’action sanitaire et sociale et de la direction de la santé n’ont pas l’habilitation pour procéder à ces contrôles ;
- la même loi du Pays est irrégulière en ce qu’elle méconnaît le principe de responsabilité personnelle des peines.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2021, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que les syndicats requérants ne justifient pas de la capacité de leurs représentants à introduire en leurs noms le présent recours et, subsidiairement que les moyens exposés dans la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi du Pays n° 2021-37 du 23 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Graboy-Grobesco, rapporteur,
- les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteure publique,
- et les observations de M. A... pour la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 20 août 2021, l’assemblée de Polynésie a adopté une loi du pays relative à la vaccination obligatoire de certaines catégories de personnes dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Le président de la Polynésie française a promulgué cette loi du pays le 23 août 2021. Conformément aux articles LP. 2 et LP. 5 de la loi précitée, le conseil des ministres a pris un arrêté d’application n° 1749/CM du 25 août 2021 précisant les personnes soumises à l’obligation de vaccination contre la covid-19 ainsi que les secteurs d’activité, les lieux d’exercice ou les professions concernés par cette obligation légale. Par la présente requête, les syndicats susvisés demandent l’annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Aux termes de l’article LP.1er de la loi du pays du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19, publiée au JOPF le 23 août 2021 : « Les personnes qui exercent une activité professionnelle ou bénévole les exposant ou exposant les personnes dont elles ont la charge à des risques de contamination doivent avoir un schéma vaccinal complet contre la covid- 19 (…) » Aux termes de son article LP. 2 : « Les personnes de plus de seize ans, atteintes d’une des affections dont la liste est établie par arrêté pris en conseil des ministres, sont tenues de se soumettre à l’obligation de vaccination contre la covid-19 (…) ». Aux termes de l’article LP. 5 : « Les secteurs d’activité, les lieux d’exercice, les personnes ou les professions concernés par la présente loi du pays sont fixés, par arrêté pris en conseil des ministres (…). ». Aux termes de l’article LP. 7 : « L’obligation vaccinale est considérée comme réalisée sur présentation du justificatif de statut vaccinal complet. (…) Lorsque les personnes concernées par l’obligation vaccinale contre la covid-19 justifient d’une contre-indication temporaire (…) ces personnes sont exonérées de manière temporaire de l’obligation de vaccination (…). Lorsque les personnes concernées par l’obligation vaccinale contre la covid-19 justifient d’une contre-indication absolue (…) ces personnes sont exonérées de l’obligation de vaccination (… ) ». Aux termes de l’article LP. 8. : « Le non-respect des obligations de vaccination prévues aux articles LP. 1, LP. 3 et LP. 4 ou la volonté d’en entraver l’exécution sont punis d’une amende administrative de 175 000 F CFP ». Aux termes de l’article LP. 9. : « Le non-respect de l’obligation de vaccination prévue à l’article LP. 2 donne lieu à majoration d’un nombre de points fixé par arrêté pris en conseil des ministres du ticket modérateur pour la prise en charge de tous actes, prescriptions et prestations dispensés à l’assuré par les régimes de protection sociale polynésiens, y compris l’hospitalisation. Cette majoration cesse après satisfaction à l’obligation de vaccination (…) ». Enfin au termes de l’article LP. 15. : « Les personnes visées par l’obligation vaccinale de la présente loi du pays disposent d’un délai de deux mois à compter de la date de promulgation de la présente loi du pays pour satisfaire à cette obligation ».
3. L’article 1er de l’arrêté contesté n° 1749 CM du 25 août 2021 portant application de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19 fixe la liste des personnes de plus de seize ans soumises à l'obligation de vaccination contre la covid-19 en application des dispositions précitées de l’article LP.2 de la loi du pays n° 2021-37 du 23 août 2021. L’article 2 détermine les secteurs d'activité, les lieux d'exercice, les personnes ou les professions concernés par l'obligation vaccinale contre la covid-19 en application des article LP. 1, LP. 3 et LP.4. L’article 3 précise, pour l’application de l'article LP 9, que « le non-respect de l'obligation de vaccination prévue à l'article LP 2 donne lieu à majoration de 20 points pour la prise en charge ».
