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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 19/08/2022
Décision n° 2200333

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet défaut de doute sérieux

Décision du Tribunal administratif n° 2200333 du 19 août 2022

Tribunal administratif de Polynésie française

Juge des référés


Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2, 11, 12 et 16 août 2022, M. J I, M. L I, M. M I et M. N I, représentés par Me Bourion, demandent au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de :
- suspendre l'arrêté n° 1167 CM du 5 juillet 2022, publié le 12 juillet 2022, édicté par le président de la Polynésie française et le ministre des finances, de l'économie en charge de l'énergie, de la coordination de l'action gouvernementale, de la protection sociale généralisée et des télécommunications, fixant le prix de cession des quinze parts sociales numérotées 1 à 15 de M. E I dans la Scp " Office Notarial Bernard I et Alexandre A Notaires Associés " à 14 002 291 F CFP.
Ils soutiennent que :
- le juge administratif est bien compétent pour connaître de la demande d'annulation d'un acte administratif unilatéral ;
- la Scp ne démontre pas l'intérêt qu'elle aurait à s'opposer à la suspension de l'arrêt litigieux et son mémoire doit donc être écarté des débats ;
- sur l'urgence : elle est justifiée au regard de l'article 25 alinéa 4 de la délibération
89-104 AT du 27 juillet 1989 afin d'empêcher la cession de devenir effective dans les
quinze jours d'une sommation à intervenir ; des sommations ont été signifiées les 26 et 28 juillet 2022 aux consorts I aux fins de signature d'un projet de cession des parts sociales le 5 août 2022 à 10 heures, auxquelles ils se sont opposés ;
- sur le doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué :
- l'arrêté n° 1167 CM du 5 juillet 2022, publié le 12 juillet 2022, se fonde sur le dépôt d'un rapport d'expertise le 14 avril 2022 et trois autres rapports qui n'ont jamais été portés à leur connaissance ;
- M. A devra produire les quatre rapports d'expertise dont il se prévaut, sinon le principe du contradictoire est méconnu et le tribunal devra les écarter des débats ;
- il n'est pas démontré que le ou la signature de la décision bénéficie valablement d'une délégation de signature lui permettant de signer en lieu et place du ministre des finances ;
- l'arrêté litigieux se fonde notamment sur la lettre de " Me Usang du 18
février 2022 " qui a été adressée au cabinet de Me Bourion ; or, les consorts I n'ont jamais élu domicile chez Me Bourion et cette lettre est donc entachée d'illégalité externe ;
- l'évaluation des parts par l'acte attaqué est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le 16 décembre 2013, une convention était signée entre Me I, M. F D et M. H A dans laquelle la valeur de l'office notarial avait été évaluée à la somme de 220.000.000 XPF ; dans son pré-rapport en date du 14 février 2020, l'expert M. C valorisait les parts sociales à hauteur de 203.680.414 XPF ; à titre indicatif, le produit brut de l'étude est de 270.000.000 XPF sur cinq ans ; la " religion du président de la Polynésie française a été surprise " par la manœuvre de fraude de M. A, pourtant officier ministériel ;
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 et 16 août 2022, M. K H A et la Scp " Office notarial Bernard I et Alexandre A ", représentés par Me Usang, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des consorts I une somme de 550.000 FCFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il y a eu quatre avis d'experts pour évaluer les parts sociales de la Scp et la procédure a donc été respectée ;
- la Scp Bernard Brugmann et Alexandre A, est en activité depuis le 1er
octobre 2018, avec un seul notaire Me Alexandre A ;
- le conseil des ministres était compétent pour adopter la décision
du 05 juillet 2022 ;
- l'arrêté attaqué est motivé en fait et en droit ;
- la procédure de consultation et d'avis a bien été respectée
- la convention de 2013 est nulle ; le régime de vénalité des charges issu de " l'édit de Paulette de 1604 " ne s'applique pas en Polynésie française ;
- M. A n'a jamais donné son accord pour un rachat des parts de feu M. I pour un montant de 220 millions de FCFP ;
- la satisfaction de la condition d'urgence n'est pas démontrée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 et 17 août 2022, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- à titre principal, le juge administratif est incompétent pour connaître du litige ;
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; si les requérants font état de sommations de signer, fait générateur du délai de quinze jours qu'ils invoquent, et d'oppositions ils ne les produisent pas ; au demeurant, si de tels actes existent, les oppositions formées ont suspendu l'effet des sommations ;dans la mesure ou le fait générateur de 1'urgence est la sommation de payer, c'est cet acte qu'il conviendrait d'attaquer ; l'absence de diligence des requérants qui n'ont introduit leur demande de suspension de l'arrêté critiqué que vingt jours après sa publication témoigne de l'absence d'urgence ; les requérants, qui ne témoignent pas d'une situation d'indigence ni même d'une quelconque gêne sur le plan financier, conservent la possibilité de faire un recours indemnitaire contre la Polynésie française pour le cas où le juge saisi au fond, annulerait l'acte critiqué.
- aucun moyen de droit n'est soulevé de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées ; elle n'a pas à justifier de la compétence du signataire d'une simple ampliation ; aucune disposition réglementaire n'oblige l'autorité compétente à communiquer les rapports d'expertise aux parties concernées préalablement a sa décision et l'arrêté n° 1167 CM du 5 juillet 2022 contesté n'est ni une décision défavorable, ni une décision prise en considération de la personne ; dès lors, cet arrêté n'est pas soumis au principe du contradictoire, et n'a pas davantage à être motivé.
