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Accueil > Justice administrative > Décision n° 2300125 du 14 novembre 2023

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Tribunal administratif de la Polynésie française
Lecture du 14/11/2023
Décision n° 2300125

Type de recours : Excès de pouvoir

Solution : Rejet

Décision du Tribunal administratif n° 2300125 du 14 novembre 2023

Tribunal administratif de Polynésie française

1ère Chambre


Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, l'Association Ahifa de D F T et Mmes H G et E D épouse F, représentées par Me Fidele, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la délibération n° 5-23 du 28 février 2023 par laquelle le conseil d'administration de l'établissement Grands Projets de Polynésie (G2P) a autorisé son directeur général à signer une promesse de bail emphytéotique sur le lot n° 05 du projet " le village tahitien " et ses annexes ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 301 CM du 1er mars 2023 rendant exécutoire cette délibération et ses annexes ;
3°) d'enjoindre à l'établissement G2P et à la Polynésie française de prendre les mesures nécessaires pour résilier la promesse de bail emphytéotique, objet de la délibération attaquée ;
4°) de mettre à la charge de G2P et de la Polynésie française la somme de 100 000 F CFP à payer à l'Association Ahifa de D F T, à Mme H G et à Mme E D épouse F ;
Elles soutiennent que :
- la terre Tepaturoa se trouve dans le périmètre de la procédure d'expropriation pour ce qui concerne les parcelles cadastrées C-188, C-190 et C-191 ; les ayants droits de feu M. D se sont constitués en association, laquelle a, notamment, pour objet de représenter et de défendre les intérêts des membres de l'association ;
- la délibération en litige est un acte administratif ; elle émane d'un " établissement public à visage inversé " ; si l'arrêté n° 1913 CM du 23 décembre 2013 qualifie G2P d'établissement public industriel et commercial, il présente les caractères d'un établissement public administratif ; les trois indices permettant de caractériser la nature administrative d'un établissement que sont l'objet du service, l'origine des ressources et les modalités de son organisation et de son fonctionnement démontrent qu'il s'agit d'un établissement public administratif ; la chambre territoriale des comptes avait ainsi qualifié l'établissement Tahiti Nui Aménagement et Développement (TNAD), devenu G2P ;
- les derniers comptes financiers montrent que les produits d'exploitation sont encore très largement issus de fonds publics ; la taxe spécifique pour les grands travaux et routes et les prestations de maîtrise d'ouvrage déléguée et de maîtrise d'œuvre pour le compte de la Polynésie française et de ses établissements représentent 96,4 % des produits d'exploitation en 2021 et 95,5 % en 2020 ; les conventions de maîtrise d'ouvrage déléguée et de maîtrise d'œuvre signées par la Polynésie française avec G2P ne font l'objet d'aucune mise en concurrence ; les recettes d'investissement proviennent également intégralement de fonds publics ;
- les choix techniques sont également arrêtés par l'exécutif ; l'article 18 de l'arrêté n° 1913 CM du 23 décembre 2013 a institué un comité technique présidé par le président du conseil d'administration, qui arrête les dispositions techniques des projets ;
- l'agent comptable de l'établissement est le payeur de la Polynésie ;
- G2P se présente lui-même comme un EPA de la Polynésie française ;
- la délibération du conseil d'administration (CA) de cet établissement a été rendue exécutoire par arrêté du conseil des ministres ; cette délibération est un acte détachable du contrat, qui peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, même après la conclusion du contrat, la requête est donc recevable ;
- le procédé tendant à faire adopter le plan d'aménagement par voie de convention entre G2P et les attributaires des six lots est constitutif d'un détournement de procédure ; il permet à l'administration de contourner les procédures de consultation du public et de la commune de Punaauia prévues à l'article 2 de la loi du pays du 23 janvier 2014 ;
- ce procédé est également entaché d'incompétence ; l'article 2 de la loi du pays du 23 janvier 2014 précité attribuant au conseil des ministres la compétence pour édicter le plan d'aménagement ;
- il résulte des dispositions de l'article 12-1 du code de l'expropriation applicable en Polynésie française que le transfert de propriété n'intervient qu'une fois que l'ordonnance d'expropriation est rendue ; en l'espèce, le transfert de propriété n'est pas effectif et G2P, qui n'est pas l'expropriant, est entré en possession des parcelles en litige ; la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité portent sur le projet Tahiti Mahana Beach et non sur " le village tahitien " ; les actes attaqués devront être annulés par la juridiction, qui est compétente pour statuer sur les emprises irrégulières.
Par un mémoire enregistré le 6 juin 2023, l'établissement Grands Projets de Polynésie (G2P), représenté par la Selarl Jurispol, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 300 000 F CFP soit mise à la charge des requérants.
Il fait valoir :
à titre principal que la requête est irrecevable :
- le juge de l'expropriation a, par ordonnance du 17 novembre 2015, prononcé l'expropriation pour cause d'utilité publique, notamment, des parcelles cadastrées C-188, C-190 et C-191 de la terre Tepaturoa ; en application de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le droit de propriété a été transféré à l'expropriant de plein droit dès la date de l'ordonnance expropriation ; les consorts D, qui ne sont plus propriétaires des parcelles expropriées, ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la délibération en litige ;