4. Dans sa décision n° 456714 du 10 décembre 2021, le Conseil d’Etat a rejeté les conclusions présentées par les mêmes requérants à fin d’annulation de la loi du pays précitée du 23 août 2021. Ceux-ci, qui ne soulèvent au demeurant aucun moyen propre à l’arrêté qu’ils contestent, ne sont donc pas fondés à soutenir globalement que les illégalités prétendues de cette loi « entachent en conséquence l’arrêté pris en application de cette réglementation ».
5. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l’existence d’un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu’il énonce, lesquelles ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application tant qu’il n’a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.
6. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu’il est saisi, par la voie de l’action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l’acte réglementaire, la légalité des règles qu’il fixe, comme la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l’ordre juridique.
7. Après l’expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l’application de l’acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.
8. En conséquence de ce qui précède, les syndicats et confédérations requérants ne peuvent utilement invoquer, à l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté précité du 25 août 2021, les moyens tirés respectivement de la promulgation anticipée de la loi du pays du 23 août 2021 et de l’absence des consultations du conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française ainsi que des organismes paritaires représentatifs de salariés et d’agents publics.
9. La santé publique n’est pas au nombre des compétences que l’article 14 de la loi organique attribue à l’Etat, et qui sont, en vertu de l’article 13, limitativement énumérées. Par suite, la Polynésie française est compétente pour édicter une obligation de vaccination, sans que la circonstance que celle-ci puisse avoir des conséquences quant aux modalités d’exercice de certaines libertés puisse la faire regarder comme relevant de la garantie des libertés publiques, compétence réservée à l’Etat par le même article 14. La Polynésie française est notamment compétente pour organiser les contrôles, nécessaires au respect de l’obligation. Par suite, le moyen tiré de ce que le dispositif envisagé de contrôle du statut vaccinal des salariés et agents publics est entaché d’une incompétence « ratione materiae » doit être écarté.
10. Si les requérants soutiennent que la loi du pays du 23 août 2021 est entachée d’illégalité pour incompétence négative faute d’avoir déterminé précisément elle-même les professions visées par l’obligation vaccinale, il ressort toutefois des dispositions des articles LP2 à LP4 de la loi précitée que l’assemblée a déterminé avec suffisamment de précision, au regard des objectifs à atteindre, les principes déterminant le choix par les auteurs des arrêtés à intervenir des limites de l’obligation vaccinale en cause.
11. Il ressort des pièces du dossier que tous les vaccins contre la covid-19 autorisés par le gouvernement de la Polynésie française ont fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché par l’Agence européenne du médicament. Il ne peut pas être sérieusement contesté que cette dernière autorisation est toujours en vigueur à la date de l’acte contesté. Si l’autorisation est conditionnelle, il ne s’ensuit pas pour autant que la vaccination obligatoire aurait le caractère d’une expérimentation médicale ou d’un essai clinique, lesquels au surplus obéissent à d’autres fins. Sont donc inopérants les moyens tirés de ce que la « loi du pays » contestée méconnaîtrait les règles et principes auxquels sont subordonnés de tels essais ou expérimentations, notamment et en tout état de cause ceux de la convention sur les droits de l’homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997.
12. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Le droit à l’intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l’homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l’article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l’efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu’il peut présenter.
13. En premier lieu, d’une part, l’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. Celle-ci prend la forme de vagues soudaines, difficiles à prévenir et entraînant dans un délai très bref des conséquences particulièrement graves, y compris un nombre significatif de décès et la saturation des capacités hospitalières. Ce risque s’est aggravé avec l’apparition d’un nouveau variant, encore plus contagieux, comme en témoigne la crise que la Polynésie française a connue à l’été 2021. En l’état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95 % le risque d’hospitalisation, les risques de circulation du virus sont réduits lorsqu’une personne est vaccinée et il ressort des travaux préparatoires de la « loi du pays » que la très grande majorité des personnes admises dans un service de réanimation ou décédées n’étaient pas vaccinées. Le niveau de la vaccination, en l’absence d’obligation, n’était pas suffisant pour stopper des vagues épidémiques, qui n’ont pu l’être que par des mesures restreignant, notamment, l’exercice de la liberté d’aller et venir.