- la convention de 2013 invoquée est inopposable ; elle n'est en fait jamais entrée en
application, étant assortie de conditions suspensives qui n'ont pas été réalisées ;
- en Polynésie française, la délibération n° 89-104 AT du 27 juillet 1989
portant application de ladite loi pour la profession de notaire n'a pas fait figurer, en son article
9, la valeur de la clientèle civile dans la liste des éléments susceptibles d'apports a la société ; aussi le prix de cession retenu par l'arrêté est directement issu du rapport d'un expert-comptable, prenant en compte la méthodologie comptable du conseil interrégional des notaires des cours d'appel de Colmar et de Metz dans le ressort territorial desquels s'applique, comme en Polynésie française, une règle de non-patrimonialité des offices ; il en résulte dans le cas d'un office détenu en société, dans lequel, les éléments d'actif appartiennent à la société d'exercice et ne peuvent donc pas être cédés, que seules les parts sociales du cédant peuvent être vendues au prix de leur valeur nominale figurant au dernier bilan ou sur le Kbis, augmentées du remboursement des comptes d'associés, s'ils devaient encore exister dans la structure sociale ;
Vu les décisions attaquées, la requête enregistrée sous le n°2200329 tendant notamment à leur annulation et les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n°89-104APF du 27 juillet 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, Me Bourion pour les requérants, M. B et Mme G pour la Polynésie française et Me Usang pour M. K H A et la Scp " Office notarial Bernard I et Alexandre A ", qui ont repris les moyens et arguments sus analysés.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
Sur la compétence du juge administratif des référés :
1. Le juge administratif des référés ne peut être saisi d'une requête tendant à la mise en œuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire, n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative. En l'espèce, le recours pour excès de pouvoir enregistré au tribunal sous le n° 2200329 est dirigé contre l'acte par lequel, en application du 5ème alinéa de l'article 25 de la délibération n° 89-104 AT du 27 juillet 1989 modifiée portant application à la profession de notaire de la loi n° 66-679 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, le conseil des ministres de la Polynésie française a, les parties n'ayant pu convenir d'un prix de cession, fixé la valeur des parts sociales de la société civile professionnelle " Office notarial Bernard I et Alexandre A, notaires associés ". Un tel acte de cette autorité administrative pouvant être regardé comme traduisant l'exercice d'une prérogative de puissance publique, n'échappant ainsi pas manifestement pas à la compétence de la juridiction administrative, le juge des référés est compétent pour en connaître.
Sur les conclusions tendant à écarter des débats les mémoires en défense présentés par la Scp Bernard I et Alexandre A :
2. Dès lors que ces mémoires sont également présentés pour M. K H A qui, étant l'acquéreur des parts à céder, dont la valeur est fixée par l'arrêté attaqué, est ainsi partie au litige, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin de suspension :
3. Aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".
4. Aux termes de l'article 25 de la délibération la délibération n° 89-104 AT du 27 juillet 1989 modifiée : " () Dans tous les cas prévus au présent article, si les parties n'ont pu convenir du prix de cession, ce prix est fixé en conseil des ministres, après avis d'experts. Le cessionnaire s'engage par écrit envers le cédant à payer le prix ainsi fixé, et son engagement à cet effet est joint à la requête prévue à l'article 24 ainsi que le texte du projet d'acte de cession tenant lieu de l'expédition ou de l'un des originaux visés au même article. Ladite requête contient, s'il y a lieu, la demande de fixation du prix de cession, elle est même limitée à cet objet lorsque la cession n'entraîne pas le retrait du cédant ni l'entrée dans la société d'un nouvel associé () ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait
6. Il ne résulte d'aucun texte ni principe applicable à la situation litigieuse que l'adoption de la décision contestée du conseil des ministres aurait dû être précédée de la communication aux parties de l'avis des experts ou de la possibilité de présenter des observations sur la décision à intervenir.
7. En se fondant sur la convention du 16 décembre 2013, établie entre Me I, M. F D et M. H A, dans laquelle la valeur de l'office notarial avait été évaluée à la somme de 220.000.000 XPF, mais dont il ne ressort pas des pièces qu'elle soit jamais entrée en vigueur, sur le pré-rapport en date du 14 février 2020, de l'expert M. C qui valorisait les parts sociales à hauteur de 203.680.414 XPF, non produit, et à la circonstance également non justifiée que le produit brut de l'étude serait de 270.000.000 XPF sur cinq ans, les consorts I ne peuvent être regardés comme établissant l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'acte attaqué.
8. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, en l'absence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, la requête ne peut qu'être rejetée.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. K H A et de la Scp " Office notarial Bernard I et Alexandre A " tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. J I, M. L I, M. M I et M. N I, à la Polynésie française et à M. K H A et à la Scp " Office notarial Bernard I et Alexandre A ".
Fait à Papeete, le 19 août 2022.
Le président,La greffière,
P. Devillers V. Ly
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Un greffier,
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