Tribunal administratif de la Polynésie française Lecture du 07/02/2023 Décision n° 2200285 Type de recours : Excès de pouvoir Solution : Rejet | Décision du Tribunal administratif n° 2200285 du 07 février 2023 Tribunal administratif de Polynésie française 1ère Chambre Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 29 août 2022, M. A G et le Syndicat des agents publics de la Polynésie (SAPP), représentés par Me Usang, demandent au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté n° 5803/MEA/DGRH du 2 juin 2022 proclamant les résultats du concours externe, sur titres avec épreuves, et interne avec épreuve pour le recrutement de 116 attachés d'administration de catégorie A, relevant de la fonction publique de la Polynésie française ; 2°) d'ordonner la suppression d'un passage injurieux du mémoire en défense de la Polynésie française ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 F CFP au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est recevable ; un syndicat a un intérêt à agir contre une décision individuelle positive, telle que la liste des lauréats d'un concours ; - les modalités de l'examen n'ont pas été respectées : il a été interrogé sur le diplôme qu'il détenait ; - M. Machenaud-Jacquier, secrétaire général du gouvernement et Mme D, directrice générale des ressources humaines, ne peuvent pas siéger dans le jury lorsque les candidats appartiennent à des centrales syndicales ou ont exercé des fonctions syndicales : M. H l'a interrogé sur les enseignements qui pouvaient être retirés des contentieux engagés pendant la période " Covid " ; ce faisant il a été interrogé sur les contentieux qu'il avait, pour certains, initiés et pour lesquels M. H représentait la Polynésie française ; ce dernier a indiqué : " il y a peut-être des fonctionnaires talentueux qui ont défendu les contentieux, " ; - M. G dispose d'un enregistrement audio de son épreuve orale ; - la composition du jury méconnaît la règle dégagée par le conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt n° 33379, du 18 mars 1983 " Spina " en vertu de laquelle les membres du jury doivent éviter d'analyser la situation des candidats en fonction de la valeur qu'ils estiment pouvoir donner à leurs propres travaux ; - la lauréate et major du concours externe, qui est la fille de l'un des ministres du gouvernement polynésien, travaillait avant avec M. H : cette situation caractérise un conflit d'intérêt, qui se définit comme une interférence entre un intérêt privé et un intérêt public et des intérêts publics ou privés, qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartiale et objectif d'une fonction ; - la délibération n° 95-215, qui interdit la discrimination, est méconnue : le poste 9379 à la direction des impôts et des contributions publiques a été fléché pour un candidat ; cette situation s'était produite lors de concours interne 2017 ; - le fléchage du poste 9838 a été modifié à plusieurs reprises ; le conseil d'état censure les situations révélant une discrimination directe ou indirecte prohibée, révélant une méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics ; - le paragraphe du mémoire de la Polynésie française allant de " au surplus, il devra être admis qu'en adoptant un comportement si sournois, voire malveillant (..) jusqu'à s'affranchir " est injurieux et doit être supprimé. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2022, la Polynésie française conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au requérant de produire l'enregistrement réalisé. Elle fait valoir : - à titre principal que la requête est irrecevable : le SAPP ne rapporte pas la preuve que l'autorité compétente en son sein a autorisé l'introduction de ce recours ; le Syndicat de la fonction publique ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisant ; - à titre subsidiaire qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Par une ordonnance du 8 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2022 à 11h00 (heure locale). Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - la délibération n° 95-217 AT du 14 décembre 1995 fixant les conditions générales de recrutement des agents de la fonction publique de la Polynésie française ; - la délibération n° 95-226 AT du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés d'administration de la fonction publique de la Polynésie française ; - l'arrêté n°227 CM du 2 mars 2020 relatif aux modalités et à la nature des épreuves des concours de recrutements des attachés d'administration de la fonction publique de la Polynésie française ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. F, - les conclusions de Mme E de Saint-Germain, rapporteure publique, - les observations de Me Usang pour M. G et le Syndicat des agents publics de la Polynésie (SAPP) et celles de M. C pour la Polynésie française. Une note en délibéré, présentée par M. G et le Syndicat des agents publics de la Polynésie, a été enregistrée le 31 janvier 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté n° 143 CM du 13 février 2020, un concours en vue de recruter des attachés d'administration de catégorie A relevant de la fonction publique de la Polynésie française a été ouvert. M. G, qui s'était présenté au concours interne, n'a pas été admis. Par la présente requête, M. G et le Syndicat des agents publics de la Polynésie demandent au tribunal d'annuler l'arrêté n° 5803/MEA/DGRH du 2 juin 2022 proclamant les résultats du concours externe, sur titres avec épreuves, et interne avec épreuve, pour le recrutement de 116 attachés d'administration de catégorie A, relevant de la fonction publique la Polynésie française. 