14. D’autre part, les vaccins font l’objet d’une autorisation conditionnelle de mise sur le marché. Or en vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. Il ressort des pièces du dossier que les cas d’effets secondaires allégués sont trop rares ou trop mal établis pour compenser les bénéfices de la vaccination. L’agence européenne du médicament procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées.
15. En deuxième lieu, si l’article LP. 7 de la loi du pays dispense de l’obligation vaccinale les personnes présentant une contre-indication prévue par l’autorisation de mise sur le marché des vaccins disponibles, son article LP. 5 prévoit qu’un arrêté en conseil des ministres précise les personnes concernées par l’obligation. Il appartient ainsi au conseil des ministres de lister, le cas échéant, les autres contre-indications justifiant une dispense et, en vertu de l’article LP. 6 de la loi du pays, d’actualiser cette liste compte tenu de l’évolution des connaissances médicales et scientifiques. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que seules les contre-indications prévues par l’autorisation de mise sur le marché seraient admises. La « loi du pays » a pu légalement prévoir qu’elles ne seraient pas laissées à l’appréciation de chaque médecin.
16. En troisième lieu, le législateur du pays a fait le choix d’appliquer l’obligation aux personnes que leurs activités mettent en contact avec le public ou avec des personnes fragiles, à celles exerçant des activités indispensables à la vie de la collectivité, à celles dont l’activité n’est pas compatible avec les « gestes barrières » et à celles que leur état de santé expose aux formes les plus graves de la maladie. Le but n’étant pas seulement de préserver directement les personnes fragiles mais aussi de ralentir la circulation du virus, il n’était pas tenu d’en exclure les personnes qui travaillent au contact d’enfants ni de limiter la mesure aux personnels de santé. Les personnes rétablies de la maladie n’étant immunisées qu’à court terme, il n’était pas davantage tenu de les exclure. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l’objectif de santé publique poursuivi.
17. En quatrième lieu, le législateur du pays pouvait de même, eu égard à la nature de l’obligation, choisir de ne pas fixer de limite dans le temps, dès lors, d’une part, qu’il lui appartenait d’agir, non seulement face à la vague épidémique alors en cours, mais aussi en prévision de vagues épidémiques futures, et, d’autre part, qu’il appartiendrait au gouvernement de la Polynésie française, en application de l’article LP. 6, de réexaminer les mesures prises si la situation venait à le nécessiter. Les auteurs de la « loi du pays » n’avaient pas à limiter l’obligation à certaines parties du territoire, étant donné la circulation entre les iles, lesquelles sont au demeurant particulièrement fragiles, même si certaines étaient encore épargnées à l’été 2021.
18. Ainsi, les dispositions critiquées ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l’objectif d’amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique, et proportionnée à ce but.
19. Doivent être écartés pour les mêmes motifs les moyens par lesquels les requérants invoquent la méconnaissance prétendue de certains articles de la Constitution et des « engagements internationaux de la France » tenant au droit syndical, au droit de propriété, à la liberté de religion et de culte, au principe d’égalité devant la loi, au principe de non-discrimination, au respect des droits de la défense, au respect du principe d’impartialité et de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. L’article LP. 8 punit le non-respect des obligations de vaccination imposées à raison de l’activité, ainsi que « la volonté d'en entraver l'exécution », d'une amende administrative de 175 000 F CFP. Aux termes de l’article LP. 11 : « Avant de prononcer l'amende administrative prévue à l'article LP. 8, l'autorité administrative compétente informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification du courrier ou de la remise en main propre, pour régulariser sa situation vaccinale ou faire part de ses observations écrites ».