- l'association Ahifa de F D, qui n'a jamais été titulaire de droits de propriété sur les parcelles en cause, est dépourvue d'intérêt à agir ;
à titre subsidiaire qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 21 juin 2023, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir :
- à titre principal que la requête est irrecevable dès lors que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir suffisant ;
- à titre subsidiaire qu'aucun des moyens n'est fondé
Par ordonnance du 7 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2023 à 11h00 (heure locale).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de l'expropriation de la Polynésie française ;
- la loi du pays n° 2014-3 du 23 janvier 2014 ;
- l'arrêté n°1152 CM du 20 août 2015 ;
- l'arrêté n° 1913 CM du 23 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boumendjel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Theulier de Saint-Germain, rapporteure publique,
- les observations de Me Fidèle pour l'Association Ahifa de D F T et Mmes H G et E D épouse F et celles de Mme A pour la Polynésie française.
Une note en délibéré a été présentée pour les requérants, enregistrée le 26 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La loi du pays du 23 janvier 2014 a créé sur le territoire de la commune de Punaauia une zone prioritaire d'aménagement et de développement touristique dite " Zone de Mahana Beach ". Par un arrêté du 9 avril 2015, le président de la Polynésie française a prescrit, d'une part, l'ouverture d'une enquête sur l'utilité publique du projet d'acquisition des terrains nécessaires au projet " Tahiti Mahana Beach ", et, d'autre part, l'ouverture d'une enquête parcellaire en vue de délimiter exactement les parcelles à acquérir pour la réalisation du projet. Le 20 août 2015, un arrêté pris en conseil des ministres a déclaré d'utilité publique l'acquisition des parcelles nécessaires et notamment les terres cadastrées C-188, C-190 et C-191. Le 17 novembre 2015, le juge de l'expropriation a ordonné l'expropriation pour cause d'utilité publique au profit de l'établissement TNAD (devenu G2P), notamment, des parcelles C-188 à C-190. Le 28 février 2023, l'établissement G2P a adopté une série de délibérations autorisant son directeur général à signer des promesses de baux emphytéotiques avec les groupements retenus pour la réalisation du projet " le village tahitien ". Par la présente requête, l'association requérante demande au tribunal d'annuler la délibération du conseil d'administration de G2P n° 05/23/CA/GEP du 28 février 2013 autorisant son directeur général à signer avec M. C B une promesse de bail emphytéotique sur le lot n° 05 du projet " le village tahitien " et l'arrêté n° 300 CM du 1er mars 2023 rendant exécutoire cette délibération et ses annexes.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Aux termes de l'article 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable à la Polynésie française : " Le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré par voie soit d'accord amiable, soit d'ordonnance. / L'ordonnance est rendue sur le vu des pièces, par le juge dont la désignation est prévue à l'article L. 13-1 ci-après. L'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux dispositions du chapitre III et de l'article L. 15-2. " Selon l'article L. 12-2 de ce même code : " L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ".
3. Il ressort des pièces dossier que le juge de l'expropriation a, par ordonnance du 17 novembre 2015, prononcé l'expropriation pour cause d'utilité publique, notamment, des parcelles cadastrées C-188, C-190 et C-191 relevant de la terre Tepaturoa. En application de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en Polynésie française, cité au point précédent, le droit de propriété a, ainsi, été transféré à l'expropriant de plein droit dès la date de l'ordonnance expropriation. En outre, il est constant que ni les requérantes ni aucun ayant droit de Mme D n'ont contesté cette ordonnance d'expropriation qui, nonobstant l'arrêt n° 16-10.717 du 27 avril 2017 de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, " rendu entre les parties ", est devenue définitive à leur égard. Dans ces conditions, l'établissement G2P est fondé à soutenir que les requérantes ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la délibération du 28 février 2023 par laquelle le conseil d'administration de l'établissement G2P a autorisé son directeur général à conclure avec M. B un bail emphytéotique sur ces parcelles et l'arrêté n° 301 CM du 1er mars 2023 la rendant exécutoire.
4. Il résulte de ce qui précède que la requête est irrecevable et doit être rejetée pour ce motif.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'établissement G2P ou de la Polynésie française, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mmes G et D et l'association Ahifa de D F T. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des requérantes une somme de 150 000 F CFP au titre des frais exposés par l'établissement G2P et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'Association Ahifa de D F T et de Mmes H G et E D épouse F est rejetée.
Article 2 : L'Association Ahifa de D F T et Mmes H G et E D épouse F verseront à l'établissement Grands projets de Polynésie, ensemble, la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'Association Ahifa de D F T, à Mmes H G, à E D épouse F, à l'établissement Grand Projets de Polynésie et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Devillers, président,
M. Graboy-Grobesco, premier conseiller,
M. Boumendjel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur,
M. Boumendjel
Le président,
P. Devillers
La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,
N°2300125
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Bienvenue.
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