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Accueil > Justice administrative > Décision n° 458607 du 27 juillet 2022

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Conseil d'État
Section du contentieux
Lecture du 27/07/2022
Décision n° 458607

Type de recours : Appréciation de la légalité

Solution : Rejet

Décision du Conseil d'Etat n° 458607 du 27 juillet 2022

Section du Contentieux

10ème et 9ème chambres réunies


Vu la procédure suivante :
Par un arrêt n° 368/add du 28 octobre 2021, enregistré le 22 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour d'appel de Papeete a, en application des dispositions de l'article 211 du code de procédure civile de la Polynésie française, sursis à statuer et renvoyé au Conseil d'Etat la question de la légalité de l'abrogation de l'article 10 du décret n°60-389 du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privés par le décret n° 2008-263 du 14 mars 2008 relatif aux dispositions réglementaires du livre IV du code de l'éducation qui a codifié ces dispositions à l'article R. 442-40 du code de l'éducation mais sans les rendre applicables en Polynésie française.
Par deux mémoires, enregistrés le 24 janvier et le 29 juin 2022, la société Allianz et l'Eglise protestante Maohi concluent à titre principal à ce que le Conseil d'Etat déclare que l'abrogation de l'article 10 du décret n° 60-389 du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privés par l'article 15 du décret n° 2008-263 du 14 mars 2008 n'a pas eu pour effet d'exclure les enseignants des établissements privés sous contrat de Polynésie française du mécanisme de substitution de responsabilité de l'Etat désormais codifié à l'article R. 442-40 du code de l'éducation, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat jugerait le contraire, à ce qu'il déclare illégal le décret n°2008-263 du 14 mars 2018 dans cette mesure et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de l'éducation ;
- la loi du 5 avril 1937 modifiant les règles de la preuve en ce qui concerne la responsabilité civile des instituteurs et l'article 1384 du code civil relatif à la substitution de la responsabilité de l'Etat à celle des membres de l'enseignement public ;
- la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 ;
- le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 ;
- le décret n° 75-614 du 2 juillet 1975 ;
- le décret n° 2008-263 du 14 mars 2008 ;
- le décret n° 2020-1907 du 30 décembre 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Allianz et de l'Eglise protestante Maohi ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que le 10 mai 2014, lors d'une sortie scolaire organisée par Mme A, adjointe d'enseignement, pour ses élèves de classe de seconde au collège Pomare IV, situé à Papeete (Polynésie française), établissement privé de l'Eglise protestante Maohi sous contrat d'association avec l'Etat, Lévy B, âgé de 16 ans, a été victime d'un accident qui l'a laissé tétraplégique. Par un jugement du 17 mai 2018, le tribunal civil de première instance de Papeete a déclaré Mme A entièrement responsable de cet accident, l'a condamnée à verser d'une part, à la société Allianz, assureur de M. B, une somme de 4 millions de F CFP en remboursement de la provision versée et, d'autre part, à M. B une indemnité provisionnelle de 5 millions de F CFP à valoir sur la réparation de ses préjudices. Sur appel interjeté par Mme A et la société Allianz, la cour d'appel de Papeete, par un arrêt avant dire droit du 28 octobre 2021, a renvoyé au Conseil d'Etat la question de la légalité, et le cas échéant de la portée, pour la Polynésie française, de l'abrogation par le décret du 14 mars 2008 relatif aux dispositions réglementaires du livre IV du code de l'éducation, des dispositions de l'article 10 du décret du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement qui substituent la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants des établissements privés du second degré sous contrat d'association avec l'Etat, en matière d'accidents scolaires.
2. En premier lieu, le premier alinéa de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose " Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française ". Selon l'article 14 de la même loi organique : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes :/ ()/ 13° Enseignement universitaire ; recherche ; collation et délivrance des grades, titres et diplômes nationaux ; règles applicables aux personnels habilités des établissements d'enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l'accomplissement de missions d'enseignement en ce qu'elles procèdent à l'extension à ces personnels des dispositions concernant les enseignants titulaires de l'enseignement public, y compris celles relatives aux conditions de service et de cessation d'activité, aux mesures sociales, aux possibilités de formation et aux mesures de promotion et d'avancement () ". Il résulte des dispositions précitées que, si la Polynésie française est compétente en matière d'enseignement scolaire, l'Etat demeure seul compétent pour fixer les règles applicables aux personnels habilités des établissements d'enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l'accomplissement de missions d'enseignement en ce qu'elles procèdent à l'extension à ces personnels des dispositions concernant les enseignants titulaires de l'enseignement public. Figurent au titre de ces règles celle relative, en matière d'accidents scolaires, à la substitution de la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants de l'enseignement privé sous contrat.