21. Le montant de l’amende n’est pas disproportionné eu égard au manquement qu’elle a pour objet de sanctionner. Il en est de même pour la faculté de la prononcer à plusieurs reprises, ce renouvellement n’étant éventuellement possible qu’au terme du délai d’un mois laissé au contrevenant pour régulariser sa situation vaccinale, et ne pouvant ainsi s’appliquer que s’il persiste dans son refus. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des dispositions de l’article LP. 11 que l’amende ne peut pas être infligée à une personne qui, invitée à régulariser sa situation, choisirait de le faire, non en se faisant vacciner, mais en mettant fin à l’activité à raison de laquelle elle est soumise à l’obligation. Il appartient au juge administratif, pour chaque amende prononcée et après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et sur la qualification, de maintenir l’amende ou de l’annuler ; ainsi, la circonstance que l’amende soit forfaitaire ne suffit pas à caractériser une méconnaissance du principe d’individualisation des peines.
22. En se se bornant à faire état de l’hypothèse d’un étudiant mineur en école infirmier soumis à l’obligation vaccinale et qui n’aurait pas accès à la vaccination du fait des opinions de ses parents, les requérants n’établissent pas sérieusement que la loi qu’ils contestent par voie d’exception, méconnaîtrait le principe de responsabilité personnelle des peines.
23. Aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la loi organique, « la Polynésie française peut assortir les infractions aux actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" ou aux délibérations de l'assemblée de la Polynésie française de peines d'amende, y compris des amendes forfaitaires dans le cadre défini par le code de procédure pénale, respectant la classification des contraventions et délits et n'excédant pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale. Elle peut assortir ces infractions de peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale ». Ces dispositions ne concernent que les sanctions pénales, non les amendes administratives prévues au deuxième alinéa du même article 20. Dès lors, le moyen tiré de ce que le montant de l’amende administrative excèderait celui des amendes prévues par la législation applicable en métropole pour des infractions de même nature est, en tout état de cause, inopérant.
24. Si, pour prendre et motiver la sanction, le président de la Polynésie française saura nécessairement que l’intéressé n’est pas vacciné et n’est pas dans un cas de contre-indication, il ne saurait avoir accès à aucune autre donnée de santé. Par elle-même, la « loi du pays » précitée ne prévoit pas de traitements de données à caractère personnel et, en tout état de cause, les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 s’imposeraient à tout acte qui serait pris pour créer de tels traitements. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du secret médical et du droit à la protection des données personnelles et médicales ne peuvent qu’être écartés.
25. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, et eu égard à l’ampleur de la vague épidémique existant à la date de l’adoption de la loi du pays en question, le moyen tiré de l’erreur manifeste d'appréciation en lien avec le principe même de l’obligation vaccinale doit être écarté.
26. Enfin, aux termes de l’article LP 10 de la loi du pays précitée : « Les manquements à la présente loi du pays et à ses arrêtés d'application sont constatés par les médecins et pharmaciens de l'Agence de régulation de l'action sanitaire et sociale et de la direction de la santé, dans le respect du secret médical ». A supposer enfin qu’il existe des difficultés ou une impossibilité de réaliser les contrôles envisagés par les dispositions susmentionnées en cas de manquement à l’obligation vaccinale, cette circonstance est toutefois sans incidence sur la légalité de l’article LP 10 précité de cette loi.
27. En conséquence de tout ce qui précède, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la loi du pays du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19, doit être écarté.
28. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la Polynésie française, les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté qu’ils contestent.
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par le syndicat des agents publics de Polynésie (SAPP), les confédérations syndicales Otahi et O Oe To Oe Rima et le syndicat SNETAA-FO est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié au syndicat des agents publics de Polynésie (SAPP), aux confédérations syndicales Otahi et O Oe To Oe Rima, au syndicat SNETAA-FO et à la Polynésie française. Copie sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre chargé de l’outre-mer.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Devillers, président, M. Retterer, premier conseiller, M. Graboy-Grobesco, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition, Un greffier,
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