2. Aux termes de l'article 1 de la délibération n° 95-226 AT du 14 décembre 1995 : " Les attachés d'administration constituent un cadre d'emplois administratifs de catégorie A au sens de l'article 18 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995, portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française. ( ) ". Selon l'article 3 de cette délibération : " Le recrutement en qualité d'attaché intervient après inscription sur les listes d'aptitude établies : 1°) en application des dispositions de l'article 53 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ; (). ". Selon l'article 4 de cette délibération : " a) Sont inscrits sur la liste d'aptitude prévue au 1° de l'article 3 ci-dessus, les candidats déclarés admis : 1° à un concours externe ouvert pour les 2/3 au moins des postes à pourvoir, aux candidats titulaires d'un diplôme national sanctionnant trois années d'études supérieures après le baccalauréat ou d'un titre ou d'un diplôme de niveau II inscrit au répertoire national des certifications professionnelles, ainsi qu'aux candidats ayant suivi une formation à l'étranger d'une durée au moins égale à trois années d'études supérieures après le baccalauréat et autorisés à concourir par la commission d'évaluation des diplômes étrangers de la Polynésie française ; 2° A un concours interne ouvert pour le tiers au plus des postes à pourvoir, aux fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique de la Polynésie française, qui justifient, au 1er janvier de l'année du concours, d'une durée de service effectif de 3 ans au moins dans un service administratif ou un établissement public administratif, compte tenu de la période de stage ou de formation ; () ". 3. Les requérants soutiennent, en premier lieu, que le secrétaire général du gouvernement et la directrice générale des ressources humaines ne pouvaient siéger dans le jury du concours ou à tout le moins interroger ou participer aux délibérations de certains candidats, en particulier ceux exerçant des mandats syndicaux ainsi qu'une candidate, fille d'un membre du gouvernement, dont le secrétaire général du gouvernement était le chef de service. 4. Aux termes de l'article 8 de l'arrêté n° 2022 CM du 2 mars 2020 relatif aux modalités et à la nature des épreuves des concours de recrutement des attachés d'administration de la fonction publique : " Les jurys de concours sont nommés par arrêté du Président de la Polynésie française. Le jury de chaque concours comprend : - le directeur général des ressources humaines ou son représentant, président ; - le secrétaire général du gouvernement ou son représentant ; - le directeur de la modernisation et des réformes de l'administration ou son représentant ; - un chef de service ou directeur d'établissement public, ou son représentant ; - un fonctionnaire appartenant au cadre d'emplois des attachés d'administration. / En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante. / Des correcteurs ou des examinateurs spécialisés nommés par le Président de la Polynésie française en raison de leurs compétences particulières peuvent être adjoints au jury. Ils peuvent délibérer avec le jury avec voix consultative. ". 5. La seule circonstance qu'un membre d'un jury connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candidat. En revanche, le respect du principe d'impartialité exige que s'abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation. En outre, un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, peut également s'abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat. En dehors de ces hypothèses, il incombe aux membres des jurys de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable. 6. D'une part, il est constant que le secrétaire général du gouvernement et la directrice générale des ressources humaines sont, conformément aux dispositions citées au point 4, membres du jury. M. G, en soutenant que le secrétaire général du gouvernement l'a interrogé sur les enseignements qui pouvaient être retirés des contentieux en lien avec la crise sanitaire alors qu'il en avait initié certains, ne fait pas état d'un comportement hostile ou malveillant à son égard. En outre, les requérants n'apportent aucune précision sur la nature des liens entre les représentants syndicaux et ces deux membres du jury, ni ne produisent d'éléments de nature à établir l'existence d'antagonismes de nature à influer sur l'appréciation portée sur la prestation de représentants syndicaux lors de cette épreuve orale. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le secrétaire général du gouvernement et la directrice générale des ressources humaines auraient dû renoncer à les interroger ou à participer aux délibérations. 7. D'autre part, si les requérants soutiennent qu'une des candidates, fille d'un des membres du gouvernement, avait travaillé dans le service du secrétaire général du gouvernement, ils ne produisent toutefois aucun élément permettant d'établir que ce membre du jury l'a, lors des épreuves d'admission et en particulier lors de l'entretien avec le jury, interrogé et participé aux délibérations la concernant. Par suite, ce moyen doit être écarté. 8. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le jury a méconnu le principe en vertu duquel l'administration doit éviter de désigner pour faire partie d'un jury des chefs de services aux travaux desquels certains candidats auraient pu participer. 9. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté n° 2022 CM du 2 mars 2020 : " les épreuves du concours externe sont les suivantes : () II Epreuves d'admission 1° Un entretien avec le jury visant à apprécier, le cas échéant sous forme d'une mise en situation professionnelle, les connaissances administratives générales du candidat et sa capacité à les exploiter, sa motivation et son aptitude à exercer les missions dévolues au cadre d'emplois, notamment dans le domaine choisi (durée : 30 minutes, coefficient : 5) ; / 2° Une épreuve orale facultative de langue vivante d'une durée de vingt minutes comportant la traduction, sans dictionnaire, d'un texte, suivie d'une conversation, dans l'une des langues régionales ou étrangères suivantes au choix du candidat au moment de l'inscription : tahitien, anglais, espagnol, mandarin (durée de l'épreuve : 20 minutes avec préparation de 15 minutes, coefficient : 2).Seuls sont pris en compte les points au-dessus de la moyenne. / Cette épreuve orale facultative ne s'applique pas au domaine "traduction-interprétariat" et au domaine "affaires internationales et européennes". ". 10. Il ressort des dispositions citées au point précédent que l'entretien avec le jury vise à apprécier, dans le domaine choisi, l'étendue des connaissances du candidat et sa capacité à les mobiliser et non la qualité des travaux qu'il a réalisés dans le cadre de son activité professionnelle. Par suite, les requérants ne se prévalent pas utilement de ce principe qui ne trouve à s'appliquer que lorsque le concours vise à apprécier les titres et les travaux des candidats. 11. En troisième lieu, le secrétaire général du gouvernement, en interrogeant M. G sur son niveau d'études supérieures n'a pas, eu égard au à la nature de cette épreuve, méconnu le contenu de l'épreuve d'entretien telle qu'elle a été fixée par les dispositions citées au point 9. 12. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que le fléchage du poste 9838, sur lequel M. G souhaitait être affecté, a été modifié à plusieurs reprises et que certains candidats ont par le passé bénéficié de cet avantage, ce qui révélerait un traitement discriminatoire. Toutefois, une telle circonstance à supposer même qu'elle soit avérée est sans incidence sur la décision attaquée, laquelle n'emporte aucune affectation mais arrête seulement la liste des candidats admis au concours d'attaché au titre de l'année 2022. 13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et d'ordonner la communication de l'enregistrement réalisé par le requérant, que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 5803/MEA/DGRH du 2 juin 2022 proclamant les résultats du concours externe, sur titres avec épreuves, et interne avec épreuve pour le recrutement de 116 attachés d'administration de catégorie A, relevant de la fonction publique de la Polynésie française, doivent être rejetées. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : 14. Les passages du mémoire de la Polynésie française identifiés par le requérant n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des requérants, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. G et du Syndicat des agents publics de la Polynésie est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A G, au Syndicat des agents publics de la Polynésie et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient : M. Devillers, président, M. Graboy-Grobesco, premier conseiller, M. Boumendjel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023. Le rapporteur, M. Boumendjel Le président, P. Devillers Le greffier, M. B La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier, N°2200285 |