3. En deuxième lieu, d'une part, s'agissant des enseignants des établissements publics, aux termes de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 modifiant les règles de la preuve en ce qui concerne la responsabilité des instituteurs et le dernier alinéa de l'article 1384 du code civil relatif à la substitution de la responsabilité de l'Etat à celle des membres de l'enseignement public, codifié à l'article L. 911-4 du code de l'éducation, dans sa version applicable en l'espèce : " Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants () ". L'article L. 973-1 du code de l'éducation rend applicables ces dispositions en Polynésie française. D'autre part, s'agissant des enseignants des établissements privés sous contrat d'association avec l'Etat, aux termes de l'article 10 du décret du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privés : " En matière d'accidents scolaires, la responsabilité de l'Etat est appréciée dans le cadre des dispositions de la loi du 5 avril 1937 ". Ces dernières dispositions ont été rendues applicables en Polynésie française, en tant qu'elles concernent l'enseignement du second degré, par l'article 1er du décret du 2 juillet 1975 fixant les conditions d'application au territoire de la Polynésie française, en ce qui concerne l'enseignement du second degré, des dispositions de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés.
4. Si le 18° de l'article 15 du décret du 14 mars 2008 relatif aux dispositions réglementaires du livre IV du code de l'éducation a abrogé l'article 10 du décret du 22 avril 1960, y compris, ainsi que le prévoit l'article 17 du même décret, en Polynésie française, le principe de substitution de la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants, pour les établissements sous contrat d'association, a été parallèlement codifié à l'article R. 442-40 du code de l'éducation. Par ailleurs, l'article 2 du décret du 14 mars 2008, dans sa version applicable en l'espèce, prévoit : " Les références contenues dans les dispositions de nature réglementaire à des dispositions abrogées par l'article 15 du présent décret sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du code de l'éducation ". Il en résulte qu'à compter de la date de l'entrée en vigueur de ces dispositions, l'article 1er du décret du 2 juillet 1975 rendant applicable en Polynésie française le décret du 22 avril 1960, devait être lu, en tant qu'il était relatif à l'article 10 de ce décret, comme se référant à l'article R. 442-40 du code de l'éducation. Le décret du 30 décembre 2021 portant actualisation et adaptation des dispositions du code de l'éducation relatives à l'outre-mer, qui a abrogé l'article 1er du décret du 2 juillet 1975, a introduit dans le code de l'éducation, à son article R. 496-1, des dispositions qui rendent désormais directement applicables en Polynésie-française l'article R. 442-40 du même code.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la règle de substitution de la responsabilité de l'Etat posée, pour les enseignants des établissements privés du second degré, par l'article 10 du décret du 22 avril 1960 est demeurée applicable en Polynésie française malgré l'abrogation de cet article 10 par le décret du 14 mars 2008. Il s'ensuit que l'exception d'illégalité soulevée, devant la cour d'appel de Papeete par la société Allianz, à l'encontre du décret du 14 mars 2008, en tant que l'abrogation de l'article 10 du décret du 22 avril 1960 aurait conduit à l'abrogation de cette règle, n'est pas fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de légalité soulevés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité du décret du 14 mars 2008 relatif aux dispositions réglementaires du livre IV du code de l'éducation, en tant qu'il aurait abrogé, en Polynésie française, la règle substituant la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants des établissements privés du second degré sous contrat d'association avec l'Etat, en matière d'accidents scolaires, n'est pas fondée.
Article 2 : Les conclusions de la société Allianz et de l'Eglise protestante Maohi tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Allianz et à l'Eglise protestante Maohi, à la Polynésie française, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à la cour d'appel de Papeete et à Mme C A.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juillet 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, Mme Anne Egerszegi, M. Alain Seban, M. Thomas Andrieu, M. Alexandre Lallet, conseillers d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 27 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
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